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"C'est l'histoire d'un prêtre et d'une prostituée..."

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Message  Invité Dim 15 Déc - 17:08

Pénétrer dans une scène de crime avait toujours eu quelque chose de déroutant pour James. Il ne pouvait s'empêcher de ressentir une sensation de malaise, une vague nausée. L'appréhension était grande, impossible de savoir exactement sur quoi l'on allait tomber, ni comment l'on allait réagir face au spectacle. La seule certitude était que l'on allait pénétrer dans un lieu de mort.
Cette scène-ci était pire que tout ce qu'il avait pu voir jusqu'ici.

Ils avaient reçus un appel radio pour un double homicide dans la banlieue sud de la ville peu auparavant. Alice était ailleurs ce matin là, ne répondant que par de brèves phrases à ses observations. Il lui avait raconté cette étrange rencontre faite à l'étage de la brigade des mineurs une semaine auparavant et elle avait été autant étonnée que lui. Cependant elle semblait avoir elle-même ses démons et il s'était gardé de reparler de cette rencontre depuis lors. Après tout sa coéquipière ne jugeant pas bon de le mettre au courant de ses préoccupations, il n'allait pas lui faire part des siennes.  Pourtant il sautait aux yeux que quelque chose la tourmentait. Etait-ce à cause de leur liaison? Avait-elle demandé sa mutation sans lui dire? Il avait d'abord pensé cela avant de se dire qu'il était décidément trop égocentrique, elle devait avoir un problème familial à régler, c'était le plus probable.

L'hotel qui avait servi de décors à ce meurtre était des plus sordide. Le genre d'endroit où l'on loue les chambres à l'heure. D'ailleurs il n'y avait pas loin à aller pour trouver des prostituées prêtes à vous tenir compagnie. Les policiers avaient déjà quadrillé la zone, les experts étaient déjà sur place, le coroner sur le chemin. C'est Alice qui le précéda dans le couloir menant à la chambre qui les intéressait, l'endroit pullulait de flics. L'effervescence régnant sur les lieux d'un crime était assez saisissante, comme un bal savamment répété, Un simple coup d'oeil pouvait vous donner l'impression d'assister à des déambulations anarchiques, mais un examen plus approfondie vous révélait que chacun vaquait à une tâche précise qui prenait son sens qu'en considérant l'ensemble.

Il eut un mouvement imperceptible de recul en pénétrant dans la pièce. L'air était suffocant, l'ambiance lourde. La première chose qui le frappa était le sang. Trop de sang, quelqu'un s'était vidé sur ce lino.  Le couple était figé comme pris sur le vif. L'homme était allongé sur la femme, elle-même couché sur le dos. De l'entrée on ne distinguait par leur visage. Leur sang avait imbibé le lit et dégoutait sur le sol créant une flaque épaisse.Au dessus du lit un crucifix ainsi qu'une inscription, une quarantaine de cierges consumés étaient répartis partout dans la pièce. Dayle, avec son air de geek jamais tout à fait sorti de l'adolescence se retourna vers eux, entre deux clichés:
«  Bienvenue dans l'exorciste! » ce con était surexcité, avec son appareil photo on aurait dit un voyeur.

Ils pénétrèrent plus avant dans la pièce tandis que l'agent Crawford leur transmettait ce qu'il savait. Flic en uniforme dans la quarantaine, cet afro-américain était respecté par les enquêteurs pour son professionnalisme.

« Le crime s'est déroulé dans la nuit, la chambre avait été réservée au nom de Smith, quelle originalité! La femme s'appelait Marissa Clark, elle tapinait à deux blocs d'ici, on a retrouvé son sac et une partie de ses vêtements dans la poubelle de la salle de bain, elle semble être morte de plusieurs coups de ciseaux. Paire de ciseaux qui est toujours plantée dans son bas-ventre. Nous avons donc l'arme du crime»

