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{Achevé}Les limites de la science face à celles du coeur

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Message  Zorvan Lun 17 Déc - 23:38

Nelson semblait à bout de souffle à tous les sens du terme. Certainement encore mal remis de ses abus de la veille, il avait du avoir du mal à émerger et à faire la part des choses quant à ce qui lui avait été révélé et proposé. Pourtant il avait couru jusqu'à l'hôtel pour y rejoindre le Dévoreur et ce malgré ses réticences. Stanzas se dit qu'il ne s'était pas trompé en voyant en lui un esprit assez ouvert pour penser que ce qu'il lui décrivait était trop énorme et absolument fou pour être inventé de toutes pièces. Quelque part dans l'esprit du savant, une parcelle de défi et d'envie de défricher des terres inconnues avait vibré aux propos, aux élucubrations du Roumain. Une parcelle que le commun des mortels ne possédait certainement pas et qui faisait dire à Pickett "un homme ne peut avoir inventé de A à Z un tel canular, il existe forcément des bases réelles à toutes ces affirmations". Le goût de l'expérimentation, la part de folie qui réside dans tout génie des sciences avait sans doute poussé Nelson à faire taire son pragmatisme ou profit de ses pulsions d'explorateur scientifique. Pourtant, alors qu'il acceptait le thé comme geste convivial autour duquel discuter les conditions du voyage, l'esprit du scientifique reprenait le dessus en posant une question tout à fait cartésienne. Pour lui, tout ce qui régissait le monde devait se résoudre en une équation et les motivations humaines n'échappaient pas à la règle. Le Dévoreur l'écouta poser sa question puis la justifier, avec un sourire énigmatique tout en dégustant son cognac. Pendant que le serveur apportait les agapes typiquement britanniques de la fin de journée et déposait le plateau chargé de la théière fumante et d'une assiette de petits muffins, celui qui avait de multiples identités et s'était présenté comme un Copernic, passait en revue ce qu'il convenait de répondre à la question somme toute indiscrète mais légitime de Nelson. Le Voyageur finit par ébaucher une réponse.

- La philanthropie... Vaste sujet. Il est des desseins que les hommes peuvent mener à terme seuls, sans aide. Il en est d'autres où la convergence des talents et des compétences fait la différence. Ce n'est pas à vous, scientifique, que je vais l'apprendre. La philanthropie est un état d'esprit qui pousse l'homme à aider ses semblables, il est vrai, mais si l'on considère qu'assouvir ce besoin d'aider l'autre l'aide à se sentir mieux, on peut dire qu'il agit aussi pour son épanouissement. C'est un état d'esprit qui aide aussi à l'accomplissement personnel. L'homme n'est jamais purement altruiste.

Le Dévoreur eut un petit rire devant l'air circonspect de Nelson mais sentit qu'il ne fallait pas trop chercher à jouer aux énigmes du Sphinx avec cet oiseau-là. Tout scientifique réfléchi qu'il était, il y avait chez Pickett un côté épidermique et passionné qui n'aimait pas qu'on lui cache l'arbre qui l'intéressait en lui détaillant la forêt. Stanzas avait bien senti que la question était intrusive et personnelle, peut-être dans une volonté chez le jeune savant de cerner un peu l'homme qui lui proposait une chose qu'il avait du mal à appréhender. Stanzas prit conscience qu'il en savait beaucoup sur son candidat au voyage et que la réciproque n'était pas vraie. Un esprit rationnel comme celui de Nelson voulait des garanties de probabilité. Des raisons de se fier au type qui venait lui dire qu'il pouvait le faire voyager dans le temps et l'espace mais aussi dans les univers parallèles. C'était un peu comme si connaître les raisons personnelles d'une telle proposition la rendait plus crédible. Stanzas toussota, reposa sa tasse de thé et eut un sourire triste.

- Je ne suis qu'un homme, comme vous, qui a tout perdu et court après ses rêves, essaie de trouver en l'existence une raison. J'ai fait cette découverte incroyable mais trop tard pour qu'elle sauve ce qui m'était le plus cher. Cependant vous pouvez imaginer que lorsqu'on voyage dans le temps, on peut espérer que rien n'est complètement irrémédiable. J'ai l'espoir fou de remonter au moment où j'ai tout perdu et de changer le cours des choses. Ne me dites pas que cette possibilité ne vous effleure pas vous même quand je vous expose le pouvoir que j'ai. Ne rêveriez-vous pas d'empêcher ce qui a vidé votre vie de sens ?

Les tasses étaient vides et la nuit tombait. Le Dévoreur se leva en murmurant à la seule attention de Nelson:

- Nous ne saurions partir d'ici-même, c'est bien trop fréquenté. Je vous propose de marcher un peu dans les ruelles  qui partent de la grande avenue. Quand le moment sera venu, notre départ passera plus inaperçu qu'ici. Un voyageur a tout intérêt à rester discret et moi plus que tout autre. Moins notre capacité sera connue et plus nous aurons de chance d'arriver à nos fins.

Stanzas se méfiait toujours. Il vivait avec cette certitude que si lui avait trouvé un moyen de se déplacer dans le temps, un autre le pourrait aussi et qu'il serait peut-être de ceux dont il voulait contrarier les desseins. Il avait beaucoup changé depuis qu'il s'était volatilisé au beau milieu de la Roumanie nazie et souhaitait que ses ennemis ne puissent faire aucun lien entre l'homme aux cheveux longs et à l'allure altière qu'il était jadis et cet étrange personnage aux cheveux blancs et courts, à la barbe naissante et aux épaules un peu courbées quand il se relâchait. Il devait pouvoir revenir incognito les surprendre dans leurs projets, les grands fossoyeurs de l'Europe. Alors qu'ils sortaient de l'hôtel après qu'il eût réglé la note du bar, le Dévoreur poursuivit, le regard soudain assombri.

- J'ai perdu ma femme et ma fille dans un génocide qui n'a pas encore eu lieu pour vous. Mon travail sur le déplacement dans le temps n'a pas abouti assez vite pour les sauver. Je suppose que vous comprenez à présent ce qui me motive. Quant à savoir pourquoi je vous aide, la réponse tient en deux raisons: vous avez besoin de moi et vous pourrez m'être utile. Je saurai vous retrouver, n'en doutez pas, le moment venu pour vous demander un service. Par ailleurs, avec votre formation scientifique et votre esprit brillant, vous êtes l'un des premiers voyageurs à pouvoir peut-être me tirer d'un mauvais pas temporel si cela devait m'arriver. Bien entendu, il faudra que je vous explique le fonctionnement du processus quand vous aurez satisfait à l'examen de Zorvan, le gardien de l'Antichambre. Mais comprenez qu'avoir comme allié un homme de science peut m'épargner la formation fastidieuse d'un voyageur néophyte.

Il rabattit son col et ramena les pans de son manteau fatigué sur lui. Londres avait décidément abdiqué sous les frimas de l'hiver et la neige tombait à nouveau. Il sentait une tension silencieuse dans l'attitude de son compagnon. Peut-être était-il en train d'analyser les nouvelles informations que le Dévoreur lui avait confiées et préparait-il mentalement sa réponse. Peut-être était-il anxieux de l'expérience incroyable qu'il allait vivre. Les deux hommes arpentaient côte à côte les trottoirs qui se couvraient d'un tapis blanc, croisant des passants qui se hâtaient de rentrer dans la chaleur d'un foyer que les deux savants avaient perdu. Ils étaient deux égarés sans attaches dans les myriades de flocons qui s'abattaient sur le capitale britannique. Stanzas tourna à l'angle d'une impasse, ne voulant douter que le jeune homme conserve sa résolution. Il s'arrêta et le regarda de ses yeux clairs où pulsait déjà un éclat irréel.

- Ce ne sera pas agréable Nelson. Les couloirs du temps sont bien plus glacés que Londres sous la neige. Ne lâchez pas ma main avant que je vous le dise. Ne regardez ni en arrière ni sous vos pieds. Vous avez choisi Aparadoxis en voulant vivre autre chose que votre vie, vous allez être servi mais ne croyez pas échapper pour autant à votre passé. Zorvan saura vous montrer vos faiblesses et vos forces.

Il lui sourit à nouveau à travers une bourrasque de neige et ajouta tandis qu'il posait la main sur son épaule:

- Bonne chance mon ami et ne vous fiez à rien dans ce que vous verrez en Aparadoxis. Il s'agit juste d'un concentré des fantaisies que l'imagination peut faire surgir.

Il happa la main de Pickett au moment où ils fondaient dans le néant, absorbés par un de ces corridors qui menaient aux autres temps, aux autres lieux, aux autres mondes.

Il savait Nelson trop curieux pour qu'il ne fût vain de le lui conseiller de fermer les yeux et c'est tous deux clairvoyants qu'ils glissèrent le long du tunnel, assistant furtivement à l'érection de Gizeh, à la construction du barrage d'Assouan, du Coliseum d'Athènes et de la ligne Maginot, laquelle ne devait pas évoquer grand chose à l'Anglais. Un avion franchit le mur du son dans un bruit assourdissant puis l'instant suivant ce fut un vaisseau stellaire qui croisait au large de Saturne. Toutes ces images se succédaient dans une cacophonie de crachotements de communication, de discours, de rumeurs guerrières mêlés au tube des Rolling Stones hurlant "Satisfaction". Puis la vitesse fut telle qu'ils ne perçurent plus qu'un sifflement suraigu, bien plus strident que celui d'une bouilloire en surchauffe. Le Dévoreur était toujours médusé de constater que la traversée du couloir était différente pour chaque voyageur et pourtant, dans un sens, similaire. Il se doutait que Nelson avait sans doute partagé quelques visions communes avec lui mais aussi vu des choses qui étaient réservées à sa seule sensibilité. Le couloir affichait souvent ce que le Voyageur induisait, de cela il était certain. Le choc brutal de l'arrivée contre la porte stoppa toute envie de spéculation à ce sujet. Stanzas savait que Zorvan était déjà derrière la porte, avec son humeur de chien et ses lubies. Pourtant, il pouvait se douter qu'il verrait ce scientifique rigoureux d'un bon oeil et qu'il se frottait déjà les mains des échanges qu'ils allaient avoir. Le Gardien de l'Antichambre aimait trouver des duellistes à sa mesure à se mettre sous la dent et la vie de Nelson allait lui offrir un festin. Le Dévoreur ne put s'empêcher de prodiguer un dernier conseil à son apprenti voyageur.

- Ne le mettez pas trop en rogne mais opposez lui un raisonnement rationnel et réfléchi, il adore ça. Il se fera une joie de démonter votre rationalité. Ne comptez pas sur lui pour vous aider mais ne le voyez pas comme un ennemi. Il est juste là pour vous tester. Bonne chance Nelson, nous nous reverrons bientôt je l'espère.

Un pas et le jeune scientifique disparut, absorbé par la porte membraneuse après un dernier regard pour son guide. Le Dévoreur s'évapora lui aussi au seuil de la porte pour reprendre le cours de son exploration effrénée. Il savait qu'il croiserait à nouveau le chemin de Pickett.


*********


Encore un que sa braguette et son coeur d'artichaut avaient perdu ! Cela faisait longtemps, néanmoins, qu'il n'en avait pas eu de cet acabit. Le Dévoreur le gâtait en ce moment avec les femmes en quête de frère, les Grecs en quête d'aventure ET de frère, mais de cocu de la science il n'en avait point eu depuis longtemps ... depuis le Dévoreur lui-même en fait. La science, cette maîtresse inconstante qui se livrait quand bon lui semblait ou se donnait à d'autres, capricieuse et cruelle. Les scientifiques n'étaient pas mieux logés que les poètes.

- Siiir Pickeeett! Bienvenue dans l'Antichambre ! Rugit Zorvan en agrippant l'Anglais. On veut vivre autre chose ? Comme je vous comprend!

Le ton sarcastique masquait trop une amertume contenue pour être vraiment méchant mais il pouvait cingler le voyageur non averti. Zorvan du haut de ses presque deux mètres, toisait l'homme élégant mais fripé qui se tenait devant lui le cheveu en bataille. Il en avait vu des couvres chefs étranges, du bonnet grec au chapeau strict de Mademoiselle Von Carter en passant par le châle de sainteté de la vierge parricide mais là, cette coiffure ! Un kakatoès tombé du nid ?  Un scientifique tombé du lit, plutôt. Le Gardien lissa son manteau et rejeta ses cheveux soyeux et fluides sur son épaule et poursuivit à l'attention de son invité.

- Suivez moi que je vous montre un peu les autres possibles de votre existence. Je serai avec vous mais ne pourrai en rien intervenir dans vos actes et dans les événements que vous subirez.

Ils arpentèrent le couloir minéral de l'Antichambre et le barbu s'arrêta devant une porte lumineuse qui pulsait. Lorsque Pickett l'eut rejoint, peinant à suivre les grandes enjambées que Zorvan se plaisait à faire en présence d'un autre homme, comme il aimait aussi tenir toute la largeur pour empêcher l'autre de le doubler, il se retourna vers le visiteur et, d'un signe de tête lui fit comprendre qu'il devait entrer là-dedans.

- Sauriez-vous expliquer de quoi est faite cette porte ? Pas plus que la précédente qui est toute gluante, je présume. Voyez à quoi je suis réduit en apparence ! Portier de seuils étranges.

Il poussa l'Anglais d'un geste ample, effleurant son épaule, et lui fit un sourire de chat d'Alice. Puis il croisa les bras et attendit que le décor d'Aparadoxis se mit en place.

Un bal, c'était un bal de fin d'année à Oxford ! Un vieil homme se tenait près du buffet chargé de mets raffinés et sirotait une coupe de champagne tandis que des couples d'étudiants fraichement diplômés évoluaient sur le parquet au son d'une valse de Vienne. Un serveur passa près de l'homme grisonnant et s'inclina avec déférence lui présentant un plateau.

- Professeur, un petit toast au saumon ?

Le vieil homme acquiesça et se servit puis avisant Nelson, il fondit sur lui

- Mon garçon ! Enfin vous voilà ! Je commençais à désespérer. Seule la joie de vous voir profiter un peu de votre fin d'année après une telle réussite m'a permis de veiller si tard à un homme si usé que moi ! Mais d'où venez-vous que vous êtes si ... chiffonné ? Aaaaah ! Nelson! Nelson ! Je ne louerai jamais assez votre rigueur et votre amour de la science, mais un garçon de votre âge doit aussi profiter parfois des choses de la vie ! Croyez-moi, tel que vous voyez votre vieux professeur il n'avait pas à votre âge pour seule passion que la science. Ouvrez vos yeux et voyez ces belles fleurs aux tiges vertes qui ne demandent qu'à être explorées !

Le brave homme toussota en s'étranglant à moitié avec son toast et prit appui sur le bras de Nelson qui s'efforçait de se composer une contenance.

- Pardonnez moi, mais en vous attendant j'ai un peu arrosé votre succès ! Je suis si fier de vous! Mais je crains que le vin français ne me monte à la tête, surtout avec des bulles ! Ajouta le vieux monsieur dans un clin d'oeil.  Permettez-moi de vous présenter une de vos coreligionnaire qui nous vient de France. Paris plus exactement.

Devant l'air étonné de Nelson, le vieux professeur redoubla de jovialité.

