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Aurore Joinville

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Aurore Joinville Empty Aurore Joinville

Message  Invité Sam 17 Nov - 11:50

Prénom : Aurore

Nom : Joinville

Surnom : "Mon rossignol" (surnom donné par la seule Soeur Madeleine), pour tous les autres elle est "Mademoiselle Joinville". Personne ne l'a jamais appelé par son prénom.

Âge : 18 ans

Epoque et lieu de naissance : Née le 6 octobre 1871, à Paris

Description Physique et Psychologique :


Aurore est une jeune fille très menue au visage d'ange. Ses grands yeux clairs sont toujours emprunts d'un peu de crainte, comme si tout était danger ou soupçon pour elle. Ses cheveux sont toujours tenus en chignon comme les soeurs le lui ont appris, et elle n'imagine pas être vue un seul instant les cheveux détachés. Ils sont, de plus, bien souvent cachés sous un châle, renforçant encore l'impression de fragilité qui se dégage de toute sa personne.
Ses lèvres pulpeuses ressortent d'autant plus qu'elles contrastent avec un visage très pâle, presque maladif.
Aurore n'est pas très grande, elle mesure 1m54 et porte toujours de fines sandales. Sa petite taille lui permet ainsi de se cacher facilement et de se faufiler partout, ce qui est un énorme avantage pour elle car elle est pourvue d'une très grande curiosité.
Elle attire le regard non par son exubérance mais au contraire par cette sensibilité qui se voit dans tous ses gestes, jusque dans sa voix. Sa voix chantante est un pur cristal, mais peu de personnes ne l'ont véritablement entendue, d'abord parce qu'elle parle peu mais surtout parce que lorsqu'elle le fait il faut tendre l'oreille, son timbre de voix, fragile, n'étant pas plus fort qu'un murmure.
Ses mains montrent qu'Aurore est habituée au travail manuel (couture, cuisine, jardinage dans le couvent des soeurs, ...) aucune corvée ne la rebute. Ses ongles sont donc coupés très courts.
Lorsqu'elle est seule elle s'adonne à ses occupations favorites, la lecture, le chant et la prière. Son chant pur et clair lui a valu le surnom affectueux que lui donne Soeur Madeleine, "Mon Rossignol". Son front haut et ses sourcils bien droits indiquent une farouche détermination et une grande intelligence, ce qui est rare pour une femme à cette époque.

Ordre choisi : Explorateur

Métier exercé dans l'époque d'origine : Novice chez les sœurs du couvent Sainte-Marie-mère-des-pauvres

Métier ou fonction après son premier voyage : Non connu

Histoire :


Chapitre 1 : Les jeunes années

Depuis la proclamation de la république, rien ne va plus à Paris. La ville est assiégée par les armées prussiennes et la population est à l’agonie. Nous sommes en décembre 1870 et Marie Joinville n’est qu’une femme parmi tant d’autres dans cette populace qui meurt de faim.

A 19 ans, elle a quitté sa famille pour suivre son mari à Paris, tenancier d’une taverne au cœur de la capitale. La campagnarde qui n’est jamais sortie de son village natal a dû se familiariser avec cette nouvelle vie, servir les ouvriers qui viennent dépenser leur solde et oublier dans l’alcool leur misérable vie, accepter les remarques grivoises et les gestes déplacés, tout cela pour pouvoir subsister dans leur misérable appartement derrière la boutique.

En cette fin d’année 1870, la pénurie se fait sentir et le vin ne coule plus à flot, les ouvriers ne viennent plus, ils n’ont plus de solde à dépenser, plus pour ces dépenses inutiles du moins. Le commerce périclite doucement et Maxime le mari de Marie, qui a bientôt 50 ans, va de plus en plus mal. Les crises de goutte le clouent au lit bien souvent et c’est Marie qui doit continuer à faire tourner le commerce. Mais les rares clients qui viennent encore sont de plus en plus entreprenants et Marie vit cette situation avec de plus en plus de difficultés.

Un jour, un client aisé qui a pris ses habitudes dans la place, lui propose de lui donner beaucoup d’argent si elle accepte de venir chez lui lui rendre un genre de service très particulier. Elle refuse et le chasse de l’établissement mais il revient tous les jours et devient de plus en plus insistant.

L’argent commence à manquer et l’état de santé de Maxime s’aggrave de jour en jour. Elle ne peut plus payer le médecin et les médicaments qui permettent de soulager son mari, voire le remettre sur pied. Alors, un soir, elle finit par accepter de suivre le client chez lui et de faire ce qu’il lui demande. Rouge de honte, humiliée, elle quittera tard ce soir là la résidence luxueuse du bourgeois, avec une somme d’argent bien rondelette. Mais l’argent file vite entre les doigts et les visites se font de plus en plus rapprochées.

Un matin, elle se lève avec la nausée et comprend qu’elle est tombée enceinte, il ne fait aucun doute que Maxime n’est pas le père. Elle cherche à cacher son état mais les nausées se succèdent et Maxime finit par comprendre qu’elle lui a été infidèle. Il rentre alors dans une furie dévastatrice et la chasse du logis avec un maigre ballot comme possession.

Affaiblie par sa grossesse, sans un sou en poche, Marie essaye de subsister quelques jours dans la rue, mais bien vite elle n’a d’autres choix que d’aller demander protection au père de son futur enfant, le comte de Brobourg.

Celui-ci l’embauchera comme aide de cuisine et lui allouera une chambre de misère au dernier étage de la maison. C’est dans cette indigence qu’elle accouchera le 6 octobre 1871 d’une jolie petite fille qu’elle appellera Aurore, car c’est la seule chose qui égayera sa misérable vie et c’est aussi ce qui la conduira aux portes de la mort. Quelques jours plus tard, les assauts répétés du comte qui avait repris dès le lendemain de la naissance occasionnèrent une hémorragie qui la terrassa soudainement. Elle mourut seule dans sa chambre, tenant sa fille dans ses bras.

Aurore fut rapidement confiée aux sœurs du couvent Sainte-Marie-mère-des-pauvres et fut oubliée là. Jamais le comte ne cherchera à la revoir, jamais il ne donnera quoi ce soit aux sœurs pour son éducation. Il avait tout simplement rayé de sa vie mère et fille.

Aurore pourtant ne manqua de rien tout le temps qu’elle vécut chez les sœurs. Sœur Madeleine, alors âgée de 45 ans, prit aussitôt sous sa protection ce joli poupon rose qui lui avait été confié. Elle lui apprit tout ce qu’une mère doit apprendre à son enfant et plus encore. Aurore apprit donc à cuisiner, à coudre mais aussi à lire, à compter, à écrire et à prier dieu et le remercier de tout ce qu’il lui avait apporté.

Douée d’une très grande intelligence, elle rentra très vite dans les bonnes grâces de la mère supérieure et suivit la voie toute indiquée pour elle, rentrer dans les ordres, elle devint donc novice dès l'âge requis. Il n’y avait qu’une seule ombre à ce tableau idyllique, son passé. Ce passé qui la perturbait de plus en plus. « Qui était-elle ? D’où venait-elle ? » Demandait-elle souvent à sœur Madeleine. Mais celle-ci éludait toujours la question, ne souhaitant pas lui raconter le destin tragique de sa mère et l’abandon dont elle avait fait l’objet.

Mais le destin joue quelques fois de bien vilains tours et le destin s’est mis en marche pour Aurore le 4 septembre 1886.


Chapitre 2 : La maturation

Aurore allait sur ses 15 ans lorsque son chemin croisa celui du comte, ou plutôt celui de son fils Martin alors âgé de 23 ans. Martin était un jeune médecin qui officiait à l’hôpital public du Xième arrondissement de Paris. Ce jour là, Aurore était venue à l’hôpital à la place de Sœur Madeleine trop souffrante pour s’acquitter de sa visite hebdomadaire aux jeunes malades.

C’est donc Aurore qui était partie ce matin là faire sa tournée. Elle se présenta à l’accueil de l’hôpital et une infirmière vint la chercher pour la conduire dans le service des tuberculeux. Elles parcoururent l’une derrière l’autre un dédale de couloirs gris, montèrent des escaliers, passèrent devant une multitude de portes fermées pour finir par rentrer dans une salle à l'écart, où une série de lits étaient alignés contre les murs.

Aurélie compta mentalement qu’il y avait 20 petits lits dans la pièce et que tous étaient occupés par un enfant, le plus âgé devait avoir 16 ans. Elle s’arrêta interdite au seuil de la pièce pendant que l’infirmière rebroussait chemin sa tâche accomplie. Après avoir embrassée la salle du regard, elle posa son panier contenant quelques petits cadeaux et autres sucreries pour les malades et commença à déambuler dans la pièce n’osant parler. Le silence n’était rompu que par la toux des poitrinaires qui fusait de part et d’autre de la pièce.