Alors qu'ils arrivaient au niveau du couple,  sans déranger les experts en train de procéder aux premiers prélèvements. James s'aperçut que celui-ci portait une défroque de prêtre, alors que la femme était entièrement nue. Ils étaient tout les deux affublés d'un masque dissimulant une partie de leur visage. Ils semblaient être fait de cuir. Notre enquêteur déployait beaucoup d'efforts pour cacher sa révulsion par rapport à la scène et donner l'impression d'être aussi à l'aise que s'ils papotaient dans un bar. Il désigna l'homme du doigt: «  Et lui? Que sait-on à son sujet? 
- Pour le moment pas grande chose, il n'avait aucun papier sur lui, il semble être mort par strangulation. L'enfoiré qui a fait ça, l'a étranglé avec un chapelet et il n'y est pas allé de main morte, ils vont avoir du mal à l'extraire de ses chairs. Les marques sur ses poignets indiquent qu'on lui a lié les mains, mais on a retrouvé ni cordes ni menottes.
- Le tueur les aura emporté. Ca ne devait pas faire parti de son tableau. »


Ce mot lui était venu naturellement à l'esprit et alors qu'il regardait la pièce dans son ensemble, il comprit sa pertinence. Tout ceci avait été orchestré dans le moindre détail, la scénographie du tueur avait été soigneusement préparée.

«  Le couple fornicateur, les masques, la bure de prêtre, les bougies, il n'a laissé aucun détail au hasard.
- Tu crois pas si bien dire, le type s'est amusé à coupé tout les fils électriques de la chambre, plus une seule lampe ne marche dans cette pièce. Le couvre lit semble avoir été remplacé par une espèce de nappe blanche...
- ... Même le crucifix n'a pas été planté au hasard »
En s'approchant de plus près James constata que le clou fixant le Messi au mur, lui transperçait le crane. L'inscription «  Go out of my mind!» en rouge vif, semblait souligner cette observation.

Un frisson lui parcourut l'échine pendant qu'une sombre idée lui traversait l'esprit. Il avait vu trop de films, avait analysé trop de cas pendant ses études à l'école de police pour ne pas se dire qu'il avait, pour la première fois de sa carrière, l'oeuvre d'un psychopathe sous les yeux. Ce genre d'enquête était particulièrement rare, un flic ordinaire pouvait faire toute sa carrière sans voir une telle chose, contrairement à ce que l'on pouvait voir à la télé. Le fait de se retrouver sur les lieux d'un tel crime avait quelque chose d'irréel et James n'était pas sûr encore de mesurer l'ampleur de la chose.  Alors qu'il se faisait cette observation en silence, debout près du crucifix, son regard parcourut la pièce et s'arrêta dans celui de sa coéquipière, comme s'il voulait voir si elle percevait la même chose que lui.
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Message  Invité Ven 20 Déc - 20:50

Je n’étais pas fâchée pour une fois que James ait pris le volant alors que je préférais toujours, comme dans tout ce que je faisais, mener la barque moi-même. Mais aujourd’hui était encore pire que tous les jours depuis ma convocation, ma première éviction de la police, ma réintégration suspecte… Hier, Hawkins avait fait des insinuations en ma présence comme quoi une taupe dormait paisiblement aux frais de la princesse dans notre commissariat et il est évident que j’avais pris ces insinuations pour moi. Inspecteur à la Crim’ depuis presque vingt ans, il était réputé pour tout entendre, tout écouter et ne jamais la fermer. Ils avaient été clairs avec moi, si je ne voulais pas d’ennuis, je devais montrer patte blanche et avoir un comportement irréprochable. Ils ? Le parti de l’opposition bien sûr qui comptait sur ma participation pour jeter l’opprobre sur notre Maire actuel face à cette sordide affaire de meurtres par omission de ma part et procuration de la part du dealer. Bien sûr mon nom serait tu mais je n’avais aucune certitude, je devais « faire confiance », c’était déjà un beau slogan politique… Après avoir pris une profonde inspiration pour me calmer, j’avais jeté un regard neutre à Hawkins et aux autres et tourné les talons.

C’était pour moi d’autant plus difficile donc de me retrouver avec James duquel je pensais m’éloigner et que j’avais l’impression de salir par mes erreurs passées et à venir. Quand allais-je pouvoir lui en faire part ? Nous avions établi une sorte de statu quo mais à l’éclairage de ces nouveaux éléments je ne savais que trop qu’il voudrait s’impliquer. J’observai donc un silence religieux, distillant des petits commentaires pour ne pas trop éveiller ses soupçons ou lui faire croire qu’il était responsable de mon humeur maussade.  Bien sûr notre « situation » n’arrangeait rien mais pour aujourd’hui, elle était en filigrane. Son explication sur cette étrange fille au pair attira néanmoins mon attention et mon instinct se réveilla. Je n’aimais pas du tout ce qu’il me racontait. Des menaces à peine voilées et des propos totalement obscurs. Je me tournai vers lui et me permis de lui dire :

- Tu dois rester sur tes gardes, James, cette femme, je la sens pas.


