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{Achevé} Rien ne vaut un bon foyer

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{Achevé} Rien ne vaut un bon foyer  - Page 2 Empty Re: {Achevé} Rien ne vaut un bon foyer

Message  Invité Mer 22 Mai - 23:41

Après la victoire

Si les préparatifs du combat contre les chats sabres, la tension de l'attente et les émotions durant l'attaque avaient secoué les nerfs et vidé les réserves d'énergie, ce n'avait pas été aussi violent et brutal qu'une lutte au corps à corps, une véritable bataille. Les assiégés étaient restés le plus longtemps possible derrière leurs défenses et avaient ainsi économisé leurs forces sans jamais avoir senti la rage du désespoir, l'angoisse des efforts inutiles, la certitude de la mort imminente. Pas une minute, les hommes n'avaient perdu le contrôle. Il fallait admettre que la maîtrise du feu et le pistolet de Christiana les avaient sauvés . Démétrios se dit que les connaissances du futur pouvaient donner à un Voyageur dans le passé une maîtrise inusitée des évènements et par là même le pousser à vouloir en tirer avantage .
Mais ce qui est écrit est écrit. On ne devait pas pouvoir modifier le passé en s'y taillant la part du lion. Il n'était pas question par exemple de prévenir les erreurs et les traîtrises qui avaient permis aux Spartiates de soumettre Athènes. Se retrouver à Aigos Potamos avec la recette du feu grégeois, transformer le désastre naval en victoire éclatante ou bien voir un Démétrios adulte apparaissant enfin aux côtés de son père à Chéronée, là où l'adolescent n'avait su prendre sa place... Non, le destin une fois écrit devenait la loi suprême et le malheur accompli ne saurait plus être effacé par une réécriture en palimpseste. Toujours, la version initiale serait la seule vérité .
Il se souvint de l'horrible émotion qui l'avait saisi quand Zorvan lui avait montré vivante sa jeune épouse Chrysothémis. Il la savait couchée pour l'éternité, son nouveau-né contre elle, dans le tombeau dressé pour eux sous les oliviers de Mégare. Accepter la joie de retrouver la seconde Chrysothémis, c'était aussi refuser la première et son triste destin. N'était-ce pas le sens de l'histoire d'Orphée ? On ne doit pas se retourner sur le passé infiniment inaccessible mais marcher droit vers la fin du tunnel, suivi de la cohorte invisible de ses morts.
Parfois Démétrios se demandait quel était le but poursuivi par le Dévoreur peuplant de Voyageurs les couloirs du temps. Le respect profond qu'il avait immédiatement ressenti pour celui que son frère Lycias lui avait présenté comme un Prince, l'émerveillement devant ses pouvoirs et sa noblesse de pensée, tout le lui rendait aussi sacré et mystérieux qu'un être semi-divin, un Heraklès ou un Achille, malgré son évidente humanité. Comment ne pas être rempli de respect et d'admiration pour un tel personnage ? L'Athénien s'étonnait parfois de la désinvolture avec laquelle Christiana évoquait le Dévoreur, Zorvan tout aussi bien, considérés avant tout comme des utilités nécessaires à ses seuls projets et réalisations personnelles. Elle ne s'inquiétait apparemment pas du pourquoi de son recrutement et n'attendait que sa libération des épreuves et l'acquisition du pouvoir promis.
Avant leur plongée dans le vortex et la séparation devant la porte de Zorvan, le grand Voyageur lui avait promis de le revoir. Démétrios attendait donc le retour du Dévoreur et alors, il saurait sans doute pour quelle fin toute cette immense machine avait été mise en place et quel rôle il aurait à y jouer. Saurait-il dire non, si les buts révélés s'avéraient décevants, ou même contraires à ce qu'il jugeait être bon?

Démétrios vit que Christiana, qui s'était assise au dehors, lui faisait signe de la rejoindre ; il obtempéra, ramassant au passage un épieu resté dans l'herbe. Oui, s'asseoir ferait du bien et aussi peut-être vérifier dans sa ceinture si lui aussi avait reçu cet objet étonnant qui transposait les pensées exprimées. Il lui semblait que c'était le premier signe de l'apparition prochaine du Dévoreur et il fallait savoir s'il en serait exclu. La méfiance soupçonneuse manifestée par Christiana à son égard quand elle avait découvert l'objet semblait avoir disparu. Les femmes étaient peut-être aussi sensibles à la fraternité née du combat et des dangers partagés et il était certain que la jeune femme s'était comportée en brave, se rangeant sans hésitation du côté des hommes, se donnant toute entière à la lutte, petite Athéna sans peplos, sans casque et sans égide. Il sourit en pensant à leur divinité supposée. Christiana jouait à la déesse avec autant d'aplomb qu'elle avait joué au chasseur de tigres.
Il sentit, en se laissant tomber sur le tronc de l'arbre couché près de la souche où elle s'était assise, que lui aussi apprécierait ce moment de repos. Après tout, ils étaient victorieux et les dieux vainqueurs se réjouissent toujours comme les simples mortels en prenant place au banquet, buvant le divin nectar du succès.

Le repos des dieux
~
chacun son traducteur
L'odeur de viande grillée commençait à envahir le camp. Démétrios poussa un grand soupir de satisfaction.
Tout le camp s'activait. Les hommes dépouillaient les bêtes avec des racloirs en pierre taillée. Les femmes rassemblaient les tisons fumants du brasier, houspillant les plus jeunes pour qu'ils aillent ramasser du bois et une sorte de plante que Démétrios connaissait bien pour en avoir apprécié le fort goût de céleri lors de ses séjours en Dacie où elle était fort répandue. Le traducteur de Christiana nommait la plante livèche mais lui savait que c'était de l'ache des montagnes. Du coup, il plongea la main dans sa ceinture et tâta le petit sac allongé où il gardait son modeste bagage. Il retint un sourire. Oui, il y avait un objet de plus, un objet cylindrique un peu renflé. Apparemment le Dévoreur adaptait son cadeau à la personnalité de chacun de ses protégés. Démétrios n'en attendait pas moins de la part du grand magicien et quand ses doigts rencontrèrent ce qui devait être le fameux bouton rouge, il appuya sans hésiter. Aussitôt les paroles qu'échangeaient les Opolos se modifièrent légèrement. La femme qui venait de rejeter les herbes apportées par un gamin penaud en disant d'un air fâché : "De la livèche, ça .?" renvoya ce dernier en haussant les épaules : "Tu ne sais pas encore reconnaître de l'ache ? Sers-toi de ton nez, petit idiot !"
Prodigieux ! Le traducteur s'adaptait au langage et au savoir de son porteur ! Cela expliquait quelques petits dérapages quand seul le traducteur de Christiana fonctionnait. Démétrios aurait bien embrassé Zorvan s'il s'était manifesté, mais à la réflexion, en Zorvan insubstantiel, ç'eût été assez effrayant, et en Zorvan tangible.. on pouvait redouter la réaction. Le gardien avait la bourrade amicale plutôt surprenante.
~~
Conversation d'avant dîner
Démétrios allait montrer sa trouvaille quand Christiana prit la parole et la regardant, il vit
que la jeune femme montrait des signes de fatigue. La simplicité soignée qu'elle présentait dans l'Antichambre avait fait place au désordre dans sa tenue, sa coiffure, un épuisement visible marquant ses traits naturellement volontaires. Sa voix resta cependant décidée quand elle s'adressa aux femmes pour ordonner quelques détails de confort et ses premiers mots à l'adresse de son compagnon d'aventure montraient qu'elle était loin de se laisser aller, organisant le présent et planifiant l'avenir immédiat. Elle voulait voir les mammouths et se félicita de leur déification. Le Grec apprécia au passage le mot autochtone. Ainsi ces braves créatures étaient-elles nées de la Terre, comme Cecrops, le roi-serpent, fondateur d'Athènes. Démétrios ne croyait pas à Cecrops alors que les barbares en peaux de bête étaient on ne peut plus réels. Mais le traducteur revint sur le mot et le remplaça par, au sens dérivé : indigène, propre au lieu . De toutes façons, Christiana en savait plus que lui sur leur situation dans le temps, certes sans trop de précision, mais enfin elle connaissait les mammouths, au moins de nom.
Démétrios lui répondit, tout en prenant son poignard pour retailler l'épieu épointé.