Tout à coup, une voix masculine s’éleva et elle se retourna promptement pour faire face à un homme d’allure svelte en costume blanc et une trousse médicale à la main. Le cœur d’Aurore explosa en mille morceaux et ses joues s’enflammèrent à la simple vue de cet homme beau comme le jour. Un sourire se dessinait sur le visage du jeune médecin pendant qu’il détaillait Aurore des pieds à la tête d’un air approbateur. Clouée au sol par un aimant puissant, elle était bien incapable de parler ni même de faire le moindre geste. C’était donc Martin, car c’était bien lui, qui avait dû la rejoindre à grandes enjambées et lui tendre la main en signe de bienvenue.

Martin avait tout de suite reconnu l’habit des sœurs du couvent et avait immédiatement compris que sœur Madeleine s’était ce jour là fait remplacer. A partir de ce jour, c’est Aurore qui rendit chaque samedi visite aux petits tuberculeux et chaque semaine Martin s’arrangeait pour faire ses visites au même moment.

Cela dura trois ans, trois ans de rendez-vous clandestins et de baisers volés, de mots doux échangés. Tout bascula un beau matin, lorsque Martin décida d’aller demander la main d’Aurore à la mère supérieure et découvrit qu’Aurore était sa demi-sœur.

Furieux contre son père il se précipita aussitôt son entrevue avec la mère supérieure terminée dans la demeure familiale. Il fut reçu avec un grand éclat de rires quand son père apprit qu’il s’était amouraché de la petite vermine qu’il avait engendrée dix huit ans plus tôt.

Martin, fou de douleur, erra longtemps dans les rues de Paris, allant de bar en bar, ne sachant que faire d’autre que de s’enivrer pour oublier. Lorsque tous les débits de boisson furent fermés, il se décida enfin à rentrer se coucher. Le lendemain, il avait prit une décision : quitter Paris au plus vite et ne plus jamais revoir Aurore.

Il fit rapidement sa valise et quitta la maison familiale sans se retourner, avec la ferme intention de n’y revenir jamais. Il se dirigea rapidement vers l’hôpital et demanda à voir séance tenante le directeur auquel il expliqua qu’il souhaitait démissionner sur l’heure suite à de graves soucis familiaux qui nécessitaient sa présence près de sa mère, qui résidait à Londres depuis fort longtemps. Le directeur, soucieux, le laissa partir sans tenter de le retenir et Martin prit le premier bateau sans chercher à en connaître la destination. Sa vie était finie, vivre ne l’intéressait plus, il voulait simplement partir à tout jamais.



Chapitre 3 : La rupture

Lorsqu’Aurore le samedi suivant vit que Martin n’était pas là elle fut surprise, car en trois ans jamais ils n’avaient raté leurs rendez-vous. Mais lorsqu’elle croisa le samedi suivant un tout jeune médecin qu’elle ne connaissait pas, son inquiétude se transforma en angoisse. Elle n’osa pas lui parler et se morfondit une semaine encore avant de comprendre que Martin n’éclairerait plus son horizon.

Lorsqu’elle rentra au couvent, Sœur Madeleine vit les yeux rougis d’Aurore et comprit que quelque chose de très grave venait de se passer. Elle essaya de parler à Aurore mais celle-ci s’était murée dans le silence. Elle refusa bientôt de s’alimenter et se laissa mourir à petit feu, heureuse de quitter ce monde qui lui avait dérobé le seul être qu’elle aimait.

Sœur Madeleine dut bientôt avertir la mère supérieure qui ne put que constater qu’Aurore était en train de partir. La mère supérieure ne pouvait pas supporter cela sans rien faire, alors un soir, elle s’installa sur une chaise à côté du lit de mort d’Aurore et lui raconta tout ce qu’elle savait en pleurant. Aurore écoutait dans le brouillard de l’inconscience les paroles de la mère mais ce qu’elle entendit l’horrifia tellement que dans un dernier sursaut de conscience, elle rejeta les draps et se mit à hurler comme une hystérique. Aurore avait décidé finalement de vivre, de se venger, de faire payer à son père tout ce que celui ci lui avait fait, tout ce qu’il avait fait à ses parents, à son seul amour, de l’éradiquer de la terre, de lui faire manger l’herbe par la racine.

Elle ne savait pas encore comment faire, mais pour l’heure il fallait qu’elle reprenne des forces, qu’elle se prépare à lutter contre l’être le plus abject au monde, son propre père.
Elle commença à se réalimenter lentement, put à nouveau s’asseoir dans son lit, se lever quelques instants, faire le tour de la pièce, et un jour elle se sentit prête à l’affronter. Elle savait qu’il serait inutile de paraître devant lui, drapée dans sa dignité, qu’il ne ferait que la chasser en l’insultant. Alors elle chercha à savoir ce qu’il faisait, quels étaient ses amis et surtout ses ennemis, car des ennemis il devait en avoir de nombreux.

Sur les indications de la mère supérieure, elle trouva très rapidement la demeure où elle était née et vit pour la première fois son père, un homme finalement assez quelconque, vieilli par la mauvaise vie qu'il avait mené jusqu'à présent et toujours penché sur une canne qui l'aidait à se déplacer. Les cheveux mi-long grisonnants avec une calvitie très prononcée semblaient indiquer qu'il devait avoir une cinquantaine d'années et ses yeux, petits et acérés, montraient toute la fourberie de cet être immonde.

Elle passa plusieurs jours à l’espionner, marchant dans son ombre, scrutant chaque fait et geste, inscrivant dans sa mémoire tous les lieux où il se rendait régulièrement. Un jour où elle s’attachait à ses pas, elle le vit parler avec un homme en noir. Elle resta cachée de longues minutes mais elle était trop loin pour entendre leur conversation.

Dans les jours qui suivirent elle continua à espionner leurs rendez-vous. Ils n’avaient jamais lieu au même endroit et chaque fois elle avait cette impression qu’il se tramait quelque chose d’anormal. Certainement encore une nouvelle manigance de cet être immonde qu’était son père, mais que complotaient ces deux êtres ?

Et puis un jour elle vit le comte de Brobourg quitter sa demeure avec une grosse valise, comme s’il partait en voyage. Elle le suivit discrètement comme à son habitude et le vit s’approcher à nouveau de l’homme en noir. Seulement ce fut la dernière fois qu’elle le vit, car au bout de quelques minutes de conversation, elle fut propulsée en arrière par un gigantesque souffle. Lorsqu’elle se releva les deux hommes avaient disparu et elle était seule. Elle avait perdu la trace du comte, seule sa valise était restée sur le sol, grande ouverte.

Les jours suivants elle eut beau patienter devant la demeure du comte, elle ne put l’apercevoir. Par contre des inconnus entraient et sortaient du manoir dans une effervescence anormale. Elle se mit à écouter ces inconnus et bien vite elle comprit que le comte ne reviendrait pas et qu’il avait tout simplement disparu de la circulation. Elle comprit aussi que ce n’était pas le seul à disparaître, que de plus en plus de personnes disparaissaient et que si certains revenaient au bout de quelques jours, de nombreux ne réapparaissaient jamais.

Alors elle se demanda si Martin lui aussi n’avait pas été happé par une force inconnue qui l’aurait fait disparaître et elle ne pensa plus qu’à une seule chose, partir elle aussi. Où qu’ils soient allés, elle devait absolument retrouver et le père et le fils.

Un jour l’homme en noir se présenta au couvent et demanda à lui parler. Il avait entendu son appel muet et venait la chercher. Il lui donna rendez vous tôt le lendemain en un lieu secret et lui demanda de ne prendre que ce qu’elle pourrait porter dans ses poches.

Elle réfléchit toute la nuit, se tournant et se retournant dans son lit mais au petit matin elle était prête pour l’aventure. Dans ses poches, elle avait simplement pris un petit canif et son chapelet qui ne la quittait jamais. Là où elle irait elle aurait besoin de souvent prier dieu pour lui venir en aide.