- Je sais! Des femmes scientifiques ! Eh oui, il y en a mais celle-ci est un spécimen rare ! C'est ma nièce ! Vous savez que ma soeur a épousé un français  ?  Floriane ! Floriane !  Viens vite ! Je dois te présenter Monsieur Pickett !

Le brave homme s'évertuait à faire signe à une jolie fille aux cheveux auburn et aux yeux noisette qui riait en dansant au bras d'un moustachu dégingandé.

- Floriane a travaillé avec Monsieur Berliner qui a inventé un rouleau enregistreur de musique. La musique de l'orchestre qui la fait danser peut tenir sur un disque plat et on la fait entendre avec un stylet. Je suis certain que vous avez lu des articles sur cette invention.

La jeune fille prenait congé de son cavalier et s'avançait en riant vers son oncle . Elle lorgna avec curiosité le protégé de son parent et présenta sa main.

- Monsieur Pickett ! C'est vous la perle rare donc Oncle Archi me rebat les oreilles ? Enfin je vais pouvoir satisfaire ma curiosité. Que pensez vous des ultras sons ? Avez-vous lu les travaux de Langevin ? Nous cherchons à les graver ... les ultrasons, pas les travaux de Langevin, encore que ce serait une bonne idée pour en conserver trace. Pouffa-t-elle.

Zorvan fronça les sourcils et leva les bras légèrement en signe de protestation. Aparadoxis partait encore sur les chapeaux de roues. Il chercha vainement des renseignements sur cette Floriane. Pourtant avec un prénom pareil l'Histoire aurait dû la retenir. Rien de rien ... Enfin il serait intéressant d'observer comment Nelson qui était en mode ermite réagirait à ce tralala mondain et à une femme scientifique après son épisode " Diane"

HRP:
Spoiler:
La plume : son rôle dans vos voyages
Empreinte : Zorvan,Gardien de l'Antichambre, Prêtre Guerrier d'Aralia
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Date d'inscription : 01/03/2012
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Message  Invité Jeu 10 Jan - 18:55

Nelson était affalé dans son fauteuil, tous ses muscles détendus, et buvait les paroles du Dévoreur du temps. Sa course effrénée dans les rues de Londres pouvait expliquer en partie cet état léthargique. Mais quelque chose d'autre avait changé en lui. Sans vraiment en avoir conscience, le jeune savant avait enfin accordé sa confiance totale et absolue en son interlocuteur. Il avait été convaincu par les explications de l'homme. Son esprit cartésien, qui jusqu'à présent ne pouvait admettre que le Dévoreur n'était rien d'autre qu'un escroc ou un fou, devait se rendre à l'évidence. Même en l'absence de preuves, ces paroles sonnaient beaucoup trop juste pour être l’œuvre d'un falsificateur. Et quand la raison de Nelson admit qu'il existait une chance infime que tout cela ne soit pas un mensonge, celle-ci s'engouffra tête première dans cette petite ouverture en se débarrassant de tous ses doutes au passage.

Le Dévoreur du temps disait la vérité. Ses motivations semblaient sincères et plausibles. Cependant, Nelson se contenta d'écouter silencieusement ce qu'on avait à lui dire, glissant sans s'en rendre compte, des petits « …je vois… », « …bien sûr… » ou « …mh, mh… ». Et finalement le Dévoreur au nom toujours inconnu avoua son véritable objectif : il espérait pouvoir changer le cours du temps. Visiblement, il avait subi une épreuve traumatisante dans son passé qu'il voulait effacer.

« Je ne sais pas si je voudrais rejouer les événements et faire d'autres choix. J'ai beau être agnostique et avoir souffert parfois des mauvais coups du sort, je ne me suis toujours dit que rien n'arrivait par hasard et que chaque chose prenait un sens particulier et devait servir à quelque chose. Tôt ou tard. Sans cet événement dramatique qui a bouleversé votre vie, auriez-vous réussi à ouvrir les couloirs du temps ? Y auriez-vous seulement songé ? N'était-ce pas une étape nécessaire et inévitable dans le cheminement de votre vie ? Et par extension dans l'histoire de l'humanité ? »

Nelson n'avait évidemment pas de réponses à proposer. Mais sa dernière interrogation était claire : le monde allait changer, il n'en pouvait pas être autrement. Une invention (ou découverte ?) aussi majeure allait forcément apporter une dimension supplémentaire dans l'élévation de l'être humain, dans sa quête de pouvoir au détriment de Dieu.

Le jeune savant mit rapidement de côtés toutes ces considérations philosophiques et suivit le Dévoreur qui aborda directement le sujet du voyage en lui-même. Il était temps. Cependant, l'opération demandait de la discrétion et de la tranquillité.

« Vous voulez dire que vous pouvez réaliser... cela... en n'importe quel lieu ? Vous n'utilisez aucun appareil de votre invention ? »

La curiosité de Nelson était piquée. En tant que physicien, le pourquoi du comment n'était pas une question superflue. Néanmoins, il comprit que le moment n'était pas venu et qu'il obtiendrait certainement des explications « techniques » plus tard. Il enfila son lourd manteau et suivit l'étranger dans les rues enneigées de Londres. Mais le visage de celui-ci s'assombrit et rapidement il se révéla plus intimement. Le drame qui l'avait touché était épouvantable et cette histoire tragique eut au moins le mérite de faire relativiser le jeune londonien quant à ses récentes mésaventures. Le Dévoreur semblait lancé dans un élan de confessions et il avoua la raison du « recrutement » de Nelson. Il lui offrait son aide en espérant que le jeune savant puisse lui renvoyer l'ascenseur dans un futur (ou passé ?) proche (ou lointain ?). On n'avait rien sans rien. Nelson l'acceptait sans problèmes et cette réponse lui convint bien plus que l'hypothèse du philanthrope désintéressé qu'il avait évoqué un peu plus tôt. De plus, il était toujours agréable de s'entendre dire qu'on était quelqu'un de compétent dans son domaine. L'ego de Nelson en avait rudement besoin.

Pendant quelques secondes qui parurent bien plus longues au plus jeune des deux marcheurs, seuls le crissement de leurs pas dans la neige encore fraîche rompit le silence. Il était difficile de croire qu'ils se trouvaient actuellement dans l'une des villes les plus grandes et les plus vivantes d'Europe. L'obscurité commençait à réellement devenir gênante et pourtant le Dévoreur marchait toujours d'un pas véloce. Nelson sentait monter en lui une tension qui mêlait une excitation débordante et une peur viscérale.

Tout à coup, ils s'engouffrèrent dans une impasse, se retrouvant légèrement à l'abri des bourrasques de neige qui les aveuglaient quelques mètres en arrière. Le Nelson de la veille aurait été persuadé que le traquenard prenait fin en ces lieux et que l'homme allait sortir un gourdin de derrière son dos pour le molester. Le Dévoreur stoppa sa marche et fixa le jeune anglais qui ne put s'empêcher de le fixer à son tour. Il y avait un détail imperceptible qui l'hypnotisait. Les dernières recommandations vinrent mais Nelson n'entendit que les battements de son cœur qui semblait vouloir exploser dans sa poitrine. Les mots qu'il entendait n'avait aucun sens. Apopowhat ? Zorvwho ?

Et ce fut le plongeon. Tout était à la fois si irréel et si vrai, si lointain et si proche, si bruyant et si serein. C'était comme un toboggan de fête foraine interminable qu'il aurait descendu en tournant sur lui-même après avoir consommé une quantité non-négligeable de drogues hallucinatoires. Tout s'accélérait. Il voyageait dans la vapeur, zigzaguant entre des rouages puis émergea à la cour d'un roi indéterminé avant d'atterrir dans une jungle luxuriante exclusivement peuplée de dragons emplumés, le tout sur une « musique » primitive où un type beuglait « ...cause I try, and I try, and I try, and I tryyyy... ». Un sifflement suraigu lui vrilla les oreilles et Nelson tenta de se boucher les oreilles et ferma les yeux aussi fort qu'il put et hurla, hurla à s'en faire éclater la gorge...

« ...aaaaaaaaaaaaaaAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHH... »

Après un temps qui aurait tout aussi bien pu durer une seconde comme une éternité, Nelson sentit à nouveau le sol sous ses pieds et le monde qui l'entourait retrouvait une certaine stabilité. Les lois de la physique, si rassurantes, étaient de retour. Il ouvrit les yeux. Il n'était plus à Londres, il ne pouvait pas en douter. Le Dévoreur était toujours là à ses côtés et semblait l'observer comme il le ferait avec le cobaye d'une expérience, d'un œil amusé. Et c'était tout. Le vide total. Non... une porte. Nelson tendit la main pour la pousser mais il vit ses doigts passer au travers comme à la surface d'une étendue d'eau verticale. Après l'expérience qu'il venait de vivre, plus rien ne l'étonnait. Il écouta (et mémorisa cette fois-ci) les conseils prodigués et franchit la porte d'un seul pas.

Après avoir côtoyé le flegme presque britannique et la retenue du Dévoreur, Nelson ne s'était pas attendu à tomber sur un individu turbulent et au comportement aussi familier. Le jeune anglais en fut presque choqué. La grande taille de Zorvan contrastait avec sa volubilité et il ne laissa pas Nelson placer un mot. Le londonien n'était pas rassuré en remarquant une lueur presque sadique dans les yeux de son nouvel interlocuteur. D'ailleurs, il n'avait pas bien compris qui était cet homme et quel était son rôle. Mais il n'eut pas le temps de se questionner et de le questionner. À toute vitesse, ils arpentèrent un couloir qui déboucha sur une porte. Et sans perdre davantage de temps, Nelson fut propulsé dans un autre monde.

Étonnamment, ce qui frappa le jeune voyageur du temps dans un premier temps, fut la tangibilité de ce nouveau décor. Finis les délires hallucinatoires et les décors tout droit sorti d'un esprit malade. Ici, tout était à sa place. Des gens se déplaçaient, conversaient, dansaient alors qu'une valse agréable et entraînante se faisait entendre. Il fallut une bonne vingtaine de secondes à Nelson pour qu'il se rende compte qu'il avait déjà mis les pieds dans un tel lieu. La salle de réception d'Oxford ! Tout cela lui paraissait tellement éloigné et pourtant, en s'y retrouvant, il avait l'impression qu'il n'avait jamais quitté ce lieu et il retrouva toutes ses sensations d'alors. Il se souvint.

Il ne s'était rendu qu'une seule fois à ce bal. C'était à la fin de ses études. Durant tout son cursus, il avait joué la carte de la discrétion auprès des autres étudiants et il évitait autant que possible de fréquenter toutes les manifestions organisées dans un but de vie sociale. Le jeune homme qu'il était alors n'avait qu'un but. Devenir le meilleur dans son domaine. Cependant, notamment devant l'insistance du Professeur Archibald Lester, il avait fait l'effort de participer à ce bal, avant de quitter définitivement Oxford. Seulement, dans le souvenir de Nelson, il n'y était resté qu'un petit quart d'heure. Les rires, les danses et les conversations légères l'avaient mis mal à l'aise. Il avait trinqué avec un camarade et était reparti illico, vidant la coupe de champagne dans une plante verte.

La scène qui s'offrait désormais à ses yeux était sans aucun doute la même soirée. Comment était-ce possible ? Il n'eut pas le temps de chercher à comprendre. Une voix, à la fois lointaine et familière, l'appela. Nelson tourna la tête et reconnut le visage enfantin du vieil homme qui avait été plus qu'un professeur pour lui. En un temps record, Archibald Lester fut à ses côtés et lui parla comme s'il s'était vu très récemment. Nelson ne put cacher sa surprise et son désarroi mais cela ne sembla pas perturber le vieil homme qui continua son laïus. De plus, il ignora totalement la présence de Zorvan. Profitant d'une soudaine (et probablement courte) liberté de mouvement accordée par le professeur qui appelait quelqu'un, Nelson se retourna vers celui qui l'avait emmené ici.

« Il ne vous voit pas, c'est ça ? »

La réponse à cette question chuchotée était évidente mais il ne put s'empêcher de la poser. Puis une voix féminine et franchement délicieuse le rappela de l'autre côté. Une jeune femme souriante s'approchait et commença à le submerger de question totalement hors de propos. Ne sachant que faire, Nelson s'en remit à son cerveau qui lui envoya quelques informations qu'il avait pioché dans les paroles du professeur Lester : nièce – France – scientifique. Le jeune savant reprit suffisamment ses esprits pour saluer la demoiselle d'une voix respectueuse et en français dans le texte.

« Bonsoir mademoiselle. Je suis enchanté. Comment allez-vous ? »

Puis, il glissa un petit sourire maladroit et enchaîna, cette fois-ci dans sa langue maternelle.

« Je suis désolé mais vous venez de voir la quasi-intégralité de mes notions en français. Ce que je pense des ultrasons ? Et bien... »

Une image désagréable apparut dans la tête de Nelson. Celle qui l'avait trahi. Mais devant l'urgence et l'incongruité de la situation, il se surprit lui-même à passer outre et continua sa phrase comme si de rien n'était.

« ...je pense qu'on pourra en tirer des applications intéressantes, notamment dans le domaine de la communication. Je n'ai pas lu intégralement les travaux de Paul Langevin, mais je pense que vous pourriez m'en apprendre davantage à ce sujet. Si vous le souhaitez. »

Il tourna la tête rapidement en direction de Zorvan. Son expression était claire : Nelson ne savait pas ce qu'il était censé faire ou dire et quel était l'objectif de toute cette mise en scène et ce qu'elle devait prouver.
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Message  Zorvan Dim 13 Jan - 3:30

Zorvan acquiesça à la question de Pickett avec un air fataliste. Oui, il était celui qu'on ne voyait pas dans les alternatives qu'il créait avec la complicité des univers dont il gardait les portes. Il était condamné à voir la vie des voyageurs se dérouler dans sa véracité lorsqu'il arpentait à leurs côtés le Champ des Oublis, leurs rêves intimes dans Blue Hospel. Dans ces deux lieux, les choses, même si elles pouvaient se révéler étonnantes, parfois divertissantes, restaient sous contrôle. Mais dans Aparadoxis, tout pouvait arriver et l'univers conjuguait les directives du Gardien et l'impondérable délire du lieu. Parfois les événements échappaient à son contrôle pour prendre une tournure qui le surprenait lui-même. Le meilleur exemple qu'il avait encore en tête était ce dérapage varègue avec le Grec Démétrios. Aussi, Zorvan sentit-il tous ses sens se mettre en alerte lorsque la jolie Floriane s'était avancée vers son "protégé". Il avait demandé Diane et pas une scientifique pétillante et brillante. Le Gardien se tirailla la barbichette. Il repassa le mémo de conversation que Le Dévoreur lui avait transmis mentalement. Que c'était pénible d'ailleurs parfois, d'être relié aux pensées de cet homme torturé et plein de compassion pour ses semblables. Celle de l'homme du futur était devenue bien restreinte depuis que celle des siens avaient oublié d'épargner celle qu'il aimait. Mais donc, cet esprit brillant et scientifique, ce Pickett, ne souhaitait pas changer son passé. C'était intéressant. Cela expliquait sans doute que Diane n'ait pas daigné apparaître dans l'alternative de passé du savant. Aparadoxis composait un mixage des volontés de Zorvan et de celles du voyageur. Le Barbichu voulait confronter le jeune scientifique à ses faiblesses envers le beau sexe et avait souhaité l'exposer à la "réapparition" de celle qui l'avait conduit à perdre tous les bénéfices de son travail, mais dans un moment antérieur de sa vie à celui où ils s'étaient rencontrés pour la première fois dans la réalité de référence. Il avait voulu le tester et voir s'il succombait déjà et encore au charme roué de la chasseresse. Mais Aparadoxis avait boudé la demande et propulsé à la place cette nièce séductrice et brillante, sans doute pour prendre en considération la demande de Zorvan pour que "Nelson soit amener à sonder sa vulnérabilité face à la gente féminine mais aussi sa faculté à faire la part des choses entre les sujets bien et mal intentionnés"

Il assista donc à la rencontre entre Floriane Desmarais et Nelson Pickett avec autant de surprise que le voyageur lui-même mais se ressaisit très vite pour ne rien laisser paraître. Le brave citoyen anglais semblait perdu quant à lui face à la jolie française qui maîtrisait terriblement bien la langue de Shakespeare. Il jeta au gardien de l'Antichambre un regard désespéré comme si les Parques elles-même lui étaient apparues. Zorvan haussa les épaules comme pour lui rappeler qu'il n'avait aucun droit de l'aider. Ce fut Floriane, qui percevant le désarroi du jeune homme, lui tendit son bras en même temps que l'occasion de se sortir de son malaise.

