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{Achevé} Déroute au Bacchus

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{Achevé} Déroute au Bacchus - Page 2 Empty Re: {Achevé} Déroute au Bacchus

Message  Le Dévoreur de temps Ven 6 Déc - 22:36




Le petit matin frileux se levait sur New York, éclairant d'un rose irisé les surfaces vitrées de ses gratte-ciels, découpant en une fresque à la géométrie ordonnée la silhouette aux contours tranchants de cette cité affairée à des occupations pas toujours vertueuses. L'homme, sans son chapeau légendaire, campé devant la baie vitrée de la vaste pièce, perdu dans la contemplation de cette ville qu'il aimait plus que tout et à laquelle il avait consacré sa carrière, tira une bouffée sur sa cigarette et se retourna vers son interlocuteur.

- Et vous pensez qu'elle doit savoir ?

L'homme qui lui rendait visite et s'était installé, en habitué, sur le grand fauteuil cuir rétro hocha silencieusement la tête.

- Je sais ce que je vous dois Vladimir, mais tout de même, est-elle prête à cela ?

Des volutes de fumée s'élevaient aussi du fauteuil et elles furent quelque peu secouées par le mouvement d'air provoqué par le geste impatient du visiteur.

- Le mensonge n'a que trop duré. Elle me servira mieux si elle sait. De toute façon, il en va de la vie de vos agents encore en activité. Vous savez bien ce que contient le carnet d'Hohenheim. Combien de temps faudra-t-il à la Cosa Nostra nouvelle génération pour percer le codage et débusquer un à un tous vos agents ? Il en va également de la vie NOTRE agent  

Le maître des lieux, dont le visage aux traits réguliers d'une beauté singulière quoique atypique, bien que vieillissant, dégageait toujours un charisme et ses yeux clairs qui rayonnaient d'une intelligence marquante n'avaient rien perdu de leur détermination. Il s'approcha de son bureau et s'installa à son tour dans un fauteuil similaire à celui de son invité et, lui faisant face, poursuivit:

- Le mensonge évite parfois des bains de sang mais vous avez raison, je n'ai pas mis en place ce réseau de vigilance après avoir éradiqué la racine du mal pour le voir mis à mal par une simple histoire de famille. De plus, je ne souhaite pas plus que vous qu'il arrive malheur à NOTRE agent, avoua l'ancien policier en prenant une bouteille de forme cubique aux parois diamantées.

Il se servit dans un verre assorti un généreux whisky pure malt et en proposa une à l'homme aux cheveux de neige qui déclina l'offre.

- Hmmm, pardonnez moi, j'oubliais que votre préférence va à la vodka... Vous voulez donc que je rende visite à Mademoiselle Von Carter et que je lui révèle tout... Vous n'êtes pas sans savoir que j'ai raccroché et que je ne peux plus me faire valoir du F.B.I. Je ne suis même pas certain que les hommes de main de son frère me laissent la rencontrer. Mes "observateurs " me disent qu'il est paranoïaque et que le Bacchus est mieux gardé que le couvent des Carmélites lui-même !

Le visiteur répondit sans se départir de son accent roumain et de son sourire énigmatique ni de l'humour qu'il ne manquait pas de manifester en présence de son vieil ami.

- Qu'en savez-vous, Eliott ? Dois-je en conclure que vous avez utilisé mon sauf conduit pour vous introduire dans de tels lieux et pour visiter de jeunes novices ?

Le maître de maison, encore en robe de chambre, haussa un sourcil et son oeil s'éclaira d'une lueur malicieuse lorsqu'il répondit.

- Voyons, Stanzas, vous avez toujours été plus homme à femmes que moi. Ma carrière ne m'a guère laissé le temps de batifoler. J'étais marié avec la Loi, dois-je vous le rappeler ? Mais, plus sérieusement, ce que vous me demandez n'est pas simple...

Stanzas décroisa ses longues jambes et lissa un pli imaginaire de son cache poussière.

- Je puis vous fournir des hommes équipés qui feront impression. Vos hôtes se croiront revenus au temps de la Prohibition.

Le regard d'Eliott se voila légèrement et un sourire nostalgique étira ses lèvres tandis que le visiteur matinal poursuivait ...

- Vous aussi... Cela vous manque n'est-ce pas ?

L'hôte se leva avec une énergie encore fraiche pour un homme mûr et se dirigea vers une vitrine dans laquelle étaient accrochées des armes de calibres divers.

- Autant que votre laboratoire peut vous manquer, Stanzas... Bon, c'est dit, j'accepte cette mission. J'ai carte blanche, m'avez-vous dit ?

- Absolument , du moment que vous empêchez les "héritiers" de mettre la main sur le carnet. Je dis cela pour vous, au passage. Et pourvu que Christiana Von Carter coopère et n'oublie pas grâce à qui elle peut voyager ... Elle s'est mis en tête de retrouver Kyle Von Carter, enfin c'est ainsi qu'il se nomme pour elle. Je ne peux pas permettre qu'elle débarque sans être avertie et flanque par terre tous mes plans, pas après toute cette longue et complexe mise en scène. Kyle doit rester porté disparu pour sa famille. Si elle doit un jour le rejoindre, nous devons nous assurer d'abord de son entière collaboration. Un seul soupçon de ses nouveaux patrons sur sa nouvelle identité et Kyle serait condamné .

L'ancien agent fédéral se passa une main sur le menton.

- J'avoue que si je n'étais pas un de vos anciens agent moi-même, j'aurai du mal à croire à ce que vous projetez de lui faire accomplir. C'est du suicide. Vous êtes un foutu manipulateur Stanzas, et si je ne savais ce qui vous anime, je dirais que vous nous utilisez ce pauvre homme comme moi-même. Nos combats se rejoignent encore parce que les intérêts de nos ennemis sont identiques, donc, oui, je vous aiderais, maintenant, hier et demain. Acheva-t-il en tendant la main à celui qui lui faisait face.

- Maintenant, hier et demain, Eliott. Répondit Stanzas en se levant pour accepter la poignée de main. Puis il se dirigea vers la porte du living et se ne se retourna même pas pour ajouter:

- Ne vous dérangez pas, je connais le chemin. Dans une heure, une Ford avec six hommes armés jusqu'aux dents se garera en bas de votre immeuble pour vous accompagner au Bacchus. Soyez prêt.

Un étrange sourire illuminait ses traits lorsqu'il pénétra dans l'ascenseur. Des pensées se bousculaient dans son esprit. L'image de Démétrios hésitant encore à suivre le fil nouveau des aventures tandis que Christiana, elle, sautait à pieds joints dans le vortex dans l'unique espoir de rejoindre Kyle. Oui, la réaction était toute différente lorsqu'on avait l'espoir de retrouver l'être aimé. On pouvait bien affronter l'inconnu et même le connu qui pouvait être tout aussi terrifiant.

***********

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*cliquez-moi!*


Une heure et demi plus tard, sept hommes, vêtus d'imperméables gris et de chapeaux, armés de mitraillettes débarquaient dans le hall d'entrée du Bacchus en bousculant quelque peu le portier. Deux malabars en armes firent immédiatement irruption, attirés par les cris mais devant les six canons braqués sur eux, ils se ravisèrent. Ce qui acheva de les calmer fut la carte que l'homme le plus âgé leur mit sous le nez. Une carte qu'ils ne connaissaient que trop bien, estampillé Federal Bureau of Investigations. Mais ce qui les avait fait blêmir, en même temps qu'ils ressentaient cette excitation caractéristique d'un retour à une activité qui manque, ce petit fourmillement au creux de l'estomac - bon sang ! Y allait avoir du grabuge ! - c'était l'homme qui tendait la carte... Malgré les années écoulées, ils l'avaient immédiatement reconnu...

- Veuillez informer Mademoiselle Von Carter que le F.B.I. souhaiterait l'entendre dans le cadre d'une affaire de multiples meurtres perpétrés sur le toit du Bacchus cette nuit.

- Elle dort, la Patronne !

- Hé bien, réveillez-là, sinon c'est moi qui m'en chargerait ! Répliqua sèchement l'ancien agent fédéral.


HRP:
La plume : Genèse et Philosophie des lieux.
Empreinte : L'histoire de Vladimir Stanzas ou comment on devient le Dévoreur de Temps
Espace personnel : D'une porte cochère à l'autre {en construction}
Messages : 1030
Date d'inscription : 08/08/2011
Le Dévoreur de temps
Le Dévoreur de temps
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{Achevé} Déroute au Bacchus - Page 2 Empty Re: {Achevé} Déroute au Bacchus

Message  Invité Ven 13 Déc - 16:29

New-York City- USA Amérique-1945 AD

D'habitude, Démétrios écoutait toujours avec beaucoup d'attention ce que disait Christiana car malgré le rôle assez actif qu'il avait joué depuis son arrivée à New-York City- USA Amérique-1945 AD , il se sentait le plus souvent terriblement exclu d'une réalité incompréhensible dont seule la jeune femme possédait les codes et les clés.
S'il s'arrêtait d'agir selon l'instant, il se voyait pris au centre de bâtiments titanesques, de rues vertigineuses traversées de lumières et de vacarme, tout l'univers devenu ville, enserrant le Bacchus dans un tourbillon de fin du monde. Les dimensions  redevenaient plus humaines s'il ne pensait qu'à l'appartement, mais il y était encerclé par une masse d'objets inconnus dont il devait apprendre le nom, l'usage, la manipulation et le rapport avec cette électricité qui semblait être devenue l'âme des choses, éclairant, bourdonnant dans les appareils à chauffer, à glacer, à faire sortir des voix et des musiques de cubes et de boîtes.
D'une certaine manière, les individus paraissaient peut-être les moins illisibles dans cet environnement de machines, parce que les émotions n'avaient pas changé sur les visages. Démétrios y déchiffrait, sans besoin d'interprète, l'intérêt, la peur, la surprise, la colère et la méfiance, l'amusement ou la haine, la sympathie ou la douleur. Pour l'instant il voyait parfaitement  le besoin de sommeil sur les traits fatigués de Christiana.
Mais les comportements n'étaient pas aussi clairs que les sentiments. Si on allait plus profond que l'immédiat des gestes et des expressions, à nouveau, c'était le mur noir de l'ignorance.Tout était allusions, non-dits, références, sous-entendus.
Il comprenait de plus en plus pourquoi le Dévoreur soumettait ses voyageurs aux épreuves de l'Antichambre. Il y avait tant vécu d'aventures étonnantes et vu tant d'étrangetés qu'il s'étonnait moins mais s'interrogeait tout autant et même plus. Il  existait une marge d'irréel dans les univers de Zorvan qui semblait éloigner la nécessité de les comprendre. Là, il était dans sa réalité et responsable de lui, sans Gardien. "New-York City- USA Amérique-1945 AD "était inscrit dans la logique temporelle et spatiale du monde où il avait vécu et il fallait s'y adapter pour y vivre autrement tout en demeurant lui-même.
Il se répétait la date pour se confirmer qu'il avait bien abordé dans une autre vie et il se promit de tenir un carnet de voyages sitôt qu'il pourrait en obtenir un. Ce serait très utile et quel plaisir de faire courir le stylo sur ces feuilles si blanches, si lisses.


Du temps, des siècles et un carnet !

Il s'aperçut q'il pensait davantage à ce futur carnet qu'à celui qu'il tenait entre les mains et revint à la conversation, mais il commençait à avoir du mal à fixer son attention. Christiana parlait de Kyle mais pour lui ce n'était qu'un nom. Pourquoi sa mère adoptive ne l'aurait-elle pas aimé autant que ses enfants ?
En fait, il ne s'intéressait que peu à la famille de sa camarade voyageuse. Il trouvait leurs rapports bizarres, leurs activités louches, se sentait toujours peu réceptif à l'autorité d'une jeune fille sur son frère. Si encore elle avait été mariée !
Il  l'avait suivie à New York  pour plusieurs raisons : d'abord, parce qu'elle le lui avait demandé et qu'il voulait aider en cas de besoin celle dont il avait partagé le sort dans des circonstances exceptionnelles. Ensuite parce que le mammouth les avait poussés vers la passerelle où se tenait le Dévoreur, et à cet instant il n'avait guère réfléchi à l'endroit où il débarquerait. Démétrios était presque sûr que s'il avait changé sa volonté de suivre Christiana, il serait arrivé ailleurs que sur le pont newyorkais. Mais il  n'avait pas pensé à autre chose qu'à prendre ce pont et rejoindre le Dévoreur. Donc, il pouvait interpréter cette poursuite de leur compagnonnage soit comme un signe du destin, peut-être confondu avec la volonté du Dévoreur, soit comme une décision spontanée de la sienne propre. Il n'avait pas à y revenir. Ils avaient combattu ensemble pour leur vie et le bouclier du Grec protège le compagnon dans la phalange et non celui qui le porte.
Sa curiosité de voyageur était aussi de la partie. 1945, c'était inimaginablement loin dans le futur, même après son séjour au IXe siècle. Il y avait d'ailleurs moins de différences entre le temps des mammouths, la  Grèce du IIIe siècle et la Constantinople de l'an 860, qu'entre cette dernière  et le monde de Christiana. On pouvait penser que l'humanité avait brusquement fait un bond prodigieux dans le savoir. C'était une idée passionnante.  Quel Prométhée était apparu pour révéler de nouvelles connaissances ? En quel siècle cette seconde flamme s'était-elle allumée dans l'esprit humain ? Rien que cette idée de siècle était magnifique. Comme mesure, les Olympiades paraissaient soudain étriquées, à la mesure de l'incertaine mémoire des hommes d'autrefois. Le temps découpé à l'aune des institutions locales n'avait rien de sûr, mais calculé par la mathématique, il prenait une allure carrée, nette, indépendante des circonstances,  infiniment renouvelable.
Démétrios rêvait debout, la bouche entr'ouverte, les yeux dans le vague. Oui, il irait voyager dans chaque siècle entre son temps et le XXe, en choisissant à chaque fois l'année 45 comme temps d'arrivée. Cela ne ferait que 23 voyages après tout ! Il  noterait ses impressions dans un carnet spécial ; il voyait déjà les en-têtes composés juste de la date. -245, -145, - 45,  + 45, +145  etc... Il faudrait passer aussi en l'an 1, rien que pour voir si était vraie cette belle histoire racontée par Nestor ,d'une étoile guidant les Rois venus d'Orient. Choisirait-il pour marquer les étapes de son exploration les chiffres grecs ou bien ceux de Christiana qui les lui avait indiqués sur une machine à montrer le temps où des aiguilles tictaquaient de signes en signes ?

-Il me faut absolument un carnet.

Une femme de tête
Il ne savait pas s'il avait parlé à voix haute et sa gêne le ramena à la réalité. Il vit que Christiana, toujours assise, parlait de sa sécurité et il se secoua. Elle avait raison. Il était temps d'aller dormir.
Mais elle ne voulut pas sonner la retraite sans avoir établi son plan de bataille. Elle avait un but : "trouver" Kyle-  trouver et non "retrouver"....Démétrios sentit très bien la nuance dans la traduction qu'en fit Logos, mais elle pouvait être fortuite. En tout cas, elle confortait l'idée d'une Christiana  tendue toute entière vers son objectif, le monde autour d'elle devant s'ouvrir pour laisser le passage à sa détermination ; comme il se sentait incertain et flottant auprès d'une telle volonté.
Il remarqua aussi qu'elle envisageait tout son programme, très logiquement calculé, sans l'associer, lui, Démétrios, une seule fois à ses projets. "Je" revenait de façon exclusive, avec des "je veux" et "je dois". Et puis, pas une fois, elle ne manifesta d'émotion à l'idée de découvrir sa mère. Comme les filles étaient devenues différentes.
L'idéal féminin pour Démétrios était le reflet de sa  propre mère si tendre et, bien que fière d'âme et souveraine dans son maintien de fille d' Acamantides, toujours si bienveillante, attachée à ce que même un esclave se sentît compris dans la famille. Il était aussi un peu froissé en tant que mâle d'être réduit à une présence aussi peu substantielle, mais il fallait admettre qu'il n'avait rien à faire dans cette époque et que ses priorités auraient dû normalement le reconduire chez lui pour rassurer sa mère et commencer ensuite sa libre vie de Voyageur. Il aurait pu rendre visite à Zorvan et lui demander comment retrouver Thorvald, ses guerriers et ses navires, et aussi apprendre si le Dévoreur avait une tâche à lui confier, car Démétrios pensait avoir une dette envers celui qu'il considérait encore comme un Prince, sinon des Ours, du moins des Voyageurs. mais l'aventure partagée crée des liens et il avait été utile à Christiana, là-haut sur le toit. Quant à elle, femme avisée du XXe siècle, quel meilleur professeur pour l'ignorant qu'il était ?