Possessions : Un petit canif et le chapelet que lui a donné Sœur Madeleine

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Message  Le Dévoreur de temps Sam 17 Nov - 20:57

Le Comte de Brobourg, le cynisme incarné, mais un homme fatigué de lui-même qui voulait trouver un second souffle. Voilà bien un candidat qui avait plongé le Dévoreur dans le doute. Pourquoi céder à la requête de l'homme qui l'avait contacté par le truchement d'un brave aumônier de l'ordre de Saint Vincent. C'était plus par égard pour ce coeur d'or dévoué aux pauvres que le Grand Voyageur avait accepté de le voir en entretien. Basile Coquenot, le généreux visiteur des pauvres, lui-même voyageur et pourvoyeur de réconfort à travers le temps, venu de l'époque agitée des Grandes Croisades avait depuis quelques temps posé son baluchon dans le Paris de la fin d'Empire et dispensait ses bonnes oeuvres auprès des nécessiteux. L'homme était bavard et prolixe de ses indiscrétions autant que de ses bontés, et il ne se lassait pas de dire aux errants qu'il connaissait un moyen d'échapper à leur condition. C'était sur les marches de l'hôpital où il était venu informer le directeur du "départ" de son fils Martin que Brobourg avait fini par l'entendre débiter son boniment plein d'espoir aux pauvres bougres qui mendiaient. Le Comte avait eu à y revenir plusieurs fois pour chercher les effets de son fils, ses dossiers, ses livres de médecine, et son dernier petit acompte de salaire qu'il avait sans doute trouvé bien maigre du haut de son mépris de nouveau noble. Le discours récurent de Basile, toujours fidèle au poste sur les marches de l'hôpital, la réelle disparition de familles entières de pauvres hères, avaient fini par interpeller le Comte. Il s'était abaissé à demander où étaient passés cette vielle lavandière poitrinaire et ses petits enfants en haillons, ce cul-de-jatte, ancien grognard de la Grande Armée, ce simple d'esprit au sourire béat rempli de chicots. La réponse de Basile était chaque fois la même: Le Dévoreur les a mené vers un monde nouveau où ils trouveront leur place et feront leur chemin."

Puis un jour, dans un cercle de jeu qu'il fréquentait, on parla du Vicomte de Saussaie, ce jeune aristocrate mélancolique qui écrivait des poèmes enflammés à une certaine Hermione de Franconville, une libertine issue de la noblesse qui menait une vie de bohême et dont il s'était entiché. Un habitué du cercle affirma que Saussaie avait laissé une lettre à sa mère, expliquant qu'il avait fait appel à un sorcier occulte pour la retrouver dans le nouveau monde où elle était partie en belle aventurière. Le sorcier se faisait nommer le Dévoreur de Temps et commençait à faire fureur dans cette société en pleine crise de doute et en recherche d'un refuge spirituel. Le Comte avait écouté la conversation avec attention, non pas parce qu'il était en quête de spiritualité mais parce qu'il était lassé de sa vie et s'ennuyait des facilités qu'elle lui servait. Il avait joué avec tant de vies et les avaient corrompues avec tant de facilité, sans aucun risque, qu'il ne se sentait plus guère vivant mais terriblement blasé. Hors de question d'essayer d'en savoir plus parmi ses paires et de laisser penser qu'il était de la même trempe que ce crétin de Saussaie. En revanche, il savait à qui s'adresser pour le Grand Voyage et c'est le bras chargé de bien des victuailles, un visage bonhomme qu'il se présenta le lendemain aux marches de l'hôpital et tapa sur l'épaule de Basile. Il lui remit le panier d'agapes que le brave homme s'empressa de distribuer aux laissés pour compte et l'entretint, en lui suivant pas à pas, de son sujet. L'aumônier au grand coeur reçut sa requête avec étonnement mais bienveillance et le soir même il retrouvait le Dévoreur pour lui parler du "candidat". Celui-ci écouta sans rien répondre d'autre finalement que " je vais étudier la demande". Et il l'étudia, se renseigna sur l'homme, découvrit bien des choses peu reluisantes mais aussi l'étendue de la fortune du Comte. Un homme corrompu à l'âme gangrenée par l'opulence au milieu de la pauvreté de l'époque. Lorqu'il accepta de le rencontrer, la résolution du Grand Voyageur était sans appel: Brobourg devait léguer la totalité de ses biens à l'oeuvre de Basile, c'était la condition pour accéder au départ. Il le prévint aussi des risques encourus dans l'aventure mais aucune des contraintes énoncées ne rebuta le Comte, blasé de son existence et qui voulait vivre à nouveau le grand frisson. Ainsi la demeure parisienne deviendrait un refuge pour les candidats au voyage et ceux qui étaient déjà en route mais passaient par là au fil de leur périple. Il exauça le voeu de Brobourg au coin d'une rue déserte une fois que celui-ci lui eut remis les papiers notariés qui faisaient Basile unique légataire de ses biens.

Mais le Comte ne laissait pas qu'une immense fortune derrière lui en s'éclipsant dans les couloirs de l'intemporalité, il laissait un fils et une fille, qu'il avait gravement lésés. Le Dévoreur se promit de veiller de loin sur eux. Retrouver le fils, Martin, s'annonçait compliqué mais il savait où trouver la fille dont il avait d'ailleurs perçu l'aura plusieurs fois. Sans rien en laisser paraître, il la surveilla, la fit surveiller jusqu'à l'intérieur du couvent même où elle avait été recueillie à la mort de sa mère. Ayant appris qu'elle n'ignorait rien des turpitudes de son père et qu'elle avait failli se laisser mourir de désespoir, il s'était tenu si prêt d'elle sous l'apparence d'un simple journalier employé pour de petits travaux de maçonnerie. Ainsi il avait pu entendre ses prières, caché derrière une colonne de la chapelle où la jeune fille se croyant seule, murmurait ses souhaits agenouillée devant la Statue de la Vierge. Il finit par venir la voir afin d'entreprendre son projet pour essayer de corriger l'injustice des choses. Il avait bien senti les choses. Elle était déterminée à partir, à tout quitter, mais il devait connaître ses motivations et la préparer au Grand Voyage, lui expliquer l'épreuve qui l'attendait, au détour de la chambre de Zorvan, il devait lui faire comprendre que rien ne serait facile. Il avait été touché par l'extrême fragilité apparente de la jeune femme mais avait senti une volonté farouche portée par quelque chose de puissant. Il devait savoir.

Il la guettait donc un peu tendu, dans un escalier passant de butte Montmartre et lorsqu'il l'aperçut, serrant son châle contre sa poitrine, les yeux si clairs et doux dévorant son visage opalin, il lui sourit et lui fit signe de la suivre dans un bistrot de la montée. Il tira une chaise au dossier poisseux pour qu'elle s'assoie et commanda deux petits blancs cassés au tenancier qui regardait d'un air grivois l'étonnant couple qu'ils formaient. Le Dévoreur le fusilla du regard lorsque le rougeaud apporta les verres et l'homme encaissa la piécette sans demander son reste. Le regard se radoucit lorsqu'il se tourna vers Aurore .

- Mademoiselle Joinville, j'en sais beaucoup à votre sujet mais j'ignore l'essentiel. Je sais que plus rien ne vous retient vraiment dans cette vie si ce n'est l'affection des soeurs, surtout de Soeur Madeleine, ajouta-t-il avec un sourire bienveillant, mais j'ignore ce que attendez de moi et du voyage que j'ai à vous proposer.

Il but une gorgée du petit vin sec qu'elle n'avait pas goûté, en se demandant si elle était vraiment prête à entendre ce qu'il avait à lui révéler.

- Je suis désolé... Cet établissement ne propose guère de boissons convenables pour une jeune femme telle que vous, mais vous devriez boire un peu, cela vous donnera du courage pour entendre ce que j'ai à vous exposer. En vérité, que savez-vous de moi ? Pas grand chose. Les soeurs m'ont autorisé à vous parler et vous devez donc en déduire que je n'ai que bienveillance à votre égard. Néanmoins, ce que je dois vous apprendre au sujet du voyage et de ce qui vous attend si vous l'acceptez, n'est pas des plus aisé à concevoir et à accepter.

Elle lui semblait si jeune, petite, perdue et démunie qu'il ne pouvait s'empêcher de nourrir quelque inquiétude à la livrer au cours capricieux des couloirs de l'Infini et même au ténébreux Zorvan.
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Message  Invité Dim 18 Nov - 16:48

Pelotonnée sous son duvet, Aurore n'arrivait pas à se réchauffer. Ses pensées qui l'avaient contrainte toute la nuit à vivre les pires cauchemars avaient répandu dans la pièce un courant d'air glacial. Ce pouvait-il qu'il fasse si froid ce matin là ? Elle grelottait et elle avait beau se frictionner les bras, son sang glacé refusait de couler à nouveau dans ses veines. Bien que réveillée depuis déjà une heure, elle ne trouvait pas le courage de se secouer, quitter sa literie et marcher jusqu'à sa capeline, si près pourtant, qui l'aurait aidé à retrouver un peu de chaleur. Les minutes défilaient et elle restait accrochée aux pensées qui la conduisaient vers cet homme étrange qui lui avait parlé la veille au soir.

