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Quand Anita Detmers rencontre le Dévoreur de temps

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Message  Le Dévoreur de temps Mar 5 Mar - 18:21

Il se passa une main sur le visage avant de pousser la porte de ce pub polymorphe qui accueillait une faune déjantée la nuit et des clients plus conventionnels en journée. L'établissement était ouvert non stop cinq jours par semaine. Ce qui restait constant, c'est qu'il était un lieu de rendez-vous pour les voyageurs. En ce début de matinée, la clientèle était plutôt composée de clients pressés qui avalaient un petit déjeuner sur le pouce avant d'aller travailler ou au contraire de personnes qui avaient fini leur travail de nuit et venaient se restaurer avant d'aller dormir. Il jeta un coup d'oeil circulaire dans la salle, cherchant du regard la jeune femme que son contact lui avait décrit. Il l'avait dépeinte comme une personne déterminée et autoritaire qui leur avait coupé la parole à lui et l'autre voyageur qui l'accompagnait ce soir là, n'hésitant pas à user de menaces voilées s'ils ne transmettaient pas sa demande au Dévoreur. Outre le fait qu'elle avait sans doute écouté leur conversation assez longtemps pour en saisir les implications, elle avait paru résolue à les harceler jusqu'à ce qu'ils obéissent à sa demande. Elle voulait voir le Dévoreur ? Eh bien elle le verrait. Restait à savoir pourquoi. Depuis quelques temps, il était contacté par des déséquilibrés qui voulaient se mettre à son service ou au contraire l'étudier comme une bête de foire. L'un d'eux avait même essayé de le maîtriser et de l'embarquer dans une fourgonnette après l'avoir embobiné avec une prétendue promesse d'informations au sujet des enfants disparus.

Les enfants disparus... Voilà quelque chose qui préoccupait fort Stanzas. Il y en avait eu de tout temps, malheureusement mais la plupart du temps, la police finissait par faire une bien triste découverte macabre, ou les localiser dans une autre famille en mal d'enfant. Quelques uns demeuraient introuvables et les pauvres parents restaient dans l'ignorance du sort de leur petit. Mais depuis que le trafic des voyageurs avait pris un essor considérable, depuis qu'il avait ouvert en grand les portes des couloirs du temps jusque là à peine entrebâillées, les disparitions d'enfants s'étaient multipliées de façon exponentielles et la police était sur les dents. Jamais de demande de rançon ni de trace de violence sur les lieux de l'enlèvement. Le plus souvent, quelques affaires indispensables à l'enfant avaient aussi disparu, ce qui laissait supposer que les ravisseurs avaient longuement étudié la vie quotidienne de la famille avant d'opérer. Ce qui était troublant c'est que les kidnappings avaient augmenté dans toutes les époques sans distinction, comme si ce mal se propageait par les voies ouvertes par le Dévoreur. Une culpabilité incommensurable l'avait submergé à ce constat, atteignant son paroxysme lorsqu'un des voyageurs qu'il avait recruté  était venu le trouver, grièvement blessé, et lui avait révélé s'être échappé d'un centre où étaient gardés des enfants "orphelins" qu'on endoctrinait pour en faire des soldats de la "Quête Ultime". Le Dévoreur avait, dans un premier temps, pensé qu'on lui relatait les forfaits d'une secte inféodée à une religion qui préparait son ascension au grand jour. Mais le malheureux voyageur, père d'une petite fille enlevée, lui avait révélé, entre haine et désespoir, que les ravisseurs étaient en fait regroupés en une organisation qui se nommaient eux-mêmes les "Illuminés de la Quête Ultime", hiérarchisée, formant des castes et ayant pour projet d'étendre leur hégémonie à travers le temps et l'espace. Constitués de voyageurs sans doute déjà peu recommandables dans leur vie antérieure, ils s'étaient peu à peu regroupés autour d'un mystérieux personnage qui les recrutait à travers le temps. Ces individus avaient floué le Dévoreur, sans doute dans les premiers transferts, alors qu'il maîtrisait moins les arcanes des apprentis voyageurs, l'avaient convaincu de les faire voyageurs en usant de subterfuges mélodramatiques pour les faire accéder à ce pouvoir d'arpenter les couloirs de l'infini. Depuis, sa défiance était à la mesure de la culpabilité qu'il portait.

Le malheureux voyageur avait expiré dans les bras de Stanzas, après lui avoir révélé que cette organisation avait pour but ultime de s'approprier son pouvoir de transformer les êtres humains en arpenteurs de temps et d'espace, dans le seul but d'étendre leur domination à travers les âges, d'imposer leur credo à l'Humanité de façon absolue et universelle. Cette seule pensée rendait fou le Roumain qui voyait en cette organisation le triste écho de l'ambition nazie étendue hors des limites du temps. Ils enrôlaient des enfants pour en faire les futurs soldats qui le prendraient en chasse et entraîneraient l'Humanité et toute forme de vie dans l'univers dans un chaos dominé par leur dogme. L'idée de tomber entre leurs mains et de devenir alors leur instrument le hérissait mais savoir qu'ils utilisaient des enfants, après les avoir arrachés à leur famille, pour parvenir à leur fin, lui était simplement insupportable. Depuis, il avait organisé quelques opérations avec des voyageurs dignes de confiance et avait réussi à localiser et libérer une vingtaine d'entre eux. Il avait cet avantage d'être le seul capable de déplacer des êtres humains d'une époque à l'autre et savait ainsi que les enfants ne pouvaient avoir quitté leur époque. Cependant, il fallait parfois aller chercher les indices à travers les siècles pour trouver les planques des Illuminés. Il avait son propre réseau d'enquêteurs à présent et certains parents s'étaient eux-mêmes ralliés à la cause en devenant des voyageurs. Restait à savoir si la jeune femme était l'une d'entre eux ou une Illuminée qui cherchait à le piéger. Il avait tenté de se renseigner, bien sûr, au sujet de la personne qui demandait à le rencontrer mais elle avait fait partie de l'armée néerlandaise, et comme dans toutes les armées du monde, les renseignements étaient longs à obtenir et il avait préféré ne pas la faire trop attendre, curieux de savoir ce qu'elle lui voulait. Il savait juste son nom, son grade et son unité d'affectation avant sa démission. Il repéra rapidement la jeune femme à la table que l'homme lui avait indiqué. Les cheveux tirés en chignon, habillée simplement, un foulard autour du cou, elle buvait un café en jetant de temps à autre un coup d'oeil nerveux à la pendule qui trônait au dessus du bar. Il se dirigea vers elle en essayant de deviner rapidement qui, dans la salle, pouvait être son éventuel complice. Il tira la chaise inoccupée devant elle et s'assit.