-J'aimerais bien voir aussi des éléphants poilus géants. Mais il faudra être prudent. Ces animaux ont écrasé le village de l'enfant blessé et tué les habitants. Certes les pachydermes étaient effrayés par les chats sabres. Et puis..

Il s'arrêta, jeta un regard inquiet sur les pieds qu'exhibait la jeune femme qui s'était débarrassée de ses chaussures Elle poursuivit , semblant désireuse de converser en attendant que la viande soit prête, et lui posa à la file plusieurs questions. Il y répondit dans l'ordre , tout en se demandant si elle était vraiment intéressée. Comment parler de toute son époque en attendant simplement de dîner ? Ses us et coutumes ? Mais tout était us et coutumes. Elle voulait peut-être seulement être aimable.

-Je ne sais en médecine que ce que chacun apprend de l'expérience. Les maladies , les blessures reçues au sport ou au combat ou dans les accidents. J'ai navigué et en mer, on est bien obligé de se débrouiller. Et aussi pour les maladies du voyage, les fièvres, les maux de ventre. Les médecins vous donnent des plantes. On finit par les reconnaître. A propos, il faudrait mettre du plantain sur vos ampoules et vous entourer les pieds de bandes de peaux bien souples. Sinon demain vous ne pourrez plus marcher sans souffrir terriblement. Nos hôtes devraient avoir ce qu'il faut.


Il réfléchit un instant avant de poursuivre:

-Parler de mon époque ? Il faudrait mieux que vous me disiez ce que vous, vous en savez, et je rectifierai et complèterai au besoin. J'ai vu que dix siècles plus tard, il n'en restait que des lambeaux dans la mémoire des hommes, avec autant de légendes et d'erreurs que de connaissances exactes sur ce que nous fûmes. Et cependant, ces Byzantins en savaient sur le monde et l'usage des choses bien plus que moi qui passais pour savant en mon temps .
Plus de vingt siècles nous séparent. Je croyais que nous autres Athéniens avions atteint le niveau quasi optimal des connaissances permises aux hommes. Mais je commençais à en douter car le monde s'était élargi avec Alexandre et le savoir semblait s'être développé ailleurs que dans ma patrie. Vous devez avoir trouvé la réponse à bien des mystères


Il s'arrêta de tailler son épieu, inquiet en pensant que, s'il devenait Voyageur, il perdrait à jamais la tranquille assurance de celui qui ne peut que suivre le cours du temps et pour qui demain est toujours un autre jour. il reprit :

-Mais je répondrai à votre dernière question. Vous ne voulez pas paraître suspecte ? Vous êtes une femme. Ou bien il vous faudra vivre en recluse et ne vous occuper que de votre intérieur. Ou bien vous devrez être une esclave, une femme du bas peuple ou encore une prostituée. C'est ce dernier état qui me paraît le plus souhaitable pour vous, mais si vous ne voulez pas d'un sort méprisé et misérable, vous devrez vous présenter en hétaïre déjà riche et précédée de votre renommée. vous devrez vous entourer de danseuses et de musiciennes de talent, être cultivée dans l'art de la conversation et de la séduction.Evidemment, si je vous accompagne, je veillerai à célébrer vos mérites. Quelle est la situation des prostituées dans votre temps ?

Il regarda, l'air sceptique, la fragile stature de Christiana et conclut :

-C'est dommage que vous ayez une forte poitrine . Le mieux serait de vous faire passer pour un garçon . Je ne suis pas connu pour les aimer. Mais ce serait un excellent moyen d'être reçu partout que de passer pour mon.. Oh! voilà des brochettes. Je meurs de faim . Et de soif...mais pour le vin de Chypre, je crois que ce n'est pas encore l'époque !

Le lendemain
Démétrios regarda vers la grotte où ils avaient passé la nuit . Christiana, les pieds et les mollets bandés de lanières de cuir et de fourrures, paraissait déjà habituée à ce chaussage inédit et se déplaçait apparemment sans douleur. Il trouvait quand même trop risqué de partir vers le village ravagé par les mammouths d'autant que les hommes trouvaient l'idée très mauvaise. Ils avaient d'ailleurs une façon très puérile de considérer leurs rapports avec des êtres censés être divins. Divins, soit, puis qu'essentiellement mystérieux et dotés du pouvoir de faire le feu, possédant des objets totalement inconnus et sans rapport avec leur maigre possessions : armes de bois et de pierre taillée, quelques bols creusés dans le bois ou d'argile grossière, des colifichets de dents perforées, de pierres colorées et d'ambre, des peaux de bêtes mal préparées. Christiana avait froncé son joli nez en se laissant bander les pieds dans du cuir qui sentait le fauve et le suint.
Oui, ils étaient les dieux du feu et de l'orage. Mais de là à les entourer d'un respect ritualisé, à ne voir en eux que l'Esprit sacré et oublier leur enveloppe humaine, il y avait un degré de spiritualité que ces êtres à l'aube de l'humanité n'avaient pas encore atteint. Les Opolos dirent donc nettement que les mammouths devaient être encore dans les environs et qu'ils n'iraient pas. Ils attendraient deux ou trois jours pour donner le temps au troupeau de s'éloigner à la recherche d'un autre pâturage. On avait à manger. Quel besoin de quitter la grotte. Rien ne vaut un bon foyer !
Démétrios voulait certes voir les mammouths et ce village car il espérait, même détruit, y trouver un état de civilisation un peu plus évolué, des armes plus efficaces, des renseignements sur la région , un but pour aller de l'avant.L'idée de rester dans la grotte à manger du chat sabre faisandé tout en ramassant du bois mort ne lui plaisait guère. Zorvan leur avait dit que ce séjour devait montrer leurs capacités à survivre dans un milieu rude et primitif, eux, les enfants gâtés, privilégiés chacun dans son époque. Démétrios était bien décidé à lui montrer ce que valait un Athénien, fils de Théramène le sage et du général Démoclès de Phalère. Mais partir à deux, sans escorte, était bien irréfléchi. Démétrios hésitait encore, arpentant la clairière, quand un homme apparut sortant du bois, boîtant bas, appuyé sur une lance. Il parut terrorisé en le voyant et s'effondra sur les genoux en poussant une clameur suraigüe. Tout le monde sortit de la grotte, y compris le gamin blessé du village des Pilouas, qui poussa un cri de joie :
-Oncle Tukhur !

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Message  Invité Mer 29 Mai - 21:40

L'odeur mettait en appétit. Cela n'avait rien de la délicieuse saveur qui se dégageait chaque soirs des plats préparés par le traiteur du Bacchus. Ce mélange de saveur que Christiana avait toujours connu. Cette odeur préhistorique se rapprochait de celle des grillades. Typiquement le genre de chose que Christiana n'avait jamais connu. Cette grillade de smilodon fut la première pour la jeune femme. Son premier feu de camp, premier barbecue sauvage dans tous les sens du terme ! Feu de camp, viande préhistorique et compagnie primitive.
Tout était bien huilé chez les Opolos. Une organisation quasi militaire. Christiana se demanda si Démétrios soupirait de satisfaction face au repas qui allait bientôt arriver ou à la manière dont celui-ci était préparé.
À moins que ce soupir ne fut le résultat d'autre chose. Elle regarda son compagnon de voyage plonger sa main dans sa sacoche. Elle se doutait de la raison d'une telle exploration de ses biens. Le traducteur du Dévoreur devait y être pour quelque chose. Démétrios devait vérifier s'il en possédait un lui aussi. Instinctivement, Christiana porta la main à son sac pour deviner les formes de son traducteur. Non pas qu'elle n'avait pas confiance en Démétrios, au contraire, elle commençait à avoir foi en la fiabilité du grec. Mais question d'habitude. La méfiance subsistait et Christiana s'assurait que le traducteur était toujours en sa possession et non dans le sac de Démétrios.