Comme elle avait été surprise lorsque soeur Madeleine lui avait annoncé un visiteur ! Elle lui avait dit qu'exceptionnellement il avait été autorisé à être reçu, car ce qu'il avait à lui dire était de la plus haute importance. La soeur n'en savait pas plus et ne put que la conduire au parloir sans un mot supplémentaire. Cet homme, il faisait peur, mais elle l'avait écouté jusqu'au bout et pire encore lui avait dit oui. Ce qu'il lui avait dit avait fait écho à son désir de retrouver le père haï et de lui faire payer tout et plus encore. Elle avait rendez vous à 10 h ce matin là. Quelques heures à attendre encore, à se morfondre, et si peu de temps à vivre dans ce lieu aimé, sa maison. Qui sait si elle y reviendrait un jour.

Le petit jour commençait à poindre doucement et elle décida, comme le soleil, de se lever péniblement. La première chose qu'elle fit était de se lover dans son châle qu'elle n'aurait jamais dû quitter, surtout pas cette nuit là. Sa seconde peau étant revêtue, elle se dépêcha de prendre une allumette pour que la bougie posée sur la table de nuit lui fournisse la chaleur manquante. Elle approcha ses mains transies de la flamme vacillante, et sourit enfin lorsque ses mains reprirent un semblant de vie.

Ses yeux étaient déjà posés sur ses effets personnels, tout ce qu'elle allait devoir quitter. Elle embrassa la pièce du regard puis détailla chaque recoin de la cellule, posant des yeux attendris sur les souvenirs qu'elle laissait là, les souvenirs d'un temps passé, sans soucis, une voie toute tracée qu'elle quittait pour emprunter un chemin fait de dangers, de peur mais un chemin tracé par la haine, sa haine.

Sur une étagère elle vit les restes de sa petite enfance. Oh n'allez pas imaginer qu'il s'agisse d'effets précieux. Seul dans les romans l'enfant abandonné est retrouvé avec une gourmette, le médaillon de sa mère et la plus belle des lingeries. Elle, elle avait juste conservé une robe faite de gros drap pour toute layette, et ce canif qu'elle prit dans sa main et glissa dans la poche de sa robe. Elle s'était posée tant de questions sur sa provenance, aujourd'hui il était exclu de s'en séparer. Elle sentait que cet objet avait un rapport avec son passé, celui de sa mère.
Elle eut beau chercher dans ses autres possessions, à part le chapelet que lui avait donné Soeur Madeleine, elle ne voulut rien emporter d'autres.

Il était l'heure de partir, de refermer la porte sur son passé et de se diriger avec cet autre vie qui l'attendait. Sur le pallier de la porte elle se reprit, elle avait encore une chose à faire. La main sur la poignée, elle se retourna et vit sur la table un crayon et une feuille de papier qui l'attendaient. Il lui fallait écrire un mot à soeur Madeleine, lui expliquer combien elle l'aimait et qu'elle ne l'oublierai jamais, lui dire de ne pas s'inquiéter mais que son destin était ailleurs.

"Adieu soeur Madeleine, adieu" pensa t-elle pendant qu'elle pliait la lettre et la posait bien en vue sur son oreiller. Aucune larme, surtout aucune larme ne devait être versée, sinon elle ne pourrait passer la porte, aller plus loin.

Vite, maintenant il fallait partir, s'enfuir, ne pas se retourner. Elle se rua dans le couloir après avoir prit soin de fermer doucement sa porte, comme l'on ferme un pan de son passé, sans bruit, sans heurt, de peur de laisser s'échapper trop de souvenirs. Elle se rua dans les couloirs, elle entendait déjà les soeurs qui s'éveillaient. Il était sept heures, le couvent reprenait vie, elle ne devait rencontrer personne, surtout personne.

La rue enfin et son silence qui la prit à la gorge et la fit s'arrêter, essoufflée. Où aller maintenant ? Ses pas la conduisirent naturellement sur le chemin qu'elle avait parcouru tant de fois. Il fallait qu'elle aille une dernière fois lever les yeux sur la fenêtre où son amour impossible était né, dans cet hôpital où tant de misères se côtoyaient, et puis aussi, aller crier sa haine au luxe débordant de la demeure de son père honnis. Pendant qu'elle regardait les façades de la sombre demeure, elle le renia ce père qui ne l'avait jamais été, elle n'accepta plus qu'il soit son père et elle décida qu'il ne serait plus que ce qu'il avait voulu être, un simple géniteur.

Neuf heures, il était l'heure de se diriger vers le lieu du rendez vous.

"Quartier Montmartre" lui avait-il dit, "devant le Moulin Rouge qui venait à peine d'être inauguré".

A tant courir elle finit par arriver bien en avance, alors elle décida de pousser un peu plus loin, vers le chantier du Sacré Coeur, le temple du seigneur. Aurait-elle l'occasion un jour de le voir dans toute sa majesté ? Il était sorti de terre mais loin encore d'être terminé, les grandes oeuvres mettent si longtemps à être achevées. Devant cet édifice en construction, cet ouvrage magistral, elle se sentit si petite, si fragile, mais avec une telle volonté de réussir à vaincre le mal, qu'elle ne put s'empêcher de s'agenouiller à même la rue pour prier dieu, et lui promettre de vaincre les difficultés, d'être forte, plus solide que les blocs de pierre qui sortaient de terre en son honneur.

Elle se releva les yeux brillants de larmes contenues, et s'en alla rejoindre le lieu de rendez-vous. Elle marchait à pas lents, elle sentait maintenant le froid sur ses épaules qui l'entourait de ses griffes acérées. Elle se calfeutrait plus étroitement dans son châle quand elle vit l'homme qui venait à sa rencontre. D'un geste il lui fit signe de la suivre, et elle s'engouffra à sa suite dans une taverne. A cette heure matinale, la salle était silencieuse, mais elle était néanmoins gênée de devoir rentrer dans un tel lieu. Elle se réconforta un peu quand ils s'assirent à une table à l'écart et elle n'osa rien dire quand l'homme en noir commanda pour eux deux un verre de vin.

Les yeux rivés sur le verre de son compagnon, elle continua à le suivre du regard lorsqu'il le porta à ses lèvres. Un sourire bienveillant l'accueillit et elle le regarda siroter son vin un peu moins inquiète. Lorsqu'il le reposa sur la table il s'excusa de boire seul, et l'invita à tremper ses lèvres dans ce liquide nauséabond. Elle fit non de la tête et continua à l'écouter. Sa décision était prise et quelque danger qu'il lui faille affronter, elle suivrait le chemin épineux qu'il lui serait donné d'emprunter.

Son coeur parla

- Je veux retrouver l'homme, le comte de Brobourg, que vous avez pris et lui faire payer ses actes. Si le voyage qu'il faut entreprendre est long et dangereux, si le chemin est couvert de ronces, je prierai Marie mère de dieu et notre mère à tous, et elle me guidera, ouvrira le chemin sous mes pas, ma volonté fera le reste.

Elle reprit son souffle après cette tirade puis enchaina plus doucement

- Quoi que vous m'appreniez, ma décision est prise, et s'il faut pour cela vous prouver que je ne faillirai pas, alors je vous le prouverai

Sur ces mots, elle attrapa le verre devant elle et l'avala d'un trait. Le liquide brûlait ses lèvres, irritait sa gorge, ses yeux s'embrumèrent, mais ils brillaient de défi quand elle les leva à nouveau sur le visage de l'homme.

- Aidez moi, s'il vous plait.

Reprit-elle sans sourciller mais d'une voix qui ne faisait aucun doute sur l'enfer qu'elle endurait dans sa gorge.
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Message  Le Dévoreur de temps Lun 19 Nov - 21:00

Le Dévoreur de Temps fut touché, une fois de plus, par la sincérité de la jeune femme qui lui avoua volontiers ce qu'il savait déjà. La vengeance était sa seule motivation et galvanisait sa volonté de se jeter dans l'inconnu. Il était tellement bien placé pour la comprendre, lui qui avait côtoyé la folie de près lorsqu'il avait tout perdu dans les remous de l'Histoire, par la cruauté de certains hommes et avait nourri des rêves de revanche et de meurtre avant même d'avoir seulement l'espoir de les réaliser. Oui, il comprenait Aurore Joinville plus qu'elle ne pourrait jamais l'imaginer. Seulement, il savait à quel point cette obsession pouvait être destructrice, dévorante, lorsqu'on y faisait face seul et qu'elle était l'unique moteur qui anime chacune de nos pensées. Il eut un petit sourire triste et eut envie de lui prendre la main, une petite main si fine et fragile, qui s'animait nerveusement au dessus de la table, tel un papillon léger qui vole au hasard des courants. Il se retint à temps quand il posa les yeux sur sa grande main nerveuse à lui, faiseuse de miracles mais aussi de mort. Non! Pas encore ! Il était trop tôt pour la prendre par la main et l'entraîner dans son monde. Une petite vendeuse de pains entra dans la taverne, l'air girond et proposa ses petits pavés dorés et odorants. Il chercha dans sa poche quelques pièces et en acheta deux dont un qu'il tendit à la jeune femme. La petite, ravie de sa première vente du matin, sans doute, fit un beau sourire et esquissa une petite révérence avant de s'éclipser dans son jupon plein de trous.