Démétrios répondit seulement :

-Entendu. Si vous le voulez toujours, je peux vous accompagner dans New-York. Tout cela est dangereux si on pense à ce qui s'est passé sur la terrasse .
Mais maintenent, il faut aller vous reposer ; nous étions partis pour dormir quand ma curiosité m'a poussé vers cet escalier tournant. Moi aussi, je suis un peu assommé et avec votre permission, je vais rejoindre ma chambre.


Il se leva, et ajouta:

-Nous pourrions croire, en nous remémorant tout ce que nous venons de vivre, que nous sommes, tel le géant Argos, capables de rester toujours éveillés. Mais j'ai remarqué qu'entre deux transferts, il y a comme une rupture de la suite des heures ; les temps différents doivent se réajuster en nous et un jour n'a pas la même durée ici et là. J'ai vécu  une journée incroyablement longue et fournie en événements quand j'étais en Aparadoxis. Je crois que le passage des ponts temporels modifie notre dépendance interne au rythme du Temps où nous vivons. Mais il ne nous remet vraiment à neuf que dans Aparadoxis et je crois, d'après mon expérience, seulement si Zorvan a besoin que nous soyons en forme pour l'épreuve suivante. Il faudra que je lui en parle pour savoir si j'ai raison.

Il s'imagina un instant, notant d'un stylo alerte les leçons du Gardien qui lui répondrait peut-être sans se moquer de lui et sans l'envoyer valser sur le derrière pour lui apprendre à rester à sa place.
Décidément, il lui fallait un carnet ! Mais quitte à rêver autant le faire sur un lit et Morphée se faisait de plus en plus pressant.

-Bonsoir Christiana. Que vos dieux vous protègent  des mauvais songes.


Pyjama et Alpaga

Entré dans sa chambre, Démétrios hésita un peu. Et s'il se mettait à souhaiter très fort de se retrouver dans la maison familiale à Phalère, si loin dans le passé mais si proche dans son coeur ? Il pourrait dormir sur son lit de bois et de sangles monté sur pattes de lion en argent et qui avait été celui de son grand-père. Et au matin, il irait surprendre sa mère. Mais il était trop fatigué et s'il ne parvenait pas à revenir, il aurait l'air d'avoir déserté 1945 où le Dévoreur l'avait envoyé.
Il vit des habits pliés sur le lit. Christiana lui avait parlé de vêtements pour la nuit. Curieux, Démétrios qui s'apprêtait à dormir nu ,car il faisait une bonne chaleur estivale dans la pièce alors qu'au dehors le climat lui avait paru frisquet, se retrouva dans un ensemble rayé verticalement vert et blanc avec une étiquette intérieure dont l'Athénien ne put déchiffrer que quelques lettres. L'écriture n'avait plus rien de la simplicité antique. Ces gens du futur ne devaient pas graver souvent leur texte dans la pierre ou sur l'argile collante des tablettes. Mais il eut l'idée de suivre du regard le contour des lettres puisque Logos était un traducteur mental :
Spoiler:
Logos crachota une traduction explicative car, en bon traducteur, il savait adapter sa traduction à la compréhension du destinataire. Démétrios découvrit en même temps l'existence des Grands Magasins et celle de la Cinquième Avenue. Que le monde était devenu complexe, pensa le Grec empyjamaté, en se demandant dans quelle tranche du feuilleté de literie il devait s'introduire. Il choisit entre la courtepointe soyeuse et la couverture veloutée qui portait une autre étiquette, montrant  l'image de l'animal qui avait offert son poil et un nom Alpaga que Logos traduisit sans hésiter par grande chèvre exotique. Démétrios pensa une seconde à demander où se situait cet exotisme-là mais il venait de s'allonger sur Alpaga et dormait déjà.
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Message  Invité Lun 16 Déc - 17:49

Après avoir parlé si longuement, si rapidement, Christiana se tut soudainement. Le regard vague, elle ne savait plus où elle en était dans ses propos. Sa bouche et ses pensées n'étaient plus coordonnées. Elle avait l'impression que ses paroles ne suivaient pas le rythme de sa réflexion. Ou peut-être était-ce l'inverse. Quoi qu'il en fut, elle resta bouchée bée un instant, ne sachant plus sur quoi continuer son monologue. L'intervention de Démétrios lui redonna matière à parler.

- Oui, ce qui s'est passé sur le toit est dangereux. Lorsque j'étais enfant, ce genre de choses était courant. Trop souvent même, reconnut-elle. Votre curiosité a été de bon augure. Que savons-nous des projets des cambrioleurs de cette nuit ? Qui nous dit qu'ils n'avaient pas aussi l'intention de venir à l'intérieur. Qu'est-ce qui nous assure que nous aurions été en sécurité dans nos lits s'ils avaient été plus loin que le toit...

La demande de permission pour aller se coucher fut accueillie avec joie par Christiana. Démétrios se leva et elle fit de même non sans difficulté. Elle s'appuya sur les accoudoirs de son fauteuil et se hissa tant bien que mal de l'assise. La tête lui tournait un peu. Elle resta quelques secondes appuyée sur le guéridon le plus proche, posant sa main à moitié sur le carnet recouvert par la photo de sa mère.

- Votre sens de l'observation est plus aiguisé que le mien, dit-elle en se passant sa main libre sur le front. Je n'ai pas remarqué de rupture dans les heures. Je ne ressens qu'une intense fatigue que je ne saurais dire si elle résulte de cette rupture ou de l'ensemble des événements, ceux de l'antichambre, des épreuves, de la préhistoire et de cette nuit, qui je dis l'avouer, font beaucoup pour un début. La volonté est là, mais ma constitution physique va avoir grandement besoin d'être améliorée si je ne veux pas finir si faible après chaque voyage.

Christiana s'éloigna du guéridon quand le tournis cessa. Elle s'approcha de Démétrios et montra la porte de l'escalier qui menait à l'étage des chambres. D'un signe de main, elle l'invita à monter pour se coucher. Tout en allant vers les chambres, elle ajouta :

- Vous étiez à votre aise auprès des Mammouths, tandis que je traînais loin derrière. Un bon entraînement me ferait du bien. Peut-être accepteriez-vous de m'aider à me fortifier physiquement ? Demanda-t-elle en montant la première les marches de l'escalier à pas lents, tout en se tenant fermement à la rambarde. Après que nous ayons résolu mes soucis de vol et de carnet mystère, un petit saut dans votre temps ne me déplairait pas, pour que vous m'appreniez à vivre plus durement et tenir plus longtemps que le temps qui s'est écoulé entre mon entrée dans l'antichambre et cette nuit. Il va de soi que je profiterais d'un tel voyage pour assouvir ma curiosité, tout comme vous ici, dit-elle en souriant et en se retournant vers Démétrios, qui la suivait dans les escaliers.

En haut des escaliers, leur chemin se séparait. Elle répondit au bonsoir de Démétrios d'un signe respectueux de la tête et se dirigea avec hâte vers sa chambre. Elle s'y enferma et resta le dos contre la porte fermée. Elle baissa ses yeux sur ce qu'elle tenait toujours entre ses mains : le carnet et la photo. Christiana ne s'était pas rendu compte qu'en s'éloignant du guéridon, elle avait pris le carnet et la photo avec elle. Christiana ferma les yeux, bascula la tête en arrière et expira longuement. Dans quoi s'embarquait-elle ? Elle rouvrit les yeux et fixa la photo de sa mère.

- Von Carter... Carter... tu rôdes autour des hommes au nom similaire ? Demanda-t-elle à la photographie. Tu as eu papa, tu as apparemment eu Howard Carter. Ne me détourne pas de mon objectif, laisse-moi avoir Kyle, marmonna-t-elle en mettant la photo dans le carnet, cachant ainsi le visage de sa mère et l'air amoureux d'Howard Carter.

Christiana jeta le carnet sur sa coiffeuse, défit son peignoir en satin et se laissa tomber sur le lit déjà défait. Elle se glissa sous les draps et ferma les yeux, se laissant rejoindre Morphée. Elle s'enfonça véritablement dans le monde des rêves, sous le regard protecteur de la photographie de son père, de ses frères et de Kyle.

Christiana s'était recouchée en espérant qu'aucun toc à la porte ne viendrait de nouveau perturber sa nuit. Ou du moins ce qui restait de nuit. Il lui importait peu de dormir jusque tard dans la matinée. Elle se disait que si Démétrios se levait avant elle, il pouvait très bien réussir à survivre dans la maison pendant qu'elle dormait. Tout ce qui l'importait, c'était le droit à un repos complet et qu'il n'y ait pas de toc à sa porte pour la réveiller.

Malheureusement, elle pouvait toujours rêver ! Au matin, on frappa à sa porte. Le premier toc ne la réveilla pas. Et l'homme qui frappait préféra réitérer le toc en douceur plutôt que prendre le risque d'ouvrir la porte et entrer sans y être invité, même si c'était pour réveiller la patronne. Après cinq tentative, le toc devint plus violent. Christiana avait été réveillée au troisième. Feindre le sommeil ne marcha pas et au sixième toc, lui aussi plus fort, elle s'assit au bord de son lit, enfila le peignoir qui traînait par terre. Elle passa une main sous l'oreiller, où son petit colt banker special dormait bien au chaud. Elle se tourna vers la porte, gardant une main sous l'oreiller et s'exclama :

- Qui est-ce ?

- C'est Bobby, Patronne. Le FBI est en bas. Ils savent pour cette nuit. Ils vous réclament. Ils insistent et sont bien armés.

Christiana lâcha un faible juron.

- Je ne suis pas présentable. Dis-leur que j'arrive dans quelques minutes.

- Bien, M'dame, dit Bobby en tournant les talons pour regagner le rez-de-chaussée.

Christiana se leva précipitamment et ouvrir la porte de sa chambre. Bobby était quasiment rendu aux escaliers.

- Bobby ! L'interpella-t-elle en serrant les pans de son peignoir d'une main et en repoussant ses cheveux de l'autre.

Le gaillard se tourna vers sa patronne et en voyant qu'elle n'était véritablement pas présentable, il détourna les yeux.

- Ne t'avise pas à prévenir Jared, dit-elle d'un ton sec, avant de retourner dans sa chambre et de claquer violemment la porte.

Bobby se retrouvait dans une situation délicate. Soit il prévenait Jared et se faisait sévèrement punir par la patronne, soit il ne le prévenait pas et c'était Jared qui lui faisait sa fête. Les événements de la nuit et la présence du FBI lui fit prendre la décision d'obéir à la princesse du Bacchus. Il préférait attendre de voir ce que donnait l'entrevue avec les agents du gouvernement.
De retour dans le hall du Bacchus, il informa les sept hommes du FBI que sa patronne s'habillait et arrivait sous peu.

Au dernier étage de l'immeuble, Christiana faisait les cent-pas dans sa chambre. Que faire ? Fuir en se transportant à une autre époque au risque de compromettre ses nouveaux projets pour le Bacchus ? Fuir pouvait être une option mais avant, elle devait savoir ce que ces hommes voulaient véritablement. Savoir comment ils avaient su si vite pour la fusillade nocturne.

Christiana fit un brin de toilette dans sa salle de bain et enfila des sous-vêtements et des bas propres. Elle alla ensuite fouiller dans ses vêtements pour trouver la tenue la plus confortable pour affronter cette nouvelle situation délicate. Elle chercha une tenue susceptible de l'aider dans une potentielle fuite. Elle monta sur une chaise pour chercher sur les étagères les plus hautes et tira sur un vêtement coincé au fond, ce qui entraîna une chute de magazines oubliés. Christiana pesta et repoussa un magazine coincé entre elle et les étagères du grand placard. Le magazine tomba et s'ouvrit à une page qui attira son attention. Sur cette page, se trouvait une photographie de Rita Hayworth... en pantalon !
Spoiler:
Christiana descendit de son perchoir et prit le magazine. Ses mains se crispèrent sur les pages chiffonnées après avoir été sauvagement entassées sur l'étagère, afin de faire oublier le magazine. Elle se souvint de ce magazine. Il avait entraîné un des derniers cadeaux de Kyle. Un des derniers avant qu'il ne parte en guerre de l'autre côté de l'océan. Il lui avait offert un pantalon !

Christiana se souvenait parfaitement de ce qu'il lui avait dit en le lui offrant. « Tu seras comme Rita Hayworth en voiture, lorsque nous partirons. Tu seras encore plus libre de vagabonder où ta voiture te portera sur la côte ouest ». Ses mains se relâchèrent doucement et un sourire apparut sur son visage.

- Oh Kyle... que me fais-tu faire ! Bon. Pourquoi pas ! S'étonna-t-elle en remontant sur la chaise.

Si le magazine était là, le pantalon ne devait pas être loin. Lorsque Christiana enfouissait sa douleur, elle veillait à faire les choses correctement. Le magazine lui rappelant Kyle, le pantalon aussi, celui-ci devait aussi être sur l'étagère. Et il l'était. Bien au fond, caché derrière de vieilles jupes, il y avait le pantalon. Il sentait un peu le renfermé. Mais Christiana se dit que si elle devait fuir, son pantalon prendrait l'air et l'odeur avec !
Christiana redescendit de la chaise et mit le pantalon, qu'elle accompagna de l'habituel duo chemisier et veste de tailleur. Elle laissa cependant de côté le chapeau à voilette. Elle chaussa des chaussures suffisamment plates pour être confortables et s'observa dans un miroir. Ce qu'elle vit l'étonna. Elle vit une Christiana bien différente de la routinière qu'elle était. Cela ne lui déplut pas. Au contraire. Elle se peigna, se fit une coque à l'instar de la célébrité du magazine, laissant pour une fois ses cheveux relâchés.
Elle inspira un bon coup et quitta sa chambre pour se diriger vers celle de Démétrios. Elle frappa à la porte plusieurs fois et s'écria suffisamment fort pour être entendue à travers la porte :

- Navrée si je vous réveille, Démétrios. Mais les ennuis sont là. La police, pour être plus précise. Elle semble être au courant pour nos péripéties de cette nuit. Si vous souhaitez me rejoindre pour en savoir plus, je serai tout au rez-de-chaussée. Au club. Si vous descendez tout en bas, quelqu'un vous conduira à moi.

Christiana quitta ensuite l'étage des chambres et descendit les trois escaliers qui menaient au rez-de-chaussée. Elle hésitait entre aller voir directement les hommes du FBI dans le hall ou les recevoir de façon plus formelle, dans l'ancien bureau de son père. Christiana jugea finalement qu'il était plus judicieux de les recevoir dans le petit salon privé. Cela rendait l'accueil hostile que si elle devait se trouver derrière le grand bureau d'ébène et cela les laissait tout de même loin des yeux curieux du personnel et des bouches susceptibles de rapporter à Jared les propres qui allaient être échangés.

Arrivée au rez-de-chaussée, dans le hall privé, elle se rendit compte qu'elle avait laissé son colt à l'étage. Même si le bureau avait sa propre arme, que pouvait-elle faire, seule contre eux ? Rien. Alors elle ne fit pas demi-tour. Une femme de ménage du Bacchus se trouvait dans le hall privé. Surprise de voir sa patronne descendre si tôt, elle la salua timidement.

- Sarah, prévenez Bobby que je suis dans le petit salon et dites-lui de faire venir nos visiteurs. Demandez aussi à Carlson de nous apporter du café et un thé pour moi. Un certain Monsieur de Zéa, qui séjourne actuellement au Bacchus, risque de nous rejoindre. Veillez à ce qu'il soit conduit au petit salon privé.

Aussitôt, la femme de ménage s'éclipsa. Christiana entra dans le petit salon privé et s'installa dans un des confortables fauteuils de club, faisant face à la porte du hall privé. Bobby fut prévenu en premier. Puis se fut le tour de Carlson, le barman.

- La patronne est prête. Suivez-moi, dit Bobby sur un ton monocorde qui cachait mal son envie de  faire des trous dans ces hommes.

Bobby les entraîna dans le couloir, puis dans un premier hall qui desservait sur deux portes. Ils franchir celle de gauche et arrivèrent dans le hall privé où Christiana avait donné ses ordres à Sarah. Bobby montra la porte du petit salon privé aux hommes du FBI et dit :

- Elle vous attend.

Il frappa à la porte du petit salon et Christiana l'autorisa à entrer. Bobby ouvrit la porte du petit salon et il s'éclipsa aussitôt, en montant les escaliers qui menaient au premier étage, afin de conduire Démétrios au petit salon privé s'il souhaitait prendre part à l'entrevue. Dans le petit salon privé, Christiana attendait tranquillement son thé et les agents du FBI.