Satisfaite de sentir la chose du futur calée entre son colt banker special et son carnet, elle frotta sa jupe au niveau des cuisses et remettait en place sa tenue. Du moins elle fit comme elle put. Plus de bas, une jupe à l'ourlet déchiré, une voilette garnie de moucherons, une coiffure digne d'un lever après une nuit mouvementée. Elle n'avait plus rien de la meneuse tirée à quatre épingles qui n'hésitait pas à tyranniser les employés du Bacchus. Elle retira les épingles à cheveux qui tenait son chapeau sur sa tête et laissa tomber son couvre-chef. Elle le posa délicatement sur ses cuisses et entreprit de débarrasser sa voilette des moucherons et autres saletés quand Démétrios se mit à parler longuement, répondant ainsi à ses questions. Lui aussi occupait ses mains tout en parlant. L'épieu allait devenir encore plus piquant.

Il émit le souhait de vouloir, lui aussi, voir les mammouths.

- Parfait ! Nous irons donc les voir. Ce serait dommage de quitter ce temps sans voir une autre créature disparue.

Puis vinrent les réponses aux questions. D'abord, il lui conseilla un soin pour ses pieds. Conseil qui fut le bienvenue et bientôt exécuté par les bonnes mains obéissantes qu'étaient les Opolos.

- Je dois avouer que je ne sais pas grand chose de votre époque. Je ne suis pas un rat de bibliothèque, je n'ai jamais cherché pas à me cultiver. Je n'ai toujours assimilé que ce qui pouvait profiter aux intérêts de ma famille. Je connais bien quelques noms de vos dieux. Le club de ma famille porte bien le nom romain de votre Dionysos. De la Grèce, je ne connais que ce qu'elle est à mon époque. Une époque de conflit en tout genre, de guerre mondiale. Je sais qu'il y a de nombreuses ruines antiques, un peu comme un Égypte.

Pour la suite, Christiana ne cacha pas son mécontentement quand elle comprit qu'il allait lui être difficile de naviguer à l'époque de Démétrios selon son bon vouloir. Elle comprit que son premier voyage à l'époque de Démétrios allait devoir se faire en sa présence. Christiana commença à imaginer divers moyens d'aller à cette époque seule, en toute liberté. Mais une question soudaine de Démétrios la sortit de ses songes. Une question à laquelle elle ne s'attendait pas. Le grec souhaitait en savoir plus sur la prostitution de son époque. Christiana le fixa avec des yeux ronds.

- La... prostitution ? Eh bien... Hmmm... Dans les grandes villes, elle est surtout dirigée par les familles mafieuse. C'est une des rares activités dans laquelle ma famille n'a pas mis les pieds. La situation des prostitués est... disons que... en fait je n'en sais rien. Et je ne me suis jamais posée la question. Elles ne m'intéresse pas le moins du monde.

Démétrios avait émis l'idée de faire passer Christiana pour un homme mais que sa poitrine allait poser problème. Aussitôt, Christiana regarda ses seins et fronça les sourcils. Démétrios semblait avoir suffisamment observé sa gorge pour s'être fait la remarque que cela n'allait pas être possible. Tandis qu'elle jetait un regard glacial au grec, celui-ci se jetait sur la viande qui leur était servie par les autochtones.

Les hommes offrirent à Christiana sa part, sans oser la regarder dans les yeux. Des yeux qu'elle avait encore d'un peu glacial.
Elle se vit donc apporter une part digne d'une déesse ! Elle savait qu'elle n'allait pas tout manger. Alors elle ne prit que ce qu'elle voulut et laissa le reste aux Opolos, leur demandant prestement d'aller apporter cela aux femmes, le tout accompagné d'un signe de main dédaigneux. Elle goutta ensuite la viande du bout des dents. Elle mastiqua longuement et finalement, croqua plus goulûment dans la viande.

- Cela a le goût du gibier et la texture de l'alligator. En avez-vous déjà mangé ?

Le repas se poursuivit presque en silence. La conversation entamée sur la découverte de leur époque respective s'était interrompue au profit du pique-nique préhistorique, pour finalement se solder par une nuit de repos bien méritée dans la grotte, sur les lits de fortunes confectionnés par les femmes à la demande de Christiana.

Le lendemain, Christiana eut les pieds bandés afin de soigner ses ampoules et égratignures, ainsi qu'un sermon au sujet de leur volonté de voir les mammouths de plus près. Elle se pencha vers la femme qui lui pensait le pied droit et dit sèchement :

- J'irai voir les mammouths. De loin. Certes. Mais je les verrai. Et si cela ne convient à perso...

Christiana fut interrompue par un enfant qui se mit à crier de joie. Oncle Tukhur ? A peine le bandage terminé, Christiana se leva brusquement et s'avança pour mieux voir l'homme qui arrivait. Il se précipita vers l'enfant qui venait de prononcer son nom et le serra contre lui. Puis l'oncle Tukhur apperçut Christiana et Démétrios. Aussitôt, la panique l'envahit. Le garçon le rassurant en lui expliquant que c'était Fa-Hi et Bzzipam, les dieux venus les guider dans leur combat contre les chats sabres. Le traducteur faisait son effet, Christiana avait tout compris. Visiblement, Démétrios aussi car quand le garçon parla de lui à son oncle, celui-ci prit un air assez fier de lui. Cela arracha un sourire en coin de bouche à Christiana, qui se dit que finalement, elle n'était peut-être pas la seule à apprécier le statut de divinité.

- Vous arrivez du village ? Demanda brusquement Christiana à l'oncle Tukhur, sans mettre la moindre forme dans sa demande.

Pas de temps à perdre ! Dans l'esprit de Christiana, cela fonctionnait ainsi : « on questionne et on agit ensuite. Pas le temps pour les formalités ». Toujours en finesse !

- Êtes-vous seul à avoir survécu aux mammouths ? Sont-ils toujours prêt du campement ?

Christiana se tourna vers les Opolos.

- Vous n'avez toujours pas envie d'aller jeter un coup d’œil au village ? Quand je vous disais, qu'il fallait y aller. Hein ?! S'exclama Christiana, faisant ainsi passer son envie d'aller au village pour voir les mammouths de plus près pour un prétendu acte de divination.
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Message  Invité Lun 3 Juin - 13:43

Oncle Tukhur était un gaillard qui, une fois que son neveu eût rapidement lancé quelques explications, ficha sa lance en terre, leva les bras au ciel, ce qui semblait être un geste fréquent chez les Opolos, avec le grattage de tête et d’autres endroits très personnels.
Le chef poussa quelques grognements en dansant d’un pied sur l’autre, ce qui embrouilla le traducteur qui finalement se fixa sur "expression rituelle de bienvenue." tandis que, jouant très bien le rôle de la déesse s’adressant aux faibles mortels, Christiana prenait la direction de l’interrogatoire.

Il ressortit de explications que Tukhur avait fui le village au début du passage des mammouths et rejoint la côte avec trois autres villageois. Il les énuméra en montrant ses doigts et annonçant leur nom, tous précédés de Oncle. Pour échapper aux smilodons, ils s’étaient cachés dans les petites grottes suspendues qui creusaient les falaises. Au matin, lui, brave parmi les braves, avait décidé de quérir du secours chez les Opolos pour ensuite aller en groupe au village afin de voir si les pachydermes s’étaient éloignés. Il craignait que les foyers non alimentés ne se soient éteints. Le chef montra Fa-Hi puis Christiana et son propre foyer à l’entrée de la grotte avec force gestes explicatifs. Le traducteur avait choisi de résumer très brièvement ces démonstrations à peine articulées d’où il ressortait que Fa Hi avait la Pierre du Feu et Bziippam la Main de Foudre. Tukhur recommença sa pantomime, imité par la tribu et Démétrios, qui aimait les beaux discours, commençait à trouver ces palabres gestuels et démonstrations bruyantes plutôt fastidieux. Tukhur reprit son récit alternant gestes, paroles brèves et exclamations.
Sur la pente, en venant, il avait glissé et s’était tordu la cheville, ce qui l’avait ralenti. Et par ailleurs, trois hommes étaient partis pêcher des truites avant le passage des mammouths, ils étaient peut-être encore vivants, mais ils pouvaient avoir été dévorés par les smilodons. Le chef montra les peaux qui séchaient au soleil, ce qui entraîna à nouveau toute une série de cris de victoire des Opolos, mimant les gestes de la chasse, transperçant un gibier invisible, prenant des pauses exagérées tout en roulant des yeux farouches.
Christiana en profita pour proposer de nouveau d’aller visiter le village pour rechercher d’autres survivants. Mais les Opolos trouvaient plus sages de ramener les rescapés de la falaise afin de ne pas laisser le camp sans défense. Position de bon sens que Fa-Hi approuva malgré l’impatience de Christiana qu’il commençait d’ailleurs à partager. Le soleil était déjà haut, le temps ne semblait pas compter pour ces primitifs et chaque proposition émise entraînait d'abord un silence puis des réactions en chaînes provoquant enfin un tumulte général, signe de refus collectif ou d’approbation. Tout le monde participait, sexes confondus, ce qu’interpréta Démétrios comme un caractère net d’organisation archaïque : donner la parole aux femmes, c’était évidemment courir au devant du bavardage stérile. Finalement, on envoya donc trois hommes chercher les rescapés.

