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Li Mei Zhang

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Li Mei Zhang Empty Li Mei Zhang

Message  Invité Dim 30 Sep - 13:56

    Prénom : Li Mei, qui signifie littéralement belle fleur de prune.

    Nom : Zhang

    Surnom : Seul son frère la surnomme affectueusement Lili, quelquefois.

    Âge : 19 ans

    Epoque et lieu de naissance : Gałęzie, 1489, dans l’empire de Chine, plus précisément dans un village situé à l’Ouest de Pékin.

    Physique
    « Elle a les cheveux du diable et le sourire d’un ange. Cette petite est envoûtante. »

    C'est ainsi que Li Mei, alors âgée d'à peine un an, conquit le cœur de celui qui allait bientôt devenir son père. Les cheveux défaits, d'un noir plus sombre que les nuits sans Lune sous le ciel de Chine, la petite dormait paisiblement. Hongzhi la regarda longtemps, silencieux, entouré de son épouse et de quelques serviteurs. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, ses petits yeux en amande, l'évidence s'imposa à lui : cette inconnue deviendrait sa fille. Dans son regard, il trouva un océan de douceur et d'innocence. Dans le sourire qu'elle lui adressa quelques instants plus tard, il se perdit à tout jamais. Il l'appellerait Li Mei, il en ferait son enfant.

    Il en fallait, du charme et de la beauté pour séduire Hongzhi, neuvième empereur de la dynastie Ming. Il s'avéra que l'Empereur ne s'était pas trompé. Enfant, Li Mei était d'une beauté rayonnante. Les années passant, elle devint une jeune fille époustouflante. Son père ne tarda pas à faire d'elle l'égérie de l'Empire. Son maintien, son port altier, étaient celui d'une véritable Impératrice. Toute son attitude dégageait une certaine distance, que l'on aurait pu confondre avec de la prétention s'il n'y avait pas eu ce sourire. Généreux, immense, Li Mei gratifiait de son sourire aussi bien les simples paysans que les plus proches amis de l'Empereur. Quel homme n'aurait pas sacrifié père et mère pour un seul sourire de Li Mei ?

    Des hommes, des prétendants, il y en eut de tous les horizons. Certains venaient de très loin pour réclamer une entrevue avec l'Empereur, dans l'espoir de repartir accompagné de Li Mei. Sa silhouette fragile incitait à la tendresse, sa taille fine et sa peau pâle aux caresses. Ses lèvres, que certains croyaient taillées dans des plumes de soie, achevaient de parfaire son visage aux traits délicats. Elle était l’incarnation de l’élégance. Ses yeux, surmontés de longs cils courbés, donnaient l’impression de deux lacs très sombres, souvent gris, parfois noirs. Son visage, bien que particulièrement précieux, semblable à celui d’une poupée de porcelaine, était loin d’être anguleux. Li Mei réussissait l’exploit de paraître à la fois voluptueuse et vulnérable. À quinze ans, Li Mei et ses interminables cheveux noirs, qui lui chatouillaient le bas du dos, faisait rêver les hommes de tout âge.

    C’est à cet âge précisément que la jeune fille, lassée des compliments qu’on ne lui épargnait jamais, décida d’adopter une nouvelle coupe : quelques centimètres inégaux sur le dessus de son crâne la transformèrent en véritable garçon manqué. Cette nouvelle apparence, qui lui conférait le pouvoir des rebelles, convenait beaucoup mieux à Li Mei. Son père, quant à lui, entra dans une rage folle. L’égérie de l’Empire allait devoir rester cloîtrée au palais. Privée de nourriture, la jeune fille s’amaigrit terriblement. Les mois passèrent et ses yeux s’enfoncèrent, perdirent de leur éclat, ses lèvres devinrent sèches, semblables à celles des vieilles dames chinoises à la beauté flétrie. La beauté de Li Mei avait disparu. Li Mei devenait quelconque, une adolescente aux cheveux courts et aux ongles rongés. La tristesse grignotait son cœur autant que sa peau.

    Aujourd’hui, à dix-neuf ans, Li Mei n’est plus une adolescente. Elle est devenue une vraie femme, avec une poitrine discrète quoique joliment dessinée. Ses cheveux ont repoussé, moins soyeux qu’auparavant, ses yeux se sont affinés mais ne brillent plus du même éclat, son visage a perdu ses rondeurs d’enfance. La petite fille à la beauté du diable s’est éteinte.

    Caractère
    « Un volcan en sommeil sous des dehors d’ange blanc… »
    Li Mei, par nature, a un caractère très doux. Sensible aux émotions des autres, elle s’évertue à faire le bien autour d’elle, à offrir aux gens tout le bonheur possible, car Li Mei aime profondément l’humanité et chacune des personnes qui la compose, croyant fermement que l’Homme est capable du meilleur. Cette naïveté d’enfant s’est quelque peu envolée avec les années et l’enchaînement des déceptions. Toutefois, elle continue à croire en son prochain, et n’hésite pas à sourire franchement à tout inconnu qui s’offre à son regard.