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Message  Invité Lun 6 Jan - 1:28

Démétrios rêvait de la villa de Mégare, celle de son grand-père, qui n'était plus occupée qu'occasionnellement au moment des grandes fêtes quand la famille ne savait plus où loger les invités. Il se promenait dans des chambres vides, des feuilles sèches couraient sur les dalles, tout était silencieux. C'était un rêve paisible et nostalgique, de ceux où se mêlent des sentiments si vrais qu'ils demeurent en nous, affaiblis et sans objet, alors même que le songe s'est depuis longtemps effacé.
Démétrios se déplaçait comme s'il ne touchait pas terre, flottant dans une brume dorée dont il sentait la douce tiédeur sur sa peau.
Puis, soudain une chèvre apparut entre deux colonnes, très grande, avec de longs poils fauves et Démétrios reconnut l'alpaga sur lequel il dormait. C'était un animal envoyé par les dieux et qui, tout en tapant de ses sabots vernis sur le marbre sonore, révélait d'une voix haut perchée des prophéties dans le langage des Immortels. Malheureusement, Démétrios ne comprenait pas les ordres sacrés et les annonces du Destin. Il sentit qu'il devait faire un effort, qu'il pouvait comprendre en s'en donnant la peine, qu'il suffisait.. de se réveiller.
Il ouvrit les yeux. Il n'avait pas éteint la lumière avant de s'endormir et il reprit immédiatement contact avec la réalité. Certain qu'on venait de frapper à la porte et de lui parler, il sortit vivement du lit et courut ouvrir. Le couloir était vide  mais il était sûr de son impression ; il entendait encore l'écho des derniers mots incompréhensibles et les coups frappés. Par Jupiter ! La chèvre ! Il avait rêvé ! la chèvre divine,  sa voix de prophétesse, ses sabots frappant le sol....tout cela n'était que des fantaisies sorties du sommeil.
Cependant, il restait hésitant et demeurait là dans son pyjama rayé, pieds nus, ses boucles blondes emmêlés lui tombant sur les yeux.
C'est alors que Bobby apparut au bout du couloir et lui adressa la parole. Mais le Grec ne comprenait pas plus le garde qu'il n'avait compris la chèvre et Bobby ne parlait certainement pas le langage des dieux. Brusquement, le mystère s'éclaircit : le Traducteur ! Il l'avait fermé pour économiser l'énergie. Rasséréné, il fit un signe pour que Bobby l'attende.
Celui-ci s'apprêtait en fait à descendre et s'arrêta de mauvaise grâce. Il n'aimait ni les étrangers ni les olives et ce type bizarre inquiétait tout le monde, surtout après son exploit sur le toit. Il soupçonnait la patronne d'avoir engagé un garde du corps à l'insu de son frère et Bobby ne savait trop quoi en penser. Il attendit cependant devant la chambre où était rentré ce type qu'il fallait ménager, étant donné  son coup de fusil  et le fait que la patronne lui refilait les pyjamas de son frère.

L'appareil de nouveau en état de marche, Démétrios revint auprès du garde qui lui dit d'un ton  où perçait une certaine impatience :

-Eh, faudrait vous dépêcher, M'sieur de Zéa ! Miss Christiana m'attend. Elle va peut-être vous demander de descendre, mais pas en pyjama ! Les flics sont là . A cause du grabuge de cette nuit. Nous, on est couvert, on a nos ports d'armes ; on est honnêtement connu des Services... Mais  vous, vous avez descendu un bonhomme après tout. Et d'un seul coup ! Seriez pas un tireur d'élite plutôt qu'un marchand d'olives ?  Z'êtes en règle, j'espère ? Z'êtes citoyen américain ?

-Citoyen, oui, mais d'Athènes. Je n'ai pas bien entendu tout à l'heure, mais il me semble que quelqu'un a tenté de me réveiller. Où est miss Von Carter ?

-En bas. Elle va recevoir les gars du FBI et m'a fait dire de la rejoindre. Si vous descendez, faites gaffe. Vu le nombre de types qu'ils ont amenés, ils ne vont pas vouloir s'en repartir tout seuls. Faut vous habiller chaud ..N'oubliez pas vos papiers et si j'étais vous, j'emporterais ma brosse à dents.

Le traducteur avait du mal à suivre, sa pile solaire était fatiguée et les expressions populaires ne correspondaient que fort approximativement entre l'argot new-yorkais et le grec ancien.  Démétrios ne s'expliqua pas pourquoi Bobby eut un sourire ironique comme s'il avait fait une bonne plaisanterie. Il répondit sans chercher à en savoir plus:

-Si vous voyez Miss Christiana , prévenez-la que je  m'habille et la rejoins.

Il  se vêtit rapidement, pas du tout inquiet. Le FBI avait été traduit par Service d'Enquête  de la Nation et Démétrios n'avait rien à se reprocher. Il avait défendu une demoiselle américaine et le garde cherchait à lui faire peur parce qu'il était peut-être un peu jaloux de ce coup de fusil réussi. Et puis, si le FBI posait trop de questions, il penserait très fort à Zorvan et à la porte d'Aparadoxis, disparaîtrait aussitôt et, pour le distraire, il irait raconter ses aventures au Gardien.

Démétrios passa par la salle de bain, se rasa  le menton tant bien que mal mais mieux que la veille, car il eut l'idée de lire les étiquettes au Traducteur et fit ainsi la différence entre la pâte pour les dents et la crème pour la barbe. Coiffé, lotionné, il s'admira dans la glace, se coupa un peu les boucles avec le rasoir, car les hommes de ce temps semblaient privilégier le poil court, hésita un instant devant la brosse  que le traducteur s'entêtait à appeler Colgate mais c'était la seule brosse pouvant convenir aux dents et il la mit dans sa poche puisque Bobby l'avait conseillé.
Il avait dit aussi de se vêtir chaudement. Les vêtements laissés la veille par Christiana étaient toujours là. Il mit donc une veste bleue par-dessus son sweater et les boutons dorés gravés d'une petite ancre de marine lui parurent fort beaux. Il pensa à mettre des chaussures et prit celles qui lui parurent les plus souples. Un homme d'action ne doit pas avoir mal aux pieds et le New-York de Christiana ne semblait pas un lieu propice à la rêverie.
Ah ! Bobby avait dit également de ne pas oublier ses papiers. Dans la cuisine, Christiana lui avait donné un petit bloc de feuilles où elle inscrivait ses courses et c'était les seuls papiers dont il disposait. Il relut ses notes de la veille, savoura le mot chocolat et y ajouta F.B.I , que le Traducteur Mental lui dicta, voyant ses hésitations.  Ainsi armé, l'Athénien prit la direction de l'escalier. Bobby remontait et  s'offrit à le guider.

Au bas de l'escalier, deux hommes surveillaient les accès. Des bruits venaient de la droite, du personnel s'affairait, on entendait déplacer des objets, crier des ordres. Mais Bobby montra la porte de gauche en disant que c'était là et Démétrios fut introduit dans une pièce qui lui donna immédiatement envie de ressortir et si possible à l'air libre.
Les murs étaient surchargés de boiseries, de tentures, de panneaux décorés. Les lumières électriques, provenant d'un plafond cloisonné ou bien de verres dépolis fixés ici et là, éclairaient de façon irrégulière, laissant des coins sombres. Partout des verreries étincelaient dans la pénombre. Remplie d'objets élaborés et mystérieux, encombrée de tables rondes et de fauteuils de cuir luisant, cette pièce feutrée évoquait pour le Grec un antre de dieu souterrain, une caverne de Circé et, fils d'un peuple de pâtres et de marins, il se demandait comment tant de richesses pouvaient conduire à ce confinement.
Accoudés à un meuble massif et haut, en bois artistement chantourné et vernis, des hommes se tenaient debout et six paires d'yeux se fixèrent sur le nouveau venu. Ils avaient tous un long manteau plus ou moins ouvert, la main négligemment dans la poche ou à hauteur de ceinture. Des chapeaux mous étaient posés  en rang derrière eux, sur le comptoir. Démétrios luttait contre un sentiment d'étouffement qu'accentua le bruit de la porte refermée derrière lui.
Christiana était assise et une jeune femme disposait un grand plateau sur une des tables tandis que, sur le point de s'asseoir à son tour, un grand homme arrêta son mouvement pour se tourner vers Démétrios. Son air grave et son regard intelligent  plurent immédiatement à l'Athénien qui aimait les visages aux traits sobres et réguliers.
Christiana fit les présentations et Démétrios remarqua son changement de coiffure, cependant il était trop mal à l'aise pour savoir ce qu'il en pensait. La jeune femme paraissait minuscule entre tous ces hommes debout mais nullement intimidée par la situation. Démétrios s'assit sur le fauteuil qu'elle lui indiqua et il attendit la suite des événements, sentant que l'heure était décisive mais il ne savait pas pour qui et en quoi. Un seul point positif. Du plateau montait un chaud parfum crémeux. Indubitablement, du chocolat.
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Message  Le Dévoreur de temps Dim 9 Fév - 8:24

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Il y eut un remue ménage sans doute inhabituel pour le Bacchus à cette heure matinale et cela amusa Eliot. Il se remémorait d'autres descentes qu'il avait faites à l'aube, il y avait quelques années. Surprendre les maffieux dans leur sommeil ou au saut du lit, armé d'un mandat, était une de ses spécialités. Il amassait les indices, voire les preuves durant la nuit, puis tirait le juge de son lit pour obtenir un mandat et débarquait la fleur à la mitrailleuse pour fondre sur les escrocs, tel la misère sur le pauvre monde. Aujourd'hui, il n'avait aucune ordonnance d'un quelconque juge et il allait falloir bluffer, mais il avait d'autres atouts dans sa manche. L'un d'eux était un nom, celui d'un homme dont Christiana Von Carter avait fait récemment connaissance. L'autre celui d'un proche qui lui était cher. Alors qu'un porte flingue allait tirer sa maîtresse du lit il passa en revue dans sa tête la façon dont il allait procéder. L'attente ne fut pas longue. Peu si l'on considérait que c'était une femme qu'on tirait du lit. Le garde du corps revint après qu'ils eurent entendu, du hall d'entrée, une voix féminine qui donnait des ordres et le cliquetis d'un plateau chargé qui passait des cuisines au couloir adjacent à l'entrée. Le type à la mine patibulaire les introduisit dans un petit salon que Ness connaissait pour y avoir déjà interrogé le père et les frères. Pas toujours de façon fructueuse. Les Von Carter étaient protégés par un accord dont ils ignoraient eux-même la teneur et la raison, et qui leur avait permis de conserver la propriété du Bacchus et certaines de leurs activités lors du grand nettoyage que le FBI avait fait dans la maffia new yorkaise quelques années auparavant. Échange de bons procédés, le FBI avait tu ce qu'il savait sur l'origine de Kyle Von Carter, et ce, surtout parce qu'il ne voulait pas embarrasser leur agent infiltré.

Christiana était devenue un joli brin de fille. Il avait à peine entre aperçue la gamine durant les années où il avait croisé le clan. Les hommes Von Carter protégeaient leurs femmes. Il se souvenait d'une fillette au regard sombre et à la chevelure épaisse et disciplinée. Le regard n'avait pas changé, il s'était juste durci. Les cheveux étaient à présent domptés en une coiffure un peu passée de mode, mais élégante qui la faisait ressembler aux stars de cinéma quelques années en arrière. Elle trônait dans son salon et ne parut pas s'émouvoir de leur entrée en force. Alors qu'il se présentait , inutilement selon son sentiment, car il était persuadé qu'elle savait qui il était, un homme inconnu fut introduit à son tour dans le salon. La maitresse de maison fit les présentations et Ness fronça les sourcils. Démétrios de Zéa ? Un homme de la maffia grecque, peut-être ? Le nom ne lui disait rien et n'était sans doute qu'un nom d'emprunt. Le type avait pourtant l'air exotique, un peu hébété au milieu du salon. Elle le présenta comme un commerçant en produits grecs. Des olives ? La bonne blague...

- Mademoiselle Von Carter, l'objet de ma visite est des plus privés et je ne pense pas qu'il soit souhaitable que vos relations d'affaires y soient mêlées...

Pourtant il s'interrompit lorsqu'un de ses agents lui murmura à l'oreille:

- Selon le dossier que nous a transmis Monsieur S, la description du meurtrier donnée par son agent sur le toit correspond à ce gugus.

- Mais nous pourrons entendre Monsieur de Zéa pour un complément d'enquête... Voyons voyons... Prenons les choses par le début de cette nuit... Commença-t-il en demeurant debout alors que ses deux interlocuteurs étaient assis. Vous avez quelque chose qui nous intéresse et, pour ainsi dire, nous appartient. Une famille rivale de la vôtre s'y intéresse également. Vous avez intercepté leurs hommes sur le toit cette nuit, alors que nous étions en embuscade. Nous les suivions depuis quelques temps et ils allaient nous mener à ce que nous cherchions. Vous l'avez récupéré avant nous et nous le voulons...

C'était bien tenté mais sans grand espoir. Ness ne pouvait croire que la fille Von Carter allait lui remettre de bonne grâce ce que lui et Stanzas voulaient. Il savait qu'il allait devoir lui faire comprendre que leurs intérêts étaient plus ou moins communs, et pour cela lui faire des révélations bouleversantes mais, il fallait prendre quelques précautions.

- Je vous demanderais de bien vouloir me suivre dans nos bureaux pour poursuivre cette conversation mais il est hors de question que je parte sans ce que vous avez trouvé sur le toit cette nuit. Je vous donne donc le choix suivant : soit vous allez le chercher et nous suivez avec votre "invité", soit nous emploierons la force.

Il fit un signe de tête à ses hommes et trois d'entre eux se dispersèrent dans les pièces avoisinantes.

- En revanche, j'exige que vos hommes se regroupent dans la grande salle du club, sous la surveillance des miens. Personne ne doit entrer ni sortir du Bacchus et aucun d'entre eux ne doit entendre la teneur de ce qui va suivre. Il en va de leur sécurité et de la vôtre... Quoiqu'il en soit je veux que vous m'apportiez ce que vous avez soustrait sous le nez de mes agents, cette nuit même.

Ce disant il avait enveloppé Christiana de son regard pénétrant, de celui qui aurait pu convaincre une catin d'entrer au couvent pour échapper à la vindicte d'un clan rival.

- Un de mes hommes surveillera aussi celui que vous chargez habituellement de répondre au téléphone. Si votre frère vous appelle, il ne pourra avoir la communication. Les fils ont été coupés. Il ne doit rien savoir ce ce qui s'est passé cette nuit et de ce qui se passe actuellement. S'il veut venir au Bacchus, il trouvera sur sa route une de nos voitures qui effectuera un long contrôle de la sienne... Assez long pour nous permettre de  partir discrètement dans un lieu plus approprié. Le temps presse et je vais devoir vous demander d'écourter votre petit déjeuner.  
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Message  Invité Jeu 13 Mar - 14:00

Christiana prit sa tasse de thé tiède. Elle l'aimait pas trop chaud, pour le boire rapidement . Ni trop froid, car le thé froid la répugnait. Elle porta la tasse à ses lèvres et se ravisa lorsque Démétrios entra. Sans reposer sa tasse, Christiana fit les présentations. Puis elle but enfin le délicieux nectar à la menthe. Délicieux ? Pas vraiment. Christiana grimaça et reposa la tasse en fronçant les sourcils.

- Noir... grommela-t-elle en s'essuyant délicatement les lèvres avec une serviette.

Le malheureux ou la maladroite qui avait préparé le thé de la patronne s'était trompé, lui préparant un thé noir plutôt que son thé vert importé de Chine. Elle reposa la serviette et leva les yeux vers ce troupeau d'hommes venus la voir.
Ness en personne était venu s'entretenir avec elle. Christiana ne savait pas trop comment réagir à sa présence. Devait-elle être flattée et se considérer comme une personne très importante pour que Ness se déplace en personne et vienne faire son cinéma de super agent ? Ou devait-elle avant tout se méfier ? Il était évident qu'elle se méfiait du FBI. Mais avant tout, pourquoi étaient-ils là de si bonne heure ?