- M'accompagnerez-vous au buffet afin de m'y offrir quelque rafraîchissement ? Cette danse m'a mis le gosier en feu et je rêve d'ôter mes escarpins dans la douceur du soir pour relaxer mes pauvres pieds martyrisés. Puis chuchotant à l'oreille de Nelson qui n'avait pu risquer de froisser son bon protecteur et maître, Sir Archibald Lester en refusant de répondre à la requête, elle poursuivit.

- A vrai dire, cher Monsieur Pickett, je préfère que nous n'entrions pas trop dans les détails au sujet de nos travaux ici-même. Voyez-vous, c'est terrible à dire mais les murs ont des oreilles indiscrètes et nous sommes sur le point de faire une découverte prodigieuse, oui prodigieuse.

Lui offrant un sourire rayonnant, elle l'entraîna vers les agapes qui avaient été dressées et attendit qu'il lui offre lui-même une coupe de ce champagne aussi français qu'elle-même. Zorvan suivait en mimant les prouesses de la fille en silence, y ajoutant quelques regards excédés vers le plafond. Enfin, il dut reconnaître en son for intérieur, qu'il était injuste avec cette jeune fille. En la regardant de plus prêt, il convint qu'elle n'avait rien d'une coquette superficielle et apprêtée sans pour autant négliger de paraître féminine et gracieuse. Elle n'affichait pas non plus ces airs de sainte nitouche propre aux filles de bonne famille ni cette arrogance des lionnes qui se disaient libérées. Non, Floriane Desmarais était tout simplement délicieuse et respirait l'intelligence de coeur et d'esprit.

- J'ai l'impression que vous aimez ces soirées mondaines autant que moi Monsieur Pickett ! Ajouta-t-elle d'un air malicieux en glissant quelques amuses-bouches dans son petit sac de bal après en avoir enfourné quelques uns dans sa jolie bouche. Humm, sucré salé. Pardonnez-moi, mais l'art culinaire de vos compatriotes m'étonnera toujours.

Elle renouvela l'opération avec les poches de la redingote de Nelson qui la considérait avec une mine trop polie pour laisser filtrer ses sentiments qu'il fut choqué ou amusé. Coupe de champagne dans une main, elle glissa l'autre dans celle du jeune savant et l'entraîna en lui disant:

- Je vois qu'Oncle Archi est en grande conversation avec le Doyen. Ils doivent encore parler budget et rénovation des laboratoires. Suivez-moi. Allons respirer un peu d'air frais.

Zorvan dodelina de la tête en bougonnant et leur emboîta le pas en fendant la foule des danseurs dans sa grande robe austère. Il en traversa quelques uns qui frissonnèrent légèrement. Il aurait pourtant juré que Floriane n'était pas une délurée. Alors que Nelson semblait marquer une hésitation, elle le rassura.

- Ne vous inquiétez pas de ma réputation. Je ne travaille pratiquement qu'entourée d'hommes et parfois tard la nuit. Oncle Archi vous considère comme un fils. Vous seriez donc mon cher cousin...

A peine arrivée sur la terrasse, elle dirigea leurs pas vers un banc de pierre sis près d'une haie et s'y assit avec un soupir de contentement. Puis, posant sa coupe à côté d'elle, elle releva légèrement ses jupes et laissa apparaître des chevilles aux attaches délicates. Elle entreprit d'ôter ses jolis souliers à talons et remua les orteils avec un sourire enfantin sur les lèvres.

- Aahh je revis! Merci Monsieur Pickett. Je ne pouvais décemment sortir seule de la salle et vous étiez tout indiqué. Oncle Archi goûte peu l'air vivifiant du soir. Sa santé fragile... Mais asseyez-vous donc, au lieu de rester planté là.

Ayant rangé ses chaussures sous le banc et rabattu plus décemment ses jupes, elle leva son joli minois vers le ciel tandis que le buisson derrière elle semblait bruisser sous une légère brise toute zorvanienne.

- Savez-vous, Monsieur Nelson, que tout n'est qu'onde. Enfin je veux dire, chaque chose en émet, les corps célestes, les choses qui nous entourent, nos propres corps. Il est étrange de penser que toutes ces ondes se mêlent et s'entrechoquent. Ne trouvez-vous pas ? Les ondes sont ce qui relie toute chose à une autre. Quand nous en aurons percé les plus grands secrets peut-être comprendrons nous mieux les phénomènes d'attraction des planètes entre elles et aussi pourquoi il y a certaines personnes dans cette pièce que nous venons de quitter pour lesquelles je n'éprouve que répulsion.

Elle baissa la tête soudain contrariée et considéra Nelson, qui tenait toujours sa propre coupe, tout en plongeant sa main dans son petit sac pour en extirper une gourmandise qu'elle croqua aussitôt, d'un air songeur. Puis elle tourna vers lui un regard étrange et commença à parler d'une voix triste qui vibrait de colère. Zorvan lui même fut interpelé par un si soudain revirement d'humeur et prêta une oreille attentive au flot de paroles qui s'échappaient de la jolie bouche. Ils portaient une telle passion, en même temps qu'une rage contenue. Le Gardien de l'Antichambre était fasciné par ces tempêtes qui secouent secrètement le coeur des hommes pour jaillir au moment le plus incongru. En l'occurrence, c'était son voyageur qui en faisait les frais mais il commençait à présent à comprendre ce que les rouages d'Aparadoxis mettaient en place dans l'ombre et il était curieux de voir la réaction de Nelson.

- Vous devez me prendre pour une folle Monsieur Pickett. Ne niez pas, le mal est fait. Aussi c'est sans aucune crainte de vous choquer davantage que je vous confierai que ma famille m'a remise aux bons soins de mon oncle, que j'adore, pour me présenter un fiancé qu'elle a choisi pour moi. Il est là, dans cette soirée, enfin, il est dans le fumoir, en train de déguster un de ses chers cigares avec sa bande d'amis hypocrites. Oncle Archi ne veut que mon bonheur et pensait accommoder mon goût des sciences avec les souhaits de ma famille qui ne conçoit qu'un mariage m'élevant en me présentant un de vos pairs. Il a l'air fat et imbu de lui-même. Je n'aime pas la façon dont il me regarde, je n'ose songer à partager même une danse avec lui. Certaines lui trouveraient du charme et de l'esprit mais je ne vois qu'arrogance et mépris dans son regard. Je suis convaincue qu'il ne conçoit la femme que comme assistante dans la recherche. Il me hérisse... Je l'ai entendu parler tantôt avec ses camarades... Et vous Monsieur Pickett ? Que pensez-vous de la place des femmes dans le domaine des sciences ? Dit-elle en achevant sa tirade ses petits poings crispés sur sa robe.
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Message  Invité Mar 22 Jan - 17:48

Nelson était désemparé. Comme avait prévenu le Dévoreur, Zorvan ne lui était d'aucune aide. Au contraire, celui-ci semblait se délecter de la gêne ressentie par le jeune savant. Nelson regarda à nouveau Floriane. Son visage aimable et candide ne le lâchait pas du regard. Inexplicablement, la jeune femme débordait d'enthousiasme et de vitalité, qui emportaient le néo-voyageur. Elle lui proposait d'aller rendre visite au buffet avant de lui glisser dans l'oreille qu'ils devraient être prudents. Toute cette comédie commençait à l'amuser et il la suivit d'un pas guilleret.

« Et pourquoi pas, après tout ! »

Cette remarque s'adressait moins à Floriane qu'à lui-même. Le jeune anglais avait décidé quelque chose : puisque visiblement il ne vivait pas VRAIMENT un épisode de sa vie et que tout ce qui se jouait ne changerait rien à son destin, autant s'amuser et prendre des initiatives qu'il n'aurait jamais osé prendre auparavant. Ses actes n'auraient pas de conséquences a priori. Il se demanda même si son intégrité physique pouvait être menacée.

Finalement, c'était comme participer à un grand jeu de rôle grandeur nature. C'était une occasion unique pour agir différemment, pour essayer d'être quelqu'un d'autre. Plus facile à dire, qu'à faire... Mais l'agréable compagnie de la jeune française était à la fois entraînante et intimidante. Nelson avait envie de lui plaire. Ainsi, dès qu'il arriva à son tour au buffet, il se saisit de deux coupes de champagne et en tendit une à Floriane.

« Cheers ! »

Malgré l'épisode récent et douloureux de sa première cuite, Nelson trempa les lèvres dans le breuvage pétillant.

« J'avoue que toutes ces mondanités ne m'intéressent pas. Je n'ai pas l'impression d'évoluer dans le monde réel. »

Il lança un petit sourire malicieux en direction de Zorvan qui singeait le comportement de la jeune femme. Quelque chose semblait le contrarier... Et Floriane en profita pour lui remplir sa poche d'amuse-gueules. Le jeune savant resta de marbre mais il souriait intérieurement. Sa compagne de jeu semblait être suffisamment extraordinaire pour que son étude se révèle intéressante. D'ailleurs, elle en remit une couche et suggéra à Nelson d'aller prendre l'air. Cette proposition l'étonna et il chercha à comprendre la volonté de la jeune femme. Pendant un instant, le londonien bredouilla une réponse inintelligible.

« Mais... je... nous... vous... enfin... blmf... votre oncle... c'est pas... enfin... si je... si vous... »

Le jeune homme rougit jusqu'aux oreilles. Floriane allait un peu vite en besogne à son goût et il n'était pas dans ses habitudes de devenir intime aussi rapidement. Mais elle ne lui laissait pas le choix. Si c'était un jeu, Nelson n'avait pas encore saisi les règles. Du coup, il céda et se laissa emporter dans les jardins. Le temps était doux et cela surprit le jeune homme qui s'attendait inconsciemment à retrouver la tempête de neige qu'il avait quittée à Londres. La conduite de Floriane, toute française, n'était pas pas si délurée. Plutôt décontractée. Elle invita Nelson à s'asseoir alors que celui-ci cherchait Zorvan du regard. La présence de l'homme étrange ne le rassurait pas forcément, mais il était la preuve concrète de l'existence d'une porte de sortie. Et si le jeu tournait mal, il était toujours confortable de pouvoir en user. En observant le visage de Floriane, il comprit qu'elle allait lui confier son secret. Mais elle tourna un peu autour du pot avant d'aborder son problème de face. Et celui-ci était à la fois très simple et particulièrement insidieux : un bon vieux mariage arrangé. Cette situation inextricable contraria Nelson, plus qu'il n'aurait pu l'imaginer. Il n'aimait pas l'idée qu'on ne puisse pas être aux commandes de sa vie.

« Bloody hell ! Mais vous plaisantez ? Nous voilà revenu cinq siècles en arrière, finalement ? Je ne suis pas un militant ardent du droit des femmes mais j'estime que vous avez encore droit à votre liberté et à votre libre arbitre ! »

Nelson avait du mal à contenir sa colère. Pourquoi l'avait-on envoyé en ces lieux si c'était pour constater une telle injustice ?

« Je partage votre sentiment en ce qui concerne les ondes. Mais j'irai plus loin. Il ne faut pas se contenter de les capter, de les observer et de les comprendre. Il faut les asservir, les manipuler. C'est comme tout. On a trop tendance à rester spectateur. Mais quand on y réfléchit bien, qu'est-ce qui nous empêche de faire tout, absolument tout ce que l'on souhaite ? Un vrai scientifique se doit de fixer lui-même ses propres limites. »

Cela devint un défi personnel : il empêcherait ce mariage, coûte que coûte. Sa colère se transforma en excitation qu'il n'avait plus ressenti depuis quelques temps : le même sentiment qui habite un alpiniste qui arrive au pied de la montagne qu'il doit grimper, le même sentiment que lui, Nelson, avait éprouvé lorsqu'il s'était lancé dans ses travaux... avant qu'un traître ne lui vole le drapeau au dernier moment de l'ascension et ne le plante au sommet de la montagne, à sa place.

Pour la seconde fois, il repensa à Diane. Et cette fois-ci, il fut troublé par la ressemblance évidente entre les deux prénoms. Était-ce une volonté de Zorvan, du Dévoreur ou d'une autre Autorité faisant foi sur les voyages temporels ? Et comment devait-il interpréter cet indice ? Devrait-il se méfier de Floriane ? Après quelques secondes de confusion, Nelson finit par hausser les épaules. Il n'avait rien à perdre... et rien à gagner non plus, à part la satisfaction d'avoir sauvé le destin d'une jeune femme probablement virtuelle.

« Je vais vous dire : dans les sciences, comme dans la vie en général, la place des femmes, elle est partout, même où il ne faut pas, tout comme les hommes. Je pense que vous devriez tout envoyer valser. Vous êtes intelligente, vous parviendrez toujours à vous en sortir. En revanche, il faut battre le fer pendant qu'il est encore chaud et c'est ce soir que nous devrons régler votre problème. Je vous offre mon aide sans contrepartie, sans condition. À vous de l'accepter. »

Le regard du jeune savant était dur. Il espérait que la jeune française allait se prendre en main et arrêter de se lamenter sur son sort en grignotant les amuse-gueules qu'elle avait embarqués dans son sac.
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Message  Zorvan Mer 13 Fév - 18:24

Zorvan observait, de sa haie de cyprès, les changements d'humeur sur le visage du voyageur et eut un sourire caustique en voyant le progressif abaissement des gardes de Nelson face à la nature féminine de Floriane. Aparadoxis était retors car il n'avait pas envoyé un repoussoir de savante pour titiller l'esprit du jeune scientifique. L'attrait, bien que purement innocent pour le moment, tissait bien des liens invisibles entre les deux esprits vifs et passionnés chacun à leur façon. En voyant la façon de réagir de Pickett, le gardien sut ce qui, en lui, avait plu au Dévoreur. Un homme de conviction et engagé face à ce qu'il pensait être une injustice. Nelson se portait déjà en champion de la promise récalcitrante, voilà qu'il se proposait de tenter de maîtriser les ondes, sans doute pour impressionner la jolie Floriane. Et cela sembla faire son effet sur la belle qui se leva soudainement de son banc pour prendre la main du jeune savant.

- Ohhh, Nelson! Vous semblez un homme digne de confiance et si altruiste, si passionné lorsque vous affirmez vos convictions. Vous n'êtes pas du genre à parler pour ne rien dire, j'en jurerais. Alors vous m'aideriez ? Vraiment ?