J’étais culotées de lui donner ce conseil moi qui devrais pointer à l’agence pour l’emploi et me reconvertir ou qui aurais dû mieux assurer mes arrières mais…sa sureté m’importait toujours autant quoi que je voulus bien me dire.
Je remuais ces sombres pensées lorsque, toutes sirènes hurlantes pour se frayer un passage dans le cafouillage routier du matin, James se saisit de l’appel pour double homicide sur deux personnes de race blanche. Je devais bien reconnaître que cette diversion, toute macabre qu’elle soit, me fut salutaire.

Je ne mis pas longtemps à regretter cette puante réaction lorsque nous soulevâmes le ruban tendu par la scientifique pour pénétrer dans une chambre qui aurait pu servir d’église satanique. Les odeurs affluaient, un mélange de cire, de sang, de chair et me sautèrent à la gorge. J’avais pourtant participé à des dizaines d’enquêtes pour meurtre, viol mais celle-ci, d’emblée me mit mal à l’aise. Tout en écoutant James s’entretenir avec les différentes équipes, en les suivant tel un pantin, je passai en phase d’observation intensive. Après avoir embrassé la pièce des yeux, je m’approchai de ce « couple » uni jusque dans la mort…j’étais d’un cynisme ! puis me reculai à nouveau. Il y avait tant et tant de suppositions à faire.

J’écoutai Crawford nous faire son rapport précis et fis une grimace lorsqu’il évoqua la cruauté avec laquelle on avait souillée cette pauvre femme. J’en tirai quelques conclusions. Mutiler le sexe d’une femme était souvent un signe de dégoût de la part du tueur mais je ne voulais pas me lancer dans un premier profil trop vite. Le résumé que fit James de cette peinture sociale à gerber était pertinent. « Merde » me dis-je. J’avais envie de vomir le pauvre café que j’avais ingurgité à la va-vite au moment où j’avais besoin d’être opérationnelle à fond.

- Alice, James…


Nous nous retournâmes en reconnaissant la voix de Patterson, le légiste en charge de l’affaire. Un homme débonnaire mais compétent. Je me donnai une contenance, le cerveau à la fois passé à la moulinette et qui tournait à plein régime.

- Vous recevrez mes premières conclusions…oui je sais, le plus tôt possible c’est déjà trop tard. Pour ce qui est des masques que les victimes portent, ils seront envoyés et examinés par un spécialiste animalier. Il vous fera parvenir lui-même son compte-rendu.

Il en avait vu et des moins jolies mais il se gardait bien d'afficher un air blasé, ce que j'amais avec Patterson, c'était l'humanisme avec lequel il traitait chaque cas depuis 20 ans et quand il secoua la tête, je le reconnus immédiatement.

- Une sale affaire tout ça. Ce type est un fanatique.

Comme pour moi-même, je me fis redondante :

- Ah ça pour être fanatique, il l’est ! Maintenant reste à savoir de quel bord.


J’avais bien ma petite idée mais je voulais en parler tranquillement avec James, comparer nos points de vue même si au téléphone, ça aurait été plus facilement supportable… Je pris sur moi, j’avais accepté un pacte avec le diable, je jouais une variation de Faust très originale mais ça restait mon choix et travailler me ferait du bien, tout autant que quitter les lieux. Je m’adressai à James qui me fixait, l'oeil interrogateur. Oui nous avions affaire à un malade de premier choix et je me sentais absolument incompétente pour l'heure. Mais il fallait nous accrocher à ce que nous faisions d'habitude même si nous avions dépassé de très loin les cas les plus mémorables auxquels nous avions été confrontés jusqu'ici.

- Tu veux encore rester ici ou on va interroger un peu le « voisinage » ?
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Message  Le Dévoreur de temps Jeu 21 Aoû - 18:39

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