Pendant ce temps, on fit rôtir un large morceau de smilodon et Tukhur l’engloutit voracement. Démétrios déclara à Christiana :

-De toutes façons, il faut que nous bougions; on ne peut pas plus pour aider ceux-là.

Il regarda autour de lui avec satisfaction. Le foyer flambait haut et clair. Il avait expliqué au chef qu’il pourrait allumer du feu en essayant toutes les pierres qui ressembleraient à sa pyrite, en les frappant sur des silex, abondants dans le coin. Peut-être un Opolos finirait-il un jour par voir s’élever un petit ruban de fumée au dessus des brins de mousse sèche.
Il avait ramassé un silex particulièrement noduleux et le chef l’installa sur la souche frappée par Main-de- Foudre, tapa du pied, leva les bras au ciel, fit un Hohouhoufahi ! repris en choeur et que le traducteur après avoir annoncé : interprétation en cours , finit par estimer être l’équivalent de Super Caillou de Fa-Hi -Pierre de Feu. Démétrios ne put s’empêcher de sourire d’un air satisfait et paternaliste, mais il crut saisir une lueur d’amusement dans le regard de Christiana et joua aussitôt l’indifférent.
Il reprit son travail de taillage d’épieu pour passer le temps, Christiana arrangeant sa tenue.
Le garçon Piloua, blessé la veille justement derrière la souche, s’était remarquablement remis. Le morceau d’étoffe prélevé sur la ceinture byzantine maintenait en place l‘emplâtre d’herbes et d’argile confectionné par les femmes et Démétrios avait remarqué qu’on ne touchait le tissu qu’après avoir effectué un geste rapide du pouce et de l’index dessinant deux traits parallèles. Geste de révérence envers les Dieux ou d’appropriation d’un objet sacré ?
..................*
Christiana venait d’une époque où la terre était connue en son entier, aussi lui demanda-t-il si elle connaissait des terres à mammouths. Non, il n’y avait plus de mammouths au xx° siècle ni déjà dans son temps à lui, qu’il savait s’appeler l’Antiquité. Finis, les mammouths. Nulle part. Espèce éteinte.
Ce qui expliquait qu’elle voulait absolument les voir. Lui aussi ; il les avait imaginés comme des éléphants d’une taille exceptionnelle, des curiosités ; mais qu’ils aient disparu totalement, et les smilodons aussi et des bêtes terribles que Christiana appelait des Dinosaures, cet effacement définitif leur conférait une sorte d’aura sacrée. Il se sentit un peu mal à l’aise. Un jour, l’homme s’éteindrait-il aussi, soufflé comme une lampe à huile ?
Il interrogea alors la jeune femme sur les pays qu’elle connaissait. Démétrios avait lu Platon et suivi les cours des disciples d’Aristote et il savait donc, comme tous les lettrés de son temps, que la terre était ronde. Il avait lui-même dans ses voyages vu les étoiles et les mâts des navires disparaître peu à peu derrière l’horizon et aussi vérifié que l’ombre de la terre sur la lune était ronde lors des éclipses. Il s’apprêtait à interroger Christiana sur l’Atlantide et le Vinland, dont lui avait parlé Thorvald, et sur cette Chine où il ne fallait pas laver les bonnets, quand on vit revenir le groupe parti à la recherche des trois rescapés.
Le temps s’accéléra brusquement. Enfin ! fini l’épointage et les rêveries !
Christiana, légère dans ses bottes de fourrures, était déjà debout. Démétrios saisit sa lance et un épieu qu’il passa dans sa ceinture mise en baudrier. Le chef décida de rester mais joignit un de ses hommes aux quatre "oncles" Pilouas et après un bref repas - encore du smilodon !- la troupe ne fut pas longue à quitter le camp au milieu des hurlements féroces des hommes et des hululements des femmes mimant la désolation. Le traducteur précisa aimablement : "vifs encouragements à vaincre l’ennemi et lamentations anticipées au cas où vous seriez piétinés ou dévorés." On allait voir. Pour l’instant, c’étaient eux qui digéraient les chats-sabres.

00000

Le village n’était qu’une douzaines de huttes de branchages, effondrées sur le passage de la horde des mammouths, toutes semblables dans leur dénuement.
Des vautours s’envolèrenr à leur arrivée, abandonnant deux cadavres déchiquetés. l’odeur de mort et l’horrible spectacle plongèrent le groupe dans le silence jusqu’au moment où trois feux éteints provoquèrent des exclamations de douleur chez les Pilouas.Tous regardèrent Démétrios. Il se sentit investi de la fonction sacrée d’Allumeur de feu, et s’efforça, en officiant, de mettre de la dignité dans le moindre de ses gestes. Mais tout fut gâché quand il se donna un coup de pyrite sur le pouce gauche et jura grossièrement en invoquant les attributs d’Héraklès. Le traducteur eut la délicatesse de juste grésiller.
On entendit alors un gémissement venant d’une hutte et on découvrit une femme, coincée sous les branchages, à peine éraflée ; c’était Tante Saukko, terrorisée et à demi morte de faim et de soif. La fouille des décombres se fit en vain. En allant vers la lisière des bois, cependant trois autres corps de villageois avaient attiré d’énormes rats qui s’éloignèrent à regret, leurs babines sanglantes se découvrant sur des canines démesurées.
Il fallait quitter ce lieu de désolation. Démétrios fit transporter les cadavres sur ce qui restait de la plus grande hutte et y mit le feu, sans que cela provoque de réactions hostiles. Impossible de savoir combien il y avait d’habitants, les Pilouas débitant des noms, essayant de leur attribuer un doigt , mais totalement affolés dès qu’ils dépassaient la dizaine. On perdait du temps. Il restait peut-être des fuyards réfugiés dans la forêt . Un troupeau qui débarque, cela s’entend de loin surtout s’il s’agit de mammouths.
En attendant, on pouvait toujours voir si on trouvait les pêcheurs de truite. Les Indigènes Pilouas indiquèrent qu’il fallait remonter le cours d’eau, large d’une quinzaine de pas, qui longeait le village. Les traces des mamouths le franchissaient en s’éloignant vers le nord. Les pêcheurs devaient avoir eu leur chance. Il fallait rejoindre le lieu de pêche. On laissa Tante Saukko près du brasier en lui donnant une tranche déjà cuite de smilodon.
Après une bonne heure de marche silencieuse, on arriva à une brusque dénivellation de terrain que le cours d’eau franchissait en demi-cascade, entre des rochers en escaliers. Démétrios se croyait obligé de marcher en tête en tant que Fa-Hi et son air sombre accompagnait le souvenir de ce qu’ils avaient découvert.
Or, arrivé au sommet, s’offrait la surprise d’un paysage paisible où, entre des rives bordées de sombres conifères, s’étendait un lac dont les eaux transparentes reflétaient les nuages flottant dans le ciel bleu. Le bruit de la cascade, régulier et fluide, remplissait le silence qui devait habiter ce vaste panorama.
La beauté tranquille de l’endroit apaisa immédiatement l’ humeur crispée de l’Athénien. Tant de pureté après la brutalité de la nature et le spectacle de la mort dans ce qu’il avait de plus sordidement répugnant... Les hommes arrivant s’arrêtèrent à ses côtés, sans manifester d’émotions particulières. Démétrios allait prendre Christiana à témoin du charme de l’endroit et se retournant, vit qu’elle n’était pas encore arrivée. Elle devait avoir du mal à escalader les rochers, surtout avec ses bottes improvisées. Il s’en voulut de l’avoir laissée en arrière et revint sur ses pas. Mais soudain un Opolos cria en montrant les rochers de l’autre côté de la cascade : -Kalloogh !
Un homme courait venant des rochers et disparut dans la forêt. Il était nu, le corps peint en ocre rouge. Puis un autre le suivit. Ecarquillant les yeux, Démétrios ne put que constater que la pente était vide.
Il hurla :

-Christiana l

Le bruit de l’eau lui parut soudain énorme, étouffant le son de sa voix et il sentit l’effroi lui serrer le cœur.
Christiana avait disparu !