Elle porta la main du jeune scientifique sur son coeur et la pressa sur son sein. Zorvan roula des yeux exorbités et leva les bras au ciel. Mais à quel jeu jouait donc cette petite grue ? Aparadoxis perdait la boule. Il ne s'agissait pas de rapprocher deux savants timbrés et de faire un remake de Marie et Pierre mais de sonder un jeune londonien pour savoir s'il était apte au voyage.

- Comment pouvez-vous croire que je puisse refuser votre aide... Mais cela n'est pas sans risque. Mon futur fiancé a des appuis et il est fort de sa dernière découverte qui lui a valu d'avoir une chaire d'assistant ici même, dans votre bonne université d'Oxford.

La jeune femme lâcha subitement la main de Nelson qui semblait quelque peu troublé, sans doute d'avoir effleuré un sein sous le tissu de la robe ou peut-être plus sensiblement d'avoir senti un coeur battre d'affolement.

- Nelson, si vous êtes déterminé à m'aider, il faut aller à sa demeure au plus vite pour récupérer mes bagages. Il y a dans ma valise toutes mes notes sur mes recherches. Etes-vous prêt vraiment à faire diversion pendant que je m'occupe de mettre la main dessus ?

Elle remit promptement ses chaussures en se cramponnant au bras du jeune Anglais et se planta devant lui, plongeant un regard très grave dans celui du savant.

- Il nous faut trouver un coche et prévenir mon oncle que nous nous absentons. Quel prétexte trouver qui n'éveille aucunement les soupçons de mon fiancé si Archi commet une indiscrétion? Aaah je sais! Je vais dire que vous souhaitez me montrer vos travaux ! Un échange entre confrères en quelque sorte. C'est le plus convenable. Une visite touristique pourrait être mal interprétée même si cela ne me déplairait pas en votre compagnie, notez bien !

Elle extirpa un petit carnet de son sac, ainsi qu'un crayon graphite et fit courir une écriture nerveuse sur le papier.

Mon cher Oncle,

Je me rends séance tenante chez votre protégé qui a des théories proprement ébouriffantes à défendre au sujet des ondes. Cet homme est une perle pour les sciences et un assistant de choix pour vos recherches. Ne le laissez pas s'envoler. Nous risquons de parler science et matières infiniment petites jusqu'à point d'heure ! Merci de raisonner mon fiancé et de lui rappeler que la science est au dessus de tout pour lui comme pour moi. Je suis ainsi et c'est ainsi qu'il devra m'accepter.

Votre petite Fleur préférée

Flo.

Elle se précipita vers un serveur qui passait à proximité de la porte vitrée et l'appela pour lui glisser le petit billet qu'il porta séance tenante au Sieur Archibald. Puis, sans attendre la réaction du vieil homme, elle passa devant Nelson et attrapa sa main au vol pour l'entraîner dans les escaliers de pierre qui menaient aux jardins qu'ils traversèrent au pas de course.

- Je vous prends au mot mon chère Nelson! Vous vouliez m'aider, vous êtes trempé dans mes histoires jusqu'au cou désormais. Quelle égoïste je suis ! Vilaine petite fille. M'en voudrez-vous beaucoup ? Harold risque de très mal le prendre s'il sait que je vais chez un homme sitôt débarquée sur le sol anglais. Mais il nous cherchera au mauvais endroit par le fait, puisque nous serons chez lui !
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Message  Invité Mar 5 Mar - 21:05

Tout lui plaisait chez elle. Mais ce qu'il trouvait de plus admirable, c'était cette propension à tout vivre avec énergie et enthousiasme. Certains l'aurait trouvée un peu « too much » dans sa façon d'être, dans sa manière théâtrale de s'exprimer et de réagir aux propositions qui lui étaient faites. Mais Nelson, qui avait toujours l'agréable impression de vivre un jeu, avait apprécié de croiser cette personne entière et enjouée. Peut-être – ou plutôt certainement – l'ancien Nelson aurait-il levé les yeux au ciel en la croisant et aurait vite fui.

Comme il l'avait espéré, Floriane avait accepté sa proposition. Peut-être trop rapidement, d'ailleurs... Le jeune savant s'immobilisa et entreprit une courte réflexion. N'était-ce pas ce qu'elle recherchait depuis le début ? Avait-il été, une nouvelle fois, manipulé pour qu'une jeune femme séduisante arrive à ses fins ? Ce n'était pas impossible. Floriane, sous ses airs candides, devait savoir ce qu'elle voulait. Une scientifique ne pouvait rien laisser au hasard. Finalement, Nelson haussa les épaules. Ce n'était pas la même situation qu'il avait vécu avec Diane (raaah, pourquoi fallait-il que ces prénoms se ressemblent autant ?). Tout d'abord, le jeune homme n'avait rien à perdre dans l'histoire, et surtout pas des années de travaux personnels qui pourraient révolutionner la science atomique. Il était persuadé qu'il n'allait pas se créer un nouvel avenir en prenant ces décisions et c'était donc le cœur léger qu'il offrait son aide. De plus, même s'il estimait la situation virtuelle, la fille n'attendait de lui que de l'aide. Elle n'espérait pas lui voler son travail vu qu'il n'était encore qu'un jeune diplômé peu réputé.

Pendant ce temps indéterminé, Floriane échafaudait un plan digne des plus grands esprits retors de la littérature victorienne. Nelson ne saisit pas tous les détails mais il comprit l'essentiel. Elle allait récupérer ses affaires chez son ex-futur promis. Après qu'elle ait donné le mot au serveur, Nelson la saisit par l'épaule. Ce contact, a priori bénin, l'électrisa.

« Ne perdons pas de temps, il ne faut pas éveiller les soupçons. »

Et ce fut d'un pas rapide, mais maîtrisé, que les deux aventuriers traversèrent le jardin qui les plongeait vers le point de non-retour. D'un signe de main un peu maladroit, Nelson héla un cocher qui patientait à quelques pas d'eux. Il se tourna vers Floriane.

« Je vous laisse lui donner l'adresse. »

Il monta dans la voiture et tendit sa main vers la jeune française pour l'aider à grimper à l'intérieur. La calèche démarra dans un soubresaut et le bruit des pavés londoniens sur les larges roues du véhicule résonnèrent dans tout l'habitacle.

« Prête pour une nouvelle vie ? Je ne sais pas vous, mais moi je m'amuse beaucoup. »

Avec un large sourire, Nelson tentait de rassurer la jeune fille qui venait de prendre une décision radicale pour son avenir. Il se rapprocha un petit peu d'elle.

« Allez, ne vous en faites pas. Ce n'est pas à vous que je vais apprendre la fable de ce bon vieux La Fontaine, Le Loup et le Chien. Vous vous éloignez d'un certain train de vie, mais vous gardez votre entière liberté. »

Le londonien ne savait pas trop à quoi il devait s'attendre en arrivant à la demeure de l'homme. Il espérait qu'ils ne tomberaient dans l'une de ces vieilles demeures londoniennes qui ressemblent à de véritables forteresses médiévales. S'il n'avait pas peur des conséquences, Nelson ne pouvait pas en dire autant du danger physique. D'ailleurs, il se demanda tout à coup si Zorvan avait réussi à les suivre. Il tira le petit rideau pour jeter un œil à l'extérieur.
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Message  Zorvan Dim 17 Mar - 17:53

Ahhh! Folle jeunesse! Cette propension aux coups de théâtre rocambolesques chez les jeunes humains ne lassait pas de surprendre Zorvan. Il avait tout juste eu le temps de s'accrocher à la poignée réservée jadis aux laquais et de sauter sur le marche-pied situé sous le porte-malle que le coche démarrait en trombe sitôt l'adresse énoncée par la belle Floriane. Etait-ce la distraction due au badinage léger, puis le bruit des chevaux piaffant sur le pavé qui avaient empêché Nelson d'entendre le nom du promis ? Toujours est-il qu'il n'avait aucunement réagi et ce à la grande surprise du gardien qui commençait enfin à comprendre comment Aparadoxis aménageait sa volonté de tester le caractère du savant. Une chose avait préoccupé Zorvan dans ce que le Dévoreur avait transmis mentalement de son "dossier". Pickett s'était laissé dépouiller, non pas sans réagir, car il avait bien tenté une incursion chez Bowers pour réclamer son dû, mais il n'avait même pas tenté un procès où il aurait pu faire la démonstration de ses connaissances bien avant la publication de l'usurpateur, lui coupant ainsi l'herbe sous le pied. Il aurait pu porter plainte et arguer de sa relation avec Diane pour orienter les policiers sur une piste. Des personnes n'avaient certainement pas manqué de remarquer le rapprochement des deux jeunes gens sur leur lieu de travail et même si la jeune femme avait donné un faux nom, une confrontation provoquée entre quelques employés du laboratoire et l'intrigante aurait soulevé d'intéressantes questions. Pourquoi s'était-elle fait embaucher sous un faux nom, par exemple ? Cela n'attestait-il pas déjà de desseins peu avouables ? Même si ses travaux étaient perdus pour lui, du moins avoir tout tenté aurait-il conforté l'homme dans sa dignité. Au lieu de quoi, il s'était laissé glisser dans un abîme de déchéance, comme si par ces travaux, il avait tout jeté sur le papier, donné l'entière moelle qui pouvait éclairer l'humanité de sa science et n'avait plus rien à apporter ni à recevoir. C'était certes un revers cruel mais à l'aube d'une vie, n'a-t-on pas l'espoir de déjouer la cruauté du destin ? Une bataille perdue n'augure en rien de l'issue d'une guerre.

C'était cette faille que voulait tester le Dévoreur et c'est là dessus qu'il avait pointé son doigt, enfin mentalement, car rien ne pouvait pointer à travers la porte de l'Antichambre. Mais Zorvan comprenait bien l'intention du Grand Voyageur. Un pleutre irrésolu ne survivrait pas longtemps dans les couloirs de l'Infini. Le Gardien soupira en songeant à Démétrios le Grec, un sujet qui semblait timoré au début mais avait finalement fait preuve de grande bravoure et s'était frotté aux plus redoutables des guerriers, avait touché du doigt l'innommable avec l'armée des ombres. Bref, lui, Zorvan, Grand Prêtre guerrier d'Aralia, pouvait faire de personnes très irrésolues des héros. Derrière le quidam se cachait parfois une grande âme. Il suffisait de la transcender par une épreuve bien amenée. Enfin, en l'occurrence, au train où allaient les choses, la seule affaire qui serait transcendée serait la tumescence dans le pantalon de Nelson. Non que la jeune femme fût totalement délurée et offensive dans son attitude mais il ne fallait pas oublier que Pickett était humain et que les humains ne savent que très mal négocier l'abstinence, fussent-ils des scientifiques. N'est pas Prêtre d'Aral qui veut... Et déjà en l'étant, l'abstinence a des effets pervers autres que sexuels mais certainement d'ordre un peu compulsif ou maniaco dépressifs. Le seul qui, à la connaissance de Zorvan, semblait tenir le coup, était le Dévoreur. Mais sa situation était différente. Ce pauvre fou pensait pouvoir remonter au bon moment pour sauver la vie de sa femme et de sa fille. Zorvan, lui, savait que ce qui était écrit, même dans le futur, était immuable, non pas de fait, mais par principe. Sinon le chaos s'abattrait sur tous les univers conscients, toutes époques confondues. Ainsi, bien qu'irrémédiablement amoureux de sa douce Evina, jamais Zorvan n'avait envisagé de changer le cours de l'An 2348, qui avait vu la mort de son aimée et sa propre déchéance.

Il avait d'ailleurs lu dans les grimoires holographiques que des gardes-fous assez cuisants étaient mis en place pour éviter ces aléas. Il avait d'abord trouvé assez faux-jeton de la part du Dévoreur de ne pas le porter à la connaissance des Voyageurs, mais il avait finalement compris que le savant ignorait le plus cruel... que Stanzas lui-même était l'objet d'un dessein supérieur qui le dépassait. Qu'il serait lui aussi victime des lois immuables qu'il avait voulu défier. Du moins, si on appliquait à la lettre les préceptes et prédictions de ce foutu grimoire couvert de poussière cosmique, que Zorvan avait trouvé derrière une pile de cartes du ciel, il apparaissait clairement que le Dévoreur, comme tout contrevenant au cours normal du Temps, risquait de se faire "griller les burnes" pour reprendre une expression de Max le bananier dans une crise d'ébriété profonde causée par un certain Thorvald. Cependant, même après lecture complète, plusieurs paramètres échappaient au Gardien de l'Antichambre. Pourquoi avoir laissé ce Stanzas illuminé user de sa découverte, sachant qu'il pourrait mettre un bazar assez phénoménal dans le continuum espace-temps ? Pourquoi le laisser espérer si sa quête était vouée à l'échec ? Ce second point heurtait la morale pourtant élastique de Zorvan. Il trouvait la résolution du destin de Vladimir terriblement cruelle, telle qu'elle était inscrite dans la Chronique des jours à venir. Laquelle se modifiait chaque minute sous l'influence des actions humaines, il l'avait constaté. Seule la fin dramatique demeurait immuable. Et plus que tout, ce qui taraudait Zorvan, presque autant que son envie de s'échapper de l'Antichambre, c'était cette phrase finale "Et au dénouement de tout, lorsque le temps inscrit risquera de se dissoudre par la volonté d'un homme, alors se dressera celui qui le fit naître et à lui s'opposa, pour lui signifier son anathème."

Zorvan devait reconnaître cela au Dévoreur: il ne renonçait pas. Lui, pour sa part, avait finalement renoncé d'une certaine façon, pas à la gloire comme Nelson, mais à l'amour. Il se demanda si le Roumain ne le narguait pas parfois, avec ses annotations mentales au sujet des apprentis voyageurs qu'il estampillait parfois de " trop pusillanime", "attentiste", "résigné", "fataliste", "manquant de perspective" ... Certes le savant était toujours positif et ne manquait pas d'ajouter " c'est à travailler, à vous de jouer Zorvan, mon cher". Mais finalement, ce "c'est à travailler, ou à vous de jouer", n'était- ce pas un moyen détourné de railler la situation de l'Aralien ? Ahh s'il en était ainsi, le Dévoreur aller voir ce qu'il allait voir! Zorvan ferait de Nelson l'être le plus déterminé qu'il soit. Ainsi allaient les pensées du Gardien de l'Antichambre, cramponné au coche qui menait train d'enfer en traversant Londres. Il jetait de temps à autres un regard par la lucarne arrière et voyait le chignon de Floriane se rapprocher dangereusement de la coupe un peu désorganisée du jeune homme. Tiens, il en ferait un Dom Juan aussi par la même occasion. Et il fronça les sourcils en se concentrant très fort sur les deux cortex cérébraux situés de l'autre côté de la capote.

- Savez-vous mon cher, que votre style me fascine! Ahh mais pourquoi mon fiancé n'a pas votre fantaisie et votre ouverture d'esprit ! Et que votre famille ne présente-t-elle les mêmes attraits pour la mienne! Je n'aurais pas à changer de vie ainsi. Car voyez-vous, je pense qu'une association entre nous serait tout à fait viable...

Floriane fronça ses jolies sourcils et plissa son petit nez, ce qui lui donna un air contrarié tout à fait ravissant.