- Voyez vous, Aurore... Permettez que je vous appelle Aurore ? Ce prénom vous va merveilleusement bien. Voyez vous, la vengeance est une chose qui ne nourrit pas, elle vous dévore de l'intérieur. Vous devez être forte, certes, mais forte de votre amour de la vie avant de vous jeter dans ce voyage. Ceux qui ne cherchent qu'à distribuer la mort la récoltent bien vite dans les couloirs du Temps.

Il déchira le pain en deux et mordit dans un morceau, l'invitant à faire de même avec le sien.

- Sentez comme il est chaud et parfumé, croustillant, tout juste sorti du fournil ! Cette saveur unique du pain frais ! C'est comme la vie, on a envie de croquer dedans à plein dents, surtout lorsqu'on est aussi jeune et jolie que vous. Un homme vous a causé infiniment de chagrin et cet homme n'est pas n'importe qui. C'est celui qui aurait du vous chérir et vous protéger. Le Comte de Brobourg est un être ... un être qui ne saurait être que mon ennemi. Si j'ai accepté de le faire voyager, c'est pour qu'il serve sans le vouloir une juste cause. Je l'ai contraint à céder sa fortune aux nécessiteux en échange de mes services.

Les traits du Grand Voyageur s'étaient durcis à l'évocation du sinistre personnage et une onde de colère passa dans ses yeux clairs . Ses longs doigts nerveux jouaient avec les miettes éparpillées sur la table tandis qu'il poursuivit.

- Ce que je vous propose restera en vous un état permanent. Une fois devenue voyageuse, vous ne cesserez jamais de l'être, même une fois votre vengeance accomplie. Etes-vous prête à cet état à jamais ? Et à supporter tout ce qu'il suppose. Vous verrez des choses que vous n'imaginez même pas. Vous ferez des voyages incroyables auquel aucun homme ou aucune femme n'est préparé. Ne craignez-vous pas de vous sentir perdue une fois votre dessein accompli ? Rien ne dit que vous pourrez un jour revenir ici en cette époque.

Il se passa une main sur la barbe et poursuivit avec douceur.

- Je vous propose ni plus ni moins de pouvoir voyager dans le temps et l'espace, à votre guise, d'explorer aussi vos souvenirs et d'autres mondes parallèles, si proches du votre et pourtant si différents. Mais ce pouvoir a un prix. Il est dangereux et n'est pas toujours contrôlable. Avant que vous puissiez assouvir votre désir de vengeance, il peut s'écouler bien du temps. Connaissez-vous la patience ? Avez-vous assez le goût de l'aventure et l'envie d'aller à la découverte des autres et aussi d'autres temps, d'autres lieux pour prendre un plaisir qui vous épargnera la folie à cette expérience ?

Il la regarda longuement avec une émotion toute nostalgique. Elle semblait si fragile comme Gala, plus sage toutefois, et en même temps, elle se tenait si droite, sur cette chaise, farouche et déterminée, résolue à accomplir sa vengeance, comme celle qu'il aimait. Et pourtant, Gala avait été emportée par la tourmente, arrachée à ses bras protecteurs. La cruauté des hommes, celle du Temps ensuite, l'avaient séparée de lui et depuis, il courrait, courrait à travers le temps et l'espace pour la retrouver. S'il avait su lui donner le goût de la vie et du bonheur plutôt que celui de la vengeance, elle serait peut-être encore à ses côtés.

- Il faut, dit-il en rivant son regard à celui d'Aurore, il faut que je vous éprouve pour être certain que vous êtes assez animée du désir de vivre pour autre chose que la vengeance, afin d'être certain que vous survivrez à son attente et à son accomplissement, que vous ne vous perdrez pas dans les limbes de la démence lorsque votre voeu sera accompli et que vous vous trouverez loin de tout ce qui fut votre vie jusqu'ici.

Il respira profondément, les yeux brillant d'un chagrin contenu et lui sourit encore avant de poursuivre.

- Je dois vous confier à quelqu'un qui vous éprouvera, vous mener jusques à lui ce qui est déjà une épreuve en soi afin qu'il vous prépare à assumer le don que je vais vous faire. Voyager dans toutes les époques, et les lieux, dans des univers inconnus de vos contemporains, dans l'avenir même. Toutes ces vies où le comte a pu trouver refuge mais où, aussi, d'innombrables dangers vous guettent. Etes-vous prête à cela ? Si vous l'êtes alors je dois vous expliquer précisément ce qui vous attend. Si vous préférez renoncer et me traiter d'aliéné, alors il est encore temps.

Toute personne que la volonté d'aboutir à son dessein n'aurait pas gainé dans une certitude que tout valait mieux que de revenir à cette vie de larmes aurait pris la fuite séance tenante mais Aurore restait toujours aussi droite sur sa chaise, les yeux rivés sur lui, écoutant les invraisemblances qu'il lui débitait avec une attention soutenue. Elle avait vu Bronbourg disparaître, il en aurait mis sa main au feu et il comprit dans l'instant que cette sensation d'être observé lors que transfert du comte n'était que la manifestation de sa présence sur les lieux.

- Bronbourg a subi le même genre d'épreuve. J'aimerais pouvoir vous dire qu'il n'y a pas survécu, comme certains malheureux voyageurs, mais personne, pas même moi, ne peut en avoir la certitude avant de l'avoir vu mourir dans un des espace où je pourrais le croiser. Il n'y a pas de règle déterminant qui survit ou succombe à l'Antichambre de Zorvan ou aux couloirs de l'Infini autre que celle de la détermination à survivre. De braves gens y perdent la vie injustement, simplement parce qu'ils "arrivent" au mauvais moment au mauvais endroit, et des ordures, tels que Bronbourg, y évoluent avec l'aisance d'un pourceau dans sa fange.

Il reposa l'autre moitié du pain qu'il tenait dans sa main. L'énoncé de cette loi inique avait suffi à lui couper l'appétit. Il eut un petit haussement d'épaules contrit comme pour s'excuser du marché de dupe qu'il proposait à la jeune femme.

- Si je vous ai approché et vous propose ce voyage, c'est parce que vous m'avez appelé inconsciemment. Vous êtes très malheureuse et continuer ainsi vous conduisait à l'abandon de la vie. L'épreuve que je vais vous proposer consiste à une sorte de passage d'un monde à l'autre. De celui que vous connaissez à celui infini des voyageurs du Temps. Espace et Temps sont indissociables et leurs infinies variations donnent naissance à des univers parfois totalement inimaginables par la pensée humaine. J'ai visité tous ces mondes, après avoir passé les mêmes épreuves qui vous attendent. Mes paroles pourraient vous paraître celles d'un aliéné ... si vous n'aviez assisté à une certaine scène, n'est-ce pas ?

Aurore l'écoutait toujours, les sourcils légèrement relevés, essayant sans doute de comprendre tout ce qu'il lui racontait.

- Si je vous proposais de visiter le monde des rêves, de vos rêves ceux dont vous vous souvenez ou les autres, ceux que votre esprit a oublié sitôt l'éveil. Si je vous proposais de les revivre, de les modifier, en allant visiter avec mon complice qui se nomme Zorvan, le monde de [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ? Ou encore de vous risquer dans le monde de vos souvenirs en les remontant à l'envers du fil du Temps dans ce que Zorvan nomme lui-même le [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ? Ou si enfin, vous pouviez arpenter un monde parallèle nommé [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] et qui ressemble à s'y méprendre à celui que vous vous apprêtez à quitter mais réserve tellement de divergences avec votre Paris, votre environnement connu et qui se révéleront au fil de l'aventure, laquelle de ces épreuves choisiriez-vous ?

Il imaginait sans peine à quel point tout ce qu'il venait de lui exposer pouvait bouleverser et déstabiliser la jeune novice qui n'était guère sortie de son couvent et se tût pour lui laisser le temps d'appréhender les possibles qui s'offraient à elle mais aussi les embûches qui l'attendaient si elle décidait de le suivre. Il se contenta d'ajouter d'une voix qu'il voulait rassurante:

- L'auberge commence à se remplir. Peut-être souhaiteriez vous que nous marchions un peu afin de vous donner le temps de réfléchir à tout cela. Je connais un charmant petit parc en contrebas. Mais vous n'êtes pas assez chaudement vêtue pour la saison, continua-t-il en sortant d'un sac qu'il tenait dissimulé sous son ample manteau, un paquet contenant une longue capeline de laine pliée dans un papier rugueux. Elle est à vous quoique vous décidiez. Ajouta-t-il en le lui tendant.