Ness prit la parole et montra que la présence de Démétrios ne lui convenait pas. Christiana leva les sourcils. Elle était chez elle, sur son territoire. Elle n'appréciait pas qu'on lui dise ce qui était souhaitable. Surtout si cela était dit d'un agent du FBI. La déranger de trop bonne heure, se présenter armés et ne pas se cacher du port de leur arme, lui dire ce qui était souhaitable... s'il voulait la mettre de mauvaise humeur, il était sur la bonne voie ! Christiana serrait les dents. Après la nuit difficile sur le pont, sa rencontre avec le Dévoreur, son séjour chez Zorvan puis cette nuit de fusillade sur le toit... Christiana avait besoin de tout sauf d'être contrariée. Et cela n'allait pas en s'améliorant lorsque Ness fut interrompu par un de ses hommes. Christiana avait horreur des messes basses. Surtout quand elle ignorait ce qui se tramait autour d'elle. Cela puait le secret et les cachotteries. Au Bacchus, seuls les Von Carter étaient les maîtres des cachotteries.

Christiana n'avait invité que Démétrios à s’asseoir. Elle ne comptait pas en faire autant avec Ness et ses hommes. Pas s'ils persistaient à mettre un poing sur la hanche, soulevant ainsi le pan de leur manteau pour bien lui montrer où ils rangeaient leur arme. S'ils essayaient de l'impressionner, c'était loupé ! Elle avait vu bien pire, depuis toute petite, à travers la fenêtre de la cave interdite.

Ness dévoila enfin la raison de sa présence. Elle avait quelque chose lui appartenant. Ils n'étaient donc pas là uniquement pour les échanges de feu sur le toit. Il voulait la boite trouvée dans le conduit.

- Quelque chose présent sur ma propriété vous appartiendrait ? S'étonna Christiana en prenant un faux air de surprise. Vraiment ?

Christiana croisa les bras et posa un regard sombre, du moins, encore plus sombre, sur Ness. Pourquoi mentir et cacher la vérité. Si Ness était là, c'est qu'il savait. Il ne se déplacerait pas lui-même pour bluffer. Il était certain pour Christiana qu'il savait de quoi il parlait. Alors elle ne blufferait pas.

- La chose que vous cherchez, je l'ai ouverte et j'ai pris plaisir à fouiner dedans. Monsieur de Zéa et moi avons vu ensemble des choses qui se positionnent maintenant dans le trio de tête de la liste de mes centres d’intérêt. Son contenu est plus qu'intéressant. Il est fascinant. N'est-ce pas, Monsieur de Zéa ? Ne trouvez-vous pas que je ressemble fortement à ma mère ? Alors, voyez-vous, Monsieur Ness, il va vous falloir me donner des informations bien plus croustillantes que le contenu de la boite pour en détourner mon attention.

Les lèvres de Christiana s'étirèrent en un petit sourire narquois lorsque Ness passa aux menaces. Christiana le laissa parler longuement. Elle écoutait, mais se moquait de ce qu'il disait. Elle réfléchissait surtout à une solution pour retourner la situation à son avantage. Elle avait une capacité lui permettant d'aller où et quand elle voulait. Elle pouvait très bien finir en prison. Ce n'était pas les barreaux d'une cellule qui la retiendraient prisonnière. Mais elle n'était pas seule dans cette situation. Il y avait aussi Démétrios. Elle le trouvait d'ailleurs très calme. Ou peut-être ne comprenait-il tout simplement pas ce qui se passait. Quelle que fut sa réaction face à tout ça, il n'en demeurait pas moins présent et Christiana devait agir en conséquence. Pendant que Ness déblatérait ses menaces et ses ordres, Christiana réfléchissait à un plan. Elle ferait bien participer Démétrios à cette réflexion mais c'était tout simplement impossible.

Comment se dépêtrer de cette situation ? Elle avait la faculté de se déplacer comme bon lui semblait, sans voiture, sans avion, sans vélo ni train. Sur sa simple volonté, elle pouvait aller où bon lui sembler. C'était ça, la base de son plan.
Ness était persuadé qu'il était en position de force, mais il ignorait ce dont elle était capable. Christiana se dit qu'elle devait lui laisser croire qu'il était réellement le dominant de cette situation. Alors elle se dit que jouer le jeu et aller chercher la boite était pour le moment ce qu'il y avait de mieux à faire. Mais elle ne comptait pas aller la chercher en marchant.
Pour cela, il fallait le laisser parler sans l'interrompre. Lui laisser dominer encore un peu la situation. En plus, cela permettait à Christiana d'imaginer la totalité de son plan.

Quand Ness eut terminé son discours, Christiana avait pu songer à une façon de retourner la situation. Une façon qui n'était pas sans risque pour elle. Mais Ness avait fini plus tôt et elle manquait de temps pour terminer totalement sa réflexion. Elle devait donc en gagner un peu. Il lui manquait juste une chance de sortir du petit salon seule, afin de pouvoir voyager jusque dans sa chambre.

Christiana se leva brusquement et s'avança vers Ness. Elle était bien plus petite que lui, bien plus frêle mais son regard avait la même détermination que l'agent du FBI. Elle était si près de lui qu'elle dut bien lever le menton pour lui parler en le regardant dans le blanc des yeux.

- Vous pourriez me maîtriser simplement avec la force de vos mains et vous osez tout de même proférer des menaces à mon encontre. Douteriez-vous, Monsieur Ness, de votre force d'homme à maîtriser la petite femme que je suis ? De la simple force de vos bras, vous pourriez me charger sur votre épaule, me jeter dans votre voiture et me conduire de force dans vos bureaux pour me faire parler de force et ainsi me faire dire où se trouve la boite. Quoi que vous pourriez tout aussi bien me  maîtriser avec vos bras et laisser vos hommes fouiller ma maison.

Christiana recula d'un pas et présenta ses poignets à Ness.

- Une femme qui en plus ne fait aucune résistance, n'a pas fui en apprenant votre arrivée et vous a accueilli dans un salon plutôt que dans le hall d'entrée, ajouta-elle en rabaissant ses mains. Pourquoi en venir directement aux menaces ? Demander gentiment en me donnant une raison valable de vous donner la boite, n'était-ce pas une solution plus logique. Vous connaissez ma famille, il suffit de nous donner un plus gros os pour nous faire lâcher celui que nous avons. Ho ! J'y pense... vu vos menaces et votre insistance pour que j’obtempère, je mettrais ma main à couper que vous n'avez pas un de ces petits papiers magiques d'un magistrat pour prendre quelque chose se trouvant dans mon domicile. Je me trompe ? Demanda-t-elle en souriant.

Elle s'écarta davantage de Ness et vit, derrière lui, la chose qui lui manquait. Christiana contourna Ness et alla tirer sans relâche sur la corde qui fit teinter la cloche d'appel du personnel, tout en continuant de parler :

- Je suppose que non, vous n'avez aucun papier officiel pour récupérer la boite, sinon vous ne seriez pas venu avec autant d'hommes, vous auriez déjà brandit votre papier et ne perdriez pas votre temps à bavarder et à menacer une personne qui s'est présentée à vous dans les plus brefs délais malgré le fait qu'elle était au lit et qui en plus, a fait servir du café aux mal-élevés que vous êtes ! S'exclama-t-elle en pointant vigoureusement du doigt le plateau. J'en viens à me demander si votre présence ici est officielle. Et donc, si votre mission concernant la boite l'est aussi.

Christiana s'acharnait sur la corde jusqu'à ce que la porte s'ouvre doucement. Une tête apparut. Christiana fondit dessus et ouvrit la porte en grand. C'était Sarah, la domestique. Christiana montra le plateau et dit sèchement :

- Du thé noir. Immonde ! Vous demanderez à la personne qui l'a préparé s'il est si difficile de se rappeler que je préfère le thé vert.

Christiana se tourna vers Ness et le dévisagea. Son plan faisait un peu mélodramatique à son goût. Mais puisque Ness s'était attribué le rôle du flic autoritaire et puissant, Christiana se disait que c'était à son tour de montrer qu'elle pouvait s'attribuer un rôle dans cette comédie. Il jouait de la force de l'autorité et des menaces ? Christiana, elle, allait jouer du chantage. Il voulait la boite ? Il allait être servi.

- Je vais la chercher, lança-t-elle à Ness en regardant l'heure à l'horloge, mais n'imaginez pas que je vais vous laisser franchir le seuil de ma chambre et vagabonder dedans comme vos hommes le font dans mon club. Démétrios, je vous en prie, prenez votre petit-déjeuner, dit-elle en lui souriant. Monsieur Ness peut bien vous laisser le prendre pendant que je vais chercher sa fichue boite. Après tout, il vient nous lever du lit de bonne heure et veut nous forcer à le suivre dans son bureau. Mais il ne faut pas lui en tenir rigueur, il semble pressé et dépourvu de bonnes manières. Il ne doit sûrement pas avoir autant de temps que vous et moi, ni en avoir le même usage ou la même notion, au point qu'il en est rendu aux menaces pour parler de ce qui s'est passé sur le toit, ajouta-t-elle en appuyant sur les mots « temps », « même usage » et « toit ». Vous, laissez le chocolat chaud et les biscuits pour Monsieur de Zéa et rapportez le plateau, ils ne sont pas là pour le café, ordonna-t-elle à Sarah. Aller on se dépêche ! Pressa-t-elle.

La domestique était à peine entrée que Christiana se faufila entre elle et l'encadrement de la porte. En un clin d’œil, la porte était refermée brusquement au nez de Ness, ralenti par la domestique qui entrait. Christiana s'était volatilisée du couloir vide, ce qui fut une chance inouïe pour elle, après avoir fermé les yeux pour se concentrer sur sa destination.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Christiana constata qu'elle était dans son placard à vêtement. Elle en sortit précipitamment et regarda l'heure à son réveil. Elle était en avance d'une petite minute sur l'heure indiquée par l'horloge du petit salon.
Ce n'était pas volontaire mais cela lui laissait le temps de faire ce qu'elle avait en tête avant que Ness passe à son tour la porte du petit salon et ne s’aperçoive qu'elle n'était pas en train de monter les escaliers. L'arrivée aussi, était encore un peu hasardeuse. La maitrise des voyages allait demander de la pratique. Lors de son premier voyage, de la préhistoire au Bacchus, Christiana s'était retrouvée debout sur le canapé du salon. Là, au lieu d'arriver devant la tablette où se trouvait la boite, Christiana s'était retrouvée dans le placard à vêtements.
Elle s'empara de la boite qui renfermait tout son contenu et ouvrit un tiroir pour prendre un briquet ayant appartenu à Kyle. Puis, elle regarda l'heure, ferma de nouveau les yeux et se concentra sur le toit, espérant arriver le bon jour, à la bonne heure et pas au bord du toit.
Une fois les yeux de nouveau ouvert, Christiana fut ravie de voir qu'elle se trouvait au milieu du toit. Mais dans la flaque de sang d'un des hommes morts pendant la nuit.
Dégoûtée et sentant la nausée monter, Christiana s'écarta vite du cadavre. Si elle pouvait voir des morts de loin, il lui était tout de même difficile de presque leur marcher dessus. Elle alla donc s'asseoir sur le bord du toit, attendant que sa disparition soit remarquée et qu'on vienne voir si elle se trouvait sur le toit. Ce qui allait être plus rapide qu'elle l'imaginait car un des hommes de Ness sortit de derrière un des conduits d'aération. Aussitôt, Christiana se leva et se recula au maximum contre la toute petite balustrade, se trouvant presque au-dessus du vide. L'homme la somma de donner la boite.

- Dites à Ness que s'il veut parler, c'est ici et maintenant. Sinon, je mets le feu au contenu, dit-elle en ouvrant la boite et allumant le briquet, ce qui stoppa l'homme dans sa marche vers elle et lui fit sortir son arme.

Christiana secoua négativement la tête et approcha un peu plus le briquet du contenu de la boite.

- Si vous essayez de la prendre par la force, je saute dans le vide avec la boite. Si vous me tirez dessus, le choc me fera basculer en arrière et tomber aussi dans le vide. Demandez-vous ce que penserons les passants lorsqu'ils verront la patronne du Bacchus gisant sur le trottoir au pied de son établissement, alors que des hommes du FBI sont à son domicile. Car même si vous essayez d'obtenir le silence de mes hommes et employés, il y a tellement de monde qu'il y aurait forcément une fuite. Ma famille n'est peut-être plus dans le business comme avant, mais elle a toujours de bons contacts qui n'hésiterons pas à faire du grabuge pour venger ma mort.

La flamme du briquet s'éteignit, donnant un sursit au contenu. L'agent du FBI baissa son arme mais ne la rangea pas pour autant. Comprenant qu'elle avait toute l'attention de l'homme, Christiana continua :

- Dites à Ness qu'il a été très bavard jusqu'à maintenant mais qu'il va devoir parler de choses plus intéressantes pour moi. Je veux savoir en quoi le contenu de cette boite, qui est lié à ma mère officiellement morte, l'intéresse tant, au point de venir sans papier officiel et de se montrer si menaçant. Je la lui donnerai dès qu'il aura tout dit. Précisez-lui que si un agent du FBI autre que lui et Monsieur de Zéa monte les escaliers, que ce soit quand ils arrivent ou à n'importe quel moment de notre conversation, je saute. Donc soyez mignon, allez chercher Ness et mon ami Grec pour que nous parlions ici.

Christiana savait qu'elle se mettait dans une situation dangereuse. Toutefois, elle se demanda dans quoi elle s'embarquait encore. Elle ignorait jusqu'où Ness était près à aller pour récupérer la boite. Ses chances de faire un plongeon dans la rue pouvaient être plus grandes qu'elle ne se l'était imaginé dans la réflexion de son plan. C'est alors qu'elle se demanda si, lors d'un plongeon, elle arriverait à voyager ailleurs avant de rencontrer le sol.
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Message  Invité Mar 1 Avr - 13:24

Un certain énervement gagnait Démétrios qui, s'il saisissait le sens des paroles prononcées, n'en voyait pas l'exacte portée et s'en rendait très bien compte. Il en éprouvait un sentiment de frustration   d'autant qu'il sentait parfaitement la tension qui montait dans cette pièce étouffante.
Il regrettait de plus en plus d'avoir, là bas dans l'époque des smilodons, commis l'imprudence d'accepter l'invitation de Christiana. Il avait dit oui parce que cela confirmerait son nouveau statut de voyageur du temps, parce qu'il se sentait mieux en ayant cette jeune femme à ses côtés pour affronter tant d'imprévus. Il la savait bien plus instruite que lui sur le monde, sa géographie par exemple, plus proche du Dévoreur face au progrès des sciences et dans le maniement d'objets qu'il percevait d'abord comme magiques avant d'y penser en tant que produits de l'industrie humaine.
Mais il n'avait pas prévu qu'il se sentirait aussi étranger, un huluberlu sorti de sa caverne, clignant des yeux devant un monde éclairé d'un nouveau soleil, et  prétendant néanmoins s'intégrer à une humanité qui n'était plus la sienne et le regardait avec méfiance. Christiana était gentille avec lui, mais il finissait par se sentir humilié de son statut d'enfant à qui il faut tout expliquer. Il voyait bien que les autres le prenaient pour un imbécile et bien qu'il n'en ait pas saisi la  teneur, le chuchotement à l'oreille de Ness ne lui avait pas échappé. Il avait l'impression qu'on avait parlé de lui comme d'un  pauvre type qu'il ne fallait pas brusquer. Le prenait-on pour un tueur et un fou ? Et il n'avait pas envie d'être soumis à un "complément d'enquête". Il venait en voyageur et s'il avait tué un malandrin, c'était dans la plus totale légitimité. Quelle époque refuserait à un homme le droit de se défendre ? Mais il avait eu tort de renoncer à demeurer lui-même en son temps, en son monde,  tort de vouloir sortir du destin taillé par les dieux à sa mesure.
Et signe tangible bien que trivial, il se sentait engoncé dans cette défroque d'emprunt, étroite,  remplie de coutures  irritantes qui lui donnaient envie de se gratter -ah, il était beau, l'éphèbe grec !-alors que tous ces hommes autour de lui semblaient si à l'aise dans leur costume sombre et devaient le regarder comme un singe déguisé. Le chef surtout avait une sorte d'élégance nonchalante dans le moindre de ses gestes dont les vêtements suivaient l'aisance naturelle. Il s'exprimait avec politesse et fermeté comme un vrai chef, mais Démétrios  ne savait s'il était dans son droit de réclamer la fameuse boîte. Fallait-il prendre parti ?
Il songea un instant à fausser compagnie à  tous ces soucis. Il lui suffirait de penser à chez lui ou bien de retourner dans la belle demeure étrusque de son amie Larthia à Tarquinia. Il n'aurait rien à expliquer, tout le monde éduqué parlait grec et il comprendrait même l'étrusque grâce au traducteur. Larthia, depuis trois ans qu'il l'avait quittée, aurait certainement pris d'autres amants mais il était sûr qu'elle l'accueillerait bien. Elle l'appelait son petit dieu grec et  lui avait prouvé de toutes les manières combien elle trouvait sa compagnie agréable. Le tout sans inutiles complications.  Aruns, le mari, en excellents termes avec Larthia, appréciait tout à fait la compagnie de Démétrios et n'avait pas le mauvais goût de refuser à son épouse les plaisirs qu'une jeune et belle femme pouvait espérer de la vie. Le noble Etrusque, beaucoup plus âgé que sa femme commençait à préférer les discussions sur Aristote aux exercices physiques et Démétrios de son côté appréciait, presqu'autant que  les rencontres avec Larthia, la sagesse d'Aruns et son humour devant les vicissitudes de l'existence. Il incarnait admirablement l'ouverture d'esprit et l'aimable liberté de moeurs de la nation tyrrhénienne, encerclée par l'implacable ambition romaine..
Oui, il serait bien mieux à Tarquinia que dans cette pièce calfeutrée et avec cette odeur de chocolat chaud qui d'un coup lui donnait un peu mal au coeur.
Cependant, ce qui le retint de cette évasion par les couloirs du temps, ce fut le souvenir des précautions prises par son frère Lycias pour que dans la famille personne ne se doute de son talent particulier. Il n'y avait pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre que révéler qu'il était possible de de ne plus subir la linéarité du temps entraînerait de telles oppositions d'intérêts que ce serait la fin de l'humanité. Une seule volonté devait diriger la distribution prudente du don pour ne pas engendrer le chaos. Ainsi savait-il que sa brusque disparition pourrait avoir des répercussions en chaîne très vite imprévisibles. Christiana serait obligée de l'imiter aussitôt pour ne pas être interrogée, le Bacchus serait en effervescence, les journaux publieraient la nouvelle. S'il revenait plus tard pour connaître l'évolution de cette aventure, on l'arrêterait et tout cela pourrait nuire aux intentions mystérieuses, mais certainement estimables, du Dévoreur. Il avait aidé Christiana à récupérer cette boite et il ne disparaitrait pas sans savoir pourquoi tant de monde se la disputait. Et puis, il apprenait bien des choses sur cette époque et Isocrate avait dit :" La peine pour apprendre est le prix du savoir." ou quelque chose d'approchant.
D'ailleurs, le fils de Démoclès ne pouvait envisager sa vie de voyageur comme une succession de fuites, aussitôt que la situation lui déplairait. Se sentir ridicule hors de son temps et considéré comme un excentrique était une gêne à prévoir, surtout à ses débuts. Chaque voyage lui donnerait une meilleure connaissance du futur et pour le passé, il ne s'était pas si mal débrouillé. A part le fait qu'elle connaissait le mot préhistoire, Christiana n'était guère plus documentée que lui sur la chasse aux smilodons et le caractère des mammouths. Il essaierait de se renseigner un peu plus sur sa prochaine destination et Lycias pourrait l'aider s'il ne retrouvait pas le Dévoreur. Il avait déjà appris à se servir d'appareils électriques en cette ère de presse-boutons.