- Je crois que vous avez demandé à me voir mademoiselle Detmers...
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Message  Invité Lun 11 Mar - 14:39

Le vent pouvait tourner pour elle. Anita le sentait. Les voies officielles n'avaient rien donné. Les aides militaires non plus. Elle avait suivi son instinct en s'intéressant à ce pub que sa fille au pair fréquentait. Le petit-déjeuner quotidien de sa fille au pair dans ce pub était devenu le sien. Elle avait même une table habituelle. Surprendre la conversation des deux hommes assis derrière sa table avait été la meilleure chose qui lui était arrivé depuis la disparition de Damian. Sa plus belle piste. Le fruit de l'écoute de son intuition. Depuis qu'elle avait écouté les deux hommes et qu'elle les avait interrompu pour leur quémander à sa manière une entrevue avec la personne répondant au nom de Dévoreur, Anita avait prolongé ses petits-déjeuners, restant parfois près de 2 heures à attendre la fille au pair ou le Dévoreur. Voire les deux en même temps. Cela aurait été une aubaine ! Un coup de chance. Une illusion. Voir l'un se présenter aurait déjà été bien.

Au début, Anita ne désespérait pas. Le matin, elle les attendait et l'après-midi elle enquêtait sur le Dévoreur. Ses recherches avaient été tout aussi infructueuses que celles concernant la fille au pair. Comment faire des recherches sans avoir un véritable nom ? Si encore ce pseudonyme, s'il s'agissait bien d'un pseudonyme, n'était pas commun. Inconnu dans les listes des criminels qu'elle avait pu voir. Il ne lui restait plus qu'à attendre et voir si les deux hommes avaient dis juste. Seulement, qui parlerait d'endoctriner des enfants et, dans la phrase suivante, de parler d'un Dévoreur ? Elle s'était demandé s'ils étaient lucides. Après tout, leur conversation était assez étrange. Cela pouvait expliquer qu'elle n'ait rien trouvé sur le Dévoreur. Sa détermination à retrouver son fils la fit tout de même attendre un nouvel individu, chaque matin.

Après plusieurs jours d'attente matinale dans le pub, Anita commençait à s'impatienter et songeait fermement à retrouver les deux hommes aux conversations mal dissimulées. À force de passer ses débuts de matinée dans le pub, Anita avait pu mémoriser le visage des habitués. Pourtant, ce matin-là, elle n'observait pas la porte. L'horloge accaparait son attention. Elle voulait voir son heure d'attente à sa table passer à la vitesse supérieure. Elle ne vit donc pas un individu nouveau entrer dans le pub. Un individu qui vint même vers elle et s'installa à sa table, ce qui sortit Anita de son impatience. Elle n'eut le temps de dire quoi que ce soit. L'inconnu ne se présenta pas. Elle ignorait son nom, mais il connaissait le sien. Dans ses souvenirs, elle ne s'était pas présentée aux deux hommes. Anita dévisagea l'inconnu et but une gorgée de café. Elle posa lentement sa tasse sans le quitter des yeux.

- Monsieur le Dévoreur, je suppose, dit-elle en croisant les bras et en les posant sur la table. Je ne vous invite pas à vous asseoir, c'est déjà fait. Un café peut-être ? Demanda-t-elle en levant la main pour interpeller un serveur. Je vous conseille le café, on risque de parler longuement.

Le serveur approcha et Anita commanda deux cafés. Quand il s'éloigna pour les faire et les leur apporté, Anita continua afin de garder la parole.

- Vous connaissez mon nom, ma situation puisque vous m'avez appelé Mademoiselle. Je suppose que vous avez cherché à savoir qui voulait vous rencontrer. Je vous comprends. C'est normal. J'ai tenté de faire de même pour vous mais vous êtes plutôt du genre... invisible et inexistant. Même si au début, votre vrai nom et votre vie était la base de mes recherches vous concernant, je dois avouer que...

Anita se tut soudainement quand le serveur apporta les deux cafés, qu'elle paya sans demander au Dévoreur s'il acceptait d'être invité.

-... que maintenant, tout ce qui m'intéresse, ce sont vos services. Il paraît que seul le Dévoreur pouvait retrouver les enfants enlevés. Seul vous. Du moins c'est ce qu'on dit les deux personnes qui, je suppose et l'espère, vous ont prévenu de mon invitation à votre attention, à me rejoindre à cette table.
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Message  Le Dévoreur de temps Mar 16 Avr - 22:01

La maîtrise d'une meneuse d'hommes. L'autorité de l'être qui a commandé et aimerait encore commander sans doute. Il reconnaissait ces traits de chef de guerre pour les avoir ressentis chez quelques voyageurs et surtout chez Zorvan. Cette assurance d'avoir le verbe légitime et l'ascendance naturelle sur les autres, émanait aussi du jeune prince de Drogmund qu'il avait enrôlé au détour d'une succession au trône houleuse. Mais Thorvald avait voulu voyager pour devenir digne héritier de la lignée, comme ses ancêtres qui étaient d'abord partis sur leurs langskips à la conquête de nouvelles terres avant de prétendre poser un pied sur la première marche du siège royal. Il avait même fait mieux. Non content de partir à la découverte d'Holmgard, il avait voyagé jusqu'à l'Antichambre, se demandant certainement s'il n'était pas arrivé en Hellheim. Mais le Gardien d'alors n'avait rien de la Déesse du Nord, bien moins en tout cas, que Zorvan qui y officie à présent.

Mais cette jolie frimousse là, qui dissimulait une conquérante des coeurs sinon des nations, qu'est-ce qui pouvait bien la motiver ? Aux yeux de quel être voulait-elle briller en allant au devant du Dévoreur ? Quel trésor convoitait-elle pour venir solliciter celui qu'on nommait si terriblement ? Peut-être sa vie n'avait-elle plus aucun attrait ? Etait-elle de ces blasés qui ont vécu de si grands états que le retour à réalité quotidienne et commune désespère ? Une militaire, et médecin de surcroît, avait du en voir des vertes et des pas mûres. Elle pourrait faire une bonne recrue à sa cause bien que Stanzas se méfia grandement des militaires qu'il savait, pour certains, capables d'exécuter les ordres les plus effroyables, pour peu que le donneur d'ordres portât le bon uniforme. De plus, il s'était déjà fait sauter dessus par un hussard exalté et ne tenait pas à vérifier le caractère pérenne de cet emportement dans les contingents. S'aplatir contre la porte de l'Antichambre avec un voyageur non prévenu n'était pas sans danger. Il se méfiait donc de cette Anita, même si elle paraissait très calme et maîtresse d'elle-même, il avait relevé un léger chevrotement dans la voix qu'elle semblait vouloir cacher, en vain. Emotion, peur ? Double jeu ? Elle avait beau ne pas baisser les yeux, boire son café d'un air dégagé et vouloir mener le jeu en lui imposant les rites de convivialité qu'elle jugeait appropriés, il n'avait nullement l'intention de se laisser mener là où il n'avait pas envie, et certainement pas dans une autre camionnette qui sentait le cierge bon marché et l'encens. Il répliqua d'un ton plus froid qu'il n'aurait voulu.

