Le livret d'Alioshaa

Quelques mots sur la légende
Il était une fois...

C’était l’automne 1850. La belle vie parisienne ne se ternissait pas malgré la progressive morsure du froid. Les grandes villes ont cette chance ; l’ombre rend les lumières plus scintillantes et Aline au bras de ce beau Martin dévoilait un sourire sans pudeur. Elle avait un peu bu, c’est que la fée verte œuvrait dans les ruelles. Elle faisait chanter les esprits trop révolutionnaires mais malgré les vagues politiques, il y avait des gens constants et la fiancée d’un charmant propriétaire était de celles qui passaient entre les mailles du filet. Un chapeau très distinguée pour la protéger du chant du vent, elle titubait pourtant et les escaliers infernaux de Montmartre étaient bourrés de pièges.

Ils s’engouffrèrent dans une rue pas très indiquée et voilà qu’une bande de malotrus s’inquiéta de leur présence. Aline éclata de rire, ne tenant pas vraiment en place et engageant malgré elle son promis à l’épreuve de force. Il se fit assassiner mais elle ne s’en souvint pas. A vrai dire, elle ne se souvint plus de grand-chose car elle fût frappée et laissée pour morte. De bonne famille, le médecin resta longuement à son chevet et parce qu’on ne voulait ni scandale de son agression ni rumeur sur les lieux qu’elle fréquentait, on insinua seulement qu’elle avait été renversée. Des semaines qu’elle dormait et si son père n’espérait plus grand-chose, sa mère continuait à demander au docteur de passer. Le bougre ne se privait pas de se faire payer alors qu’il ne prenait même pas la température de la belle assoupie. Des mois passèrent et Méline soignait toujours sa fille, sa petite fée chérie que Martin avait rebaptisée à la couleur de son spiritueux favori.

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« Un monde de fleur et de coton ? -Ris plus fort je n’entends plus ! » Aline se retourna pour chercher la voix qui lui avait répondu. Nulle silhouette et elle eût beau appeler, nul ne lui répondit. C’était un rêve, un paradis mais comme elle angoissa à l’idée d’être morte et s’en trouva presque mal, elle ne trouva pas la sérénité promise dans tous les manuels de bondieuserie et estima donc que c’était temporaire. Cette pensée la rassura instantanément et elle se mit de nouveau à rire. Cela pouvait bien sembler fou ou nerveux mais Aline n’aimait pas s’occuper des choses sérieuses de la vie et elle se réveillerait bien assez tôt. La jeune femme aux cheveux sombres déambulait depuis gaiement, dans une robe blanche très printanière où un corset aux boutons bleu marine rehaussait sa taille, une ombrelle de dentelle dansant à l’humeur de son poignet. Les heures passaient, les jours peut-être ? Il ne faisait ni jour, ni nuit, il faisait bleu ou parfois violine et cela était fort ravissant. Il suffisait qu’elle pense à une chose agréable pour qu’elle arrive. Son envie de poires juteuses fit pousser un verger entier où les arbres avaient même appris quelques courbettes. Aline n’éprouvait pas de lassitude et savait rire seule et de n’importe quoi.

Etait-ce que son rire devenait trop bruyant ? Car un jour une silhouette terne, aux cheveux longs, était dissimulée derrière un macaron monumental. « Dieu qu’il est vilain ! » Mais alors qu’elle s’attendait à ce qu’il se transforme en charmant, il n’en fit rien. Contrariée elle s’approcha de lui et commença à pointer du doigt ses vêtements pour en arranger la couleur et l’étranger put admirer sa garde robe en dégradés multiples. Néanmoins, parce qu’il ne souriait pas, elle opta pour un gris sinistre avec une tache de bleu vif pour qu’il lui soit un peu plus assorti. Finalement l’homme ouvrit la bouche et lui confia être étonné par sa présence. Il l’invita à le suivre prétextant un long voyage et un homme à rencontrer mais Aline ne pouvait s’empêcher de se moquer de lui et de ses âneries. Elle finit cependant par accepter pour lui faire plaisir. L’homme posa alors une main sur elle et rien. Elle le regarda amusée et sauta même sur place comme pour attendre le grand changement et ne pas décourager l’entreprise de l’homme. C’était un jeu et elle feignit de voir des choses pour entrer dans son délire. L’absinthe avait du avoir raison de lui, c’était très courant avec les plus sensibles et cela ne la dérangeait pas.