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Message  Invité Mer 5 Juin - 13:32

En disant qu'il fallait bouger, Démétrios montra la même impatience que Christiana. Celle-ci ne put qu’acquiescer. Elle voulait aussi quitter les Opolos. Tous deux avaient des choses à faire. Mais avant de partir, ils devaient aller au village et voir les Mammouths.
Christiana avait suivi les Opolos et Démétrios vers le camp détruit. Elle ne fit pas grand chose. De toute façon, que pouvait-elle faire ? Ou voulait faire ? Les Opolos se chargeaient de tout et une tante fut sauvée. Après cela, Démétrios aida pour un feu funèbre.
Les Pilouas, les Opolos et les deux voyageurs prirent la direction du lieu de pêche afin de s'assurer que les pêcheurs allaient bien. Même si les traces des Mammouths indiquaient une autre direction, Démétrios n'était pas contre être certain de la survie des autres membres de la tribu. Les femmes, les enfants et les hommes trop âgés ou fatigués restèrent avec la Tante Saukko. Seuls Démétrios, Christiana, trois Opolos et deux Pilouas quittèrent le campement pour rechercher les pêcheurs.

La route allait être longue. Au bout d'une heure, le coin des pêcheurs n'apparaissaient pas encore à l'horizon. En tête, Démétrios ouvrait la route, grâce àun Pilouas et ses indications. A la traîne, Christiana commençait à se dire qu'elle aurait mieux fait d'attendre au campement. Elle n'avait pas mal aux pieds, pas avec les peaux. Cela aurait été différent avec ses propres chaussures. Une femme Opolos les lui gardait précieusement. Comme s'il s'agissait d'un bien divin. Heureusement d'ailleurs. Elle n'aurait pu marcher sur les pierres glissantes avec ses chaussures du XX° siècle.
Un écart s'était creusé entre le groupe qui marchait vite et Christiana qui grommelait, la marche n'était décidément pas sa tasse de thé. Un écart suffisamment important pour que le groupe ne s'aperçut pas qu'ils étaient suivis. Trois hommes totalement nus, rouges et trop forts pour elle lui fondirent dessus. Le bruit de la cascade contribuait à cacher leur présence et les cris potentiels de Christiana. Une main sur la bouche, les bras et les jambes fermement tenus, elle ne pouvait rien faire. Elle gesticulait, se tortillait mais rien n'y faisait. L'un d'eux voulut l’assommer mais l'autre grogna :

- Non. Les Ombres ont dit d'être gentil avec le ventre qui donne la vie.

Christiana écarquilla les yeux. Le traducteur venait-il de se tromper ou ces trois hommes la prenait pour une pondeuse ! Elle ne put que constater l'écart qui se creusait entre les Opolos, Démétrios et elle. Ses ravisseurs allaient à l'opposé de la direction prise par son groupe. Elle était prise au piège.

Tandis que deux la maintenaient fermement et la transportaient comme du bétail, une poule qu'on conduit à sa fin, le troisième surveillait leurs arrières. Avant de disparaître derrière les rochers, un Opolos le remarqua. Il ne vit pas Christiana et les deux autres hommes. Mais la présence du Kallough, « ceux qui sont rouges, mangent les leurs et implorent les monstres » selon les Opolos et les Pilouas, ainsi que l'absence de Christiana pouvaient aider le Grec à tirer la bonne conclusion sur la situation.

Les trois Kallough marchaient vite. Bien plus vite que les Opolos et Pilouas. Ils semblaient bien connaître les lieux. Ils savaient où mettre les pieds, sans tomber en bas de la falaise. Ils gravirent les abords de la cascade sans tomber ni lâcher Christiana. Puis tout d'un coup, l'un d'eux porta Christiana sur une de ses épaules et prit un passage étroit entre les rochers. En ayant les mains libérées, Christiana put en glisser une dans son sac et saisir son colt. L'homme qui la portait accéléra le mouvement, déclarant qu'il était pressé. Le chemin étroit menait à une caverne derrière la cascade. L'entrée était bien camouflée par l'eau qui chutait, des lianes et de la mousse.

Christiana fut entraînée au fond de la caverne. Puis jetée au sol sans ménagement. Là, le plus fort des trois, celui qui l'avait porté comme un sac, se frotta les mains et dit :

- Moi d'abord.

Il se précipita sur elle, déchirant le haut de son chemisier. D'un geste vif, elle sortit sa main de son sac et tira dans le ventre de l'homme. Le bruit du tonnerre résonna dans la caverne, accentuant son effet sur les autochtones. L'homme recula brusquement, le ventre en sang, s'écroula à genoux puis au sol, en gémissant et en se roulant. Les deux autres s'éloignèrent, surpris par le bruit et les plaintes de leur chef. Christiana se leva brusquement et sans réfléchir, fit quelques pas vers celui qui voulait la violer et lui tira une balle dans la tête. Sans la moindre hésitation. Sans réfléchir. C'était elle ou lui de toute façon. Le chef gisait au sol, deux trous béants dans le crâne. Un petit pour l'entrée, un plus gros pour la sortie de la balle. Le sol s'inondait de son sang.

Christiana se tourna ensuite vers les deux autres tout en s'emparant de son couteau suisse. Le colt dans une main, le couteau dans l'autre, elle ne répondait plus de rien. Oser la kidnapper. Oser porter atteinte à sa pudeur ! Oser faire d'elle une chose. Aucun homme n'avait encore touché à sa vertu. Ce n'était pas un être inférieur qui allait commencer. Ces hommes pouvaient maintenant regretter leur intention.

L'un s'était réfugié là où elle avait été jetée et l'autre était tombé à la renverse. Sur le dos, il rampa pour s'écarter de Christiana au fur et à mesure qu'elle s'avançait vers lui. Quand la paroi de la caverne se fit sentir et qu'il se retrouva pris au piège, Christiana se rua sur lui et plaqua sa lame contre sa gorge. Elle n'eut aucune peur d'être assaillie par le second. Celui-ci était en train de se faire dessus, au fond de la caverne. Elle l'entendait supplier les Ombres de le rendre plus fort. Elle se concentra donc sur celui qu'elle tenait.

- Écoute-moi bien, espèce de créature inférieure, si tu ne veux pas finir comme ton chef. Un jour je reviens ici, toi et les tiens m’accueilleront comme il se doit. N'oublie pas mon visage car il peut revenir à tout moment pour réclamer vengeance. On ne touche pas les Puissants. Compris ?

Christiana fit glisser la lame de son couteau suisse de la gorge aux attributs de l'homme. La froideur de celle-ci le fit tressaillir. A moins que ce ne fut l'idée de perdre sa masculinité. Elle se baissa encore plus au-dessus de lui et murmura à son oreille :

- Si tu veux que ton espèce perdure, retiens bien ceci... tu n'es qu'un un insecte insignifiant face à moi. Je dicte les règles et toi tu les appliques. Je reviendrai un jour. Soit s'en certain. Et ce jour-là, si tu croises mon chemin, tâches de ne pas oublier ce moment.