- J'ai peu de temps mademoiselle, donc je vous demanderai d'aller à l'essentiel.

Lorsque le serveur eut apporté le café il ne trempa pas ses lèvres dans la tasse malgré la bonne odeur qui s'élevait et lui faisait franchement envie. Il fronça les sourcils et poursuivit en s'accoudant à la table à son tour.

- Figurez-vous que si j'ai trouvé votre nom et votre ancienne profession, c'est parce que vous n'en faites aucun secret. En revanche j'ignore ce qui vous a poussé à me contacter. Il est probable que j'aurai fini par le découvrir tôt ou tard mais je ne voulais pas vous faire trop attendre et surtout j'ai des affaires urgentes qui me réclament ailleurs dès cet après midi, donc je préfère encore que vous nous fassiez gagner un temps précieux à tous deux en me disant vous-même ce que vous attendez de moi. Vous n'apprendrez rien de plus à mon sujet avant que je ne sache ce qui nous réunit ici ce matin.

Il repoussa la tasse de café vers elle et la désigna du menton.

- Buvez une gorgée de ce café avant que je ne le goûte moi-même. Vous ne seriez pas la première à essayer de m'abuser en me parlant d'enfants enlevés. Qu'est ce que vous leur voulez ? Pourquoi avez-vous quitté l'armée du jour au lendemain ? Une reconversion dans le civil, cela se prépare normalement. Que fuyez-vous ? Ou peut-être, que cherchez-vous ? Qu'est ce qu'il y a dans ce dossier classé confidentiel dans votre ordinateur, le dossier Damien ? Vous voulez savoir si je représente une menace réelle pour votre sale activité ? Ce sont eux qui vous envoient pour me tester, n'est ce pas ? C'est une sorte de secte, vous savez... Ils vous feront faire des choses que vous regrettez ensuite.

Il extirpa de sa poche un paquet de cigarettes à moitié écrasé et le tapota sur la table, l'air pensif. Prêcher le faux pour savoir le vrai était une méthode de renseignements vieille comme le monde, et qui avait fait ses preuves. Déstabiliser en montrant qu'on pouvait mettre à nu toute la vie de la personne aussi. Il n'arrivait pas à se convaincre qu'elle puisse faire partie de cette organisation d'illuminés qui kidnappait comme on pique le journal de son voisin sur son paillasson mais si c'était le cas, elle manifesterait au moins un léger embarras et si elle était innocente, elle protesterait sans doute. Il la toisa d'un oeil froid.

- Alors, qu'est ce que vous leur voulez à ces gamins ? Pour qui travaillez-vous ? Faites bien attention à ce que vous allez répondre. Le peu de temps dont je dispose ne me permet guère d'être patient...

"Et de toute façon, j'ai le moyen de savoir si vous me mentez même si y recourir me répugne"
... Songea-t-il.
Lire dans les pensées des personnes lorsqu'elles n'étaient pas sur leurs gardes était loin d'être anodin, pour elles comme pour lui et il n'y recourait que dans des situations extrêmes. Retrouver un enfant, réunir une famille séparée, ou encore neutraliser un être foncièrement dangereux. Il n'avait pas tout de suite pris conscience de ce don nouveau, dû sans doute à son exposition massive au rayonnement µ qui l'avait irradié mais même lorsqu'il en avait mesuré les implications, il l'avait trouvé terriblement à double tranchant et n'osait que rarement le solliciter de peur de trop l'aiguiser et qu'il devienne peu à peu une entité avec un libre arbitre qui irait visiter les pensées des autres. Il préférait de beaucoup provoquer de façon spontanée les aveux de mademoiselle Detmers ou ... ses confessions... Qui pouvait savoir ? Mais il était rare qu'une coupable vienne se jeter à la tête de celui qui pouvait la démasquer, sauf si elle voulait le supprimer ...


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Message  Invité Mer 17 Avr - 19:48

L'homme était pressé. Refusait la marque de non-hostilité que représentait une invitation à un café. Soit. Cela arrangeait Anita. Il ne voulait pas tergiverser, elle voulait juste ses infos. Il ne voulait pas de sa politesse, alors elle lâcherait la cordialité dans son ton. Il s'avançait au-dessus de la table en s'y appuyant et commença à parler. D'ailleurs il parlait beaucoup pour une personne pressée. S'il pensait l'impressionner en jouant la carte de l'imposant personnage, c'était raté ! Anita s'avança même davantage, tout en soutenant le regard du Dévoreur. Elle touillait son café lentement, sereinement. Puis reprit une gorgée. Il sentait bon, il était chaud et suffisamment sucré. Le petit chocolat déposé sur la soucoupe était le petit plus de l'établissement. Après un bon café, rien de tel qu'un carré de chocolat noir. Un mélange de saveurs délicieux qu'Anita avait appris à apprécier à force d'attendre la fille au paire dans son ancien repère.

Tandis qu'elle faisait lentement tourner le café dans sa tasse, formant un petit tourbillon noir, le Dévoreur enchaînait les mots sur un rythme bien soutenu. Elle ne s'était pas trompée en entendant le Dévoreur l'appeler Mademoiselle. Il s'était bien renseigné sur elle. Mais visiblement, il ne s'était pas suffisamment informée à son sujet. Ou alors il bluffait. Ce qui n'était pas à écarter. S'il disait la vérité et qu'il ignorait la raison de sa convocation, Anita se disait qu'elle avait affaire à un bien piètre investigateur car comme il le disait, elle ne faisait aucun secret de sa personne. Elle ne cachait pas non plus la nature de ses recherches. Donc s'il mentait et savait finalement pourquoi il était assis à cette table, Anita émit l'hypothèse qu'elle avait affaire à un petit futé en interrogatoire.
Mais il parlait beaucoup trop. S'il était réellement pressé, il ne perdrait pas inutilement de temps dans un interrogatoire sournois et userait de moyen plus fort et direct, même si elle était une femme. Ce qui signifiait qu'il ne serait pas une bonne personne. Méfiance donc.

- Comme je vous l'ai dit, je me moque de votre vrai nom. Votre personne ne m'intéresse pas le moins du monde. C'est plutôt votre potentielle utilité concernant des enfants enlevés qui m'intrigue.