Pendant qu'il réfléchissait sur sa situation, Christiana tenait tête à l'homme du FBI en prenant un ton de dédain railleur qui ne pouvait tromper personne. Elle cherchait à rabattre l'autorité d'Eliott Ness pour assurer la sienne, certainement pour ne pas donner l'impression qu'elle était sans armes devant un adversaire plus fort qu'elle et aussi parce que seule femme au milieu de tant d'hommes, elle voulait rappeler qu'elle était d'abord la patronne du Bacchus. Ces hommes représentaient l'Etat, la Cité, qui est au dessus des préoccupations personnelles et a droit de vie et de mort sur l'individu. Mais la femme du XX° siècle n'en était pas plus impressionnée que cela.
Tout en parlant et se déplaçant de façon assez insolite vu la situation, elle sembla s'orienter d'abord vers ce que Démétrios estima être une tactique de diversion féminine, se présentant comme une créature délicate et sans défense confrontée à la force brutale du mâle, dans le genre" Enlèvement des Sabines" ou " Proserpine emportée aux enfers".. Démétrios imagina aussitôt Ness dans le rôle de Pluton, jetant  sa proie dans son char infernal aux noirs destriers remplacés ici par des chevaux-vapeur et, poussé par l'Eros vulgaire (Démétrios connaissait son Platon..), l'entraînant inexorablement au fond de l'Hadès policier.
De leur côté, les hommes de Ness se regardèrent en cachant mal un sourire et l'un d'eux pouffa même à l'évocation de son patron transformé en inspecteur lubrique assouvissant ses instincts sous couvert d'interpellation musclée.
 
A la grande surprise de Démétrios, Ness laissa Christiana poursuivre son discours, gronder la servante survenue à son appel et s'esquiver pour aller chercher la boîte. Le Grec fut content de la voir réussir à tromper la vigilance de ses adversaires. Mais il ne voyait pas où elle voulait en venir, bien qu'il eût compris qu'elle allait faire usage du Temps à l'abri des regards et qu'elle voulait le voir rester dans la pièce sous prétexte de déjeuner.
Pourquoi  s'échapper seule pour aller chercher la boîte, pourquoi Ness l'avait-il laissée faire, ne prenant pas même la précaution de laisser un homme gardant la porte ? Allait-elle disparaître sans retour après avoir pris la boîte ? Il pourrait dire ce qu'elle contenait mais Ness le savait déjà au moins partiellement et y attachait une importance particulière puisqu'il la désirait pour lui au point d'utiliser la force. A moins que la boîte ne fût qu'un prétexte et que ce qu'il voulait, c'était sortir Christiana du Bacchus ?

Avant de disparaître, Christiana avait insisté pour qu'il déjeune. Elle avait un plan, autant lui obéir. Il attira vers lui le plateau au chocolat et pâtisseries assorties et déclara en essayant de paraître à l'aise :

- C'est vrai que les émotions de la nuit m'ont creusé l'estomac. Mais je peux vous raconter ce qui s'est passé sur le toit du Bacchus, si vous êtes intéressés par mon témoignage.

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Message  Le Dévoreur de temps Lun 26 Mai - 20:19

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Ness avait le souvenir d'un Patriarche Von Carter peu facile à manœuvrer, roublard et ancré dans ses certitudes mais il ne connaissait pas la version poule avec caquet du clan "Von C" comme on les appelait au QG. Habituellement les tractations se passaient toujours entre hommes. D'abord avec le père puis après sa disparition avec le fils lunatique et coléreux, Jared. Moins charismatique que le père, il était aussi dangereux, mais différemment. Il avait des sautes d'humeur liées à sa santé instable et négocier avec lui un quelconque arrangement ne pouvait pas se faire par dessus la jambe, pour ces raisons. Si le père était méfiant, il était sûr de lui et tenait pour acquis que le FBI ne chercherait pas à lui proposer un marché de dupe. Il négociait toujours les termes et les annexes d'un arrangement, mais le plus souvent pour la forme. Avec Ness, cela avait été un jeu de chat et de la souris durant des années. Ness soupçonnait et parfois avait des preuves. Quand elles étaient suffisantes pour entraver le "commerce" des Von C , alors il pouvait négocier un pacte lui permettant de faire tomber de grosses pointures de la mafia. Ainsi grâce à ce genre de petite facilité apportée par l'excellent travail de terrain de ses hommes qui traquaient la moindre activité des petites frappes à la solde de Papa Von C, Ness avait-il pu le contraindre à balancer quelques concurrents de la pègre de la côte ouest mais aussi de Seattle. Cela était remonté si haut que le gouvernement lui avait même adressé de vives félicitations lorsque le nettoyage de San Francisco et Los Angeles avait permis de coffrer l'équivalent de la population d'un petit village, soit tous les chefs et leurs bras-droits des principaux rivaux de la mafia new-yorkaise. En revanche, il n'avait jamais été possible de le faire cracher le morceau sur l'organisation locale et ses ramifications. Et pour cause. Von Carter père était loin d'être idiot et n'allait certainement pas couper la branche sur laquelle il était assis et dénoncer les petits caïds new-yorkais. Même si certains étaient ses rivaux. Il y avait un code dans la "famille", même s'il n'avait rien de vraiment honorable. On ne balançait pas un "voisin".

Le fils qui avait pris en main l'affaire familiale, après la "disparition" de ses deux frères, Jared, était quant à lui connu pour ses crises de paranoïa et un peu moins rationnel que le père dans les affaires. Ainsi, un agent envoyé par le successeur de Ness au bureau d'investigations l'avait-il payé de son nez. Bien qu'il y eût un traité entre les Von Carter et le FBI et ce depuis l'affaire Kyle Von C, le nouveau chef de famille, Jared qui, s'il ignorait les fondements de ce traité, aurait tout de même dû l'honorer, avait tout bonnement pris la mouche lorsque l'agent était venu le voir pour lui demander de l'aider à piéger Luigi le désossé. Ce dernier était un chef de gang pas vraiment ami des Von C, qui inondait la ville de whisky frelaté distillé à la sauvette dans des roulottes mobiles. C'était astucieux et à chaque descente des voitures du gouvernement, les gars de Luigi faisaient sauter leur roulotte. Boum, explosion, incendie, pas de preuves car elles étaient détruites par les flammes, pas de pinces aux poignets de Luigi. Aussi le F.B.I. lassé de voir ce petit gringalet en fauteuil roulant leur glisser entre les doigts avait-il décidé de le piéger à la livraison, puisque la fabrication itinérante rendait difficile l'inculpation pour production de substances prohibées. Jared devait jouer les chèvres et "passer commande " à Luigi qui serait serré lors de la transaction. Seulement voilà, Jared, ne se contentant pas d'être méfiant comme le pater familias, avait imaginé que les fédéraux voulaient faire d'une pierre deux coups et le faire tomber aussi dans le flagrant délit. Sa réponse à la requête du F.B.I. avait été une figure de style du genre, qui servait encore d'exemple anecdotique à l'école de police de New York 2014. Ness était bien placé pour le savoir, lui qui intervenait parfois comme comme conférencier pour la NYPD. " Voilà ce qui arrive quand on met le nez dans les affaires des Von Carter! " avait dit Jared au malheureux qui avait tout de Jim Carrey dans The Mask après que son profil fût passé au fil de son cran d'arrêt . Le geste avait, de fait, pratiquement plus marqué les agents que si leur camarade eût été froidement abattu. D'aucuns disaient qu'il était facile de s'imaginer ce que pouvait encourir un homme ayant trempé son biscuit dans une demoiselle Von Carter. A la voir siroter son thé d'un air pincé puis esquisser une grimace de dégoût, Ness n'était pas loin de penser que Christiana confirmait la règle et qu'elle accomplirait elle-même la loi du Talion si on devait seulement toucher à la vertu d'une de ses domestiques. Le père était un dur à cuire, le fils un paranoïaque doublé d'un sadique possiblement, mais la fille ... Cette froideur apparente, cette dignité de veuve corse, ce regard noir qui ne laissait passer aucun sentiment mais renvoyait une détermination et ne semblait pas connaître la peur... Qu'avait donc pu voir cette gamine qu'il avait croisée furtivement bien des années auparavant, qu'avait pu vivre l'adolescente pour être devenue une femme si résolue et imperméable aux émotions ? Ness fronça les sourcils pour chasser un début de compassion à la pensée de ce qu'avait pu être la vie de Christiana Von Carter entre ces hommes dont le crime était la profession.

Une pensée furtive traversa son esprit, rassurante et chargée d'un espoir de salut pour cette femme. Stanzas avait dit qu'elle aimait un homme. Elle était donc capable d'amour. Il allait voir à quel point. Cependant, la demoiselle ne manquait pas de perspicacité et de subtilité. Elle avait deviné sans mal qu'il n'agissait pas pour le compte officiel du F.B.I. et ne possédait aucun mandat et, bien qu'il lui montrât une moue amusée lorsqu'elle vint lui aboyer sous le nez du haut de ses un mètre soixante, jouant les jeunes filles sans défense et effarouchées, il en fût contrarié. Il esquissa avec un flegme apparent qu'il ne possédait plus, une réponse vague:

- Allons Mademoiselle, ne montez pas sur vos grands chevaux... Je représente l'ordre mais je suis un gentleman, l'ignorez-vous ?

Il sentait comme un tric-trac se dessiner de façon informe, comme une silhouette hantant les marais à la saison d'automne. Lorsqu'il vit la domestique entrer puis se faire sermonner par sa maîtresse, lorsque son regard se porta sur le grec qui regardait sa tasse de chocolat d'un air dubitatif, il était déjà trop tard. Pris d'un doute, il se précipita vers la porte qui venait de se refermer mais buta contre la servante qui était moins alerte que sa patronne, la poussa avec fermeté et ouvrit la porte sur un couloir... désert. Blasé par son manque d'anticipation, il ne fut pas surpris du subterfuge. Il appela les hommes restés dans le salon et ceux-ci s'empressèrent d'exécuter ses ordres. L'un alla surveiller l'entrée de service, l'autre la principale, plus pour empêcher quelqu'un d'entrer que de sortir, car il se doutait bien que ses "clients" n'avaient pas besoin de porte pour sortir, le troisième se précipita à sa suite jusqu'à l'étage. Par un réflexe atavique d'agent, il avait dégainé et, l'arme dans une main, il tournait une à une les poignées des portes du couloir de l'étage, pour s'assurer que chaque pièce était vide. Toutes l'étaient mais dans la dernière les rideaux dont la fenêtre était ouverte se gonflèrent.

- Le toit ! Hammond, allez voir sur le toit ! Il y a une porte ouverte là-haut, qui fait courant d'air!

Il se souvint alors que Christiana avait lourdement appuyé sur le mot toit sans doute pour envoyer un message à son complice! Le Grec! Où était ce fichu mangeur d'olives ? Il pointa justement le bout de son bonnet dans l'embrasure de la porte. Ness se rua sur lui et l'empoigna.

- Vous ! Dites-moi ! Vous êtes aussi un voyageur pas, vrai ? C'est vous qui venez d'Athènes ? Je ne sais pas ce que vous avez combiné avec Mademoiselle Von Carter, mais elle court un grand danger ainsi que plusieurs personnes qui lui sont chères. Si cette boite ...

Hammond revenait rouge comme un coq et tout essoufflé.

- La fille Von Carter a la boîte! Elle est au bord du toit et menace de sauter et de mettre le feu à la boîte si je m'approche ou si vous ne montez pas seul avec Monsieur Zilla !

Ness l'écouta avec la plus grande impatience, sans pour autant lâcher le malheureux Démétrios qui semblait se rembrunir et avait saisi les poignets du chef des fédéraux pour lui signifier de le lâcher.

- Plutôt le contraire Hammond, plutôt le contraire... Bon! Au moins on sait qu'elle a toujours la boîte. Empêchez quiconque de monter !

Puis, relâchant enfin les épaules du voyageur au bonnet:
- Vous m'accompagnez! Il faut l'empêcher de faire l'un comme l'autre! Ce serait catastrophique! Vladimir ne veut en aucun cas qu'il arrive malheur à Mademoiselle Von Carter. Je pensais bien rencontrer quelque obstruction de sa part mais pas un tel entêtement ! Ahh les femmes !

Ness sortit dans le couloir et courut jusqu'à l'escalier qui menait au toit, étroit et abrupt. Lorsqu'il y déboucha, il vit la silhouette vacillante de la jeune femme sur la corniche juste gardée par une petite balustrade  basse par dessus laquelle elle pouvait basculer à tout moment. Se baissant lentement, il posa son arme à terre et ôta sa veste pour qu'elle constate qu'il ne dissimulait rien. Il s'avança d'un pas, les mains ouvertes et tendues...

- Mademoiselle Von Carter ... Ne soyez pas stupide ... Éloignez-vous du bord! Cette boîte renferme de précieux renseignements mais aussi des informations qui mettent la vie de plusieurs personnes proches de vous en danger ... Pensez-vous que Kyle voudrait que vous vous mettiez en danger, que vous le mettiez lui-même en danger ? Voulez-vous le revoir ? Vous tenez pour ainsi dire sa vie entre vos mains ...
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Message  Invité Dim 29 Juin - 15:21

Assise sur le bord du toit, le dos regardant le vide, Christiana serrait la boite contre elle d'une main et le briquet de l'autre. Son regard était menaçant. Elle était comme une lionne protégeant son gibier des autres chasseurs. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Lorsqu'elle était enfant, elle avait eu droit à des histoires sur le FBI. Papa avait été très clair à leur sujet : « Le FBI, c'est pas bien différent de nous. Ils font leur petit business, eux aussi. S'ils peuvent être utiles et apporter des petits avantages à la famille, il ne faut pas pour autant leur faire confiance.  »
Alors de Ness, Christiana s'en méfia comme de la peste. Dans le petit salon, il lui avait dit être un gentleman. Mais comment le croire quand, lors d'un dîner à table, papa Von Carter avait dit à sa fille, pas encore âgée de 10 ans.
Christiana se souvenait de ce soir-là comme s'il ne datait que de quelques jours, alors qu'il remontait à janvier 1929. Elle s'en souvenait bien car c'était le dernier dîner en famille avec Drew. Son frère aîné perdait la vie le lendemain.