- Vous devez me prendre pour une effrontée qui vous fait des avances alors qu'elle est engagée... Mais si vous connaissiez Harold Bowers ... Oh il n'est pas laid de sa personne, mais tellement fat, depuis qu'il a publié ces travaux sur les masses atomiques inconstantes. C'est ... C'est vraiment le seul point chez lui, qui trouve grâce à mes yeux. Sa théorie est géniale mais venant d'un homme aussi paresseux et dissolu, aussi étriqué d'esprit, c'est tout simplement inespéré pour ne pas dire incompréhensible ... Mais je dois bien avouer que c'est cet article qui m'a fait céder aux arguments de mes parents. Je pensais vraiment qu'une association scientifique meublerait notre union et masquerait le vide affectif... C'était sans compter la répulsion physique que m'inspire cet homme. Non qu'il soit repoussant au sens commun, mais il y a quelque chose en lui de porcin... Son regard quand il se pose sur moi...Et cet empressement à me faire emménager chez lui avant le mariage même... Certes sa soeur était censée nous servir de chaperon. En y repensant, il s'est empressé d'enfermer mes valises dans son bureau, pour plus de sureté, a-t-il affirmé...

Dans un élan spontané, elle se tourna vers Nelson et saisit sa main, mais alors qu'elle allait poursuivre, elle resta la bouche ouverte, interdite...

- Nelson, mais que ... Que vous arrive-t-il ? Vous voilà avec une mine bien inquiétante ... On croirait que vous venez de voir un spectre... Rassurez-vous, Harold n'a rien tenté sur moi... Je crains juste qu'il soit un peu trop possessif avec mes travaux pour l'heure. Nous devrons nous concentrer sur le bureau tout d'abord. Je renonce volontiers à mes crinolines et chapeaux mais pas à mes carnets et échantillonnages. Ce que je redoute, c'est la présence de sa soeur, Diane, une très belle femme par ailleurs ... Enfin, je ne l'ai vu que quelques secondes mais j'ai peine à croire qu'une si jolie figure soit la soeur de mon ... Mais Nelson... Vous êtes blanc comme un linge à présent... Souffririez-vous du mal des transports ? Et moi qui parle, parle... Cocher ! Cocher! Arrêtez-vous, Monsieur est indisposé ! Ajouta-t-elle en frappant de sa jolie petite main contre la paroi.

Se penchant vers Nelson, elle posa sa main sur sa joue et lui voua une regard véritablement inquiet.

- Auriez-vous la fièvre, Nelson ? On annonce une épidémie de Typhus ? Sinon, je vous propose de prendre l'air et de finir à pied, nous sommes presque arrivés, il me semble ...


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Message  Invité Ven 29 Mar - 17:08

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La très bavarde Floriane n'avait pas attendu très longtemps pour reprendre son flot de paroles incessant. Alors que le londonien ne pouvait que constater l'absence de Zorvan (cela le contrariait-il ou le rassurait-il ?), la jeune femme commençait, ni plus ni moins, à lui faire carrément du rentre-dedans. Elle n'hésitait plus à évoquer une « association » entre eux, à regretter que sa famille ne l'ait pas choisi. Nelson s'amusa de la situation. Même si la fille s'avérait être un pot de colle, ce petit jeu finirait forcément par prendre fin à un moment ou un autre. Ainsi, il affichait un sourire béat alors que le coche continuait son trajet rapide sur le pavé londonien.

Cet état de grâce prit fin abruptement. Le nom d'Harold Bowers lui estourbit les tympans et pendant une fraction de seconde, un filtre rouge se posa sur les yeux de Nelson. Évidemment... le maître du temps ou bien Zorvan, ou encore les deux, devaient bien rire à ce moment précis, en voyant le visage de leur petit pantin virer au pâle. Ils avaient placé le sadisme suffisamment haut pour incorporer dans le scénario la dernière personne qu'il voulait voir. Harold Bowers...

C'est toujours quand on croit qu'on a touché le fond du fond, que quelqu'un débarque avec une pelle. Floriane évoqua des travaux sur les masses atomiques. Les travaux de Nelson. Comment cela était-ce possible ? Dans un élan tremblotant, le jeune savant arracha presque le rideau du fiacre et l'obscurité était suffisante à l'extérieur pour qu'il puisse observer son reflet dans le carreau. Il se reconnut, bien évidemment, et il toucha son visage. C'était bien lui. Mais le lui actuel, celui qui avait arpenté les chemin du temps, celui qui avait été « recruté » par le Dévoreur, celui qui s'était fait floué par une garce et déposséder de son travail. Depuis son arrivée dans la salle des bals d'Oxford, Nelson avait acquis la certitude de revivre une scène de son passé, jusqu'à l'arrivée impromptue de Floriane. Il avait été persuadé d'avoir retrouvé son corps de vingt ans (et des poussières). Mais non. Ils n'étaient pas dans le passé. Mais bien dans le présent, ou plus vraisemblablement un futur proche.

Cette révélation sonna comme un coup de masse sur le frêle garçon qui faillit en perdre connaissance. Toute cette insouciance qu'il avait démontrée depuis le début de ce « jeu » factice venait de s'évaporer. Ce n'était plus un jeu. Son esprit perdait pied et, bien heureusement, il n'entendit pas l'évocation du nom de Diane. Il refit surface au moment où Floriane, affolée, suppliait le cocher de stopper le véhicule. Celle-ci ne devait pas être au bout de ses surprises car, après avoir vu Nelson blanc comme un linge, celui-ci vira au rouge sang. La colère le submergeait. Il attrapa la jeune fille au niveau du col et se mit à hurler, tel un forcené.

« On est en quelle année ? RÉPOND ! ON EST EN QUELLE ANNÉE ??? »

Puis lorsque la voiture s'arrêta enfin dans un brusque soubresaut, Nelson bondit sur la chaussée sans demander son reste. Le sort de Floriane lui importait peu désormais. Le jeune homme se mit à courir, sans but apparent, ignorant les voix du cocher qui venait aux nouvelles et les supplications désespérées de la jeune femme. Il n'y a qu'une personne à qui il souhaitait éventuellement parler.

Pris dans sa course, Nelson ne remarqua pas la présence de Zorvan à l'arrière du coche. En revanche, il était impossible que celui-ci ne puisse apercevoir l'attitude littéralement démentielle de son « invité ». Le jeune anglais sprinta jusqu'à ce que son cœur ne puisse plus suivre, avant de s'engouffrer dans une ruelle sombre et immaculée de neige. Les poings rageurs, Nelson tourna comme un lion en cage, donnant des coups de pied dans le manteau neigeux qui se laissa battre en silence. Nelson ignorait si Zorvan se trouvait dans les parages mais il savait pertinemment que celui-ci arriverait, très vite.

« Pourquoi ? POURQUOI ? C'est ça les voyages dans le temps ? Obscures conneries, oui ! »

Il donna un coup de poing dans une porte. La violence du choc le lança jusqu'à l'épaule. Toutefois, il ignora la douleur. Jamais encore, Nelson n'avait ressenti une telle rage. Avec un peu de recul, il aurait alors compris qu'il était en train d'exprimer, de faire ressortir, toute la colère accumulée depuis son enfance. Celle-là même qu'il avait réussi à contenir lors de la trahison de Diane. Mais désormais, les vannes étaient ouvertes, et le jeune homme d'habitude si flegmatique avait envie de briser le monde de ses propres mains.

« On s'est suffisamment joué de moi, aujourd'hui ! C'EST PAS CE QUI ÉTAIT PRÉVU ! C'est pas ce qui était prévu... »

Nelson s'assit contre un mur, les fesses dans la neige, abattu. Les larmes commençaient à couler le long de ses joues. À ce moment précis, si la grande faucheuse avait fait son apparition, il en aurait presque été soulagé...
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Message  Zorvan Mar 30 Avr - 22:10

La neige s'était remise à tomber à gros flocons, défiant toute logique météorologique alors que le printemps s'étirait après une année universitaire bien chargée. Nelson n'avait cure des fantaisies du climat paradoxal et il lui importait peu, dans sa rage dévastatrice, que l'hiver londonien dans lequel l'avait cueilli le Dévoreur se fût invité à la suite du cocktail de promotion des nouveaux diplômés d'Oxford, dont lui-même était un membre des plus brillants. Le jeune savant n'était qu'un homme, et comme la plupart, malgré son esprit scientifique et ouvert, il n'était que peu préparé à la confrontation avec une autre version possible de sa vie connue. Désorienté en plus d'être fou de colère, il se comportait à présent comme un enfant. Un enfant que le Gardien de l'Antichambre avait bien eu envie de le corriger à grands coups de poings dans la mâchoire et coups de bottes dans les côtes lorsqu'il l'avait vu molester Floriane à travers la lucarne, puis bondir hors du coche comme un beau diable. Zorvan n'aimait pas qu'on brutalise les innocents, surtout les jolies femmes et les enfants. Mais il s'était d'abord retenu, d'une part parce qu'il était salvateur que Nelson se mît en colère, ensuite parce qu'il n'aimait pas lui-même s'énerver mais préférait de loin administrer la sentence avec emphase plutôt que dans la précipitation. Il apparut donc au coeur d'un tourbillon de neige, les pans de sa longue et ample robe de nuit battant ses mollets, et marcha d'un pas inexorable jusqu'à Nelson  qui pleurait sur son malheur, accroupi contre un mur. Se courbant sur l'homme qui laissait échapper des jérémiades et se révoltait contre l'invisible en hurlant que ce n'était pas ce qui était prévu, Zorvan le saisit par le col de la veste et, à la seule force du poignet, le remit debout et l'éleva à hauteur de son regard sans le secouer.

- Jamais, tu m'entends, misérable lâche?! JAMAIS les choses ne se passent vraiment comme on les avaient prévues. Et c'est valable pour tous! Crois-tu que cette jeune femme avait prévu que sa famille la vendrait à un homme qui va l'exploiter, la souiller, lui voler son travail, sans être inquiété, simplement parce qu'elle est une femme et lui un homme ? Crois-tu que j'avais prévu de passer mon temps à ramasser des voyageurs pour les préparer à arpenter les couloirs du temps ? Crois-tu que j'avais prévu de tout perdre, sombre crétin ? Tu mériterais que je te secoue comme tu l'as secouée.

Pourtant le Gardien de l'Antichambre ne secoua pas Nelson. Il le toisa un long moment de ses yeux sombres. Seul le vent soulevant leurs cheveux parsemés de neige rompait le silence qui s'était installé entre les deux hommes. Puis il le projeta contre le mur et poursuivit.

- Lève-toi et comporte toi comme l'a fait Nelson dans cette dimension ! Comporte toi comme un homme! Sois digne et bats-toi pour faire respecter ce qui est juste ! Ne baisse pas les bras et considère l'immense chance qui est  la tienne. Tu possèdes une intelligence hors norme qui te permet de sortir du plus mauvais des pas et tu oses la gaspiller en lamentations ? Tu vas ouvrir les yeux, mon grand !  Et vite, sur la condition de certains moins bien lotis que toi. Pas nécessairement plus bêtes que toi mais moins bien armés par la vie.

Zorvan croisa les bras sur son torse et contempla Nelson, dont les larmes sillonnaient le visage, avec une étrange lueur dans le regard. Dans les prunelles sombres, il n'y avait plus de mépris, plus de colère mais juste une tristesse bienveillante.Lorsqu'il reprit la parole, le vouvoiement était revenu, comme si l'homme et ses emportements retrouvaient la rigueur et la retenue du Prêtre d'Aralia, le gardien de l'Antichambre.

- Il faut que vous preniez conscience du potentiel qui est en vous et que vous le développiez pour vous élever au lieu de ressasser le passé. Dans ce paradoxe, vous n'êtes pas le Nelson qui a sombré dans le désespoir. Vous êtes celui qui a repris ses recherches à 0 et qui, un matin, a fait jaillir des ténèbres de la pensée humaine une théorie qui fera faire un bond en avant à l'humanité si elle est appliquée à faire le bien. Dans ce paradoxe vous êtes le Nelson qui peut éviter à une jeune femme honnête d'être une victime du même escroc qui vous a volé. Le temps, l'espace sont certes différents de ceux dont vous venez mais Nelson reste Nelson foncièrement. Si ici, vous avez pu réagir dignement, alors vous le pourrez aussi ailleurs. Il suffit de le vouloir.

L'homme à la longue robe sombre  agita sa main nerveuse aux longs doigts et fit apparaître l'image d'une jeune fille au châle blanc et au visage d'ange tourné vers le ciel. La vision flotta un instant comme un miroir d'un autre temps, pâle reflet d'une autre détresse.

- Elle est celle avec qui vous effectuerez votre premier voyage dans les couloirs de l'Infini si j'estime que vous avez l'étoffe d'un voyageur. Que vous décidiez de quitter Aparadoxis dès maintenant en laissant Floriane à son moment présent ou que vous choisissiez de rejoindre cette jeune femme en Blue Hospel, vous devrez prendre sur vous et vous décentrer de vos malheurs pour poser un regard sur ceux des autres. Les autres époques, les autres mondes sont déjà dotés de leurs propres lâches, de leurs propres égoïstes, il est inutile que nous en envoyons d'autres. Les lâches y survivent rarement de toute façon.

L'Aralien contempla le reflet qui s'estompait avec un regard indéfinissable cette fois. Un bref éclat de tendresse à peine perceptible. Mais lorsqu'il se retourna vers Pickett, il avait à nouveau le visage fermé et les sourcils froncés, les mains croisées derrière le dos, témoignant son expectative.

- Elle ne m'apprécie guère. Tout comme vous, je suppose. Mais je ne suis pas là pour me faire apprécier. je suis là pour vous apprendre à survivre à l'impensable et pour sonder vos intentions et volonté. Je n'enverrais pas un déséquilibré mental à travers les couloirs, encore moins un personnage qui malmène les femmes devant moi et attend un service de bord irréprochable durant la traversée. Si vous vouliez une croisière sans tempête, il fallait rester laborantin et pas devenir un savant de génie.

Arpentant le trottoir enneigé, le chevelu se posta au coin de la rue  et scruta l'avenue fréquentée par quelques fiacres dont les cochers se courbaient sur leur siège dans l'illusoire tentative d'échapper aux bourrasques glaciales, puis revint précipitamment.

- Il faut vous décider. Voilà Floriane qui arrive et elle n'a pas l'air de bonne humeur. Si vous le souhaitez nous pouvons partir tout de suite. Vous pouvez aussi tenter de trouver une explication à votre départ précipité avant de la laisser mais elle n'y comprendra rien, vous prendra pour un mufle qui la prend pour une idiote et vous giflera probablement. Vous pouvez aussi décider de rester encore et de l'aider tout de suite. A vous de voir mais hâtez vous. Je ne pourrais ouvrir le pont en sa présence.

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Message  Invité Mer 22 Mai - 18:08

La logique météorologique échappa totalement au contrôle du narrateur. Devant le désarroi et le désespoir de Nelson, les gros flocons avaient fait leur retour alors qu'ils avaient été aperçus, la dernière fois, dans un autre monde. Si le jeune anglais y avait un peu réfléchi, il aurait pu penser que les voyages temporels ne se déroulaient que dans son esprit et que son environnement direct pouvait ainsi refléter ses émotions les plus profondes. Il fallait avouer que tout ce raisonnement se tenait plutôt bien et semblait complètement plausible, du moins de l'avis du narrateur, qui n'est certainement pas de mauvaise foi.