Elle ne regarda même pas la tasse de café se faire pousser vers elle. Il lui retournait son invitation. Elle ne broncha pas. Ne sourcilla pas. C'était à peine si sa poitrine se soulevait à chaque inspiration. Anita était toujours tout en lenteur. Elle ouvrit doucement la bouche pour parler, ses yeux clignait doucement. On aurait pu penser qu'elle planait. Mais non. Elle était en pleine possession de ses moyens.

Il l'invita à boire le café qu'elle lui offrait. Elle n'eut le temps de répliquer qu'il enchaînait encore sur une longue tirade inutile et tout aussi gaspilleuse de temps. Quand enfin elle put placer un mot, elle repoussa la tasse vers lui.

- Ce n'est pas parce que l'on dit que les femmes préfèrent le poison que j'utiliserais le poison contre vous, dit-elle doucement, sans lever la voix. Avec la guerre, je me suis habituée aux bruits d'explosions. Les sursauts se font plus rares. Alors si je devais m'en prendre à vous... j'userais probablement de choses qui font « boum » ou « pan ».

Au mot « pan », elle donna volontairement un violent coup de pied dans la table, la faisant trembler et faisant fortement onduler le café dans leur tasse. Une tentative pour voir s'il était détendu ou s'il était sur les nerfs ce qui, dans ce cas, pouvait alors le faire sursauter. Elle lui sourit naturellement, un sourire agréable si on occultait la détermination dans son regard. Puis en une fraction de seconde, le sourire disparut, son expression redevint comme à l'arrivée du Dévoreur : scrutatrice et sans la moindre agressivité apparente.

- Ce que contient le dossier Damian sur mon ordinateur ? Répéta Anita sur un ton monocorde, tout en frappant sa cuillère sur le rebord de sa tasse de café afin d'en faire tomber les gouttes de liquide caféiné.

Elle posa sa cuillère sur sa soucoupe de sa tasse, termina son café en deux gorgées et mangea le petit carré de chocolat noir qui accompagnait toujours le café dans cet établissement.

- Pourquoi poser une question à laquelle vous posséder déjà la réponse ? Puisque je suis si peu secrète, vous devriez savoir ce que je veux, cherche ou fuis. Je ne sais pas de qui vous parler en disant « eux ». Mais personne ne m'envoie. Je vous ai fait venir sur ma propre initiative et pour mon intérêt personnel. Mais ça aussi... vous le savez probablement déjà. Vous ne buvez pas votre café ? Demanda-t-elle sur un ton innocent. Il est payé, ce sera dommage de le gaspiller. Les temps sont durs et même jeter un café est inadmissible.

Elle prit la soucoupe de la tasse du Dévoreur et l'attira vers elle. Elle tourna le café, but une gorgée et, tout en gardant la tasse en main, repoussa la soucoupe vers le Dévoreur, lui proposant ainsi le petit chocolat déposé sur le bord de la porcelaine blanche.

- Vous voulez peut-être le chocolat ? A moins que vous ne préfériez finir ce délicieux et réchauffant café.

Elle but une nouvelle gorgée et fixait le Dévoreur par dessus la tasse. Elle cessa alors de boire mais garda la tasse à portée de lèvres.

- Que voulez-vous dire par « une sorte de secte » ? demanda-t-elle, alors qu'il se préparait une cigarette. Je vous demanderai de ne pas fumer à ma table, dit-elle sans le le timbre de sa voix ne change, tout en scrutant le regard froid du Dévoreur.

- Qui vous dit que je m'intéresse à plusieurs gamins ?

Finalement, face au peu de courtoisie dont il faisait preuve malgré l'offre généreuse de café, Anita termina la tasse du Dévoreur. Elle tendit le bras et reposa la tasse vide sur la soucoupe de son interlocuteur.

- Ce deuxième café n'était pas de trop en fait. Malgré votre manque de courtoisie, je vous fais cadeau du chocolat.

Elle se laissa tomber en arrière, contre le dossier de sa chaise, creusant l'espace entre elle et lui, croisant bras et jambes.

- Même si je reste persuadée que vous en savez plus que vous ne laissez sous-entendre, je vais vous dire ce qu'est le dossier Damian. Ce sont mes recherches personnelles pour retrouver mon fils. Si je vous ai fait venir, c'est que les deux hommes semblaient croire dur comme fer qu'un certain Dévoreur pouvait retrouver des enfants kidnappés. Mon fils a été kidnappé, par ma fille au paire.
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Message  Le Dévoreur de temps Sam 11 Mai - 0:24

Il hochait la tête alors qu'elle égrenait des informations qu'il connaissait déjà et qui recoupaient ce que ses propres investigations avaient révélé. Elle paraissait de bonne foi et très intelligente, mais d'une intelligence pragmatique et peu intuitive. Sinon elle aurait décelé le trouble lorsqu'il prononçait le mot "gamins", la nervosité à l'évocation des kidnappeurs et surtout, elle n'avait aucune diplomatie. On ne dit pas à quelqu'un dont on requiert l'aide qu'on se contre balance de ce qu'il est humainement. Il était pourtant demeuré impassible même si la froideur de la militaire l'avait heurté. Décidément, le courant avait toujours mal passé entre les gens d'uniforme et lui et cela ne faisait qu'empirer. Il plissa les yeux et un pli amer se dessina sur ses lèvres. Vladimir Stanzas avait été un jeune homme humaniste et plein d'idéaux, un étudiant brillant avant de devenir un époux et un père aimant. Souvent plongé dans le travail pour le compte de son université puis celui de l'Etat roumain qui devint bientôt l'intérêt des nazis, il voyait peu sa femme et sa fille mais il n'en aurait jamais confié la garde à une étrangère. Il aurait plutôt déserté et encore à ce moment, il regrettait de ne pas l'avoir fait pour les emmener toutes les deux en Russie ou mieux en Amérique, mais même la Russie aurait été mieux que l'enfer sous le potentat allemand qui transformait une partie de son peuple en bourreau de l'autre partie. Les lèvres pincées, les ailes du nez palpitantes, les yeux rétrécis mais le regard perçant d'un oiseau de proie, Vladimir sentait la colère monter pour la première fois depuis longtemps. Il se leva et repoussa sa chaise.

- Merci pour le café que je n'ai pas bu mademoiselle ! Dit-il dans un accent rocailleux et roulant des "r" de colère qu'il ne contrôlait plus sous le coup de l'émotion.

Puis, s'inclinant pour saluer et en faisant claquer les talons de ses bottes à la mode militaire, il poursuivit.