On pouvait être Dévoreur de Temps et avoir encore des restes de prévenance à l'égard du beau sexe.

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Message  Invité Mer 21 Nov - 22:59

Alors qu'un océan de douleur était en train de la submerger, Aurore faisait des efforts louables pour retenir une toux qui montait en elle mais qui aurait pu, si elle avait été seule, soulager un peu sa gorge. Sur la table, il n'y avait plus rien à avaler pour éteindre à grandes eaux le feu qui couvait en elle. Alors elle salivait autant qu'elle le pouvait, mais chaque ingurgitation était une souffrance et son état ne s'améliorait pas. Ses tempes battaient comme si une armée avait décidé de livrer bataille dans sa tête, et elle avait du mal à se concentrer sur autre chose que son mal être.

Une femme poussa la porte de la taverne avec, tenant dans ses mains, un panier rempli de petits pains bien chauds. Une odeur agréable chatouilla les narines de la jeune femme et lui rappela qu'elle n'avait rien mangé depuis la veille au soir. L'homme face à elle, qui semblait la regarder avec compassion, héla la jeune marchande et lui en acheta deux. Lorsqu'il lui offrit un des pains, elle éprouva le plus grand des bonheurs. Elle tendit aussitôt la main et remercia timidement le dévoreur, mais n'osa pas pour autant se jeter sur le pain béni.

Elle le posa donc devant elle et elle lui jetait de temps en temps des yeux gourmands pendant que son interlocuteur recommençait à parler. Elle releva la tête surprise quand il l'appela Aurore, et ses yeux sourirent quand il lui dit que son prénom lui allait merveilleusement bien. Du plus loin qu'elle pouvait se rappeler, c'était la première fois que, hormis soeur Madeleine, quelqu'un ne l'appelait pas "Mademoiselle Joinville". Et elle en éprouva une joie qu'elle ne s'expliquait pas.

La salive lui remonta à la bouche quand elle le vit briser son pain en deux, et mordre avec appétit dans l'un des morceaux. Elle ne pouvait détacher ses yeux de sa bouche et ses paroles exaltaient son envie de vivre encore un peu, pour avoir le temps elle aussi de goûter à ce mets si appétissant. A le voir ainsi, elle en oublia son propre pain, son envie d'y goûter, et n'était plus qu'à la contemplation du plaisir qu'il montrait dans cet acte si banal.

Et tout à coup les traits de celui ci se durcirent, alors elle reporta son regard sur ses yeux et elle vit un éclat de colère les traverser de part en part. Ce fut très fugitif mais elle comprit alors que cet homme ne pouvait être mauvais s'il avait ce regard en parlant du comte. Maintenant qu'elle avait lu dans ses yeux, elle ne pouvait se détacher d'eux, comme hypnotisée par son discours.

Ce n'est que lorsqu'il reposa son morceau de pain qu'elle se rappela qu'elle avait faim. Ses longs doigts se posèrent avec hésitation sur le pain qui avait commencé à se refroidir, et elle le prit dans sa main pour en savourer la douceur. Elle ne le brisa pas, aucune miette de ce délice ne devait être perdue. Elle l'approcha de sa bouche pour le goûter enfin, pendant qu'il lui expliquait que lui aussi était un voyageur, qu'il avait visité d'autres lieux, d'autres temps. Si ce voyage perpétuel lui apportait autant de saveur que ce petit pain qui fondait dans sa bouche, alors oui, elle était prête à affronter ce Zorvan dont il lui parlait tant.

Il lui proposa de faire un tour dehors et elle accepta volontiers. Elle avait besoin de sortir prendre un grand bol d'air pur pour se débarrasser l'esprit des dernières effluves d'alcool et pour réfléchir tout à son aise. Elle allait se lever quand il lui présenta la plus jolie capeline qu'il lui eut été permis de voir de près. Elle n'osait croire à tous les bienfaits qu'il lui prodiguait, et ne put encore une fois trouver d'autres mots que ce simple "Merci" qu'elle lui adressa en rougissant. Prenant la cape avec hésitation, elle se retrouva gênée devant le fait qu'elle devait ôter son châle, sa protection, devant cet homme qui ne cessait de la regarder. Ne pouvant finalement se résoudre à se dévêtir d'un fil, elle préféra porter la capeline sur son bras tout en prétextant qu'elle n'avait pas froid pour l'instant.

Lorsqu'ils sortirent de la taverne, Aurore eut le regard attiré par une affiche tout en couleur. Au centre du prospectus trônait une date, le "6 octobre 1889". Le Moulin Rouge, à quelques pas de là, avait été inauguré le jour exact de ses 18 ans. Devant ce signe évident que lui adressaient les cieux, elle ne put que rester muette de stupeur. Reprenant au bout de quelques instants sa marche aux côtés du dévoreur, elle continua à rester muette tout le temps du trajet, cherchant à interpréter le message qui lui avait été adressé sans en cerner la signification.

Arrivant au parc, ils allaient s'asseoir sur un banc tout proche lorsque soudain elle sortit de son mutisme. Elle lui fit face brusquement et lui demanda inquiète

- Mais, vous reverrai je ?

Elle reprit sa respiration pour finalement exprimer l'inquiétude qui lui était venue soudain

- Je veux dire après cette épreuve, au cours de mes voyages, est ce que vous serez là ?

Elle se laissa tomber finalement sur le banc pour se donner un peu de temps et trouver le courage de continuer. Mais trop de doutes l'avaient minés pendant ses longues minutes de silence, et ses plus grandes peurs sortaient de sa bouche dans un déluge de questions sans qu'elle ne puisse les arrêter.

- Et à ma mort, quand elle arrivera, demain ou dans vingt ans, mon âme que deviendra t-elle ? Je voudrais qu'elle puisse retourner à dieu, est ce que je courre le risque d'être une âme errante pour l'éternité ? Et mon corps, où reposera t-il ?

Elle regardait ses mains pour se donner une contenance mais de plus en plus inquiète, elle lui avoua finalement après un temps de silence

- Et puis Zorvan ... j'aurai préféré que ce soit vous qui me fassiez passer cette épreuve dont vous parlez… Est-il aussi bon que vous ?

Osa t-elle dire en relevant les yeux vers lui.
A nouveau repartie dans ses pensées, elle continua sur sa lancée.

- Si je devais choisir, c'est un passé oublié que je souhaiterai revivre, comprendre. Pensez vous qu'il soit possible de revivre ce dont on ne se rappelle pas, et qui pourtant est gravé quelque part dans sa mémoire d'enfant ?

De plus en plus songeuse, elle leva les yeux au ciel et continua

- Revivre le premier souvenir d'enfant et chercher à remonter le temps pour retrouver les souvenirs enfouis. S'il m'était donné de faire cela, alors j'accepterai toutes vos conditions

Elle marqua un temps puis enchaina, les yeux à nouveau fixés sur ceux du dévoreur

- Car il y a des conditions n'est ce pas ?

Rien n'était gratuit sur cette terre, elle avait bien compris cela malgré son jeune âge, et elle attendait maintenant de savoir ce qu'elle devrait au voyageur pour l'aide qu'il lui apporterait.
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Message  Le Dévoreur de temps Mar 27 Nov - 21:54

Le Dévoreur cheminait en silence au côté d'Aurore et nota avec un brin de nostalgie que le regard de la jeune femme s'attardait sur l'affiche inaugurale du Moulin Rouge. Il avait des souvenirs dans ce lieu, souvenirs d'autres voyages en arrière mais situé dans un temps où l'établissement était à son apogée et non à ses balbutiements. Des frou-frou, des femmes parfumées et fardées, les crinolines, les spectacles de cabaret. Souvenirs étourdissants qui ne parvenaient jamais à effacer d'autres images bien plus violentes. Le silence était plaisant et il se laissa imprégner des frémissements de la ville qui s'éveillait, des fiacres sur le pavé, des cris des gens de petit métier qui prenaient leur place dans la rue. Leur lente promenade les avait finalement menés sur un banc où la jeune femme avant de prendre place, la cape toujours sur le bras, lui posa une embarrassante question.

- Nous nous reverrons peut-être, au fil de nos voyages, ou peut-être pas. Mais je ne serai jamais loin et si vous m'appelez, je viendrais. Cependant, il est important que vous tissiez des liens avec d'autres voyageurs ou même des natifs des époques où vous vous déplacerez.

Il baissa les yeux, soudain las devant l'ampleur de la tâche qui l'attendait encore avant d'arriver à son but ultime.