Zorvan était là. Bien évidemment, à aucun moment le Gardien de l'Antichambre n'avait perdu le contrôle de la situation, lui. Nelson entendit le craquement de la neige sous ses pas qui se rapprochaient. Puis sa voix, forte et colérique. Le jeune savant avait perdu toute véhémence et se laissa secouer comme un arbuste, silencieusement. Les insultes et les menaces de Zorvan ne l'atteignait même pas. À ce moment précis, il se sentait ailleurs, en dehors du temps, comme s'il était dans un état proche du coma. Dans un sens, le Dévoreur avait donc réussi à faire voyager son nouveau disciple...

Pourtant, petit à petit, les mots du Gardien, qui s'adoucissaient, commencèrent à pénétrer l'esprit de Nelson. Il y attrapa à la volée quelques indices : « … comme l'a fait Nelson dans cette dimension... », « Dans ce paradoxe, vous n'êtes pas le Nelson qui a sombré dans le désespoir... », « Dans ce paradoxe vous êtes le Nelson qui peut éviter à... »... Il n'y comprenait plus grand chose. Alors ce n'était pas le monde réel ? Ils avaient bien intégré un monde parallèle, comme l'avait prévu le Gardien ? Malgré les explications plutôt claires de Zorvan, Nelson ne parvenait pas à démêler ce sac de nœuds. Il eut soudainement la crainte de ne plus jamais faire la distinction entre le monde réel et le monde inventé, comme celui où il était censé être à ce moment. Et depuis qu'il avait accepté de voyager avec le Dévoreur, plus jamais il ne pourrait être certain de ne pas être en train de rêver. Ou de cauchemarder. La réalité devenait intangible et ne possédait plus de sens propre. Il devait accepter d'avoir fait une croix sur sa vie passée. Désormais, il ne serait plus qu'un esprit qui butinerait entre les temps, sans qu'on le voie réellement, sans vraiment marquer une époque.

Cette conclusion assez dramatique eut un effet étonnant. Se sentant libéré de toute pression, le jeune homme releva enfin la tête. Quelques larmes avaient roulé sur ses joues, mais c'était terminé. D'ailleurs, Zorvan évoquait déjà la suite des événements, lui montrant par magie (mais il en fallait désormais plus pour étonner Nelson) le visage d'une jeune femme inconnue. Les paroles du Gardien étaient énigmatiques. Cette personne était-elle un nouveau test ? Ou bien était-elle une voyageuse du temps, tout comme lui ? Pas le temps de se poser la question, sous son flot de paroles, Zorvan réitéra ses insultes. Pour lui, Nelson n'était qu'un lâche. Celui-ci n'était pas dupe. Ces mots étaient énoncés pour faire réagir le londonien et ils eurent l'effet escompté.

« Je suis peut-être un lâche. Sûrement, même. Si je n'en étais pas un, j'aurais refusé l'invitation de votre patron et je me serais battu pour récupérer mes travaux et mon honneur. Je ne l'ai pas fait. Aider cette Floriane ? Pourquoi faire... J'ai l'impression d'avoir affaire à une personne imaginaire, à une marionnette. Alors pourquoi continuer ? »

Le regard de Nelson se transforma. Quelque chose brûlait au fond de ses yeux et il fixa Zorvan avec une résolution qu'il n'avait d'habitude que face à ses éprouvettes. Un petit sourire moqueur apparut. Il avait fait exprès de nommer le Dévoreur « votre patron ». Même s'il n'avait pas compris la situation du Gardien, il voulait lui rappeler qu'il n'était a priori qu'un subalterne et qu'il semblait être privé d'une partie de ses libertés. Ce qui n'était pas son cas. Faible consolation en soi, mais suffisante pour défier du regard celui qui aurait pu broyer son crâne d'une seule main.

« Maintenant, je vais vous dire ce que je vais faire. Je vais régler cette histoire. Parce que même si je suis un lâche, je finis toujours ce que je commence. J'ai promis à cette fille de l'aider, je le ferai. Peut-être cela me permettra-t-il de retrouver un peu d'honneur et d'amour-propre. »

… et de confiance, surtout. Puis, sans chercher à en savoir plus, Nelson quitta la ruelle enneigée pour déboucher sur la grosse artère qu'il avait arpenté en courant un peu plus tôt. La neige n'y était pas présente et la douceur printanière fit son retour malgré quelques bourrasques violentes. Le narrateur avait beau être un escroc, il se félicita du retour de la logique météorologique. Floriane aperçut celui qu'elle cherchait et, effectivement, elle semblait de mauvaise humeur. Nelson montra par quelques gestes qu'il était apaisé et qu'il voulait s'en expliquer immédiatement.

« Je m'excuse Floriane. Mon comportement a du vous effrayer et c'est bien normal. Cela mérite quelques éclaircissements. Mais pas pour le moment, je vous raconterai tout plus tard. Ce qui est important, c'est que je vais mieux et que je vais tenir parole. Remontons dans la calèche et finissons ce que nous avons commencé et ce à quoi je me suis engagé. Je connais votre futur mari bien plus que je ne vous l'ai avoué et ce serait criminel de ma part de vous laisser entre ses mains. »

Si elle n'avait pas voulu lui pardonner, aurait-elle fait l'effort de partir à sa recherche ? Nelson espérait ne pas faire fausse route, encore une fois. Désormais, il avait honte de son comportement. Il n'avait pas eu de démarche scientifique dans sa réflexion. Il s'était emporté dès que ses certitudes avaient été contrariées. Ses erreurs devaient être réparées très vite, sous peine d'avoir beaucoup de mal à s'en relever. Ainsi, alors qu'ils revenaient sur leurs pas, il plaça timidement un bras protecteur autour des épaules de la jeune femme... si elle n'y voyait pas d'inconvénients, bien entendu.

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Message  Zorvan Mer 26 Juin - 1:35

Zorvan s'effaça avec la neige et laissa croire à Nelson qu'il lui offrait un tête à tête avec Floriane. Il avait asséné assez rapidement des vérités mouvantes au jeune scientifique parce qu'il le croyait apte à appréhender la complexité du concept qui les faisait arpenter une dimension où il se substituait à un autre Nelson évoluant dans une des multiples variantes possibles de sa vie. Timoré et fataliste dans sa vie d'origine, Pickett était ici presque obligé de devenir courageux et combattif, sûr de lui et de ses succès scientifiques. Si l'homme de science pouvait concevoir ce paradoxe et l'accepter, l'homme pétri d'émotions et de doute s'en trouvait complètement déboussolé. Pourtant le jeune homme réagit plutôt bien finalement, même si ce fût une fois de plus avec une sorte de fatalisme propre aux constantes de son caractère. Il consentait à aider Floriane mais pas parce qu'il avait compris que c'était le seul bon choix moral qu'il avait mais parce que par principe il finissait toujours ce qu'il avait commencé et que donc, ses principes ne lui laissaient pas le choix.

Zorvan avait froncé les sourcils sous les basses allusions à sa condition. Il en avait cependant vu d'autres avec des retors vicieux qui espéraient le blesser non pour se venger de leur propre douleur mais pour s'amuser. Le Dévoreur avait parfois le recrutement obscur, comme avec cet Edgar, un escroc international, criminel et mafieux, être machiavélique doublé d'un pervers manipulateur. L'homme s'était évaporé dans les méandres d'une faille temporelle mais Zorvan gardait en mémoire le persiflage et les banderilles de l'habile assassin. Nelson était presque comme un enfant attendrissant en comparaison. Même si Zorvan n'avait pas besoin qu'on lui rappelle sans cesse qu'il était assujetti à l'Antichambre et subissait ainsi les quatre volontés de Stanzas. Il n'avait pas été le premier gardien des lieux, mais le seul à travailler avec le Dévoreur. Peut-être les autres gardiens avant lui, avaient-ils leur propre Dévoreur ? Qui pouvait savoir ? Et qu'étaient -ils devenus si tel était le cas ? Tant de questions cruciales qui restaient sans réponse et derrière lesquelles, l'Aralien sentait bien que se cachait peut-être la clef de sa liberté. Mais pour l'heure les sarcasmes de Nelson le faisaient plutôt sourire qu'il ne le fâchaient véritablement. La motivation du savant pour aider sa jeune collègue le frappa davantage et il compulsa dans ses tablettes une réflexion utile pour élaborer les épreuves à venir de Pickett. Pour qui aurait su lire l'Aralien, le petit écran affichait "a du mal à faire évoluer ses principes en fonction du contexte spatio temporel et hypothétique"

Toutefois, il sut qu'il avait touché le point sensible et atteint son but en lisant une détermination nouvelle dans les yeux de son protégé. Il le regarda rejoindre Floriane avec une satisfaction non dissimulée. Tout se déroulait parfaitement selon ses plans et la météo même semblait être redevenue plus docile. Floriane arrivait en trottinant résolument, le chignon légèrement échevelé et les joues rosies. Elle leva son visage mutin vers le ciel puis renifla un peu, ce qui témoignait d'une peine chez elle, considéra le jeune ébouriffé avec un regard de biais puis l'écouta et finalement accepta qu'il pose son bras sur ses épaules, sans se soucier que cela pût paraître très familier et déplacé dans la société victorienne anglaise. Elle était française, elle, et fière de l'être. Elle ne put s'empêcher de marquer son étonnement toutefois, lorsqu'il mentionna connaître Harold.

- Vous le connaissez ? Vraiment ? Avez-vous travaillé avec lui ? Je ne puis imaginer qu'un autre lien que celui du travail vous rapproche. J'ai rarement vu deux hommes si différents que lui et vous ... Vous paraissez si bouleversé, Nelson... J'ai cru vous avoir fâché par un propos déplacé. La pratique des sciences m'a appris à aimer la liberté d'expression qu'on accorde trop peu aux femmes, je le sais. Ma franchise vous aura déplu ... Mais soit, je veux bien que vous m'expliquiez plus tard... Je me sens comme une petite fourmi laborieuse engluée dans la marmelade depuis que j'ai déposé mes affaires chez les Bowers. Je veux les récupérer au plus vite... Il devrait être facile de trouver un hôtel ou une pension de famille pour me loger.  

Le fiacre filait bon train vers la résidence du frère et de la soeur et Floriane ne pouvait s'empêcher de jeter des coups d'oeil furtifs sur son compagnon d'aventure. Elle l'avait d'abord simplement considéré comme une compagnie plaisante à cette réception un peu formelle où elle ne connaissait personne hormis son oncle Archi. Le côté un peu farfelu et bohème qui se dégageait du jeune homme l'avait aussitôt frappée car il tranchait avec le côté apprêté et très british des autres convives. La conversation s'était de plus révélée fort plaisante et l'homme paraissait fin d'esprit, bien élevé sans être obséquieux. Le seul côté qui l'agaçait un peu était ce côté timoré qui semblait s'exprimer par le fait même qu'il accepte de la suivre absolument partout. Elle avait commencé à penser que Nelson était de ces hommes pusillanimes qui se rangent toujours à l'avis et aux directives des autres. Comme elle s'était leurrée! Il l'avait secouée, lui avait crié dessus ! Elle avait adoré! Adoré, parce que cela voulait dire qu'il ne la considérait pas comme une faible femelle qu'il faut traiter comme une sculpture de sucre filé mais comme son égale: une personne qu'on peut questionner abruptement et à qui on peut confier sa contrariété. Il eût levé la main sur elle , cela aurait été différent et il se serait pris une gifle en retour. Mais là, Grands Dieux ! Sentir ses mains se poser sur col de robe , la secouer, l'entendre lui crier sa colère au visage comme il l'aurait fait avec un homme était la plus belle reconnaissance qu'il pouvait lui témoigner, même si elle ne comprenait goutte à l'origine de l'ire du jeune savant pas plus d'ailleurs qu'à l'origine de son propre trouble. Elle avait adoré aussi cette passion même colérique qui s'exprimait enfin reléguant la mesure aux oubliettes. Nelson avait enfin l'attitude de sa coiffure et de son allure: fascinante et hérissée de piquants, élégance qui s'est négligée trop absorbée par des intérêts supérieurs au commun des mortels, car enfin, ce garçon qui se tenait à côté d'elle avait tout d'un dandy qui se serait fait exploser les éprouvettes à la figure. Le feu sous la glace, la passion derrière le flegme . Elle adorait résolument... Mais n'en laissa rien paraître. Du moins le croyait-elle. Mais Zorvan qui était remonté sur son marche pied de valet levait les yeux au ciel en regardant par la lucarne et grommelait- était-il jaloux ?

- Non mais vas-y ! Dévore-le du regard! Et tu te crois discrète ma pauvre fille ? Aaah ! Les femmes !!!!

Cependant le fiacre s'immobilisait devant la maison des Bowers et Nelson, voulant sans doute réparer son manque de courtoisie passée, se montra prévenant à la descente de la voiture. Pourtant, son extrême nervosité  n'échappa ni à Floriane, ni au Gardien.

- Détendez-vous, mon cher ! N'oubliez pas, Harold est resté à la réception pour fumer le cigare avec ses coreligionnaires. Nous ne trouverons que Diane, sa soeur... Auriez-vous peur d'une faible femme. Poursuivit-elle en riant légèrement. Mais vous seriez bien sage d'avoir peur... Certaines d'entre nous sont redoutables...

Arrivés sur le perron, Floriane activa la cloche et un majordome vint leur ouvrir. Alors qu'il débarrassait les arrivants de leur manteaux, et que Floriane expliquait son retour par une fatigue légère et la volonté de montrer ses travaux à Mr Pickett, le serviteur le scrutait d'un air songeur, comme s'il essayait de se souvenir de quelque chose. Un léger cri fit se retourner le trio.

- Nelson, pour l'amour de Dieu ! N'es-tu pas fou ? Que viens-tu faire ici ? Si Harold ...

Une femme d'une beauté douce et rayonnante venait de sortir d'une pièce attenante, les mains pressées contre sa poitrine et les larmes aux yeux. Le regard de Floriane allait de cette femme qui lui avait été présentée comme la maîtresse de maison à Nelson. Celui-ci semblait avoir vu un fantôme.

- Diane ... Je vous présente Monsieur Pickett... Mais il semble que vous ... vous ... connaissiez ??




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Message  Invité Lun 22 Juil - 16:22

Floriane était une jeune femme tout à fait étonnante. Alors que Nelson s'était attendu au pire à un coup de poing dans la mâchoire, au mieux à une bouderie typiquement féminine, celle-ci avait opté pour un pardon instantané et intégral envers celui qui l'avait secouée et hurlé dessus. Alors qu'ils remontaient dans le fiacre et qu'elle eut accepté ce bras autour de son épaule, son débit de parole reprit de plus belle. L'aveu de Nelson avait fait l'effet d'une mini-bombe dans l'esprit de la française.

- Je ne le connais que trop bien et j'en suis d'autant plus heureux de vous éloigner de lui. Cet homme est mauvais et je vous déconseille fortement de chercher à le contacter par la suite. Évitez-le comme la peste.

C'était le monde à l'envers. Désormais, c'était Floriane qui présentait ses excuses et Nelson s'empressa de lui faire comprendre qu'elle n'y était pour rien dans les réactions du jeune savant fantasque.

- Non, non, ne cherchez pas à porter le chapeau. Vous n'êtes absolument pas responsable de mes états d'âme. Je vous le promets. Mais pour l'heure, hâtons-nous. Je vous expliquerai en temps voulu.