- Il vous indiffère peut-être de savoir que ma fille et ma femme m'ont également été enlevées et que je pourrais mieux que vous ne croyez comprendre une mère à qui on a pris son enfant. Si c'est bien le cas, et si tout ce que j'ai trouvé comme informations sur votre compte ne fait pas partie d'un dossier savamment monté de toute pièce pour me piéger une fois de plus et chercher à savoir ce que je sais au juste sur ces kidnappeurs dont vous êtes peut-être.

Il recula lentement et la toisa avec une rage contenue en évoquant cette possibilité. Un étrange éclat froid et bleuté émanait de ses yeux. Comment savoir effectivement, avec certitude, si elle disait la vérité ou était un agent des Illuminés en quête d'informations sur ce qu'il pouvait savoir à leur sujet. Ces Illuminés qui avaient déjà cherché à l'enlever et arrachaient des enfants à leur famille dans le seul but de faire parler d'eux, de les endoctriner et de pousser le Dévoreur à s'exposer. Il n'y avait qu'un moyen: entrer dans le mode de pensée de la jeune femme et provoquer ou chercher à provoquer une réaction.

- Ce que je sais en tout cas, c'est qu'il est peut-être avec la seule personne qui s'est vraiment occupée de lui, votre fils. Peut-être finalement que votre fille au pair avait toute légitimité de le revendiquer comme son fils. Il ne suffit pas d'être géniteur pour être parent, Mademoiselle Detmers ! Cingla-t-il sans broncher.

Tandis qu'il la scrutait pour déceler la plus infime réaction sur le beau visage martial, les images de Gala et Loudna compressées parmi d'autres prisonniers, dans ce wagon de marchandises à Iași, agonisant lentement durant des jours, sentant leur mort arriver inexorablement au milieu des cadavres, puis l'appelant sans doute de leurs voeux, s'imposèrent à son esprit. Il imagina l'enfer vécu par une mère qui ne peut rien souhaiter de mieux à son enfant qu'une mort rapide. Peut-être avait-elle plaqué sa main si douce sur la bouche de la fillette pour l'empêcher de respirer l'air pestilentiel du wagon à bestiaux où ils tombaient comme des mouches, pour l'empêcher de respirer tout simplement ... Il baissa la tête et songea une fois de plus qu'il aurait voulu être à leurs côtés et mourir avec elles, mais une part de lui s'accrochait au fol espoir que tout pouvait être réécrit pour elles, pour lui et pour tant d'autres, des millions...

Il vit les lèvres trembler et le regard trop brillant. Cette femme ne mentait pas. Elle avait vraiment un fils nommé Damian et on le lui avait arraché. Il était entré deux secondes dans ses pensées mais avait vu la déchirure. Ils se faisaient face, aussi livides l'un que l'autre, lui épuisé d'avoir déverrouillé ses défenses et elle certainement bouleversée des propos que la souffrance avait fait prononcer à cet homme. Elle ne pouvait pas savoir et ne voulait pas, d'ailleurs...

- Ceux qui ont enlevé votre fils sont des fanatiques qui vouent une véritable obsession à un homme dont ils rêvent de posséder le pouvoir et dont ils cherchent à se rendre maîtres. Ils veulent qu'il se livre comme monnaie d'échange, sans doute ou qu'il leur livre son pouvoir ... Ils endoctrinent les enfants pour en faire des soldats , des kamikazes... Ce n'est pas à un médecin militaire de l'O.N.U. que j'apprendrais ce que sont les enfants soldats ou les soldats suicides ... Le temps presse si vous voulez retrouver Damian en vie... et en bonne santé mentale. Je ne le ferai pas pour vous, mais pour lui ... je peux vous y aider ...

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Message  Invité Sam 11 Mai - 20:26

Anita regarda le Dévoreur se lever brutalement et remettre la chaise en place. Il lui reprochait maintenant de ne pas avoir pu boire son café ! Quel toupet ! Quelques minutes plus tôt, il avait refusé ce café, qu'elle lui avait pourtant offert avec de bonnes volontés. Un geste de politesse que l'on accorde à quelqu'un qu'on invite à sa table de bar, surtout quand l'heure est celle du petit-déjeuner. Anita préféra ne pas lui faire remarqué son manque de politesse à sa courtoisie. Son sarcasme avait été fait sur un ton haussé. Il la salua et le claquant des bottes la fit se redresser sur sa chaise. Elle avait affaire à un militaire. Il était « de la maison » en quelque sorte. Mais elle n'eut le temps de dire quoi que ce soit qu'il enchaînant en lui reprochant de ne pas s'intéresser à lui, à sa fille, à sa femme. Comme si on demandait à un inconnu qu'on convoquait s'il avait une femme et une fille, si celles-ci étaient toujours vivantes ou près de lui ! Anita restait calme, ce qui n'était pas le cas de l'homme en face d'elle. Finalement, vu le ton qu'il employait, elle prit la peine de le lui faire remarquer.

- Je n'ai pas demandé à vous voir pour que nous fassions connaissance mais pour que vous m'aidiez à retrouver mon fils, car d'après les deux hommes, seul vous êtes capables de retrouver les enfants disparus. Pensez-vous que l'on demande à un inconnu s'il a une famille et si celle-ci se porte bien ? Pensez-vous que la situation est propice à mes questions sur votre vie personnelle ? Il me semble que non.

Anita restait assise. Hors de question de se lever. Quitter sa chaise pouvait être le signe qu'elle allait être sur le départ, mettant un terme à leur rencontre. Elle n'avait pas l'intention d'y mettre fin. Il pouvait bien lui mentir au sujet de sa famille, afin de l'approcher aisément. Mais il semblait honnête. L'exaltation était vraie. Il ne pouvait pas mentir. Non. Anita en était persuadée, il avait la même blessure qu'elle. Doublement plus forte, puisqu'il avait perdu deux êtres aimés.

- Asseyez-vous je vous pris. Mon absence d’intérêt pour vous n'avait pas pour but de vous offenser. Mais comprenez-moi, et je sais maintenant que vous me comprenez. Je cherche Damian depuis un moment maintenant. Mes moyens ne m'ont amené nulle part. En tant que militaire, et si vous avez bien fait vos recherches sur moi, vous pouvez comprendre que ces moyens ne sont pas des plus petits. Ils me mènent à rien. C'est comme s'ils étaient volatilisés.

Elle lui montra la chaise d'un geste lent et doux, dénué de toutes brutalités. Un geste souple, simplement celui d'une femme qui invite un homme à sa table.

- Je ne suis pas là pour vous piéger mais pour avoir votre aide. Si l'on cherche à vous piéger, c'est que vos moyens dépassent les miens. J'ignore de quel genre de piège il s'agit et, au risque de vous énerver et décevoir de nouveau, je ne souhaite pas en savoir plus sur ces pièges. Tout ce que je veux, c'est retrouver mon fils et savoir qui me l'a enlever.