Parce qu’il ne bougeait plus, Aline se dégagea de son emprise et le désigna pour « chat » avant de filer en courant et de faire apparaître une galerie de miroirs où le visage de Zorvan s’affichait de toute part. Elle observa sa mine déconfite et perdit le goût du jeu devant ce rabat-joie. Elle le rejoignit alors en râlant et fit apparaître quelques divans pour l’inviter à s'asseoir. Il avait parlé d’un voyageur, ce devait être son ami. Aussi, elle lui proposa d’inviter cet inconnu jusqu’ici mais le morne ne voulait cesser ses idiotes questions. Comment elle s’était retrouvée là? Pourquoi le saurait-elle ? Est-ce qu’il savait lui pourquoi il était là ? Depuis combien de temps ? Tant qu’elle ne s’ennuyait pas, ce n’était pas important.

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L’autre arriva et il n’était pas moins moche. Mais cette fois, elle put le transformer davantage et Zorvan trouva le sourire quand de longues nattes pendirent sur les épaules de celui qu’il nommait Dévoreur. Il n’avait rien à voir avec un monstre de conte pour enfants. Ce dernier ne semblait pas ravi pour le coup mais s’approcha timidement de la jeune femme et lui tendit une main amicale pour la saluer. Déjà que ce n’était pas de très bonne éducation de ne point la lui baiser mais voilà que non seulement il la lui serrait trop fort mais il devenait gênant à ne point vouloir la lâcher. Ce qu’elle ne manqua pas de lui préciser avant de le libérer d’une si cruelle apparence.

L’homme écarquilla les yeux, ahuri et repartit de plus bel, ce que la femme commenta d’un simple haussement d’épaule. Zorvan était bien plus détendu à présent et ils passèrent un bon temps. Enfin, Le Dévoreur revint, la mine fermée et annonça qu’elle était morte. Aline demanda de qui il était question mais il sembla qu’elle était le cœur même du sujet. Elle se mit à rire aux éclats une nouvelle fois et leur affirma qu’ils n’étaient pas du tout d’assez bonne compagnie pour que ce soit ici son paradis. Malgré tout, des souvenirs frappèrent son esprit et devant elle, sa chambre se profila, sa mère à son chevet et le médecin qui annonçait la sentence. Ainsi elle avait dormi près de trois mois et elle était partie…

Elle se tourna furieuse en direction des deux hommes interloqués mais un oiseau se posa sur un poirier. « Alioshaa -Aline !" répondit-elle véhémente mais l’oiseau se déploya dans l’air avant de piquer un vers à ses pieds et la faire sursauter. La jeune femme désira le plus fort du monde qu’il se transforme en poule pour le punir mais il se mit à pleurer avant de l’appeler « ma petite fée ». La brunette s’accroupit alors à terre, auprès du corbeau et caressa son plumage qu’elle orna de plusieurs éclats précieux. L’oiseau s’envola brusquement pour trouver place sur l’épaule de Zorvan. Il lui chuchota quelques secrets des lieux et le gardien écouta attentivement. Il fit un signe de tête respectueux au volatile avant de se résigner à faire demi-tour. L’Oival n’avait jamais entendu de rire si délicieux et il ne voyait qu’elle pour colorer son éternité.

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Ainsi une petite fée naquit des tourments d’un automne. Un Oival égaré s’en étant épris, alors que dans sa course folle, la mort elle-même avait oublié cet esprit frivole. Les pouvoirs étranges du temps n’ayant alors plus la moindre prise, elle devint reine ou capricieuse à sa guise et se rendit suffisamment petite pour monter son audacieux ailé, protecteur enchanté qui la renomma depuis son trépas.

• Quel nom pour cette monture?
  - Un oival.
  
• Quel prénom pour L'Oival?
  - Simurgh.