Elle se revoyait, assise à table, les fesses posées sur un gros coussin. Papa était devant elle, entouré de Jared et Drew. Kyle à sa gauche. Pour une fois, il n'y avait pas d'hommes ou « amis » à papa pour le dîner. C'était un des rares dîners 10 % Von Cater.
Ce soir-là, papa Von Carter avait entrepris d'apprendre à sa fille pourtant encore loin d'être une femme, avec l'aide des deux frères les plus âgés, l'art de reconnaître un homme trop entreprenant avec les femmes.

- Faut pas croire un monsieur qui te dit être un gentleman. C'est des putains de foutaises ! Des conneries pour mieux attraper les merveilles dans ton genre. Nous les hommes, nous sommes pas souvent malin, pas comme vous les femmes. Mais quand il s'agit des femmes, on sait être futé. Et faire le gentleman est le piège numéro 1 pour faire ce qu'on veut d'une femme. Demande à Drew !


La bouche pleine de steak, Le frère aîné secoua positivement la tête, car à table, quand papa Von Carter était là, on ne parlait pas la bouche pleine. Cela risquait de faire pleuvoir les baffes. Surtout quand on était à proximité de sa main, comme ce fut le cas ce soir-à pour Drew.

- C'est ce que tous les hommes disent à une femme pour l'attraper dans ses filets. Mais rassure-toi ma Princesse, cela ne t'arrivera pas. On va tout t'expliquer et de toute façon, on sera là pour assurer tes arrières.  Et s'il y en a un qui insiste auprès de toi...

- On lui tranche les burnes à ce salopard ! S'exclama Jared en plantant son couteau dans la table.

Christiana se rappelait mot pour mot l'intervention inattendue de Jared. Non par parce qu'il avait dit les mots « burne » et « salpoard » devant elle, mais parce que son frère c'était pris une raclée monumentale derrière la tête, suffisamment grande pour que Jared puisse voir des petites étoiles tourner autour de lui et pour que papa Von Carter se frotte la main de douleur.

- Putain la table ! Et pas de grossièreté devant ta sœur ! Je dois te le dire combien de fois !

En se remémorant ce souvenir, Christiana se fit une réflexion qui l'amusa intérieurement : vu les claques que se prenait Jared, qui poussait bien souvent leur père à bout, il n'était pas étonnant qu'il soit devenu si peu équilibré. Et il était encore plus étonnant qui se soit trouvé une femme...

Christiana revint à la réalité quand elle entendit la porte menant au toit s'ouvrir et se refermer en claquant. Elle vit arriver Ness. Il était accompagné par Démétrios, comme elle l'avait exigé. Son compagnon de voyage ne semblait pas trop décoiffé, ses habits ne semblaient pas désordonnés. Christiana en conclut qu'aucun acte de violence n'avait été perpétré sur son nouvel (et quasiment premier) ami.

- Vous avez été rapide, dit Christiana lorsque Ness s'approcha, veste retirée, visiblement non armé. Cette boite doit vraiment, vraiment vraiment être importante à vos yeux pour venir sans vos hommes sur le toit, apparemment sans arme, et ne sachant pas si en plus du briquet, je suis en possession de mon arme.

Christiana descendit du bord et fit un petit pas vers le milieu du toit. Pas trop pour ne pas être à porté de main de Ness et pour garder le vide à proximité. Ness commença à parler rapidement, très rapidement, comme s'il espérait dire tout ce qu'il avait à dire avant d'être interrompu. Il parla de Kyle. Ses mots laissaient entendre qu'il était en vie, mais pas en sécurité. En l'espace de quelques heures, de deux jours tout au plus, il était la seconde personne qui lui laissant penser que l'homme qu'elle aimait était toujours en vie. Il y avait d'abord eu Le Dévoreur de Temps, avec l'étui à cigarettes. Puis maintenant, Ness.
Cette boite était donc précieuse pour suffisamment de personne pour qu'elle faillit être l'objet d'un vol cette nuit.

- Cette boite m'est aussi précieuse qu'à vous. Si vraiment vous savez ce qu'elle contient, alors vous devez vous douter qu'elle m'est peut-être encore plus précieuse qu'à vous. Il y a dedans des choses sur une personne que je n'ai jamais connu. Une femme qui m'a abandonné ici.

Christiana serrait les dents pour contenir ses émotions. Papa Von Carter lui avait appris à le faire. Mais avec tout ce qu'elle avait vécu avec Zorvan, ce qu'elle avait découvert sur elle... Avec ce qu'elle avait vécu durant la préhistoire, car même si elle ne se l'avouait pas, le fait de tuer pour la première fois ne l'avait pas épargné totalement. Entre voir les gens mourir et donner la mort, il y avait une différence dont elle ignorait l'existence.
Sans le sentir, sans réussir à la retenir, une petite larme perla le long d'une joue. Elle serait la boite contre elle et se mit à crier à Ness :

- C'est peut-être tout ce que j'ai pour le retrouver ! Et vous voulez me le prendre ?! Tout ce que j'ai décidé de faire, c'est pour lui ! Vous parlez de danger, de Kyle... Vous croyez que vous aurez quoi que ce soit de moi sans poser carte sur table ? Le vide est juste là...

Décidément, entre elle et le vide, cela devenait fréquent ! Après le vide sous le pont lors de sa rencontre avec le Dévoreur, il y avait maintenant le vide au pied du Bacchus face à Ness. L'un comme l'autre ramenait Kyle sur le tapis. D'abord le Dévoreur avec l'étui à cigarettes, maintenant Ness avec une histoire de danger.

- Qu'est-ce qui me dit que vous ne dites pas cela juste pour avoir la boite et qu'il n'y a pas de danger, ni de Kyle ?! Qui êtes-vous pour pouvoir me dire tout cela ? demanda-t-elle sur un ton de reproche, tout en essayant d'essuyer du revers d'une main la larme qui lui chatouillait le menton. Pourquoi vous faites cela ?
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Message  Invité Mar 29 Juil - 21:52

Honnêtement, Démétrios se demandait de plus en plus ce qu'il faisait là devant ce chocolat qui commençait à le dégoûter avec ce côté sirupeux, poisseux,  sucré, tentateur, féminin en quelque sorte,alors que tout s'agitait de façon inexpliquée autour de lui et qu'il avait envie de grand air, d'émotions fortes et belles et non d'embrouilles, de meurtres et de "je te tiens, tu me tiens par la barbichette..."

Étouffant, c'était l'impression qui le dominait de plus en plus dans cette pièce remplie d'objets et d'hommes et remplie aussi de pensées étrangères, de révélations partielles et de toutes façons aux trois-quarts incompréhensibles. Logos traduisait mais n'expliquait rien, sans doute désorienté par l'afflux des concepts à décrypter, pour un esprit qu'il devait juger obtus.
Lui-même avait reçu trop d'impressions nouvelles  d'un seul coup. Pour voyager dans le temps, il fallait justement le prendre, le temps, et il pensa que puisque apparemment, le temps passé dans une autre époque se rétractait brusquement quand on retournait dans la sienne, et bien, il allait plaquer ce Newyork agité et incohérent et aller s'inscrire dans une Ecole où il apprendrait calmement, mettons pendant au moins un an, l'histoire des siècles qui lui manquaient et il étudierait comment on pouvait vivre dans ce monde du futur,immense, surpeuplé, rempli d'objets et de machines et d'armes qui pouvaient vous faire tuer de loin, presque sans le vouloir.
Tuer un homme à la lance ou à l'épée ? c'était un geste qui exigeait de la force, on le sentait à travers tout son corps en voyant l'autre foncer vers vous, la hache ou l'épée haute, c'était votre volonté et votre peur  qui vous poussaient en avant. Il avait touché l'homme du toit par hasard et en ne sachant même pas  s'il accomplissait le bon geste.  Et cela n'avait rien à voir avec la flèche qui ne part que parce que votre bras lui a communiqué sa vigueu. Un enfant de trois ans pouvait appuyer sur une gâchette. Restait le seul coup d'oeil. Achille combattant sur les plages de Troie, Léonidas aux Thermopyles, c'était bien fini. Les guerriers devenaient les serviteurs des machines et Thorvald, s'il venait à son secours au XXe siècle, paraîtrait sans doute au volant d'une automobile plutôt que dressé sur son grand cheval hennissant .

Cependant  Ness réagissait et quittait le salon avec hâte. Il appela ses hommes depuis le couloir après avoir sorti une arme à feu et on ne pouvait pas dire, c'était plus facile à dissimuler qu'une épée et plus maniable aussi. En tout cas, cela respirait le danger. Démétrios n'avait sur lui que sa brosse à dents et sa petite liasse de papier pour prendre des notes. Dans son esprit passa une de ces images incongrues qui lui venaient à la moindre occasion et ce, souvent quand il aurait dû se centrer sur une péripétie exigeant toute son attention. Il s'imagina un instant armé de sa lance et emboitant le pas au chef FBI, comme une sorte de garde, entre celui qui surveille et celui qui protège. En fait, il ne savait pas pourquoi se produisait tout cet enchaînement de menaces, de comportements bizarres, de quel côté était la raison et de quel côté, l'erreur et le désordre. En ramenant les évènements du matin au plus simple, il pouvait résumer ainsi :
Monsieur Ness veut la boîte appartenant à Christiana et Christiana ne veut pas la lui donner.
Sa fidélité à Christiana, voyageuse comme lui, le poussait à l'aider mais elle agissait parfois de façon vraiment incompréhensible. Ainsi, au lieu de s'enfuir, elle aurait mieux fait d'essayer de savoir pourquoi le FBI voulait cette boîte et en discuter calmement.
A cause de cette boîte, la veille au soir, ils préparaient des voyages en Egyte et Christiana voulait retrouver sa mère pour l'interroger au sujet de Kyle. Etait-ce si problématique ? Christiana lui avait-elle caché d'autres secrets contenus dans les documents ? Elle devait peut-être le juger trop ignorant pour lui être vraiment utile.
En quoi monsieur Ness, du FBI, était-il intéressé par ce romanesque projet ?
Et d'ailleurs, à quoi rimait de le laisser ici, seul face à du chocolat ? elle se doutait bien que Ness et ses hommes se lanceraient à ses trousses sitôt qu'elle leur aurait faussé compagnie... Il fallait qu'il bouge. 
Finalement, ce ne serait pas Christiana qu'il irait chercher mais  Monsieur Ness qu'il allait suivre, et s'il pouvait demander à cet élégant policier de lui dire exactement ce qui se passait, lui, Démétrios, pourrait peut-être alors aider Miss Von Carter à sortir de l'impasse où elle semblait s'être  mise.

Repoussant le plateau du déjeuner, il se leva et allait pour ouvrir la porte quand, pensant aux armes que tous ces messieurs sortaient de leur veste et exhibaient sans complexe, il eut une idée : s'il tenait sa main dans la poche de sa veste, on penserait qu'il y tenait aussi un revolver et sa réputation de tireur d'élite, dont Bobby s'était fait l'écho, pourrait lui servir. Bobby ne lui avait-il pas donné du Monsieur de Zéa en venant le réveiller ?
Mais dans la poche du blazer, ses doigts rencontrèrent la laine de son bonnet qu'il avait plié là en quittant sa chambre. Non qu'il comptât le porter, il avait noté que les messieurs circulaient tête nue dans le Bacchus et les hommes en chapeau de Ness avaient retiré le leur devant Christiania. Mais il trouvait ces grandes poches plaquées sur les pans de sa veste si engageantes, si pratiques.... il avait eu envie immédiatement de les remplir. Et puis c'était son bonnet parmi toutes ses frusques d'emprunt. Il l'avait porté  à travers toutes  ses aventures de voyageur depuis que, sur une lointaine plage ensoleillée, il avait tendu la main au Dévoreur.  Grâce à lui, les Varègues de Thorvald  l'appelaient joyeusement Casque Mou  et lui donnaient dans le dos des bourrades  amicales.
Que les Moires boivent le chocolat du Bacchus si cela leur chantait, il allait voir ce qui se passait.
D'un geste décidé, il mit son bonnet, tira sur les oreilles pour le faire descendre bas sur son front , ce qui lui donnait un air menaçant, du moins il le pensait, et ouvrit la porte.
Avant qu'il ait eu le temps de réagir, Ness qui était juste devant lui, se  retourna et d'une main de fer le saisit par l'épaule et l'apostropha, tout en l'immobilisant d'une clef au cou , se servant du bras alors que la main tenait le pistolet.  
Le Grec  fut d'abord si furieux d'être ainsi maltraité qu'il ne fit pas immédiatement attention à ce que lui disait le policier. Il s'agrippa au bras qui le maintenait sur place et tenta même, avec une belle inconscience, d'attraper l'arme à feu. Puis les paroles de Ness firent le tour de sa pensée et la surprise y supplanta la colère, bien que par réflexe il poursuivît ses efforts pour se dégager. Il jugea prudent  de ne rien dévoiler du Secret devant les autres : Ness avait pris soin de donner une tournure anodine pour ceux qui auraient ignoré ce que pouvait signifier le mot "Voyageur" prononcé en certaines circonstances et sur un certain ton:

–Voyageur ? bien sûr que je voyage ! Et je n'ai rien combiné avec Miss Christiana ! Lâchez-moi ! De toutes façons, je voulais vous suivre!

Mais il ne s'intéressait pas en fait à ce qu'il disait, ni même à Christiana et où elle pouvait être . . Ness savait que le marchand d'olives était Voyageur ! il savait que Christiana l'était tout autant et il devait donc connaître le Dévoreur, puisque en dehors de Christiana, personne ne pouvait savoir à son sujet... hé, mais si ... Lycias, son frère devait s'en douter, Thorvald le savait et Ness était peut-être lui-même un  Voyageur. Quelle histoire !
Il se débattit encore  par réflexe de noble citoyen vexé d'être harponné par cet homme maigre qui  cachait des muscles d'hercule sous des manches en tuyau de poêle. Il protesta encore :l

– D'abord, la boîte est à elle ! Vous n'avez pas le droit. Et puis,  bien sûr que je viens d'Athènes ; tout le monde le sait !

Il réussit à immobiliser un poignet de Ness, heureusement distrait par l'arrivée d'un sbire et qui peut-être avec une certaine appréhension, avait vu  le Grec tenter de se saisir du pistolet à pleine main, ce qui lui fit relâcher un peu sa prise .Les nouvelles  jetèrent un certain affolement.
Christiana était sur le toit  menaçant de sauter dans le vide ou d'incendier la boîte et voulait voir Ness et lui-même sans témoin.
C'était tout ? Elle n'avait qu'à le dire tout à l'heure. Il avait cru au contraire qu'il devait rester en bas . Il aurait suffi de le demander à Ness ou d'accepter de le suivre au FBI à condition de l'y voir en privé.  Qu'est-ce qu'elle cachait avec ce chantage à l'incendie et au suicide,  tout à fait disproportionné avec le contenu de la boîte ? en tout cas, il fallait profiter du trouble jeté par la nouvelle.
Démétrios ne s'était pas entraîné au pancrace pour rien et si, au gymnase, il n'était pas permis de mordre son adversaire ou de lui enfoncer son doigt dans l'oeil, il n'allait pas se priver d'un coup  prohibé puisqu'on n'était pas au gymnase. Il allait mordre la main armée puis filer un coup du genou, vicieux mais autorisé, juste là où ces ridicules pantalons dessinaient parfaitement l'endroit à atteindre.
Mais à ce moment, Ness le libéra en lui demandant de le suivre. Démétrios s'ébroua pour reprendre son souffle tout en hochant vigoureusement la tête pour montrer qu'il allait obéir. Le chef FBI semblait réellement prendre l'affaire au sérieux et au moins, lui semblait savoir ce qui n'allait pas. En plus, il  partageait son point de vue : Christiana, qui pouvait sembler si maîtresse d'elle-même , compliquait inutilement une situation à débattre sans tout ce spectacle. Voilà ce que c'était de donner trop d'importance aux femmes. C'était très vite les cris, les scènes. Pourvu que là-haut sur son toit, elle ne se mette pas à pleurer ! Démétrios ne supportait pas les femmes sanglotant, s'arrachant les cheveux et reniflant en pointant un doigt vindicatif vers le malheureux mâle réduit au rôle de bourreau, de tyran implacable et cruel.
Au moins, il savait que Ness partageait son avis sur ces créatures, certes indispensables au bonheur de l'homme, mais qui le lui faisaient rudement payer.
L'allusion à un certain Vladimir, protecteur de la vie de Christiana et sans doute commanditaire de l'intervention de Ness dans l' histoire de la boîte, ne lui dit rien. Tant que chacun garderait ses secrets pour soi, il resterait prudemment sur la réserve. Heureusement, tout le monde semblait vouloir le bien de Miss von Carter et cela convenait parfaitement à Démétrios.