Christiana se releva et veilla à ce que sa veste de tailleur fut bien fermée. Son chemisier déchiré mettant à mal sa pudeur naturelle. Elle se tourna brusquement vers l'autre homme qui était recroquevillé au fond de la caverne humide. Le bruit de la cascade couvrait le bruit de pas de Christiana, qui prenait un plaisir à frapper le sol de ses pieds recouverts de fourrure. L'effet aurait été plus fort si elle avait ses chaussures à talon. Mais celles-ci lui faisaient trop mal aux pieds. Elle s'avança vers l'autre survivant, sans poser un regard sur celui qu'elle avait tué. Son premier mort. Elle s'accroupit en face de l'homme. Le rouge avait disparu dans son entrejambe. La peur avait relâché sa vessie. Le pauvre s'était fait dessus.

- Quant à toi... commença Christiana en frappant une cuisse de l'homme avec le plat de sa lame. Regarde-toi. Si faible que tu t'es fait dessus. Et tu crois être un homme bon pour la reproduction ? Tu es tout juste à l'égal d'un enfant face à un chat-sabre. Si tu ne veux pas finir comme ce crétin, dit-elle en pointant du doigt le cadavre, toi aussi... n'oublie pas qui je suis.

Cette fois-ci, ce fut du bas jusque sur la joue que Christiana fit glisser sa lame. Lentement, elle fit une entaille sur le visage de l'autochtone.

- Une petite marque... au cas où ta mémoire serait défaillante et te ferait oublier qui est le chef maintenant.

Elle se releva et se planta au milieu de la caverne.

- Debout ! Ordonna-t-elle en criant.

Sa voix raisonna. Les deux hommes rouges s'exécutèrent aussitôt. L'un d'eux regarda le mort et ne put s'empêcher de se jeter aux pieds de Christiana et d'implorer sa clémence. Il lui promit de peindre ses exploits sur les murs de sa caverne. Christiana regarda les dessins et s'offusqua. Il était hors de question que son visage figure sur un mur aux côtés de deux des démons que ces hommes vénéraient. Elle leur montra les photos de sa famille et leur dit qu'elle leur ferait subir le même sort si ils osaient. Là, les deux autochtones poussèrent des cris d’effroi. Leur maîtresse pouvait enfermer les individus sur un étrange support plat. Ils fixèrent leur camarade mort. Pour eux, Christiana tuait de bien des façons. Il déclarèrent alors qu'ils n’immortaliserait pas leur maîtresse sur le mur. Car telle était sa volonté.

La jeune femme s'attarda enfin sur celui qu'elle avait tué. C'était la première fois qu'elle ôtait la vie de ses propres mains. Elle avait participé aux conversations de son père et Jared, quand il s'agissait de décider de la mort d'un homme. Elle avait donc contribué en un sens à la mort de plusieurs personnes. Mais donner elle-même la mort, ce fut inédit. Elle venait de passer une sorte de baptême funèbre. Elle soupira. Soulagée de s'en être bien sortie. Rassurée que Démétrios n'ait rien vu, ce qui aurait pu lui faire perdre un allié de taille pour ses voyages. Mais terrifiée à l'idée qu'elle venait d'agir en une véritable Von Carter. Elle avait usé des mêmes mots et menaces de son père et de Jared. Ce qu'elle cherchait à fuir en devenant voyageuse était bien plus ancré en elle qu'elle ne l'imaginait. Pour retrouver Kyle, cela pouvait toujours lui être utile. Les couloirs du temps n'avaient rien de sûr, elle en avait la preuve avec cette première expérience. Il lui fallait donc garder cela comme un potentiel avantage dans la réalisation de son but. Pour tourner la page et construire une nouvelle vie avec Kyle, les efforts pour changer allaient être grands pour perdre ces mauvaises pratiques. Cependant, chasser le naturel, il revient au galop. Changer... Christiana pouvait-elle en être capable ?

Elle rangea son couteau suisse, effleura le traducteur, se rassurant ainsi de sa présence et de son avantage. Une nouvelle flopée d'ordres traduits sortirent de sa bouche. Lorsqu'elle était petite, Jared et Drew avaient l'habitude d'offrir à leur princesse une chaise pour se déplacer. Les deux frères croisaient leur bras d'une certaine manière qu'elle pouvait s'asseoir dessus et se faire promener à sa guise. Ces deux Kalloogh reçurent l'ordre d'en faire autant. Voilà comment elle allait retrouver Démétrios : portée par deux esclaves. S'il lui était possible de les embarquer avec elle pour son prochain voyage, elle n'aurait pas hésité une seconde. A défaut de les promener, elle avait en ce temps et en ces lieux reculés, deux paires de bras musclés pour lui servir de guide et de protecteur. Si un jour elle devait revenir ici, elle savait qu'elle pouvait le faire seule, qu'une protection l'attendrait sur place.

- En route, dit-elle en s’asseyant sur les bras des deux hommes et en s'agrippant à leur épaule.

En réalité, la route ne fut pas bien longue puisqu'au bout de l'étroit chemin pris pour arriver dans la caverne, ils tombèrent nez à nez avec Démétrios et les Opolos armés jusqu'aux dents pour sauver leur déesse. Une déesse qui finalement s'était sauvée seule. Démétrios et les amis autochtones étaient sur leur garde, en position, prêts à surgir des buissons. Lorsque Christiana et ses deux Kalloogh apparurent, les sauveurs faillirent se ruer sur eux. Ce fut Démétrios qui arrêta les Opolos en voyant aucun danger. Les autochtones se relâchèrent et se mirent à crier en levant les bras au ciel.

- Tout va bien, je me suis occupée des trois hommes, dit Christiana en descendant de sa chaise à porteur bien particulière. Ils sont à moi maintenant, ajouta-t-elle en les désignant du pouce par dessus son épaule, comme elle l'avait fait avec Zorvan, avec la même désinvolture.

Aussitôt, les deux hommes se ratatinèrent sur eux-même, comme s'ils courbèrent l'échine, reconnurent l'autorité supérieure. Démétrios ne vit que deux hommes et il lui demanda où se trouvait le troisième. Christiana se mordit les lèvres. Son regard en disait long.

- Il n'y a plus de troisième homme.
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Message  Invité Jeu 13 Juin - 1:59