Il se mit à la fixer sans bouger. Elle se sentit mal à l'aise mais essaya de ne rien laisser paraître. Puis il osa le reproche. Insinuait-il qu'elle était une mauvaise mère ? Que sa fille au pair méritait plus le titre de mère qu'elle ? S'en était trop. Elle se leva brutalement à son tour. Tant pis s'il voyait cela comme le signe de son départ. Sauf que, contrairement à lui, elle resta calme, sa voix était posée.

- Damian n'a qu'une mère et c'est moi. Je ne vous permets pas de me reprocher mes absences. Damian savait parfaitement pourquoi je n'étais pas beaucoup présente. Il sait que sa maman sauvait des vies et que même si elle n'était pas près de lui tous les jours, elle l'aime. Bien souvent des vies d'enfants comme lui. Je suis certaine qu'il est fière de moi. Si Damian avait émis le souhait de me voir près de lui, de m'avoir rien que pour lui, j'aurai arrêté immédiatement. Mais Damian est un petit garçon généreux, qui n'hésite pas à prêter sa maman pour qu'elle sauve des vies, déclara-t-elle avec beaucoup de fierté pour son petit garçon. Je sais pertinemment qu'il ne suffit pas d'être lié par le sang pour être parents. Tous les enfants que j'ai croisé sur ma route de médecin, tous... je les aurais tous aimé comme j'aime Damian s'il m'avait été donné de les garder auprès de moi.

Anita fixait le Dévoreur sans montrer la moindre agressivité. Ses propos avaient été vifs et distincts. Elle avait insisté sur « sa maman ».

- J'ai arrêté ma vocation pour retrouver mon fils. J'avais cherché une personne de confiance, à défaut d'avoir un grand-parent, ou simplement un parent à qui le confier. J'avais confiance en cette jeune fille. Pendant très longtemps je n'ai rien vu paraître. Je rentrais, je trouvais Damian en bonne santé, souriant. Je rentrais, elle se mettait en retrait pour me laisser ma place de maman, dit Anita. Puis je repartais sauver des vies en sachant que la vie à laquelle je tiens le plus était en sécurité et bien gardée. Ma vocation est de sauver des vies. Mais pour celle qui m'importe le plus, je n’hésitai pas à renier ma vocation.

Anita était bien déterminée à retrouver Damian même si elle devait passer devenir fossoyeuse, prenant les vies au lieu de les sauver. Puis enfin, le Dévoreur lui proposa son aide. Ce n'était pas pour elle, mais pour Damian. Cela lui suffisait. Après tout elle ne voulait pas les bonnes grâces de l'homme, elle voulait ses moyens pour retrouver son fils. Anita se mordit les lèvres. Penser si fortement à la perte de Damian lui donnait envie de pleurer. Après tout, il n'avait pas si tord, le Dévoreur. Son absence laissait la porte ouverte à ce genre de drame. Elle s'en voulait. Cela faisait deux ans qu'elle s'en voulait. L'idée même qu'il ait oublié le visage, la voix de sa maman déchirait le cœur d'Anita.

Le Dévoreur entra dans les confidences. Qui étaient ses fanatiques et l'homme aux pouvoirs, qui était leur cible. Faire des enfants des kamikazes, des enfants soldats. Cela la répugnait au travail. Imaginer Damian dans cette situation la révulsait. Elle avait en horreur les hommes qui formaient les enfants à de telles horreurs, leur volant leur innocence. Pour la première fois depuis le début de leur entrevue, le Dévoreur put voir sur le visage d'Anita un signe que le calme ne l'habitait plus totalement. Elle serrait les dents, les faisant grincer. Ses joues bougeaient légèrement chaque fois qu'elle serrait un peu plus la mâchoire.

- Vous ne m'apprenez rien. Et même si votre motivation est de m'aider pour Damian, cela me suffit. Que vous m'aidiez pour lui, pour moi, ou simplement pour vous-même... tant que vous m'aidez, cela me suffit. Tant que Damian me revient et que je retrouve la personne qui me l'a pris, cela me convient. Je ne demande rien de plus Cela me suffit, répétait-elle.
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Message  Le Dévoreur de temps Lun 3 Juin - 22:05

Il faudrait bien que cela lui suffise, car il n'avait guère le temps de s'attarder pour écouter les justifications plus ou moins acceptables d'une mère qui avait fait passer son travail avant son enfant. Même si Damian était fier de sa maman, et le Dévoreur n'en doutait pas, un enfant de son âge n'avait d'autre choix que de subir précisément les choix de ses parents. Stanzas avait vu dans le dossier que le père de Damian était aussi militaire. Deux parents peu disponibles et séparés. Le Roumain était d'un autre temps sur le plan de l'éducation et de la conception de la famille. A ses yeux, un couple ne pouvait fuir le foyer totalement et simultanément en y laissant l'oisillon au bord du nid prêt à tomber dans les serres du premier rapace venu. Il se souvenait de ces pies qui nichaient dans un cyprès devant sa fenêtre de chambre de petit garçon. Le ballet du père et de la mère pour ravitailler celui qui couvait, et à tour de rôle. C'était cela la vision de la famille de Stanzas. Il comprenait malgré sa naissance à l'aube d'un siècle encore marqué par le patriarcat, qu'une femme pût ressentir le besoin de s'épanouir professionnellement mais estimait que cela ne devait pas se faire au détriment de l'enfant qu'elle avait mis au monde. Ils avaient longuement discuté, des nuits entières avec Gala de la place qu'ils accorderaient à leur enfant dans leurs existences respectives mais étaient rapidement partis en fou rire en constatant qu'ils n'avaient plus de vie respective mais une seule vie à laquelle la présence de l'autre était indispensable. Ainsi avant que n'éclate la tourmente de la guerre, qui les sépara pour une simple raison d'appartenance ethnique, ils avaient été des parents à l'image de ces oiseaux. Lorsque Gala sillonnait le pays pour exposer ses toiles ou faire des stages auprès des meilleurs maîtres de l'époque, lui jouait les papas attentifs au foyer et paternait Loudna. Lorsqu'il partait en colloque à l'autre bout de l'Europe pour présenter ses travaux ou assister à une conférence d'un de ses mentor, elle devenait maman à plein temps et ne touchait à ses pinceaux que pour s'amuser avec sa fille. Ainsi allaient les choses dans le foyer des Stanzas, très atypique pour l'époque. On pouvait voir le Roumain arpenter les squares avec la poussette, la poche de son inénarrable manteau noir déformée par un biberon. Lorsque la fillette avait un peu grandi, la vendeuse de rubans de la grande avenue s'étonnait régulièrement de voir ce bel homme tenant par la main sa petite poupée et riant en demandant à voir les rubans de soie et de velours " c'est pour cette petite femme-là ! Il en faudrait des bleus comme ses yeux et des verts..." "Ca c'est pour l'espoir !" Ajoutait aussitôt Loudna de sa petite voix sucrée. Il en fallait de l'espoir à une gamine de cinq ans, née dans un pays qui forçait sa maman à coudre un bout de tissu jaune sur le revers de son manteau. Même s'il lui avait dit "C'est parce que maman est belle comme une étoile. Nous on le sait, mais Dieu là haut veut que ce soit vu de tous", les yeux immenses de Loudna, leur gravité criant qu'elle savait, que les mensonges de papa ne parvenaient pas à cacher de leur poésie la terrible brutalité des Hommes, posaient leur regard innocent et plein d'interrogation sur le monde qui sombrait dans la folie.