Bien évidemment, il n'en avait nullement l'intention. Une fois son aide apportée, il disparaîtrait de la vie de Floriane, avec ou sans l'aide de Zorvan.

La fin du bref trajet fut silencieuse mais chacun des protagonistes était plongé dans ses pensées. Alors que Floriane semblait tomber définitivement sous le charme du londonien, au grand dam du maître de l'antichambre, Nelson sentait une mutation naître en lui. Même si cette aventure n'en était qu'à ses débuts, le jeune homme savait qu'il n'allait plus jamais être le même que celui qu'il avait été. Une détermination nouvelle et inconnue avait fait son apparition et, désormais, il se moquait des conséquences que ses actes auraient. Il voulait agir. Le Nelson hésitant et peu confiant n'avait peut-être pas disparu, mais il s'était mis en retrait.

Dans un dernier sursaut inconfortable, le fiacre stoppa sa route face à un bâtiment que Nelson ne connaissait que trop bien. Très rapidement, le voyageur du temps sut à quoi s'en tenir. Malgré les recommendations de Floriane, il ne put empêcher son estomac de se retourner lorsqu'il aperçut Diane Bowers. Si elle était plus jeune, cela ne se voyait pas. Elle restait comme dans les souvenirs récents de Nelson. Sa taille fine et haute lui donnait l'allure d'une jolie brindille fragile. Elle faisait preuve d'une douceur hors-du-commun, que ce soit dans sa voix ou dans ses gestes. Ses longs cheveux blonds cachaient un visage tourmenté et triste. Peut-être encore plus triste que lorsqu'il la fréquentait, dans son univers. Finalement, alors qu'il s'était imaginé ressentir de la colère voire de la rage en la revoyant, elle ne suscita chez lui que de la pitié et du mépris. Cette fille était loin d'être exceptionnelle, ne faisait preuve de trop peu d'esprit et, finalement, elle n'était pas si jolie. Elle avait de grandes dents plates et sa peau blanchâtre lui donnait un teint cadavérique.

Au jeu des comparaisons, Floriane battait à plate couture la frêle anglaise et Nelson ne fut pas mécontent de débarquer devant Diane avec la pétulante frenchie. Il avait cru cromprendre que la sœur d'Harold lui avait également joué un sale tour dans ce monde parallèle et en survenant avec son ex-future-belle-soeur, Nelson avait l'impression d'égaliser à un partout. Et il marquerait le point décisif quand la traîtresse comprendre les desseins de Floriane et lui... Le nouveau Nelson commençait à être un poil sadique et il n'en ressentait aucune culpabilité.

- En effet, Floriane. Nous nous connaissons. Et je le regrette. Faites ce que vous avez à faire, je vous rejoindrai.

Avec un petit sourire en coin, Nelson laissa la jeune française partir à la recherche de ses affaires, même si celle-ci aurait volontiers aimé assister à la suite de la conversation pour apaiser sa curiosité.

- Diane. Ne te fais pas d'illusions, je ne suis pas ici pour toi, comme tu peux t'en rendre compte. En fait, j'aurai préféré ne pas avoir à te croiser. D'ailleurs, c'est la dernière fois que tu me vois, tu peux en être certaine.

- Ooh, Nelson... Je comprends ta colère mais c'est Harold qui m'a obligée.

Le savant ne voulait pas entrer dans les détails. Mais le doute n'était plus permis. Même dans d'autres circonstances, Diane l'avait manipulé pour servir son frère. Cette fille n'avait pas eu simplement un moment de faiblesse, elle l'avait sciemment trompé deux fois et pour cela, elle ne méritait aucune considération.

- Bla bla bla. Ton galimatias ne m'atteint plus. Garde tes belles paroles pour ta prochaine victime. Je passe mon tour, cette fois-ci. Ce que tu m'as volé ne vaut rien par rapport à ce que j'y ai gagné.

Ces paroles énigmatique ne devaient avoir aucun sens pour la jeune femme qui ne pouvait cacher son incompréhension. Nelson, un an après le célèbre philosophe allemand, comprit que ce qui ne le tuait pas le rendait plus fort. Et pour le coup, la trahison de Diane l'avait emmené à voyager dans le temps, ce qui était largement plus incroyable que ses ambitions les plus folles... enfin dans le cas où toute cette aventure n'était pas un large délire hallucinatoire engrangé par une absorption déraisonnable d'alcool.

Diane ne savait pas quoi dire. Il semblait qu'elle n'avait pas prévu une telle rencontre et qu'elle ne savait pas comment assumer ses actes. Finalement, après quelques larmes de crocodile qui n'émurent nullement Nelson, elle entra dans le jeu des menaces.

- Harold te retrouveras ! Et là, tu baisseras à nouveau les yeux ! Comme toujours, tu seras le grand perdant de l'histoire !

La méchanceté qui émanait de Diane laissa son interlocuteur pantois. Si elle cumulait les tares, on ne pouvait pas médire sur son jeu d'acteur. Le londonien en trembla presque en pensant aux gros bras d'Harold contre lesquels le meilleur Nelson du monde ne pourrait rien faire. Du coup, il s'esquiva et grimpa au premier étage pour tâcher de rejoindre Floriane qui s'attardait un peu trop à son goût. Assez rapidement, il détecta la présence de la française dans une grande chambre au fond d'un couloir sombre.

- Bon sang, Floriane ! Nous n'avons pas la soirée ! Il vous en faut bien du temps pour quelques malheureux vêtements et...

Le jeune anglais s'interrompit. Il observa le spectacle qui s'offrait à ses yeux. Floriane avait bouclé sa valise qui était rangée à côté de la porte. Mais elle s'était adonnée à une autre activité : les affaires d'Harold gisait sur le sol dans un carphanaüm le plus complet. La plupart d'entre elles avaient été déchirées par les mains de Floriane et Nelson eut du mal à se frayer un chemin vers elle, en zigzaguant entre les chemises amputées de leurs manches ou des pantalons coupés en deux. Quant ce fut fait, il serra Floriane contre lui dans une étreinte brève mais intense.

- Au moins, vous n'aurez plus la possibilité de faire machine arrière. Je pense que le message sera passé, cela suffit. Nous devons nous hâter. J'aimerai éviter le retour de votre promis.

- Je crois que c'est un peu tard.

Par la large fenêtre, le duo put apercevoir une voiture stoppée derrière leur fiacre et duquel descendit une grande silhouette agitée. Quelques secondes et un claquement de porte plus tard, la grosse voix d'Harold se fit entendre. Un son plus étouffé lui répondit. Diane lui faisait un rapide briefing sur la situation et déjà les escaliers en bois résonnaient des pas de celui qui s'était fait voler, à son tour.

Nelson se précipita vers la fenêtre, l'ouvrit et lança la valise dans la rue. Puis il enjamba le garde-corps et il se tourna vers Floriane avec un large sourire excité.

- Pratiquez-vous la varappe ?

Il saisit la jeune femme qui s'approchait et lui indiqua la gouttière, suffisamment grosse pour envisager une descente sécure. Floriane se débrouilla mieux que de raison et Nelson la suivit en glissant précipitamment le long du tuyau, évitant de peu la large main de Harold qui faillit sauter par l'ouverture pour attraper les fugitifs. Alors que Floriane courut vers le fiacre pour ordonner au cocher de repartir sur les chapeaux de roue et que Nelson cherchait à récupérer les vêtements éparpillés sur le trottoir, Harold se mit à hurler si fort que tout Londres put entendre son langage châtié.

- PICKETT ! Je vais te tuer ! ET TOI ! Sale petite pute française ! Si je te retrouves...

Nelson répondit à ce doux message par une révérence moqueuse et fila à l'anglaise pour rattraper la voiture qui avait commencé à descendre la rue. Une fois à l'intérieur, les deux fuyards se mirent à éclater de rire. Puis le silence se fit. Et presque aussitôt, Floriane se pencha sur son sauveur et y déposa un baiser sur ses timides lèvres. À l'arrière, Zorvan ne put contenir un long soupir bruyant.

Ils arrivèrent à destination. La petite cour ne payait pas de mine et Floriane ne comprit pas immédiatement le plan de Nelson. Il la guida vers une petite trape fermée par un cadenas qui céda rapidement.

- Ce n'est pas un hôtel quatre étoiles, mais ce sera suffisant pour passer la nuit à l'abri.

Nelson invita Floriane à descendre dans ce qui devait devenir, dans un avenir différent, son laboratoire. Il s'était souvenu que la propriétaire lui avait expliqué que cette cave avait été inutilisée depuis une bonne vingtaine d'année. Ainsi, les lieux étaient libres, hormis une couche de poussière non négligeable et quelques planches qui gisaient contre les murs.

- Vous devriez vous reposer un peu. Le plus dur reste à venir.

Floriane s'assit sur un gros manteau qu'elle avait préalablement déployé sur le sol. Nelson, lui, hésita. Il ne voulait pas rester davantage. Il espérait retrouver Zorvan pour lui indiquer qu'il était temps de mettre fin à cette aventure. Finalement, il jugea qu'il pouvait passer un dernier instant en compagnie de cette jeune femme qui y était pour beaucoup dans sa métamorphose. Il s'assit aux côtés de Floriane et la regarda timidement..

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Message  Zorvan Jeu 15 Aoû - 23:31



Les Humains !
Quels spécimens passionnants ! Zorvan ne se lassait pas de les observer lorsqu'ils se débattaient avec les intrications vicieuses de leur destin. Capables des pires faiblesses comme des plus beaux élans de courage, ils agissaient rarement sous l'influence de la raison mais, le plus souvent, poussés par leurs sentiments exacerbés. C'est ce trait-ci qui les rendaient précisément si intéressants et parfois même si attachants. Le gardien de l'Antichambre se lissa la barbichette en suivant le couple dans le hall d'entrée où il se trouva bientôt en présence de la maîtresse de maison. La discussion houleuse qui s'ébaucha entre le jeune savant et son ancienne maîtresse avait tout du vaudeville bien réglé. Il ne s'agissait pas là de mari cocu mais d'homme manipulé et, dans un sens, trompé à la faveur d'un sentiment fraternel. Ahhh les Samsons ! Tous les Samsons de l'Histoire avaient été victime de l'amour filial ou fraternel, d'une femme qu'ils avaient eu le tort d'aimer et qui avait préféré être fidèle à leur parent plutôt qu'à leur amant. Un homme pouvait trahir les siens pour une femme ou déclarer une guerre, traverser une mer, renoncer à son essence , même, songea-t-il, un court instant très mélancolique, mais une femme restait toujours le plus souvent, fidèle à la maison du Père. Pouvait-on véritablement faire grief à Diane d'avoir accepté d'aider son escroc de frère ? Quelle forme de vertu est la plus louable ? Demeurer fidèle à sa famille même si elle a tort ou renoncer à elle pour l'amour d'un homme ? La vérité était ailleurs en l'occurrence, car il semblait bien qu'en découvrant qu'elle était détrônée dans le coeur de Nelson, la fragile Diane, instrument du funeste frère, dévoilait ses réels sentiments. Dalila devenait cruelle et Zorvan, tout comme le jeune homme, comprit que si elle avait aimé le jeune farfelu, face à la loyauté due à un rang, cet amour ne pesait pas bien lourd.

Le Prêtre Guerrier mit en scène dans sa mémoire visuelle la réaction de Floriane dans la même situation, et la garda bien au chaud pour la "montrer" plus tard à Nelson. La vraie Diane avait quant à elle jeté le masque et son joli menton tremblait de méchanceté tandis qu'elle laissait entrevoir d'une voix rageuse le sort que son frère Harold réserverait à l'ennemi. L'Aralien se tapota le sien en clignant de l'oeil puis fixa d'un air furibard la pâle blondeur. Instantanément celle-ci s'enrichit d'une fort disgracieuse verrue brune surmontée d'un poil qui battait la mesure juste sous les lèvres au pli amer. Dans le feu de l'action, personne, sauf peut-être le majordome qui époussetait d'un air transparent un guéridon, personne ne s'en aperçut. Floriane était montée à l'étage, s'était rendue directement devant la porte du bureau, dont elle avait trouvé la clef dans un vase en porcelaine cloisonnée tout droit venu de Chine. Harold la pensait tête en l'air et frivole, toujours à jacasser et à ne rien voir. Il se trompait. Depuis toute petite, elle avait utilisé cette ruse pour observer les hommes surtout lorsqu'ils se livraient à des choses interdites. Faire mine de regarder la coccinelle qu'on a au bout du doigt tandis que Père met la main aux fesses de la cuisinière dans le jardin, regarder sous le fauteuil crapaud si la barrette de Miss Dolly, sa poupée n'y était pas, tandis que Grand Père remplissait furtivement de Gin son verre d'eau gazeuse. Les hommes étaient terriblement plus eux mêmes lorsqu'ils ignoraient être observés. Ainsi donc, savait-elle où Harold planquait la clef de son bureau et n'avait à présent aucun mal à récupérer ses propres travaux qui y étaient "mis en lieu sûr" comme le disait son ex fiancé, mais en vérité, dérobés dans la ferme intention de se les approprier, plus elle y réfléchissait, plus elle en était convaincue. Après avoir glissé tout son travail dans sa sacoche à plis, elle avait traversé le couloir dans l'autre sens et entendu la voix de Nelson s'adressant à Diane. Il lui parlait avec des inflexions que la jeune française n'avait encore jamais perçu chez le jeune homme. Un profond mépris, une froideur et une autorité insoupçonnée. Mais la voix de le jeune femme eut le dernier mot et Floriane serra les dents en identifiant le ton menaçant et tout ce qu'il sous entendait. D'un pas résolu, elle poussa la porte de la chambre d'Harold, posa ses bagages et commença à déverser par terre le contenu des penderies et armoires. Sortant une paire de ciseaux de sa sacoche de voyage en tapisserie, elle découpa rageusement les complets du propriétaire des lieux pour en faire des tenues culottes courtes grande taille et vestons sans manches.

- En plus tu es laid, gros pourceau et puis tu as un gros fessier. Ta soeur n'est qu'une garce, j'en suis sûre, pour menacer ainsi un gentil garçon comme Nelson.