La vue de Christiana transportée entre deux guerriers kallooghs bariolés et imposants fut si inattendue que Démétrios eut un instant d’ébahissement avant même d’éprouver un intense soulagement. Bien que ses certitudes concernant la faiblesse féminine aient été sérieusement ébranlées depuis qu’il connaissait l’Américaine, il se sentait toujours responsable de la remise en bon état de sa compagne d’épreuves aux autorités de l’Antichambre.
Il était prêt à passer le reste de sa vie au temps des smilodons pour la retrouver vivante et voilà qu’elle était là, le sourcil hautain et la mine sévère ! Le Grec allait s’exclamer de joie quand les Pilouas poussèrent un rugissement menaçant en pointant leurs lances vers le groupe insolite.
Démétrios prit sa voix de Ka-Hi pour prévenir d’avoir à se tenir calme. Il comprenait la réaction pilouaque car en suivant la piste des ravisseurs, il s’était renseigné sur ces hommes rouges.
Ils étaient apparus récemment, venant du sud. Les Pilouas les craignaient beaucoup. Ils possédaient des arcs anormalement performants et n’avaient aucun sens des tabous que respectaient les tribus convenables : à savoir le partage des femmes à l’intérieur de la tribu et l’interdiction d’y introduire des femelles de sang étranger. En conséquence les kallooghs volaient les femmes pilouas ou opolos. Ils se peignaient en ocre rouge alors que seul le noir est bénéfique, ils mangeaient de la chair humaine, ce qui était strictement interdit sauf en période d’extrême pénurie et de grand froid, ils saluaient le lever du Soleil en criant Ahiha hi ha alors que la bonne formule est Ahi ha hi ho.. ce qui mécontentait le dieu et provoquait des pluies diluviennes qui rendaient la chasse difficile. Ils sentaient mauvais, avaient du poil frisé sur la poitrine, des yeux de couleurs différentes, des pieds dont le gros orteil dépassait les autres, ce qui porte malchance. En plus, ils n’articulaient que des sons incompréhensibles.
Démétrios avait approuvé le dégoût opolos pour la chair humaine. Le reste montrait simplement que la xénophobie avait de sérieuses racines dans le passé humain.
Pour les femmes, les Pilouas avaient tort, mais c’était leur problème de ne pas remarquer qu’ils avaient tous un strabisme plus ou moins affirmé, ce qui devait les gêner pour le tir à l’arc, un menton prognathe disgracieux et des genoux cagneux. Au contraire les Kallooghs pratiquant l’exogamie,étaient de très beaux specimens à tout point de vue.
Les exploits de Christiana élucidés, Démétrios proposa de renvoyer les Kallooghs car on ne serait pas tranquille avec des prisonniers susceptibles de se révolter. En plus il avait en lui un Périclès en sommeil, un Bienfaiteur des Peuples, lequel ne demandait qu’à s’exprimer. Il annonça aux esclaves qu’ils ne l’étaient plus, à charge pour eux de porter à leur tribu la nouvelle que les dieux protégeaient Pilouas et Opolos et kalooghs également.
Les deux lascars se jetèrent à terre puis demandèrent s’ils pouvaient accomplir les rites funéraires pour leur compagnon victime du foudre de Bzzipam. Charmé par ce signe de la civilisation en marche, Démétrios accorda la faveur en se remémorant le beau passage où Achille consent à rendre le corps du noble Hector à son malheureux père et où tous deux pleurent ensemble, réconciliés un instant par la douleur et l’émotion qui les étreint. Ah, il ne fallait jamais désespérer de l’humanité, même la plus primitive. Très ému, Démétrios regarda s’éloigner les Kallooghs et poussé par son habituelle curiosité de savoir le pourquoi et le comment, il demanda aux Pilouas :
-Que font-ils pour honorer leurs morts ? Ils les enterrent ou ils les brûlent ?

-Ils les mangent.fut la sobre réponse.

Les pêcheurs furent retrouvés peu après. On les vit sortir des fourrés où ils s’étaient cachés en voyant rôder des Kallooghs. Démétrios et Christiana laissèrent les chasseurs se débrouiller entre eux pour la révélation de la destruction du village, la présence des dieux de l’orage et du feu parmi les Opolos, l’abondance récente du smilodon grillé aux repas. Le dernier miracle était que les Kallooghs avaient enfin appris le langage des Pilouas puisque, pour une fois, on les avait compris.
Tout cela fut accompagné des habituelles vociférations et trépignements et pour passer le temps, Démétrios vida les truites pêchées, les enfila sur des baguettes de bois vert et alluma un feu, ce qui déchaîna une nouvelle manifestation de danse et de gesticulations. La truite grillée, c’est délicieux. Les pêcheurs avaient du sel, le décor était superbe, l’air était doux et sentait la résine et l’herbe fraîche. Ce fut un instant magique, tout baignait dans l’harmonie des premiers matins du monde et Démétrios se promit de revenir en cet endroit merveilleux quand il serait devenu Voyageur.

On repartit vers le village, la journée s’avançait. Quand on arriva au gué où avaient été repérées les traces de mammouths, Démétrios regarda Christiana en se demandant si elle pensait la même chose que lui. Mais il était retenu par la prudence et le sens qu’il donnait à sa conduite en ce lieu. Zorvan avait dit de montrer leurs capacités à survivre dans le dénuement et en milieu hostile. Jusqu’ici, ils s’en étaient bien tirés. Mais risquer de tout perdre en voulant satisfaire une curiosité qui n’avait rien d’essentiel, n’était-ce pas une faute, un manque de retenue, un excès d’hubris, cette démesure condamnée par les sages, née des passions et de l’orgueil et entraînant tôt ou tard la perte de l’homme ?
Vertueusement, il fallait renoncer aux mammouths, ne pas céder à la tentation, ne pas se comporter comme une femme curieuse, rester modéré dans ses vues et modeste dans ses objectifs, ne pas..

-On pourrait peut-être suivre les traces ?

S’entendant parler, il eut un mouvement d’humeur contre son inconséquence. Comment pouvait-on réfléchir et agir ensuite en dehors de toute réflexion ?
Autour de lui, ce fut un beau tohu-bohu. Les Opolos et les Pilouas n’avaient aucun hubris à dominer. Selon eux, il fallait retourner au village puis rejoindre le camp en altitude, manger du smilodon et s’amuser, entre hommes et femmes, dit le traducteur un peu vague.
Un des Opolos précisa que Fa-Hi et B pourraient choisir en premier mais que ce serait bien qu’ils ne se limitent pas, car ainsi, la tribu s’enrichirait de nombreux futurs demi-dieux. Les perspectives ouvertes par l’invitation terrorisèrent  Démétrios qui répliqua :

-Rentrez au camp. Nous devons aller dans cette direction. Nous reviendrons plus tard. Entretenez bien votre feu.

Un coup d’oeil suffit pour voir que Christiana le suivrait et au milieu du vacarme habituel que les primitifs déclenchèrent pour saluer le départ des dieux, ils franchirent le gué, portés par les Opolos qui devaient penser que les dieux, surtout du tonnerre et du feu, ne devaient pas se mouiller les pieds.
La prairie semée de bosquets se poursuivait en larges ondulations jusqu’à une ligne lointaine de collines.
Ils longèrent un bois de hêtres et de chênes occupant un vallonnement. La piste des animaux, très visible à travers les herbes se poursuivait vers le sud mais des branches cassées à l’orée des arbres attirèrent leur attention. Un petit groupe de bêtes s’était détaché et avait pénétré dans le sous-bois. Presque aussitôt comme l’appel d’une énorme trompette, un barrissement retentit, accompagné d'un fracas de bois brisé sous les frondaisons.

-On grimpe ! décida Démétrios, impressionné. Et avisant un chêne à la fourche très basse, en dehors de la piste, il hissa Christiana à bout de bras et la suivit tandis que le bruit augmentait. On distinguait des piétinements qui ébranlaient le sol et résonnaient entre les arbres, puis des souffles géants, des branches craquant devant l’avancée des monstres. Un nouvel appel tonitruant, à briser les oreilles, tout proche, et le premier mammouth apparut.
Il était si énorme que Démétrios fut figé de peur. Le dos ,couvert d’une toison rêche, longue et épaisse, passa à deux mètres à peine sous eux. Si l’animal levait la trompe, il pouvait les atteindre. Deux autres mammouths suivirent, puis encore deux plus petits. On entendait qu’un autre arrivait et quand il parut, ce fut accompagné d’un petit encore tout humide et mal assuré sur ses pattes. il était aidé dans sa progression par la trompe de sa mère qui le palpait, le redressait, lui offrait un appui pour qu’il ne trébuche pas. Enfin un dernier mammouth fermait la marche, très vieux, une défense brisée, le poil emmêlé, les oreilles mangées sur les bords et qui aidait le petit quand celui-ci quittait le flanc de sa mère. Visiblement le petit venait de naître et son escorte de monstres poilus était là pour le protéger des prédateurs attirés par l’odeur du sang. L’effroi de Démétrios fit place à une grande émotion. Le mystère et la beauté de la vie qui vient d’apparaître, l’attendrissant spectacle du petit tout lourdaud, tout velu, la majesté de ces créatures d’un autre âge, tout se mêlait en un sentiment d’exaltation admirative.
Les deux voyageurs restèrent un instant silencieux. Les petits bruits de la vie forestière reprenaient autour d’eux, comme timidement, sur le fond de silence des grands espaces.
Démétrios aida Christiana à redescendre et ils reprirent le chemin du village en échangeant leurs impressions d’étonnement et de satisfaction d’avoir assisté à un tel déploiement de force et de vie dans un monde violent et cruel. Ils demeuraient d’ailleurs en alerte, sentant bien que dans un décor semblable, le danger rôdait en permanence.
Le ruisseau était en vue et ils  discutaient de ce qu’ils feraient sitôt que le Dévoreur les sortirait de là. Démétrios exultait. On lui avait promis des aventures et des prodiges et tout se réalisait. Christiana lui parla encore de son monde. Elle voulait rentrer chez elle pour rassurer son frère, régler certaine affaires restées en suspens.
Et bien oui, sa première destination serait l’Amérique de Christiana et le Bacchus, qui finalement n’était un navire que par métaphore. En fait, c'était une sorte de Maison de plaisir, cependant sans hétaïres, ce qui était dommage.