- J'ai moi-même une quête à mener. Une réparation... C'est une autre paire de manches qu'une vengeance, bien que je ne vous cache pas que j'ai songé à cette alternative... Mais j'ai trop Foi en la vie pour ne pas lui préférer une seconde chance.

Il releva la tête et affronta le regard interrogateur d'Aurore.

- Dieu... Vous m'embarrassez en le nommant. J'ai, comment dire ? J'ai quelques contentieux à régler avec lui et je ne crois pas être bien placé pour parler de lui. J'ai vu tant de choses incroyables, bien plus extraordinaires que la Foi elle-même. Je me suis affranchi depuis longtemps de l'emprise que Dieu avait sur moi.

Il eut un petit rictus amer avant de poursuivre.

- Il est très absent des couloirs que j'arpente et des endroits que j'ai visités. J'ai un certain recul par rapport aux religions, et ce pour les avoir connues un peu toutes, sans qu'aucune ne me convainquit irrémédiablement. Mais je peux comprendre votre préoccupation car je suis né et j'ai grandi dans la Foi de votre Dieu. Soyez sans crainte, je crois que ce n'est pas le lieu qui importe mais la conviction et les choix des fidèles à l'heure du jugement dernier. Soyez-vous même au fond de vous, ne perdez pas de vue vos ...

Il s'interrompit et fronça les sourcils, un petit sourire triste au coin des lèvres.

- Aurore, comment pouvez-vous vous soucier de retrouver votre Dieu à l'heure venue et former le dessein de vous venger d'un homme tout à la fois ?

Il fut attendri une fois de plus du caractère si fragile et ambivalent de la nature humaine.

- N'a-t-il pas dit " Tendez l'autre joue " ?

Il s'assit en ramenant les pans de son long manteau sur ses longues jambes et les tendit dans l'allée. Il pencha la tête avec ce sourire irrévérencieux qui rendait folles les femmes et la contempla, les yeux soudain malicieux. Il semblait avoir vingt ans à cet instant et les souvenirs affluèrent à nouveau. Gala et le printemps, le festival de musique, le kiosque rempli de violons, Tchaïkovski flottant dans l'air. Il était à nouveau le jeune homme aux cheveux longs, le roumain, l'étudiant un peu bohème malgré le caractère visionnaire déjà à l'époque. La nature un peu trop libérée de la jolie rousse l'avait d'abord un peu déconcerté. Il était certes libertaire et sans tabous apparents mais l'éducation du clan Stanzas restait quand imprégné dans l'âme de Vladimir, avec une touche d'ascétisme. La frivolité du jeune homme avait ses limites. Gala avait trop de prétendants et il avait décidé de la rendre jalouse, conscient de la fascination que son aura un peu brune produisait sur la belle étudiante de l'Ecole d'arts dramatiques. Une comédienne ! Le père Stanzas s'en étranglerait de rage. Mais c'était Gala qui s'était étranglée de dépit quand Vladimir avait invité Camilla à danser sous les arbres, la valse lente. Lorsqu'il avait libéré sa cavalière, la jalouse, Dieu dans sa grande bonté avait fait fonctionner son stratagème à merveille, s'était plantée devant lui et l'avait gratifié d'une gifle magistrale. Il avait souri, comme un homme heureux qu'il était, et en avait récolté une autre aussi sec. Sur l'autre joue. Il était allé s'asseoir sur un banc déjà, le feu au visage mais béat comme un niais. Tendre l'autre joue, il avait toujours su faire ...

L'air un peu songeur, il continua à l'attention d'Aurore.

- Ca en vaut parfois la peine. Et si vous pardonniez simplement au comte et essayiez de vivre pour vous ?

Il contempla avec son regard d'homme, mais sans arrière pensée, la jolie femme que se tenait debout devant lui.

- Si vous saviez ce que nombre d'hommes seraient prêts à faire pour vous ! Appliquez-vous plutôt à trouver un père digne de vous et l'amour plutôt que de chasser des chimères et de nourrir votre vengeance, cet animal cruel qui vous rongera les os.

Il redevint plus grave et poursuivit d'une voix sourde alors qu'Aurore semblait hésiter encore à s'asseoir à côté de lui.

- Il est une chose que vous devez admettre, Aurore, et je l'énoncerai clairement, dussé-je vous fâcher, mais de grâce, ne me giflez point, ce serait par trop ... hasardeux. Aussi répugnant que soit le Comte, il n'est en rien responsable de cette erreur du destin qui vous a fait ... vous amouracher de votre demi frère. Oui ... Je sais cela aussi... La Mère Supérieure laisse un peu trop traîner ses dossiers et, vous ne le savez peut-être pas, j'ai travaillé au couvent un moment avant de vous aborder. J'avais entendu votre appel. Je vous ai longuement observée.

Le Dévoreur était redevenu lui-même, sombre et secret, le visage étrangement tourmenté. Son regard suivait le mouvement des feuilles dans les grands arbres du parc, comme cherchant une réponse à une question non formulée.

- Pourquoi de telles choses arrivent ? La réponse est peut-être simplement difficile à croire. Sans tout cela, votre route n'aurait peut-être jamais croisé la mienne. Certainement jamais, même ! Vous seriez entrée dans les Ordres ou auriez épousé un brave homme. Qui peut savoir ? Remerciez qui vous voudrez d'avoir appris la vérité avant d'avoir commis l'irréparable.

Il s'interrompit, conscient qu'énoncer une telle perspective pouvait plonger Aurore dans le dégoût d'elle-même. Consommer dans l'ignorance, une passion pour son frère ou l'épouser en cachette... Découvrir tardivement l'inconcevable.

- Cette errance de vos deux âmes l'une vers l'autre et cette cruelle révélation, juste à temps, ont peut-être été voulues pour vous pousser vers votre véritable destin. Vous n'étiez pas faite pour vivre en recluse, pas plus que Martin n'était fait pour végéter dans un hôpital de quartier. La fatale vérité de votre lien vous a poussé l'un et l'autre hors de vous même, jetés sur les chemins de l'aventure, c'est pour cela que vous deviez vous rencontrer. Je suis certain que c'était écrit. Si vous saviez les Destins que j'ai croisé... Si vous saviez quel est le mien !

Il songea au jeune homme, à la détresse qui devait être la sienne et se promit de le retrouver et de s'assurer qu'il allait bien, de lui tendre la main si l'âme était incertaine et perdue dans la cruauté des desseins obscurs tissés par le temps.

- Aurore, je suis convaincu d'une chose: vous avez été aimée par bien des personnes et le serez par encore bien davantage mais accordez-vous le droit de vivre vraiment. Si vous souhaitez revivre vos souvenirs, alors il vous faudra aller dans le Champ des Oublis avec Zorvan mais je dois insister sur le fait que leur déroulement ne se fera pas de votre naissance à la présente époque, mais au contraire à l'envers. Ainsi est le fil du temps dans ce monde capricieux. Zorvan en est le gardien et le tisseur. Etes-vous bien certaine de vouloir tenter cette aventure dans cette chambre-ci ? Où pensiez-vous à Blue Hospel, le monde des rêves ?

Le grand voyageur haussa les épaules, se remémorant sa rencontre avec le mystérieux gardien, l'homme enchaîné à son Antichambre, tel Prométhée à son rocher, maudit entre les maudits. Il n'arrivait pas à en vouloir à Zorvan des épreuves qu'il lui avait fait endurer et durant lesquelles il avait cru devenir fou, mourir de l'intérieur. Il savait à présent qu'il ne l'avait fait que pour lui permettre de faire face à ce qui l'attendait dans son premier voyage. L'épreuve devait être particulièrement cruelle pour celui qui deviendrait le Grand Voyageur, celui qui pourrait faire de tous des voyageurs. Celui qui devait déverrouiller les couloirs du Temps pour que tout puisse s'équilibrer à nouveau et que le monde inverse sa cours effrénée à sa perte. Ni Zorvan, ni même le Dévoreur ne percevaient encore les grands desseins qui régissaient l'existence de ce tout que formait l'Univers. Ils n'en étaient que les instruments, comme tous les voyageurs passés et à venir, peut-être juste avec un supplément de pouvoir et ... de conscience. Ce qui n'était pas forcément une bénédiction.

- Zorvan est au dessus de ces notions abstraites de bonté et de méchanceté ... Il est ... Zorvan, le gardien de l'Antichambre. Il a un certain charme pour qui aime la causticité mais il est tout sauf ... mauvais. Il est prisonnier d'un état qu'il n'a pas voulu. Ne l'oubliez jamais lorsqu'il vous paraitra cruel.