Les chemises furent effrangées dans un même élan, et elle se serait attaquée aux dessous et accessoires si Nelson n'avait fait irruption dans la chambre. Leurs regards brillants de peine et de colère se croisèrent mais pour la première fois c'était peut-être plus pour l'autre qu'ils ressentaient de la peine, à le savoir si mal et bafoué. Zorvan avait suivi le jeune anglais, car dans le couloir où le frère venait de faire irruption, s'échangeaient des propos dont il connaissait par avance l'âpreté. Et même s'il laissait traîner un bout de conscience au rez de chaussée, ce qui se déroulait à l'étage était bien plus intéressant et propre à lui faire frétiller la barbichette. Il nota avec agacement que la jeune femme ne se défendait pas de l'étreinte de son confrère pas plus qu'elle ne rechignait lorsqu'il la prit par la taille pour lui faire escalader le balcon afin d'assurer leur fuite le long de la gouttière. Pour tout dire, en scannant les ondes mentales de la jeune femme, il eut la stupéfaction de voir se former dans son holo cortex les pensées suivantes "je m'amuse follement, ce garçon est des plus excitants, je crois qu'il me plait beaucoup trop". Exit les pensées tristes d'il y avait cinq minutes, exit la colère de l'offensée, qu'importait qu'elle y perde quelques vêtements ! Nelson était en train de l'enlever sous les yeux de son fiancé, faisant de lui le plus volé et le presque cocu. Peu importait pour l'heure, qu'il ne se soit rien passé que de très vertueux entre les deux fuyards. Ce qui comptait, c'était bel et bien ce qui pouvait être supposé et faire fulminer Harold. Zorvan fût choqué puis intrigué qu'elle ne se soucie pas plus de sa réputation de jeune fille. Même s'il y avait peu de chance qu'Harold crie sur tous les toits que son rival lui avait ravi sa fiancée, elle pouvait passer pour une mijaurée aux yeux de Nelson. Mais de cela, elle ne semblait avoir cure. Ravie à tous les sens du terme, elle rit à l'unisson avec le jeune homme, du bon tour qu'ils venaient de jouer à Bower, puis dans un élan, leurs bouches cessèrent de rire pour se mêler. Zorvan qui avait sauté sur le marche pied, lâcha un juron puis tâtonna dans la poche de son ample robe et sortit sa tablette dont le phaseur clignotait dans le rouge. Il grogna de devoir s'éclipser mais pour le coup, il fut plutôt bien inspiré d'aller voir en Blue hospel comment évoluait Aurore Joinville. Une catastrophe rare mais malheureusement irréversible venait de se produire. La jeune candidate au voyage ayant préféré l'alternative que lui proposait le rêve, s'était finalement faite happer par celui-ci et refusait obstinément d'en sortir. Sans qu'elle en eut conscience, plus de deux mois s'étaient écoulés depuis son entrée dans ce songe aux saveurs douces amères et il était désormais trop tard pour que Zorvan pût l'en extirper. Ce qui pouvait consoler, c'est qu'il semblait lui convenir plus que son état premier. C'en était fini des voyages pour Aurore et en un sens, le Dévoreur le prendrait comme un échec mais, lui, Zorvan, était déjà à échafauder d'autres plans pour Nelson, afin de lui faire achever son épreuve en une autre compagnie féminine qui achèverait de le réconcilier avec les femmes.

Pour l'heure cela semblait bien engagé avec Floriane qu'il avait mené à ce qui était dans son monde d'origine son laboratoire mais pour l'heure juste une cave poussiéreuse remplie de toiles d'araignées. La jeune femme, assise sur son manteau posé à même le sol, ne semblait pas s'en formaliser et devint subitement grave après les moments de rire nerveux qu'ils avaient partagé.

- Vous allez partir, n'est-ce pas Nelson ? J'ai bien compris que celui que j'ai failli épouser va vous traquer. Je l'imagine sans peine, vous harcelant. C'est un faible esprit qui n'a aucun don. Il ne brille que par sa force brute et corrompt tout ce qu'il touche... Il aurait pu me ... si je ne vous avais pas rencontré... Non, bien sûr j'aurai fini par fuir ! Mais vous m'avez aidé à ouvrir les yeux plus rapidement et à m'y résoudre avant que cela ne devienne trop compliqué. Moi aussi, je vais quitter l'Europe et embarquer pour les Etats Unis. Là-bas, j'arriverai peut-être à mener mes recherches sans entrave. Nelson ... Je ne veux pas vous dire adieu, ni vous quitter si vite...

Elle posa sa main sur celle du jeune scientifique et pencha la tête vers l'épaule de celui-ci. Doucement ses lèvres s'offraient à lui. Elle ferma les yeux et murmura

- Croyez-vous que des personnes puissent être liées à travers le temps et l'espace ? Moi je crois qu'on se reverra un jour et ailleurs... Vous ne m'oublierez pas , Nelson, promettez-le moi, même si nous devions, selon vous, rester des amis, rien que des amis...

Zorvan s'agita dans le coin de la cave. Bien sûr, il était revenu et bien sûr ces badinages n'étaient pas à son goût. Mais la tablette de validation indiquait encore "en cours d'apprentissage, notion en phase d'assimilation, ne pas interrompre le sujet". Le Gardien de l'Antichambre ne voyait pas en quoi ce contact charnel de deux orifices buccaux, mêlant deux organes sensoriels liés au goût pouvait apprendre des choses à Nelson au sujet de ses erreurs passées. Zorvan savait juste que ce n'était pas la première fois que le jeune savant s'adonnait à cette activité et qu'il l'avait payé cher avec Diane. Ce que les humains appelaient "baiser" à cette époque victorienne, mot qui plus tard dans le futur de l'Humanité, désignerait une autre étape, plus décisive encore, de ce contact charnel, lui avait valu d'être manipulé et trompé, car il semblait que, pratiqué avec une personne particulièrement appréciée, cette activité faisait perdre la tête aux mâles humains qui n'avaient alors plus aucun sens des réalités et priorités. Et pourtant voilà que Nelson remettait ça avec Floriane. Bien que la tablette tactile indiquât à présent " phase d'expérience personnelle, le formateur peut se retirer et laisser le sujet mettre en pratique ses conclusions", il s'avança au centre de la cave pour que Nelson pût le voir à la lueur de la bougie qu'il avait éclairé.

- Nelson, estimant que votre préparation peut être complétée par cette expérience et qu'il est important que vous assimiliez les changements de point de vue sur certains sujets - et il laissa planer un regard entendu sur Floriane qui ne pouvait le voir- je vous laisse quelques latitude pour dire au revoir à cette jeune personne de la façon la plus enrichissante que vous trouviez dans votre apprentissage. Sachez néanmoins que j'ai pour mission de renforcer votre condition  physique et votre confiance en vous mais également faire évoluer votre vision de la gente féminine, en vous prouvant que certains sujets de cette catégorie sont dignes de confiance et capable de discernement et d'honneur par tous les moyens à ma disposition. Pour cette raison, lorsque vous aurez fini ce que vous ... êtes entrain de faire, je vous présenterai à une autre personne de genre féminin qui aura à apprendre de vous et à vous apprendre. Celle qui devait poursuivre son périple à vos côtés a sombré dans le monde de ses rêves et nous allons devoir réviser nos plans vous concernant. Toutefois, il s'agira  toujours de faire la suite du chemin en compagnie féminine.

Suite à quoi le gardien se volatilisa en murmurant à l'oreille d'un Nelson fort occupé: "Lorsque vous penserez avoir assimilé la notion, appelez-moi, j'apparaîtrai... Pour l'heure, je dois aller m'occuper d'un autre homme blessé dans son honneur mais qui a encore bien du chemin à parcourir avant de voyager... "

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Message  Invité Mar 17 Sep - 18:17

Nelson ignorait si toutes les françaises étaient aussi bavardes, mais alors qu'il regardait Floriane dans le blanc des yeux et qu'il lui envoyait toutes sortes de messages sans équivoque à l'aide de son langage corporel, celle-ci repartit dans une nouvelle diatribe sur leurs avenirs respectifs. La jeune femme ne manquait pas de jugeotte et elle avait bien compris que son sauveur britannique allait lâchement la laisser tomber même si elle ne semblait pas lui en tenir rigueur. Toutefois, les motifs de sa fuite lui étaient inconnus et elle faisait fausse route. Sans pouvoir entrer dans les détails, Nelson prit le soin de la corriger. Juste histoire de ne pas passer pour un couard.

- Vous avez vu juste, Floriane. Je vais devoir partir. Mais cela n'a rien à voir avec Bowers. Il ne me fait plus peur, dorénavant. J'ai compris que c'était lui, le faible. Il n'ira jamais plus loin que là où il se trouve actuellement, et il m'a fait bien pitié ce soir. Tout comme sa sœur. Non, si je dois m'éloigner de vous, c'est pour une toute autre raison. Je me suis engagé envers quelqu'un qui m'a recruté pour une expérience... disons hors du commun. Je ne pas vous en dire plus car j'ignore à peu près tout de ce projet, même si je sais qu'il devrait être extraordinaire.

Il baissa les yeux, cachant péniblement son embarras devant ce mensonge peu crédible.

- En fait, j'en sais rien. Mais certains événements récents m'ont fait prendre conscience que je devais saisir cette chance, que je devais prendre le taureau par les cornes et devenir acteur de ma propre vie, prendre des risques. Vous rencontrer n'a été que la confirmation que je suis sur la bonne voie. Ce que nous avons vécu ce soir fut bref mais terriblement intense. Je vous promets que je ne l'oublierai pas. Et je ne vous oublierai pas. Jamais

Finalement, le jeune homme, également très bavard, accepta les lèvres tendues de Floriane. Alors que Zorvan exprimait secrètement sa profonde incompréhension (et son dégoût ?), Nelson, lui, plongeait dans des abymes de délices. Ce fut à ce moment précis que la tablette du gardien lui indiqua qu'il pouvait se retirer. Pourtant, celui-ci préféra interrompre le baiser des deux amants en prenant place au milieu de la cave et en s'exprimant d'une voix forte. Nelson sursauta et jeta un regard courroucé en direction de la grande silhouette qui expliquait, d'un ton didactique, la suite du parcours du jeune voyageur du temps. Évidemment, Floriane ne comprit pas cette interruption soudaine et inexpliquée, ignorant tout de la présence de Zorvan. Afin de pouvoir continuer à écouter ses paroles, Nelson revint vers la jeune femme et l'embrassa de nouveau, mais se concentra sur ce qu'il avait à entendre. La sensation n'était pas heureuse et il eut la désagréable impression de rouler une pelle au barbu. Pour le coup, son excitation redescendit en flèche, au moins aussi rapidement qu'elle était montée au préalable. Ce fut la goutte d'eau qui mettait le feu aux poudres lorsqu'il entendit la voix lui murmurer à l'oreille qu'il aurait droit à un peu plus de temps.

Nelson se leva précipitamment pour houspiller l'empêcheur de bisouiller en rond, quitte à révéler à Floriane l'existence de ce dernier (ou de passer pour le dernier des fous) mais Zorvan, comme dans un souffle, s'évapora. D'ailleurs, avait-il été là ? Sans le savoir, Nelson réinventa le concept de l'hologramme en imaginant que le gardien avait projeté son image et sa voix depuis un lieu différent et fort éloigné.

La jeune femme se leva et posa une main sur l'épaule de celui qui avait bouleversé son destin. Elle avait compris que quelque chose d'inconnu le torturait et ne voulut pas en savoir davantage. Elle lui attrapa tendrement la main et le fit revenir sur la couchette de fortune.

Jamais auparavant, Nelson n'eut connu de nuit plus passionnée, plus enivrante, que celle qui passa avec Floriane. Ils ne parlèrent presque pas. Ou alors seulement par souffles, gémissements et râles difficilement contenus.

Au petit matin, le sommeil vint enfin cueillir la jeune femme. Nelson, lui, était assis, les genoux repliés contre son torse nu et il la contemplait dans le recueillement le plus total. Il ne savait pas quoi penser d'elle. Il était à peu près certain de ne pas être amoureux d'elle, du moins dans le sens qu'on donne habituellement à ce gros mot. Pourtant, le jeune anglais ne pouvait nier qu'elle serait l'une des femmes les plus importantes de sa vie. Il avait beaucoup appris à ses côtés, malgré le temps trop court qu'ils avait partagé. Il avait également compris qu'il avait fait une erreur en estimant que Diane – la vipère! – lui avait donné une bonne leçon sur la gent féminine. Car s'il avait toujours regretté de ne rien comprendre aux femmes, il fut soulagé de saisir qu'il devait exister autant de modes d'emploi que de spécimens. Et savoir qu'il en existait comme Floriane, lui redonnait la foi en elles et en sa propre existence. Et aussi en ses propres compétences, mais cela, il était trop fier pour se l'avouer. L'homme blessé qui avait douté au point de se laisser abandonner dans l'alcool n'existait plus aujourd'hui. D'ailleurs, il n'avait jamais existé. En tout cas, pas dans cet univers.

~~~

L'aube londonienne donnait à la ville un parfum de mystère et les bruits de la ville, qui semblaient toujours venir de la rue d'après, celle où il n'était pas, suscitait une impression de bête monstrueuse qui allait s'éveiller d'un moment à un autre. Nelson arpentait ses rues, d'un pas à la fois nonchalant et décidé. Il avait laissé Floriane, seule dans la cave froide et humide qu'il avait tant aimée, sans un mot, sans un présent de sa part... si ce n'était un petit échantillon de son patrimoine génétique, lové dans le ventre de la française. Seul le destin choisirait s'il fallait classer le dossier sans suite. Ou pas.

La bruine commença à pénétrer les vêtements du jeune voyageur du temps et il préféra s'abriter sous une porte cochère. Il comprit qu'il n'irait pas plus loin, pas plus loin dans l'espace pour cette fois-ci. Il ferma les yeux. Où serait-il quand il les rouvrirait ? Les pyramides d'Égypte ? Arthur et les chevaliers de la Table Ronde ? Ou bien l'an 2000 et ses calèches volantes ?

- Zorvan. Je suis prêt.

Presque immédiatement, il sentit un changement dans l'air. Un vertige le prit mais il tint bon. Quand il retrouva une impression de stabilité, il rouvrit les yeux.
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Message  Zorvan Lun 14 Oct - 20:54

Après s'être éclipsé, laissant le jeune couple livré à la bonne fortune des amants, Zorvan avait eu fort à faire avec un hussard qui prenait un malin plaisir à faire le contraire de ce qu'il lui ordonnait sitôt qu'il avait le dos tourné. A force de naviguer de l'un à l'autre il allait bien finir par s'embrouiller les poils de la barbe et c'était à croire que le Dévoreur faisait exprès de sélectionner des agités. Il songea au Grec au bonnet, si posé au début et qui avait fini par s'enflammer dans des aventures varègues. Et quand ils arrivaient calmes, c'était Aparadoxis qui les rendait timbrés ! Le gardien soupira et sut gré à Nelson d'avoir invoqué leurs retrouvailles sous une porte cochère plutôt que dans la cave où dormait encore sa maîtresse. L'Aralien le savait grâce à son scanner génomique qui indiquait la présence du scientifique en deux lieux différents. Ainsi les deux humains avaient copulé comme cela était assez prévisible. Zorvan se surprit à éprouver une sorte de mélancolie à la place de la condescendance grinçante que cela aurait suscité habituellement. Il se prit à rêver qu'un jour il croiserait celle que son coeur avait choisi, il y avait fort longtemps en temps humain, et qui lui avait été arrachée si cruellement. Cela pourrait bien se produire, après tout Aparadoxis était un univers parallèle, et il se pouvait qu'elle y fût vivante. Mais il devait y avoir une sorte de bridage pour les Gardiens du temps. Eux ne pouvaient sans doute évoluer dans un monde proche du leur où ils pouvaient espérer croiser leur chers disparus, ou du moins une autre version d'eux. Ce statut n'avait décidément que des inconvénients et très peu d'avantages. Etait-ce si surprenant puisqu'il était voulu comme un châtiment bien moindre, il devait l'admettre, que celui réservé par ceux qui l'avaient expédiés dans le néant intersidéral ? A travers le bord du vortex, il distingua la porte et vit Nelson de dos. A peine un geste elliptique de sa main et le jeune anglais se retrouvait aspiré sur un pont des plus branlants dont l'extrémité semblait déboucher sur une plage aux contours incertains, noyés dans le brouillard. Zorvan le poussa sans ménagement en murmurant " Bienvenue dans le pays des rêves, les tiens où ceux des autres ." Puis il s'effilocha dans les lambeaux de brume.

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