- Si vous vouliez me guider un peu dans votre monde.. New-York, les maisons comme des montagnes, l’électricité ; comment dites- vous, la radio ?...les appareils roulant et volant.. L’avenir est fascin..

Couvrant sa voix, un brusque vacarme retentit, juste derrière eux, immédiatement reconnaissable. Un mammouth !
L’animal sortit d’un bosquet et s’immobilisa au milieu de la piste. Que faisait-il là, si loin de la horde.? Les mâles solitaires rôdant autour des troupes constituées sont fréquents chez les animaux. Mais l’heure n’était pas à la zoologie. Que faire ? l’animal soufflait comme une forge, trompe dressée et piétinant le sol avec impatience. Il semblait hésiter, comme aux aguets. Un grand souffle froid balaya l’espace. Démétrios et Christiana se tournèrent de nouveau vers le village. En même temps que le pachyderme s’ébranlait pour les charger, un pont se matérialisa , l’autre rive disparut dans le brouillard. Saisissant la main de Christiana, Démétrios bondit vers le pont, un simple assemblage de planches mal jointes. Le mammouth fonçait sur leurs talons, barrissant avec fureur. Ils étaient sur le pont et la bête allait les y suivre quand le brouillard les happa et sembla aussitôt s’éclaircir. Derrière eux on ne voyait plus rien, la rive et le mammouth avalés par cette brume mouvante.


Debout au milieu du pont, une haute silhouette en long manteau noir les attendait.

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Message  Le Dévoreur de temps Jeu 13 Juin - 22:18

Il avait imaginé cet instant bien des fois, avec inquiétude, ou dans un sourire. Suivant les moments qu'il avait retenu de l'observation quotidienne de ses deux voyageurs par le truchement de Zorvan. Quand ils l'attendrissaient ou le faisaient rire, ou bien encore quand il était soucieux de leur survie, cela impactait forcément sur la façon dont il anticipait alors le moment où il viendrait à leur rencontre pour leur annoncer qu'ils avaient son approbation pour voyager dans toutes les époques passées et même retourner voir Zorvan qui serait obligé par sa propre honnêteté à se montrer plus agréable et accueillant avec eux qu'il ne l'avait été durant l'épreuve. Il se tenait donc sur le pont, qui comme souvent -quelle maestria ce Zorvan, tout de même- s'était matérialisé juste au moment critique pour leur offrir une échappatoire méritée et bienvenue. Il leur sourit alors qu'ils couraient vers lui et se mit de côté pour les laisser passer en trombe sur le pont. Une fois qu'ils furent saufs et de l'autre côté, il les rejoignit dans la brume ambiante et posa son pied sur la rive tandis que le pont s'évanouissait pour laisser la place à ... un autre pont tout aussi désert mais très différent. La voiture de Jared s'y trouvait encore, bien que les feux se furent éteints, sans doute à cours d'énergie.

- Christiana, vous voici revenue au point de départ mais différente... Fit-il en considérant la jeune femme aux joues encore rougies par la course pour échapper au Mammouth. Vous avez brillamment passé toutes les épreuves. Vous avez appris et on vous a appris. Le voyage n'a pas été vain. C'est toujours ce qu'il faudra vous demander. Qu'ai-je appris aux autres et que m'a-t-on appris ? Le voyage a-t-il été vain ? Je vois devant moi une nouvelle Christiana, plus déterminée que jamais à prendre sa vie en main mais pourtant déjà tributaire des aléas de son époque. Vous allez devoir dépanner cette voiture pour aller où vous le souhaitez avec votre nouveau compagnon d'aventure mais je ne doute pas que la jeune ambitieuse que vous êtes y parvienne. Ajouta-t-il en désignant le véhicule éteint.

Puis il se tourna vers Démétrios et lui sourit.

- Que de vaillance dans tout votre parcours. Vous êtes le digne fils de Théramène. Votre père peut être fier du guerrier que vous avez dévoilé, comme de l'homme avisé que vous êtes devenu. Votre ouverture d'esprit et votre sens de l'adaptation vous honorent tout autant. Vous avez le don de partager ce que vous savez pour en faire bénéficier les personnes que vous croisez. Le félicita-t-il en coulant un regard entendu vers Christiana. Toutefois, sachez vous garder des calculs et sournoiseries que vous traverserez. L'homme n'a pas perdu les vices que vous lui connaissez et il en a gagné quelques uns en chemin... La femme aussi d'ailleurs. Démétrios, vous êtes un explorateur né !

S'approchant des deux acolytes, il leur prit la main et sourit à le tressaillement.

- N'ayez crainte ! C'est un des mystères de ce Don! Je ne propulse dans les couloirs du temps par simple contact qu'une seule fois la même personne. Je pourrais encore vous emmener où bon me semble ou vous semble mais cette fois seulement si je le souhaite et me concentre fortement sur ce lieu. Mais à présent, vous n'avez plus besoin de moi pour vous déplacer, car vous même, il vous suffit de penser à un endroit pour vous y rendre. Vous en doutez ? Eh bien c'est vous qui vous êtes transportés ici par votre propre volonté ! Oh bien sûr, je vous ai un peu aidés pour ajuster l'arrivée de façon synchronisée. Veillez bien à concentrer vos pensées sur le même endroit et simultanément. Si je n'avais rectifié le tir pour Démétrios, il se serait retrouvé, j'ignore pour quelle raison, dans la maison close de la Mère Sascha, vous voyez, deux pâtés de maison plus bas que le Bacchus, Christiana...

Il sentit l'émotion le gagner mais l'heure de les quitter approchait.

- Vous pouvez sur simple pensée, aller dans toutes les époques passées et aussi rendre visite à Zorvan. Ne lui tenez pas rigueur des siennes et ne l'oubliez pas. Il est bien seul et revoir les Voyageurs qu'il a aidé à s'affranchir lui fait bien plus plaisir qu'on pourrait le penser. Le futur, ce sera pour plus tard. Il ya beaucoup plus de turbulences encore et des choses à comprendre et à connaître avant. De même je ne vous donnerai pas accès dès à présent au temps ou se réécrit l'Histoire... Eh oui, il existe... C'est une excroissance de l'Antichambre d'ailleurs, mais qui se matérialise dans un autre point de l'univers quantique... enfin je ne vais pas faire mon Zorvan ... Y pénétrer est extrêmement dangereux pour celui qui y pénètre mais aussi pour l'équilibre de tous les mondes connus et ... inconnus, me dit le gardien... Moi-même, je n'y suis entré qu'une fois et resté peu de temps... Mais à nous tous ... un jour, qui sait ... Prenez soin de vous, soyez prudents, toujours. Si vous avez besoin de mon intervention, il vous suffit d'y penser très fort et je viendrais... Ahh j'oubliais... Il en va de même entre vous... Le premier voyage vous a liés à jamais. Si l'un a besoin d'aide et appelle ou pense à l'autre, il sera entendu. Votre coeur vous dira ce qu'il convient de faire... vous aurez le choix de répondre ou pas à cet appel de votre premier compagnon de voyage... Vous me reverrez parfois, sans m'avoir appelé,lorsque vous serez prêts à connaître certaines choses ou si j'estime mon intervention nécessaire... Mais désormais l'Infini vous ouvre ses Portes... Bon voyage Démétrios, bon voyage Christiana ! N'oubliez pas, il vous suffit de penser très fort... pour voyager...

Et avant qu'ils prennent conscience de ce qui leur était délivré, le Dévoreur disparut dans une bourrasque de nuit et laissa les deux Voyageurs sur le pont, à côté de la voiture de Jared.
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Le Dévoreur de temps
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