Stanzas remua sa main dans sa poche machinalement comme si le souvenir allait devenir concret et matérialiser un ruban ou un biberon de lait tiède. Il regarda Anita et vit la détresse dans ses yeux, l'ombre du terrible regret bâti jour après jour avec des "si" et des "si". La douleur lancinante de n'avoir pas su protéger la part la plus innocente de ce qui fait la vie. La certitude qu'on n'avancerait jamais plus aussi droit et fier et ce sentiment d'être brisé par cette amputation d'une part de soi. Imaginer comment l'enfant serait à l'heure actuelle si on l'avait tout près de soi. Cette vague folie qui fait dire "c'est un mauvais rêve, je vais me réveiller" mais assure en même temps qu'il est temps de hurler pour ne pas devenir totalement fou. Tout cela il le lisait sans avoir à revenir dans l'esprit de la jeune femme... Il le lisait dans l'ombre de ses yeux. Et finalement il acheva de se convaincre de ce qu'il savait déjà confusément. Il ne serait jamais parti en la laissant là sans recours, devant ce fait atroce: son fils avait disparu. Même s'il n'excluait pas le fait qu' elle était manipulée ou même qu' elle faisait partie d'une machination de façon consentante. Il ne pouvait occulter qu'il y avait peut-être bien quelque part un petit Damian, qui avait été enlevé, séparé de sa maman. Et cela à cause de lui, le Dévoreur de Temps, Vladimir Stanzas. Simplement parce qu'il avait attiré l'attention de timbrés qui convoitaient son pouvoir de voyager à travers le temps. La mère n'avait cure de le savoir et, dans un sens, cela arrangeait grandement le Voyageur même si cela ne l'affranchissait pas d'une culpabilité lourde à porter.

Il avait cerné la femme qu'était Anita Detmers et n'arrivait pas à dédouaner son manque d'empathie par le seul fait d'être militaire ou d'avoir égaré son fils. Il devait bien y avoir des militaires capables de s'intéresser un peu au sort des autres hommes qu'ils côtoyaient et il y avait des gens ayant perdu des proches qui savait s'arrêter cinq minutes et regarder un visage pour demander "Mais au fait, et vous, qu'avez-vous vécu pour être ainsi prêt à m'aider? Qu'est ce qui nous rapproche à ce point selon vous ?" Anita n'était visiblement pas de ceux-là et il doutait même qu'elle fût capable de s'intéresser réellement au sort de ces enfants qu'elle disait sauver. Elle devait plutôt s'être fixé un objectif qu'elle seule connaissait et si cela passait par l'acte de sauver des enfants, hé bien elle en sauvait... Mais après tout, si elle le faisait bien, qu'avait-il à en penser ? Devait-il juger ? Elle voulait retrouver son fils et il voulait qu'elle le retrouve, non parce qu'il la trouvait sympathique, mais parce qu'il éprouvait, sans le connaître, de l'empathie pour Damian à qui sa maman devait sans doute manquer, même si elle était aussi froide et distante qu'il le supposait en contemplant d'un air pensif cette femme.

Il ne lui répondit donc pas que dans le combat commun on pouvait être plus fort en s'aimant qu'en se retranchant derrière une prudente indifférence. Il ne lui dit pas non plus qu'il trouvait, au contraire, qu'on gagnait toujours à savoir de qui on quémandait un service et qu'à raisonner ainsi, elle pouvait aussi bien faire tomber son fils de Charybde en Scylla. Et s'il était mu par de noires intentions, et si son pouvoir de retrouver Damian devait le lui faire perdre ensuite définitivement ? Y avait-elle songé ? La fille au pair ne pouvait voyager avec un autre être vivant à travers le temps. Cela limitait son champ de fuite avec Damian. Mais lui, le Dévoreur, pouvait, s'il le voulait envoyer l'enfant dans les époques les plus lointaines après l'avoir retrouvé. Si pragmatique et organisée que l'aie rendu l'armée, Anita Detmers perdait quelque logique en raisonnant ainsi, car elle aurait tout aussi bien pu lancer un psychopathe sur les traces de son fils et de la baby-sitter. Et même sans cela, si le Dévoreur avait des comptes à régler avec cette fille au pair, et ne se souciait pas que l'enfant fût au milieu de leur querelle ? Non vraiment mademoiselle Detmers avait beau être une belle femme à la tête bien pleine, il trouvait qu'elle manquait terriblement de sens de l'a propos, même s'il percevait nettement le manque et la souffrance qui étaient siens.

Il avait croisé nombre de personnes dans la peine et avait très vite compris que ces personnes pouvaient se répartir en deux groupes: ceux qui se fermaient, du fait de leur souffrance, à celle des autres, et ceux qui, au contraire, s'ouvraient au malheur des gens en l'expérimentant eux aussi. Anita Detmers n'ouvrirait jamais d'association d'aide aux parents ayant perdu un enfant par exemple, alors que lui le ferait volontiers, le faisait déjà en quelque sorte. Il choisit délibérément d'être cassant cette fois, pour ne pas se laisser submerger par la vague de désespoir qui montait graduellement en lui. "Et dire que c'est avec des raisonnement pareils qu'on en est arrivés là ! Chacun pour sa gueule et les moutons seront bien gardés" comme disait ce résistant anarchiste qu'il avait croisé sur le front russe.

- Inutile d'en rajouter mademoiselle. J'ai bien compris que vous êtes une mère aimante mais une personne égoïste. Je n'ai guère le temps de philosopher à ce sujet pour savoir si les deux sont compatibles. Parce que nous perdrions un temps précieux pour moi, mais aussi pour votre fils. Ce que vous me dites au sujet de votre fille au pair ne m'étonne pas. Ils sont très doués pour entrer dans les bonnes grâces des gens les plus méfiants et s'aliéner leur confiance aveugle.

