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Les Grandes Invasions

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Les Grandes Invasions Empty Les Grandes Invasions

Message  Invité Mer 9 Avr - 12:32

Les Grandes Invasions.

Ce n'est pas une  époque historique très dans le vent  et elle reste encore assez mal connue . Les témoignages sont rares, contradictoires souvent, vraiment affaire de spécialistes.
Cette période ne correspondant pas à une éclosion d'ouvrages majeurs nécessitant d'en connaître l'arrière-plan historique,  mes connaissances sur le sujet avoisinaient le néant : L'Europe romaine  tombait dans une sorte de trou chronologique ( l'Antiquité tardive) où aucune date précise ne surgissait plus. L'empire, devenu chrétien, était envahi par des vagues successives de guerriers nomades venus de l'Est et du Nord lesquels allaient ainsi en consommer la ruine.
Ajoutons à ces idées très générales, des noms de peuples dignes du capitaine Haddock,  Goths, Ostrogoths, Wisigoths, Huns, Vandales, Burgondes, Alains. pourquoi pas  Bachi-Bouzouks ?
Spoiler:
Et puis, bien sûr,  souvenir ineffaçable de l'école primaire quand on y étudiait encore l'histoire événementielle : Attila, le Fléau de Dieu, battu aux Champs Catalauniques en .... heuh....passons !
Me restait l'image des Huns qui mettaient à cuire leurs steaks sous la selle de leur cheval  et la célèbre phrase d'Attila dont le canasson avait de terrifiantes propriétés herbicides : "Là où mon cheval a passé, l'herbe ne repousse pas ". Monsanto et Round Up, voilà des noms pour chevaux mongols.
Tout ça était passionnant mais peu  sérieux, d'autant que s'y superposèrent des images de films et je dois encore lutter contre l'idée que Attila ressemblait peut-être  à Jack Palance .
Spoiler:

Internet étant une mine de références bibliographiques à portée de la main (et même d'un seul doigt...)  m'a indiqué que Iaroslav Lebedynsky avait publié deux brochures sur le sujet :
La grande invasion des Gaules(407-409) et La campagne d'Attila en Gaule (451 ap. J.-C.). Or Lebedynsky est pour moi une garantie de lisibilité dans des domaines quand même pas très folichons.
[Notice si on ne connaît pas Iaroslav :
C'est un historien français contemporain, d'origine ukrainienne (il a écrit des livres sur son pays d'origine et je suppose que  leur vente a dû augmenter ces derniers temps...) Prof aux Langues O', il est spécialiste des anciennes cultures de la steppe et du Caucase et linguiste aussi. Si vous voulez des renseignements sur les Indo-Européens, il a écrit un livre qui fait le point sur les connaissances actuelles, tout en restant accessible aux profanes.]

Tout ce préambule pour expliquer pourquoi je vais envahir mon artothèque de lectures sur le thème des grandes Invasions.
Donc, je commencerai par :

La Grande Invasion des Gaules ,
LEMME edit, Clermont-Ferrand, 2012
collection illustoria
Résumé :Le dernier jour de l'année 406, plusieurs dizaines de milliers de Vandales, Suèves, Quades et Alains (peuples germaniques orientaux ou germains de l'Elbe pour les Suèves), vraisemblablement sous la pression des conquêtes hunniques, entrent dans les Gaules romaines en franchissant le Rhin. Ils  envahissent le nord de la Seine, puis descendent vers l'Aquitaine et passeront ensuite en Espagne romaine où ils s'installent puis en Afrique du Nord (les Vandales) et iront ensuite piller Rome.