Il ne reconnut guère le toit dans la lumière crue du matin. Les grandes ombres de la nuit et l'éclairage incertain des globes électriques avaient accentué le mystère de ce lieu balayé  des bruits de la ville nocturne. En plein jour, ce bruit était devenu infernal. Démétrios fut assailli d'un concert de trompes, de grondements déchirés de stridences que Démétrios savait être le vacarme de machines  et non de monstres échappés de l'Hadès. Et puis l'immensité vertigineuse de cette ville de géants …! La menue silhouette de Christiana paraissait un simple jouet posé au bord du vide.
Etourdi, cherchant ses repères, Démétrios rejoignit d'un pas mal assuré Eliott Ness qui semblait devant Christiana exécuter  un ensemble de gestes connus, répertoriés, effectués avec le plus grand calme possible. C'était une attitude raisonnable, loin des glapissements de voisines que chez lui on appelait à la rescousse dans des cas semblables. Ness semblait convaincu qu'un grand danger était lié à cette boîte et sa tactique fut aussitôt suivie d'effet. Le Grec s'attendait à de longs pourparlers, se préparait à intervenir que c'était déjà réglé
Christiana se mit à parler d'une voix quasiment posée, nuançant sa satisfaction d'être obéie rapidement en insinuant quelques menaces et allusions au fait qu'elle était sans doute armée. Donc pas de sanglots pathétiques ni de cris de harpie outragée. Démétrios en fut soulagé. it Elle descendit de sa corniche sans se presser,  puis changeant d'attitude, elle parut  émue et finalement revint aux motifs qu'elle avait de ne pas vouloir donner la boîte : le souvenir de sa mère et une chance de retrouver Kyle. Comme une larme perlait sur un cil, Démétrios se sentit ému et s'approcha d'elle :

–Ne pleurez pas, Christiana. Monsieur Ness est là pour vous aider. Il sait que nous sommes des voyageurs et il ne vous veut aucun mal. Au contraire. Si vous connaissez un monsieur Vladimir, je crois même qu'il vient de sa part. Calmez-vous et écoutez Monsieur Ness vous expliquer ce qu'il veut. Je peux m'éloigner si vous le préférez. Je reste bien entendu à portée de voix .


Il se tourna ves le chef FBI :

- Je vous fais confiance. Vous devez connaître le Dévoreur de Temps pour savoir que je viens d'Athènes et non de l'Athènes qui vend des olives à New York mais de l'Athènes  antique, comme vous l'appelez. Vous comprendrez que j'ai un certain mal à appréhender ce qui arrive ici.  Je reste à votre disposition pour tout ce qui peut servir les intérêts du  Dévoreur et ceux de Christiana
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Message  Le Dévoreur de temps Lun 18 Aoû - 21:27

Ness hocha la tête vigoureusement tout en continuant de s'approcher de Christiana mais il ne pipa plus mot après avoir évoqué le mot clef: Kyle. Il savait d'expérience qu'il fallait laisser le sujet soumis à un grand stress s'épancher pour faire retomber la tension et minimiser les risque d'effusion de sang. D'ailleurs ses théories étaient encore utilisées en 2014 par les "négociateurs" des tous les pays occidentaux. Ness avait été, sans le savoir, un précurseur dans la psychologie criminelle, l'ancêtre des profiler et autres as de la médiation en situation de crise. Il lui arrivait de donner des conférences sous un nom d'emprunt dans les fac de crim de la côte est. La petite demoiselle Von Carter devait cogiter ferme, mais tout en cogitant, elle descendit de son perchoir, ce qui fit descendre aussi la tension de l'agent  du même coup. Il avait beau être un dur à cuir, un agent du gouvernement, un "incorruptible", voir le corps éclaté d'une somme toute jolie fille sur l'asphalte n'était franchement pas une option très réjouissante. Il préférait nettement arriver à la convaincre de le suivre, avec sa boîte collée aux seins, si cela pouvait la rassurer. L'essentiel était qu'il puisse la présenter à Stanzas en parfait état de conservation. La fille était rusée. Une petite renarde grandie parmi les chacals.  Mais voilà qu'à présent la fille Von Carter avait la voix chevrotante et l'oeil humide. La pauvre gamine. Ness pouvait comprendre. A grandir dans un nid de vipères qui vous ment sur tout, on ne peut qu'avoir du mal à croire un inconnu. Et puis Vladimir avait été peu loquace sur les épreuves de son adoubement comme voyageuse mais Ness était bien placé pour savoir qu'on en bavait avec Zorvan. Il en avait vu des fêlés , tant parmi ses gars que chez les mafieux, mais le Gardien de l'Antichambre les détrônait tous, tant par sa dangerosité que par sa folie latente. Et puis la petite et le type au bonnet revenaient de la préhistoire, s'il en croyait le carnet de route qu'il avait vu ouvert sur le bureau de Stanzas. Ça n'avait pas dû être une promenade de santé .

- Je sais que cette boîte contient des objets personnels, liés à votre famille. Nous ne voulons pas vous en priver mais juste mettre à l'abri de certaines personnes mal intentionnées , ce petit carnet qui doit figurer dedans, celui avec un nom allemand annoté .


Elle se méfiait, ce qui était normal. Mais le temps pressait. Vladimir avait été clair . Il devait à présent mener un double combat dont le plus pressant n'était pas ce qui s'était joué  dans l'Allemagne d'après la première guerre mondiale . Le jeune Grec venu du passé- ça mettait le frisson quand on y pensait et Ness ne put s'empêcher d'admirer la capacité d'adaptation du type, car il avait lu l’Iliade et l'Odyssée, et bon sang, ça n'avait rien à voir avec l'époque présente ! - intervint pour essayer d'apaiser sa complice de voyage et hôtesse. Elliot se demanda furtivement s'ils étaient amants. Après tout, dans le feu de l'action... Non, ce n'était pas vraiment le genre des deux maisons, Von Carter et comment ? Zilla ? non Zéa !

- Ecoutez  votre ami ! Je suis envoyé par Vladimir Stanzas, enfin le Dévoreur de Temps ... Cet homme ne vous veut aucun mal...Il veut vous parler  et s'assurer que le carnet ne tombe pas entre de mauvaises mains. Pour Kyle, je ne le connais pas personnellement mais c'est ... un brillant collègue... il intervient dans des dossiers d'un tout autre type que mon équipe mais nous avons collaboré quelques fois ...Je ne peux pas vous en dire plus ... Stanzas devait s'assurer que vous ne trahiriez pas l'homme que vous prétendez ... mais bon , merde !!! quand une femme veut se jeter dans le vide pour vous , c'est qu'elle vous aime non ?

Ness s'était tourné vers Démétrios comme pour le prendre à témoin.

- Dites -lui, vous, qu'il faut qu'elle s’affranchisse de tout ce qu'elle a connu avant, que lorsqu'elle a accepté le pacte avec le Dévoreur, elle s'offrait un nouveau départ mais aussi les obligations qui vont avec... Vous voyez de quoi je parle. Vous avez bien combattu pendant l'assaut de Constantinople  ?  Oui bon, désolé... je suis un flic et Stanzas un savant... il laisse traîner ses dossiers ...

Il se tourna vers Christiania et tendit ses mains, plat en évidence pour manifester son intention pacifique.

- Christiania, nous n'allons pas pouvoir rester sur ce toit indéfiniment. Vous devez prendre la décision qui conditionnera votre vie , mais soyez certaine que nous récupérerons le petit carnet , que vous soyez à nos côté  pour rejoindre Kyle ou étendue sur le boulevard après votre saut de l'ange. Même s'il est partiellement brûlé, nous sommes assurés de pouvoir le reconstituer par des techniques modernes et avancées.

Il avait conscience de bluffer  en l'état de ses connaissances mais il soupçonnait cette crapule de Zorvan de pouvoir réaliser un tel prodige et quelques fois, Vladimir avait Zorvan dans sa poche.

- Mademoiselle Von Carter, me suivrez-vous de votre plein gré ou devrais-je risquer votre vie stupidement ?
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Message  Invité Jeu 4 Sep - 14:50

Suite à leurs aventures chez Zorvan et en préhistoire, Christiana avait développé une certaine confiance en Démétrios. Elle laissa Démétrios s'approcher d'elle tout en gardant un œil sur Ness, afin de s'assurer qu'il restait à bonne distance. Puis, quand elle lui révéla que Ness savait pour leur capacité à voyager, Christiana écarquilla les yeux de stupeur. Pourquoi Démétrios lui mentirait-il ? Il n'avait aucune raison de mentir. Tout le corps de Christiana se détendit soudainement et son visage arbora des signes de curiosité. Si Ness savait et s'il était là sur l'initiative du Dévoreur, alors la boite était liée aux voyageurs.
La boite et ce qu'elle contenait était bien plus mystérieuse que Christiana ne l'avait imaginé. Plus mystérieuse et bien plus intéressante. Elle ne put s'empêcher de se demander si sa mère n'était pas elle-même une voyageuse. Et peut-être bien Kyle, lui aussi. La boite devenait encore plus fascinante.

Calmement, Christiana posa une main sur le bras de Démétrios, pour le retenir près d'elle, après que celui-ci ait signifié sa confiance à Ness.

- J'espère que vous avez suffisamment de confiance à son égard pour nous deux, murmura-t-elle à Démétrios. Lui, ou plus largement le FBI, et ma famille n'ont pas des rapports des plus cordiaux. Il va lui falloir m'apporter des preuves que je peux lui faire confiance, qu'il travaille ou non pour le Dévoreur de Temps.

Christiana s'avança un peu plus vers Ness tout en gardant la boite. Lui-même avait fait un pas vers elle. Ils n'étaient plus très éloignés l'un de l'autre, mais suffisamment pour garder une distance de sécurité.

- Alors comme ça, vous savez, dit-elle à Ness, en le dévisageant de haut en bas, comme si elle le découvrait. Je suis fatiguée monsieur Ness. Je viens de vivre quelques instants trépidants, certes. Mais usant sur bien des points. Ma patience est donc grandement limitée aujourd'hui et ma nuit a tout de même été écourtée par votre venue. Venez en aux faits.

Ness ne se fit pas prier et il n'avait surement pas attendu que Christiana le lui demande. Elle cessa presque d'écouter quand Ness parla de Kyle. Il parlait au présent. Pas au passé. Pour Christiana, cela ne faisait aucun doute. Kyle était vivant et le Dévoreur l'avait envoyé pour elle sur le toit. Elle laissa Ness finir de parler. Et plus il parlait plus ses yeux et sa bouche s'ouvraient. Déconcertée, Christiana soupira et leva les yeux aux ciels.

- Vous saviez qui nous sommes, vous savez pourquoi j'ai accepté de suivre le Dévoreur de Temps ! Mais vous ne pouviez pas le dire plus tôt ! S'exclama-t-elle. Plutôt que faire le méchant du FBI dans mon petit salon ?! Vous ne vous êtes pas douté que je réagirais ainsi ? Franchement, Monsieur Ness, vous savez bien comment nous sommes dans la famille quand le FBI nous force la main ? On fait le contraire de ce que vous attendez ! Mais vous m'auriez directement parlé du Dévoreur, de Kyle, vous m'auriez parlé de mes sentiments pour Kyle, je vous aurez cru ! Je vous aurez donné cette boite, dit-elle en lui tendant la boite. Il n'y a que Monsieur de Zéa, Zorvan, le Dévoreur et moi-même qui connaissent mes sentiments pour Kyle. Démétrios a été avec moi depuis qu'il le sait. Si vous m'aviez dit que vous saviez, j'aurais immédiatement deviné que vous le teniez du Dévoreur de Temps. Nous n'aurions donc pas perdu tout ce temps. Perdre du temps... c'est difficile à l'imaginer pour des voyageurs, ajouta-t-elle en souriant.

Christiana laissa la boite dans les mains de Ness. Elle se tourna vers Démétrios et lui offrit un large sourire, un qu'il n'était pas courant de voir sur son visage.

- Vous entendez cela Démétrios, mon Kyle est bien vivant ! Je ne le chercherai pas en vain. On va l'avoir ! Notre cabinet médical sur la côte Ouest !

Christiana fit de nouveau face à Ness et lui dit :

- Bien entendu que je vous suis. Je me doutais bien, l'autre nuit sur le pont, que suivre le Dévoreur de Temps pour retrouver Kyle et vivre la vie que nous nous étions imaginé ne se ferait pas gratuitement. Je suis bien placée pour savoir que rien n'est gratuit, ajouta-t-elle en montrant du doigt la petite rue où son père réglait souvent des comptes. J'en ai assez vu pour le savoir. Au fait, je ne suis pas armée et je n'avais pas l'intention de me tuer. J'espérais pouvoir voyager ailleurs avant de toucher le sol, si jamais vous m'aviez poussée à sauter dans le vide, révéla-t-elle en affichant un sourire narquois.
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Message  Invité Dim 28 Sep - 1:33