Il posa ses mains sur le dossier de la chaise et en serra les barreaux à s'en faire blanchir les jointures.

- Je vais vous aider à voyager dans le temps pour retrouver votre fils. Peut-être que remonter à avant sa disparition vous aidera à comprendre ce qui s'est passé et donc à empêcher son enlèvement. Il faut faire vite, plus le temps passe, plus le champ des possibles s'élargit quant à l'avenir de Damian et plus il sera difficile de trouver le fil et de le remonter. Mais avant cela, vous avez quelques formalités à remplir avec un autre homme qui n'en est pas vraiment un.

Intérieurement, Stanzas souriait, mais d'un sourire presque méchant qu'il arborait rarement. Elle allait en voir d'autres avec Zorvan et si elle lui servait son discours sur "je m'en fous que vous ayez aussi des pertes à déplorer", lui ne se gênerait pas pour la traiter comme une simple particule voyageuse qui serait sortie du faisceau admissible de la courtoisie élémentaire. Chez Zorvan, même s'il y avait un soupçon de galanterie galactique, elle était vite réduite à sa forme congrue par une conscience de l'universalité des droits, notion typiquement aralienne dont les humains avaient d'ailleurs tiré leur belle version de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen... Beau texte selon Zorvan, mais très mal appliqué selon le professeur. Stanzas ne doutait pas qu'il eût été intéressant d'en débattre avec le barbichu autour d'un café mais il avait décliné l'offre bien trop douteuse à son goût. Et dire que la jeune femme qui se tenait devant lui avait servi un organe international dont les valeurs étaient précisément celles de cette même déclaration... En l'entendant se justifier d'être aussi chaleureuse qu'un half track nazi, il se demandait s'il devait en frissonner ou en sourire. Ce qui était certain c'est qu'elle ne se battrait jamais à ses côtés pour changer l'Histoire, celle-là.

- Alors, mademoiselle Detmers ? Etes-vous prête à me suivre ? Quel qu'en soit le risque ? Je n'ai aucune certitude que vous trouverez votre fils mais je peux vous fournir le seul moyen que vous n'avez pas encore utilisé pour le faire. Et je suis le seul à pouvoir vous l'offrir ... Cependant, avant, je dois vous demander ceci: voulez-vous revivre vos souvenirs, explorer vos rêves les plus enfouis ou aller visiter une dimension parallèle à la nôtre ?

Elle voulait du concis et du factuel, elle allait en avoir...



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Empreinte : L'histoire de Vladimir Stanzas ou comment on devient le Dévoreur de Temps
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Message  Invité Mer 5 Juin - 18:52

Anita nota le « ils sont très doués pour entrer dans les bonnes grâces des gens ». Sa fille au pair s'était jouée d'elle, la prenant par ses sentiments de mère. L’égoïsme qu'il souleva ne l'atteint même pas. Tout ce qu'elle avait retenu, c'était qu'on s'était joué d'elle. Cela ne lui plu pas du tout. Petit vice de l'esprit militaire : quand on accorde sa confiance et que celle-ci est bafouée, les conséquences sont terribles. Surtout si cela concerne la famille, quelque soit sa forme. La famille qu'est l'armée, ou celle d'ordre privé La fille au pair avait intérêt de continuer d'être invisible et bien cachée pour sa sécurité.

Le Dévoreur continua sur un sujet qui fit douter Anita. Voyager dans le temps ? Qu'est-ce qu'il racontait celui-là ? Sur quoi était-elle tombée ? Elle aurait dû se douter de l'entourloupe. Rien que son nom était étrange et suspect.

Debout l'un en face de l'autre, avec seulement une table pour les séparer, ils se fixaient. Lui, attendait une réponse. Elle, le jugeait et douta de sa sincérité. Il ne pouvait pas être fou. Comment avait-il su tout cela d'elle s'il avait été fou ? Anita se méfia et s'interrogea enfin sur sa personne. Venait-il de l'armée ? Possible. Après tout elle était militaire. Mais ses allégations concernant le voyage dans le temps et le fait de revivre un souvenir, un rêve ou aller dans un monde parallèle n'étaient pas digne d'un militaire. C'était trop fantaisiste. Le FBI ? Les enlèvements peuvent être du ressort des fédéraux. Mais toujours trop fantaisiste. Men in Black sous le couvert de la NASA et de la CIA ? Mais bien sûr... et là tout devenait possible ! Anita s'amusa intérieurement en songeant qu'elle allait peut-être être traînée de force dans la zone 51 pour être interrogée sur la réelle nature de son ex-mari, un extraterrestre venu espionner les terriens, et qu'elle assisterait ensuite à la dissection de Damian. La dernière image de son imagination cessa de la faire rire. Comme si elle n'avait que cela à faire. Les théories du complot n'avait pas à venir souiller son esprit en cet instant.
Qui était réellement cet homme ?

Anita contourna la table, prit le gros sac militaire qui la suivait partout, au cas où... et s'approcha du Dévoreur.

- Je ne vous ai pas fait venir pour que vous vous moquiez de moi en parlant voyage dans le temps. Vous avez une Delorean garée au coin de la rue ? Je suis Marty McFly et vous le Docteur Emmett Brown ? Ho ! Vous allez peut-être me proposer de regarder une photo de Damian me permettant de retourner dans mon moi du passé pour changer un événement précis et ainsi éviter la fille au pair ? Désolée mais nous ne sommes pas dans l'Effet Papillon. Ho ! À moins que vous avez une potion magique qui me ferait traverser les couloirs du temps comme pour les chevaliers de ce film français dont le nom m'échappe ? Trêve de plaisanterie. Comme vous l'avez dit, nous avons guère le temps. Je trouve votre humour très limite, surtout vu la situation. Voyager dans le temps... vous vous êtes bien moqué de moi, dit-elle en s'apprêtant à planter son index dans le torse du Dévoreur.

Celui-ci se recula immédiatement. Il avait vu la chose venir. C'est qu'il ne faut pas toucher le Dévoreur. Sait-on où cela peut mener.

- Puisque cela semble vous amuser, j'irai bien dans un univers parallèle pour voir si l'herbe est plus verte ailleurs et réaliser mes rêves les plus fous. Et après, pourquoi ne revivre mon mariage raté ! J'avais une belle robe après tout, autant la porter une seconde fois pour m'amuser ! Mais c'est que je n'amuse pas et je n'en ai pas l'intention.

Finalement, ce fut lui qui toucha Anita, en la saisissant par le bout de la manche de son manteau, l’entraînant dehors. Et une fois dehors... il n'y avait plus de Dévoreur, ni d'Anita sur le trottoir.

En effet : concis et factuel !

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