Au début, c'est un peu difficile à suivre en raison du nombre de noms propres, d'oeuvres d'auteurs plus ou moins inconnus mais on s'habitue vite à ne pas confondre les Vandales avec les Suèves, les Goths fédérés* avec ceux qui ne le sont pas et les vrais empereurs d'occident avec les faux, ces usurpateurs qui fleurissent dans l'Empire, jusqu'à trois en même temps plus le légitime resté en place.. Ces "faux" empereurs sont des généraux romains, nommés "César" par leurs soldats ( qui d'ailleurs les exécutent souvent fort rapidement) ou plus étonnant, choisis par les Barbares eux-mêmes, qui ayant massacré  les préfets et les évêques, veulent avoir un empereur romain à disposition pour leur octroyer la possession des terres conquises.  
Je retire de cette situation ubuesque l'impression que ces Nomades n'ont qu'une hâte, c'est de trouver la terre idéale et de s'y sédentariser  dans la légalité et au plus vite. En route, on pille, on brûle et on tue, sans doute guère plus que les Romains au temps des conquêtes. Mais comme l'Empire est en paix (relative), les peuples romanisés ont oublié à quoi ressemble une troupe de militaires en campagne ou, dans les villes, ce que c'est d'être assiégé. D'où les témoignages horrifiés des survivants. Et nous n'avons pas de Confessions d'Attila ou de Genséric.
Il y a actuellement une nette tendance à réhabiliter les Barbares, qui seraient les Bons, de valeureux païens calomniés par les Chrétiens inhospitaliers. Il faut à mon avis, veiller à demeurer dans un sain équilibre. Lebedynsky semble honnête à ce sujet et ne tombe pas dans l'angélisme vandale et l'humanitarisme hunnique tel qu'on le trouve ici et là sur des blogs.

Bien que l'analyse  de Lebedynsky soit assez courte (une centaine de pages) elle est bien documentée,  avec des citations commentées des historiens du IVe et du Ve siècle, comme Orose ou Isidore de Séville ( celui-là, j'ai bien envie de le lire ! Orose coûte trop cher, paru aux Belles-Lettres, en trois volumes...près de 150 €)

Lebedinsky construit très bien son étude et s'il n'a pas la force du style des grands historiens, ce qu'il ne le cherche sans doute pas. Il est clair, concis, vivant. Il a aussi ce petit côté d'érudit passionné par son sujet que j'aime tant retrouver dans les oeuvres présentées comme didactiques.
Par exemple :
Les Barbares ont donc franchi le Rhin le 31 Décembre 406 et, dans l'encart iconographique montrant quelques unes des rares trouvailles archéologiques sur ces invasions, des armes essentiellement, Lebedynsky a mis une photo du Rhin prise par lui-même.. .le 31 décembre 2006.
Spoiler:
Je trouve cela peu historique mais très attendrissant. Il a été faire comme un pèlerinage sur le lieu supposé du passage et s'est ému devant un coucher de soleil en pensant à celui d'il y a 1400 ans. Et il pense que le lecteur qui a manqué l'anniversaire (moi ! Embarassed ) a droit quand même à une image pour le célébrer rétrospectivement.
L'Histoire est pleine de poésie.
Et comme disent les Shadoks :
Spoiler:

Pas tout à fait :
Notes-* Les Barbares fédérés étaient des alliés des Romains,  sous contrat d'échanges ( en général, produits de la technologie romaine contre mercenaires, ce qui conduisait à des situations compliquées avec guerres "fratricides", trahisons et retournements de tuniques...A l'époque, l'armée impériale était constituée en majorité de barbares fédérés. Certains bien intégrés, faits citoyens romains, accédaient aux grades les plus élevés. Ce sont des Barbares Francs qui ont tenté de s'opposer à l'entrée en Gaule de leurs congénères. Les Romains ronflaient au chaud dans leurs villas.