Après son intervention d'abord auprès de Christiana puis de Ness, Démétrios se mit un peu en retrait, sentant bien que  ce dernier avait l'habitude de ce genre de situation et aussi parce que lui-même comprenait toujours aussi peu ce qui se passait.
L'avalanche d'inconnues l'accablait et il regretta une fois de plus son inconscience et sa précipitation à suivre Christiana. Passer de sa Grèce antique à la Byzance du IXe siècle avait eu son lot d'ébahissements, mais aussi différent que fut le monde du moine Nestor, il demeurait lisible et les changements s'inscrivaient dans une solide continuité technologique. Il avait participé en connaissance de cause aux aventures rencontrées, affronté la fureur de la mer, chevauché en bon cavalier, tiré l'épée, combattu sur des remparts, festoyé avec ses amis vainqueurs. Dans cet  Empire romain d'orient certes les puissances divines avaient changé d'apparence et de nature mais elles continuaient à gouverner les hommes et à régler les destins. Le christianisme de Nestor n'apparaissait nulle part dans l'univers du Bacchus. Les dieux avaient déserté le monde des hommes et ceux-ci semblaient les avoir remplacés, pliant l'éclair à leurs caprice et traversant les nuages dans des chars rugissants. Il était comme un petit enfant incapable, démuni ; son prétendu exploit au fusil n'était dû qu'au hasard et  il n'avait plus de repères pour juger les choses. Seul son Logos lui permettait de ne pas se prendre pour un fou.
Justement, Ness essayant d'expliquer la situation ,employa l'expression "nom allemand" . Démétrios avait lu grâce au traducteur quelques titres du journal aperçu dans le salon de Christiana et vu que la guerre qui la préoccupait concernait les Allemands.  Consulté le traducteur avait aussitôt remplacé le mot par ceux de Germain et de Goth et en Aparadoxis Nestor lui avait parlé de ces Barbares. Les étendues sauvages au delà des tribus celtes s'étaient peuplées au cours du premier millénaire de guerriers affreux, lesquels avaient durement malmené la chrétienté avant de se convertir et de s'y fondre en de multiples nations. Apparemment leurs descendants du XXe siècle avaient gardé leur humeur belliqueuse et, chrétienté ou non, on s'entre-tuait toujours gaillardement du côté du Rhin et du Danube. Le carnet avait donc un rapport avec cette guerre ? Raison de plus pour le confier à Ness. Christiana se conduisait vraiment de façon déraisonnable.
Pourquoi ce chantage au suicide alors qu'elle avait tout manigancé pour se retrouver sur ce toit,  avec son coffret ?  Il ne comprenait vraiment pas où elle voulait en venir ni pourquoi elle avait exigé sa présence après lui avoir intimé l'ordre de rester tranquille en bas à boire son chocolat. Une manoeuvre pour dérouter l'ennemi ? Pouvoir s'enfuir dans l'espace-temps de son côté en lui faisant confiance pour qu'il s'évade de la même façon ? Mais cette possibilité ne résistait pas à l'analyse ; Christiana n'avait pas profité des instants où elle avait été seule avec son coffret pour filer dans le passé le mettre hors de portée du FBI. Elle avait seulement réussi à attirer Ness sur le toit. Celui-ci  ne voulait que le carnet et elle n'avait qu'à le lui donner et s'occuper de retrouver sa mère et ce Kyle . Ah, les femmes ! Women ! Le policier avait bien raison.
Et il en avait assez de tant de drame pour un carnet. Il se doutait qu'il contenait des renseignements importants  bien que Christiana n'ait pas eu l'air de savoir exactement  en quoi ils l'étaient.  Elle avait juste pensé que cette liste pouvait dissimuler une piste  permettant d'éclaircir pourquoi un certain Joe avait tenté de voler ce coffret et aussi comment il en avait eu connaissance. C'est ce qui avait paru  primordial à la jeune femme plutôt que de découvrir le secret de sa mère, prétendue morte, mais que la photo révélait toujours bien vivante deux ans après sa disparition. Les "affaires" du Bacchus, auxquelles elle rattachait les noms de la liste lui importaient donc bien plus que de rencontrer celle qui l'avait mise au monde. Christiana avait révélé le passé de" grand banditisme" de sa famille, affirmé ne plus en garder que l'exploitation du Bacchus, mais elle semblait bien être prête à réveiller d'anciens démons et la cruauté envers le blessé se vidant de son sang restait pesante à l'arrière-plan de ce qu'il pensait d'elle. Elle avait peut-être renoncé à des pratiques criminelles mais elle en avait gardé la froide insensibilité face à ceux qui contrecarraient ses projets.
Démétrios craignait que cela ne se termine de nouveau sur des toits new-yorkais, à se tirer dessus,  bandits contre bandits, et il n'était vraiment pas intéressé. Le monde l'attendait, la grande bibliothèque d'Alexandrie,  les Vikings, la Californie dont rêvait Christiana, la Route de la Soie et l'empire d'où le tissu merveilleux provenait tout comme son bonnet.  Et puis les avions et les machines à musique et à paroles  et les carnets, où il écrirait autre chose que des listes de noms !.. Et il avait envie de retourner voir Zorvan dans son Antichambre, Zorvan qui était quand même l'être le plus surprenant qu'il ait jamais  rencontré !
 A choisir, plutôt que de retrouver les ennemis des Von Carter, il préférait aider le F.B.I chargé de défendre la Cité et les citoyens respectueux des lois et il refuserait positivement de s'opposer à Elliot Ness si le frère Jared déboulait avec ses chiens de garde. La police pouvait être corrompue et certains des hommes de Ness n'avaient pas du tout l'air de gentils ganymèdes chargés de distraire la galerie. Mais l'institution était juste dans ses principes. Il fallait défendre les lois sans lesquelles les hommes ne peuvent vivre ensemble.
Surtout, Ness était au courant du Voyage et fréquentait le Dévoreur.  Assez naïvement, le Grec ne pensait pas une seconde que cet être surpuissant puisse avoir des ennemis parmi ceux qui connaissaient ses pouvoirs. Lui-même avait été admis à en partager une partie, ce qui l'avait libéré de ses moroses incertitudes. Il  ne le trahirait pour rien au monde et il pensait que tous devaient partager cette admiration.
Et puis voilà que le Kyle de Christiana était aussi un collègue du FBI !  Ce Ness était au courant de tout ! Alors, que la femme cesse de se comporter de façon incohérente !  Elle pouvait être épuisée par les épreuves qu'ils venaient de subir mais elle était chez elle, dans son époque, tandis que lui, il se déplaçait dans un monde d'objets inconnus, de comportements aberrants ou énigmatiques et pourtant, il savait ce qu'il voulait exactement en ce moment : Pour elle, qu'elle descende de sa position insensée et pour lui, qu'il demande à Ness où trouver le Dévoreur puisque apparemment, il avait besoin d'aide. L'allusion à ses aventures lors du siège de Constantinople faillit le faire rougir de fierté mais surtout, il nota que c'était bien une preuve que Ness et le Dévoreur étaient amis et aussi  que ce dernier avait des dossiers qu'il laissait traîner, ce qui induisait qu'il ait une table sous les dossiers, une demeure autour de la table et que le Dévoreur avait donc un chez lui où on pouvait le rencontrer ! Parfois Démétrios craignait que son ex-Prince des Ours ne passât son temps dans les couloirs du temps et n'appartienne pas à la terre mais à une sorte de lieu outre espace, comme Zorvan dans son Antichambre.
Tout cela était excellent et il en eut la confirmation quand Christiana posa  la main sur son bras dans un geste de confiance qui le toucha. Jamais il ne voudrait lui voir arriver du mal. Courir ensemble devant un mammouth furieux crèe des liens qui peuvent ne pas engager l'avenir mais qui marquent le passé.
Cependant elle s'était mise à parler avec volubilité, reprochant à Ness de ne pas  avoir simplement demandé une entrevue. Ce qui montrait bien que comme toutes les femmes, elle cherchait toujours à avoir le dernier mot . C'était bien ce qu'il lui avait  demandé dès le début non ? Or elle-même venait de dire que le Bacchus et les von Carter ne faisaient pas bon ménage. Si l'entrevue devait passer pour normale, pour ne pas alerter le personnel du Bacchus, il fallait bien qu'elle ait lieu ailleurs que dans l'antre Von Carter. Jared la faisait suivre, c'était un fait prouvé. Si elle se rendait à une entrevue au dehors, il verrait que sa soeur rencontrait le FBI en secret et conclurait à la trahison. La seule façon de procéder pour Elliot Ness, c'était bien de venir la chercher selon l'usage de la police quand elle agit avec des suspects. Si elle voulait vraiment que le Bacchus rejoignît la légalité pour l'essentiel de ses activités, elle avait tout à gagner à collaborer avec le FBI. Tout en prenant son air pincé de princesse outragée, elle aurait donc dû aller chercher son coffret et  suivre les agents de la Loi. En quoi montrer le carnet pouvait-il la gêner ? elle aurait pu même obtenir indirectement des renseignements sur ces noms.
Ou alors, c'est qu'il y avait autre chose dans le coffret - La veille, elle avait lu devant lui des lettres qui s'y trouvaient sans en révéler le contenu.  D'autres secrets ? Elle ne voulait pas que le FBI les découvre ? Elle avait eu le temps dans sa chambre de  retirer ce qu'elle voulait. et maintenant, elle était prête à suivre Elliot Ness, l'ayant convaincu qu'elle ne pensait qu'à retrouver Kyle et à ouvrir" leur cabinet médical sur la côte ouest". Cependant Christiana pouvait aussi être sincère dans son désir de renoncer au Bacchus maintenant qu'elle savait que Kyle était vivant.
Il lui fit donc un sourire d'encouragement, puis s'adressa à  Ness :

- Si vous pensez que je puisse  être utile au Dévoreur, je souhaiterais vivement vous accompagner
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Message  Le Dévoreur de temps Dim 26 Oct - 18:05

Ness était soulagé que Christiana, encouragée par Démétrios qui avait toute sa reconnaissance, en vienne à des résolutions plus raisonnables . C'est avec une vive satisfaction, qu'il reçut enfin de ses mains le précieux coffret dont elle avait sans doute retiré tout ce qui pouvait être compromettant pour le clan Von Carter. Il lui tardait de l'ouvrir et c'est ce qu'il fit pour constater la présence effective d'un petit carnet noir épais. Un bref coup d’œil lui permit de s'assurer qu'aucune page n'avait été arrachée à la hâte. Il fut rassuré de constater qu'il avait l'air intact. En revanche il lui parut assez étonnant qu'une si grosse boîte ne servit à contenir qu'un simple carnet. De toute évidence, la femme restant toujours plus rouée que l'homme, Chrisitana avait réussi à escamoter le probable reste du contenu. Sans doute des documents ayant trait aux activités lucratives de sa famille.

Mais finalement, ce n'était pas cela le plus important. Le Dévoreur ne lui avait pas tout dit mais le chef du F.B.I. se doutait qu'un péril supérieur motivait sa requête. Il y avait l'implication de Kyle Von Carter, dans les missions que Stanzas confiait à divers agents et l'inspecteur savait qu'elles avaient un lien avec la seconde guerre mondiale. Il connaissait succinctement l'histoire de son ami même si le Roumain ne s'ouvrait pas facilement. Il était fort probable que celui-ci cherchait des renseignements sur sa famille, et devait par conséquent dénicher et ouvrir des dossiers très compromettants pour les Nazis. Enfin, ils étaient déjà compromis jusqu'au cou, mais Ness n'était pas assez naïf pour croire que Stanzas se contenterait de trouver les noms des responsables de son deuil sans rien tenter par la suite. Cet homme poursuivait un dessein personnel, il en était persuadé.

S'il acceptait de l'aider, ce n'était pas pour ce seul but, bien qu'il pût le comprendre, mais parce que le Dévoreur, au delà de son affliction intime, voulait que les choses changent sur le plan global. Que les Hommes arrêtent de massacrer les Hommes. Cette conviction était partagée par Ness, même si elle pouvait le mettre partiellement au chômage. Bien entendu, on  ne peut être enquêteur du F.B.I et concevoir un tel projet sans le trouver quelque peu naïf. Mais les bains de sang peuvent aussi user et lasser. Après tout, le monde avait besoin de Héros. Il n'y avait qu'à voir ces nouvelles bandes dessinées qui fleurissaient pendant la guerre et après guerre, faisant leur fond de super héros. Les enfants en étaient d'ardents consommateurs mais pas seulement. Lui-même en lisait, en riant parfois il faut bien avouer. Il trouvait tout de même que cela aurait été bien commode d'avoir quelques super héros comme amis pour nettoyer New York. Et si Le Dévoreur était ce genre de Héros ? Et si la réalité rattrapait la fiction pour la dépasser finalement ?

Utopique ? Pas vraiment! Après tout, la réalité avait bien dépassé la fiction avec les camps de la mort de la seconde guerre mondiale et les expérimentations qu'elle avait engendré dans les deux camps. Chaque camp s'était doté à sa manière d'une arme de destruction massive et les découvertes faites dans les camps nazis comme dans les bases scientifiques américaines avaient, selon, Stanzas, ouvert le champ aux guerres modernes que Ness ne connaissait pas et qu'il ne tenait pas trop à connaître... Entendre son ami le Grand Voyageur en parler par allusion avait suffi à le glacer d'effroi. Drones, guerre chimique, manipulation mentale, surveillance aérienne globale de la terre,  guerre de l'espace... Découverte de l'existence  de formes de vies autres que terrestres. La liste avait de quoi donner le frisson. Si l'avenir réservait vraiment cela à ses enfants, Ness se disait qu'il faudrait des défenseurs à la raison et à l'Humanité. Peut-être bien que le professeur était en train de réunir ces défenseurs ... Peut-être bien que le monde allait vivre une ère nouvelle.

Il songeait à tout cela tout en écoutant les paroles de Démétrios et en les comparant malgré lui à celle de la fille Von Carter. Il choisit de ne pas tenir compte de sa pirouette visant à le poser une homme stupide qui ne dit pas les choses assez vite et la pousse à réagir avec méfiance, alors même qu'il était évident qu'il ne pouvait exposer le Dévoreur devant le personnel du Bacchus aussi facilement en l'associant ouvertement aux  raisons de sa venue.  Ce n'est que poussé dans ses retranchement par une mauvaise volonté évidente de la jeune femme, et en petit comité avec le jeune grec et elle, qu'il pouvait prendre un tel risque. Mais si on décidait de ne pas tenir compte de sa mauvaise foi, elle n'était pas foncièrement mauvaise. Cependant, ses motivations tranchaient étrangement avec celles de son compagnon, bien qu'étant finalement très humaines en apparence... Aah ! l'amour! Oui mais il n'y avait certainement pas que cela dans le crâne de Mademoiselle Von Carter. On pouvait avoir un but personnel et le conjuguer avec une vision plus large et humaniste et c'était ce que Ness percevait chez le Grec. En revanche, le discours de Mademoiselle Von Carter semblait s'attacher à sa vie future avec Kyle, leurs projets d'avant la Guerre, et en filigrane une certaine aisance qui n'excluait peut-être pas de se servir des prérogatives de ce dernier en tant que médecin pour établir des activités peut-être douteuses. Ness se dit qu'il avait certainement un raisonnement subjectif induit par sa connaissance du milieu maffieux,et du clan Von Carter. On ne sortait pas de l'illégalité si facilement quand on avait baigné dedans dès la naissance. Chassez le naturel et il revient au galop. Il imaginait mal Christiana en épouse aimante et dévouée à son médecin de mari. Il voyait en revanche très bien tous les trafics opiacés qu'un médecin pouvait alimenter s'il était abusé par un proche. Il chassa de son esprit la vision dérangeante d'une femme matrone à la tête d'un narco-trafic sous les palmiers californiens.

Mais plus troublant, elle ne semblait pas envisager que la guerre eût pu changer Kyle et également ses projets. C'était comme si elle s'attendait à retrouver le même qu'avant son départ. Or, même s'il en savait peu sur les missions que Le Dévoreur confiait au jeune homme, et sur les circonstances de leur rencontre et de leur arrangement, il apparaissait comme évident que ce dernier avait préféré travailler pour Stanzas que de revenir vers sa dulcinée dès la fin de la guerre. C'était pour le moins surprenant venant d'un homme censé être amoureux . Mais ce pouvait être aussi le fait d'un esprit valeureux en quête de rédemption. La guerre, ça vous change un homme. La métamorphose peut s'opérer dans les deux sens et aussi bien révéler des héros que des crapules. Il y avait fort à parier que Kyle Von Carter, qui ne se nommait d'ailleurs plus ainsi, ait grandement évolué dans ses aspirations et renoncé aux premières... Le choc risquait d'être rude...
Mais Christiana avait assez de force en elle pour y faire face. Elle n'était pas le genre de femme à se laisser abattre facilement. Il fallait maintenant songer à conduire les deux acolytes  à l'aéroport où un vol sur un bimoteur à hélices les attendait pour Targoviste avec escale à Londres. Le vol durerait bien deux jours mais c'était encore le moyen le plus rapide hormis le voyage par contact avec le professeur Stanzas qui rendait bien plus malade. De toute façon, pas de Dévoreur sous la main! L'homme avait tellement à faire avec son projet. Eliott se demandait bien de quelle façon mademoiselle Von Carter pourrait lui être utile mais ne doutait pas que son ami y voyait une finalité qui lui échappait.

- Nous devons songer à partir mademoiselle... Il vaudrait peut-être mieux que vous réunissiez quelques  affaires personnelles. En fait, vous et monsieur de Zéa seraient les invités personnels de Mr Stanzas à Targoviste et pour quelque jours. J'espère que vous ne craigniez pas l'av...

Il n'eut pas le temps de finir de prononcer les mots qu'il disait tout en feuilletant le carnet sans lever les yeux vers la jeune femme. Un cri de surprise l'interrompit net tandis qu'un "swouiiitchzzz" accompagné d'un éclair blanc déchirait l'air. Machinalement, il cria :

- NOOOOON§ Christiana !!! Pour l'amour de Dieu! ...

Mais il eut immédiatement conscience de la vanité de la supplique. Le cri venait de Démétrios qui avait vu sous ses yeux Christiana se dématérialiser. Les deux hommes échangèrent un regard effaré. Ils songèrent certainement  "Mais que s'est-il passé ? Pourquoi a-t-elle choisi de disparaître alors qu'un arrangement était trouvé ? "

- Bon sang ! Comment vais-je annoncer ça à Stanzas moi ! Pourquoi a-t-elle décidé de s'enfuir ?

Le Grec semblait réfléchir avant de formuler une réponse, ce qui était parfois le signe d'une intelligence éclairée, mais en l'occurence le temps pressait. Ness décida qu'il pourrait aussi bien réfléchir dans l'avion qui les transporterait vers la Roumanie et secoua la tête d'un air très embêté.

- Venez-vous avec moi , monsieur de Zéa ? J'espère que rien de tragique n'arrivera à votre amie, mais rester ici dans l'attente de son hypothétique retour n'est pas envisageable. Le Dévoreur  semble tenir à réunir les hommes et femmes de bonne volonté... Et je sais que vous en êtes...  Par ailleurs, s'il y a une explication au départ précipité de mademoiselle Von Carter, c'est certainement lui le plus à même de nous la fournir. Allons chercher vos affaires et mon chauffeur nous conduira à l'aéroport... Sur la route je vous expliquerai ce qu'est un avion, ajouta-t-il se rappelant soudain la terreur qui pourrait saisir l'Athénien face à l'oiseau de fer.


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