Le Dévoreur se tourna vers la jeune femme à nouveau et plongea son regard dans les yeux étonnés avant de poursuivre:

- Le monde dont je vous ouvre les portes a cela de commun à celui que vous connaissez: il n'est ni blanc ni noir, ni absolument lumineux, ni complètement sombre. Et c'est ainsi que nous sommes tous, Aurore. Le prix à payer, c'est d'accepter tout ce qui vous sera donné à voir. L'Antichambre est comme un miroir sans concession qu'on vous tend, une lecture de votre âme dans sa totalité. On y apprend tellement de choses utiles pour survivre aux voyages, mais surtout, on y apprend beaucoup sur soi. Beaucoup ont préféré renoncer, ou en ont péri. Tel est le prix à payer. Mais, Aurore, une fois ce passage franchi, vous ne serez plus jamais seule et vous connaîtrez des aventures et des personnes si incroyables ...

Il se leva alors et sourit à nouveau.

- Le moment est venu de prendre votre décision Aurore. Je ne pourrai que m'incliner devant votre choix. Si vous avez besoin d 'encore un peu de temps pour le faire, je le comprendrais mais je dois à présent partir car d'autres voyageurs requièrent mon attention. Si vous ne pouvez me suivre dès à présent, je pourrais venir vous chercher plus tard. Si votre choix est arrêté, vous devez énoncer clairement le lieu où Zorvan devra vous mener afin qu'il prépare votre arrivée.

HRP :
Spoiler:
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Message  Invité Dim 2 Déc - 12:45

Il s'était levé et faisait mine de partir, elle ne fit pas un geste pour le retenir.

Elle s'était redressée lorsqu'il avait commencé à lui parler durement, et elle l'avait regardé lui répondre, les yeux agrandis par la stupeur. Même son sourire était devenu dur, froid. Son regard ne montrait aucune chaleur et à la fin de son discours, elle n'avait plus qu'une envie, qu'il s'en aille, qu'il la laisse et surtout qu'il ne se retourne pas.

Elle ne dit aucun mot et se contenta de le suivre du regard pendant qu'il s'éloignait à grands pas, et effectivement il ne se retourna pas. Lorsqu'il ne fut plus qu'une ombre indistincte qui marchait vers son destin, elle ressentit la solitude au plus profond de son coeur, et une immense vague de tristesse la submergea.

Voilà, il était parti, et maintenant elle n'avait plus rien, plus personne vers qui se retourner. C'était ce simple constat qui la terrassait. Elle avait les yeux secs, même les larmes ne voulaient pas venir à son secours et alléger son coeur, comme s'il était devenu maintenant trop dur pour pouvoir produire autre chose que de la haine.

Elle pensa à Soeur Madeleine avec la seule tendresse qu'elle s'autorisait, mais elle avait trop honte de ce qu'elle avait dans le coeur pour pouvoir retourner au couvent. Car il avait raison bien sûr, raison sur toute la ligne.

Alors elle se retourna enfin, cessant de fixer le dernier endroit où elle avait encore pu discerner sa silhouette sombre, son imperméable collé contre ses jambes, chahuté par le vent, le même que celui qui cherchait à lui dérober son propre châle, ce châle qu'elle avait tant porté agenouillée devant Dieu, le coeur alors rempli de lui.

Comment avait-elle pu vider son coeur de tout l'amour qu'il contenait pour le remplir aussitôt de fiel et d'amertume !

Que s'était-il passé, qui avait prit possession de son âme pour en faire l'égal de l'être le plus vil au monde. Elle ne méritait plus d'exister, plus de rester sur cette terre. Mais même mourir, en finir, ne lui était pas autorisé, Dieu avait droit de vie et de mort sur ceux qu'il avait mis au monde.

Ne pas avoir le droit de se laisser mourir, ne pas avoir le droit de haïr. Comment Jésus Christ avait-il fait pour ne jamais faillir, pour toujours s'en remettre à Dieu, laisser les autres lui faire du mal et encore parler d'amour.

Le Seigneur, c'était lui qui devait être la main vengeresse. Elle, elle aurait dû pardonner, tendre la joue oui, cette joue sèche de larmes qui ne voulaient pas couler.

C'est lui qui l'avait fait naître ce 6 octobre 1871, et lui avait donné comme père l'assassin de sa mère. Et quelles que soient ses raisons, elle ne devait pas refuser ce qu'elle était, mais comprendre. Oui comprendre, cela elle le voulait, de tout son âme, de tout son coeur, comprendre pourquoi des hommes sur terre étaient prêts à détruire des vies innocentes pour leur seul plaisir.

Comprendre, rien que comprendre.

Et elle comprit enfin le signe que lui avait adressé Dieu en sortant de la taverne. Il lui disait qu'elle s'éloignait de lui, il lui ouvrait les yeux et elle n'avait rien vu !

Et maintenant ces larmes qu'elle attendait, et qui lui étaient refusées, maintenant elles l'étouffaient, dans sa gorge, dans ses yeux, elle était inondée et ne pouvait plus les contenir. Elle ferma les paupières, fronça les sourcils, essaya de ravaler le plus de larmes qu'elle put, mais elles s'échappaient de toute part et inondaient ses joues en un flot ininterrompu.

Le banc reçut son désespoir et elle cacha son visage dans ses mains pour que personne ne puisse voir combien de marches elle avait descendues pour se retrouver au plus bas, dans la fange. Elle entendait les pas des passants ralentir près d'elle, puis repartir à grands pas, comme pour fuir le malheur qui avait prit place en ce lieu.

Le vent montait toujours plus fort et balayait sur son passage les feuilles mortes qui tombaient des arbres. Elle prit conscience qu'elle était transie de froid et elle s'aperçut qu'elle avait laissé s'échapper le châle qui la protégeait jusque là. La cape ! Il lui avait donné une cape, où était-elle ? L'avait-il repris ? Elle se rappela la silhouette s'éloignant d'elle, mais aucune trace de cape ne restait dans son souvenir.

Ce froid prenant la força à rouvrir les yeux, desserrer les mains, bouger, chercher un peu de chaleur. A travers ses larmes, elle vit la cape à ses pieds, sur un lit de feuilles mortes, attendant qu'elle la prenne, prête à lui donner sa chaleur. Elle y vit un signe de Dieu, un signe de reconnaissance, rien n'était encore perdu, Dieu était encore là près d'elle et veillait toujours sur elle.

Cette simple idée faillit faire rejaillir un flot de larmes mais elle se contint, son chagrin était tellement immense qu'elle ne comptait pas pouvoir se vider de toutes les larmes qu'elle aurait à verser en une seule fois. Et puis, elle avait faim, très faim.

La vie reprenait son cours, elle n'avait pas le droit de se laisser abattre. Elle venait d'avoir 18 ans, la vie était devant elle, il avait encore raison, c'est vers l'avenir qu'elle devait se tourner et non ruminer le passé.

Grâce à Dieu, elle avait connu la plus douce des enfances auprès de soeur Madeleine, grâce à Dieu elle avait rencontré son demi-frère et son coeur avait parlé en le reconnaissant. Elle s'était simplement trompée de sentiment. C'est l'amour d'une soeur à un frère qui devait les lier à jamais. Car il était son frère, Martin était son frère, relié à elle par un fil tendu par leur père haï. Mais ce lien c'était celui du sang, le plus fort de tous les liens. Et grâce à Dieu, la vérité avait été révélée et le pire évité...

Où était Martin maintenant ?

Ne plus penser à lui serait impossible, et ne plus penser à son père serait infaisable, ils étaient liés tous les trois, qu'elle le veuille ou non. Un lien d'amour. Quelle tâche difficile à entreprendre. Seigneur, que lui demandez vous là ?

Elle savait qu'elle faillirait, que son coeur crierait à nouveau d'injustice, elle savait aussi que Dieu était bon et qu'il n'infligeait pas des souffrances sans raison. "Mais Seigneur comme vous êtes indéchiffrable quelquefois !" Se dit-elle avant de prendre la cape et de s'en vêtir.

Maintenant elle était prête, prête à vivre son destin. Dieu serait fière d'elle !

Elle regarda à droite, à gauche pour s'assurer que personne ne l'entendrait murmurer la phrase qui scellait son devenir

- Dévoreur du temps, où que vous soyez, conduisez moi jusqu'à Zorvan, mes souvenirs, heureux ou malheureux m'attendent dans le champs des oublis, et puis ensuite je les oublierai pour me tourner vers l'avenir

Elle s'arrêta quelques secondes, baissa la tête, et murmura encore plus faiblement

- Merci pour tout

En se retournant elle vit son châle sur le banc, lui sourit et s'en entoura à nouveau. Dieu était à nouveau là, près d'elle, autour d'elle.

Et elle se mit à attendre, debout face à son destin.

Elle attendrait aussi longtemps qu'il le faudrait.
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Message  Le Dévoreur de temps Jeu 1 Aoû - 0:49

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Message  Le Dévoreur de temps Mar 6 Aoû - 0:33

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