J'ai aussi écrit que ce n'était pas une période de grands ouvrages littéraires. J'ai zappé Saint Augustin, et j'avoue que je n'ai jamais lu Les Confessions qu'en diagonale et en pointillé, bien qu'il ait marqué l'histoire de la pensée occidentale.
AnonymousInvité
Invité


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Message  Invité Mer 14 Mai - 12:54

II -La campagne d'Attila en Gaule 451apr.J.-C.
LEMME edit, Clermont-Ferrand, 2013
collection "illustoria"

L'ouvrage est focalisé sur  l'invasion de 451 apr. J.-C.. et la collection doit imposer un  nombre de pages limitées à ses auteurs pour cibler un sujet très précis. Aussi  les renseignements biographiques sur Attila sont-il minces.  J'apprends que Attila était plutôt petit, poitrine large, très grosse tête, barbe rare, teint sombre mais il avait l'allure fière, du moins d'après Priscus, le seul témoin oculaire dont nous ayons gardé les écrits.

L'action :

 Les Huns d'Attila, avec des tribus ralliées de barbares germaniques1, envahissent le NE des Gaules, provinces romaines, ravagent Metz ( en avril), arrivent vers Paris, le contournent ( épisode incertain de Sainte Geneviève) et filent sur Orléans qu'ils assiègent ( vers la mi-juin).
Flavius Aetius, généralissime romain, arrive alors avec une armée aussi hétéroclite que celle d'Attila et libère la ville.  Attila se replie vers Troye et y est battu  aux "Champs Catalauniques" (fin d'été ?). II repart vers l'actuelle Hongrie2 où est alors situé le camp principal des Huns. Mais Aetius le rattrape près de Troyes. Battu de nouveau, il quitte la Gaule définitivement.

Le lieu de la  bataille finale :

Cette défaite d'Attila est encore de nos jours appelée les "Champs Catalauniques" . Eh bien, c'est une erreur. Il faut dire  Mauriacus, terme employé par tous les textes d'époque et les historiens sérieux d'aujourd'hui. 3
"Champs Catalauniques" désigne en fait la Champagne, région des Gaulois Catalauni. C'est un peu grand pour un champ de bataille ! Mais l'erreur une fois faite, les découvertes récentes n'ont pas encore pu  remplacer pour le grand public "Champs catalauniques "par Mauriacus. Lebedynsky l'emploie toujours avec des guillemets.
Mais où situer Mauriacus ?
Les historiens se sont longtemps partagés pour situer le lieu. Voilà la version la plus probable (Iaroslav reste prudent) : D'après un texte de 641( environ) publié en1866 (sûr) Mauriacus est à  quinto miliario (7,4 km ) à l'ouest de Troyes, mais où , sur l'arc ainsi déterminé ?
Seul détail connu : il y a une colline et un ruisseau. Ce pourrait donc être juste derrière chez moi mais je ne vis pas à cinq milles romains à l'ouest de Troyes.
Je suppose que cette ligne fatidique des 7,5km a été  envahie par des hordes, non plus de Barbares, mais d'amateurs agitant ces sortes de poêles à frire qui servent à détecter les métaux, dans l'espoir de découvrir  épées casques et boucliers.
 Iaroslav est formel . On n'a rien qu'une tombe de guerrier  mais hélas, postérieure à 451 et une anse de chaudron hunnique, prétendûment retrouvée dans la zone. Mais  l'objet a été mis dans le circuit par un marchand faussaire connu comme tel. Il s'agit néanmoins d'un authentique vestige hunnique mais vraisemblablement importé depuis l'Europe centrale où on a trouvé de nombreux objets semblables. Méfiez-vous si on vous propose des chaudrons hunniques venant des Champs Catalauniques !

Conséquences de cette campagne d'Attila

Pour les Huns:

Après Mauriacus, Attila tenta d'assiéger Rome mais fut repoussé et il mourut l'an d'après. Ses fils se disputèrent, les Germains refusèrent de payer le tribut et les pauvres Huns repartirent vers l'est et se fondirent très vite dans les populations autour de la Caspienne.
En fait, Attila a été certes un chef de tribu habile à utiliser le pouvoir que lui avait légué sa famille, mais  c'est lui qui a précipité l'effondrement de l'empire hunnique dont il avait hérité. Il aurait dû rester en Pannonie au lieu  de vouloir aller à l'ouest, toujours à l'ouest. Sans avoir vécu suffisamment pour s'en rendre compte,il a eu la peau de l'empire romain d'Occident ( celui d'Orient durera jusqu'en 1453, presque mille ans de plus !) mais les Huns ont disparu.  Les Huns n'existaient  que par la marche en avant, le pillage et l'extension des territoires qu'ils ne gouvernaient pas mais qui leur payaient d'exorbitants tributs pour avoir la paix.

Ce qui est regrettable c'est qu'on ne connaisse pas la langue qu'ils parlaient. Les chefs Huns avaient des scribes romains qui rédigeaient lettres et accords en latin. Il était d'usage d'envoyer chez eux des jeunes gens en otage pour sceller les traités. Aetius avait ainsi passé plusieurs années de sa jeunesse chez les Huns et connaissait bien ceux qu'il combattit en 451 .

Pour l'empire romain d'Occident :


Ce n'est pas le triomphe de l'empire romain christianisé sur les Païens barbares.(version traditionnelle du christianisme médiéval). Cet empire romain d'occident  va s'effondrer vers la fin du  siècle, noyauté par les petits royaumes de barbares  intégrés et autorisés par l'Empire lui-même et qui prennent plus ou moins vite leur indépendance.

Ce n'est pas non plus un épisode mineur dans un triomphe généralisé des Barbares envahissant  l'Occident.  Ceux qui s'installent en Gaule, en Espagne, en Italie (Alains, Wisigoths, Burgondes, Francs) le font dans le cadre de l'Empire romain qu'ils reconnaissent, se christianisant rapidement, se sédentarisant, devenus agriculteurs et propriétaires terriens. Ils se mêlent aux populations locales déjà fortement romanisées. Les Germains non romanisés abandonnent l'état tribal et fondent eux aussi leurs petits royaumes où on parle latin et où on se christianise.

Pour la Gaule :

Ceux qui vont profiter de la situation, ce sont les Francs saliens qui, alliés d'Aetius, ont pu bénéficier d'appuis pour s'imposer au nord de la  Seine face aux autres Francs et fonder la dynastie des Mérovingiens (Childéric Ier et son fils Clovis, roi en 481 ).



Notes
1- Les Barbares

La plupart du temps, ce sont des peuples germaniques (Goths, Gépides,Francs, Burgondes, vandales) ou scythiques (Alains) et turciques (Huns ).
J'étais persuadée que l'origine mongole des Huns (les Xiong-Nu) était un fait admis. Mais Iaroslav dit que ce n'est pas prouvé. Que les Huns aient eu un type asiatique l'est . Mais ils peuvent avoir été aussi des peuples de l'Asie Centrale chassés vers l'ouest par les Xiong-Nu avec lesquels ils auraient été confondus. Un peu comme les Anglais appelaient "Huns" les Nazis allemands, ce qui a dû fortement déplaire aux mânes des divers Goths chassés de leurs terres germaniques par l'avancée des Huns.
Comme dit plus haut, les Barbares fournissent la plus grande partie de l'armée romaine. Les chefs de tribus barbares passent du côté qui les arrangent sur le moment. Ce qui entraîne l'assassinat des chefs au moment des retournements de tuniques...Du côté romain, c'est d'ailleurs pareil pareil, vu que  presque tous les généraux veulent devenir césar à la place de césar et ils se font assassiner ou exécuter, comme Aetius. Il y a en ce temps plus de risque dans les salles de trône que sur les champs de bataille..
Aetius a un tiers de son armée devant Orléans constituée de Wisigoths installés en Aquitaine depuis l'invasion de 407. Le reste est  constitué de divers mercenaires barbares rappelés de leur garnisons gauloises.

2-  Regardez le portrait de Ludvik ! Ne trouvez-vous pas un certain plissement asiatique à ses beaux yeux pensifs ?

3- Dommage, "Champs Catalauniques" sonnait épique, grandiose, fatidique, hugolien.

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