    Ayant grandi dans un palais à l’écart de tout contact avec la civilisation, dans l’amour exclusif de son père et de son frère, Li Mei ne connaît rien du monde réel et de ses obligations. Elle garde de son éducation une tendance à s’évader dans ses rêves et ses espoirs, à fuir les contacts qui s’avèrent délicats ou déplaisants. Elle abhorre les conflits. Toutefois, si l’on touche à ses convictions ou à ses proches, si l’on détruit sa naïveté, Li Mei peut se montrer très impulsive. Hyperémotive, elle n’hésitera pas à se mettre en colère si elle se considère comme trahie, et peut alors se montrer très hargneuse.

    Un peu timide, voire farouche, Li Mei préfère analyser les situations avant de s’impliquer ou de juger. Ses contradictions surprennent parfois, car Li Mei n’a jamais d’avis défini. Elle se montre bienveillante envers les inconnus, mais jamais chaleureuse. Toutefois, si quiconque la contrarie, elle peut sortir les armes et devenir une véritable guerrière. Ne pas voir ses moindres désirs assouvis reste une difficulté pour elle qui a toujours vu satisfaire tous ses caprices par une multitude de serviteurs. Li Mei vit aux émotions. Elle se laisse submerger et la force de son amour est à la hauteur de la rage engendrée par ses déceptions.

    La dernière force de Li Mei est son intelligence, sa curiosité enfantine devant les choses du monde qu’elle n’a jamais apprises. Par beaucoup d’aspects, Li Mei reste une enfant, avide d’amour et de découvertes, émerveillée des couchers de soleil et de l’eau des rivières…


    Ordre choisi : Li Mei est une exploratrice avant tout, neutre et curieuse, même si, quelquefois, son cœur penche du côté des révoltés.

    Métier exercé dans l'époque d'origine : Li Mei n'a jamais travaillé.

    Métier ou fonction après son premier voyage : /


    Histoire

    - Les jeunes années -
    Elle s’appelait Jin…

    Jin est née au printemps 1489, dans les vastes étendues rurales de la Chine du XVe siècle. Lorsque sa mère, Nian, accoucha de la petite, tout le village accourut dans la masure de la famille Li. Chacun souhaita au nouveau-né réussite et courage, avant d’offrir quelques cadeaux aux heureux parents – majoritairement du blé ou du millet, mais aussi des vêtements, des décorations artisanales et même une nouvelle paire de chaussures rapportée de la ville. Il est vrai que le village natal de Jin, situé à l’Ouest de la capitale de l’Empire, n’était pas des plus riches, que son père n’était qu’un fermier cultivant du blé et que jamais elle ne recevrait une éducation qui lui permettrait de s’élever socialement. Cependant, l’ambiance, l’entente qui régnait entre les villageois était des plus chaleureuses. Tous s’occuperaient de Jin comme de leur propre fille. De plus, le niveau de vie avait considérablement augmenté depuis la dynastie des Ming et le début du règne de l’Empereur Hongzhi.

    En 1487, Hongzhi succéda à son père et devint le neuvième Empereur de la dynastie Ming. Si le paternel était d’une nature plutôt débonnaire, le fils semblait décidé à ne pas suivre ses traces. Très vite, il prit des mesures pour réduire la corruption encouragée précédemment par la concubine de son père. Il s’acharna à supprimer les abus de pouvoir. Dans la population, il se murmurait d’oreille à oreille que l’Empereur Hongzhi serait le visage d’une future période de paix et de prospérité. Et en effet, les taxes s’allégèrent et même les habitants du pauvre village de la famille Li perçurent la différence. Les récoltes de blé suffirent enfin à nourrir les familles. Ainsi la petite Jin naissait-elle dans une période que l’on pourrait qualifier de faste, et il ne faisait nul doute que son futur serait, si pas glorieux, tout du moins largement satisfaisant.

    Il est vrai que son père et sa mère l’aimaient d’un amour profond. La petite était de loin la plus jolie de ses quatre frères et sœurs, et par conséquent la plus choyée. Bien portante, Jin gazouillait sa joie à longueur de journée, enchantant parents et amis. Nul n’avait jamais connu bambin plus facile à vivre. Tout était pour le mieux.

    Ou plutôt, tout aurait été pour le mieux s’il n’y avait pas eu le fameux secret. Le terrible secret de Nian. Nian était une jeune femme d'à peine vingt-cinq ans, et malgré ses cinq accouchements, elle avait su conserver sa beauté. Elle était jeune, jolie et l'on recherchait souvent sa compagnie. Le soir, quelquefois, les villageois se réunissaient dans le jardin des Li, où Nian servait des boissons ramenées de la ville - du thé ou de l'alcool, selon ses finances. C'est elle, en effet, qui était chargée de vendre les récoltes en ville et de ramener les produits dont les villageois avaient besoin. Tous plaçaient en Nian une confiance absolue, déchargeant sur elle la responsabilité de dénicher les meilleures affaires et de faire vivre le village. Elle y parvenait avec une aisance que tous admiraient sans poser de questions. Pourtant, les années précédant la naissance de Li Mei furent dures. Le blé ne se vendait plus assez cher pour payer le tissu, la nourriture et toutes les petites choses nécessaires au fonctionnement du village. Nian haïssait l'idée de devoir annoncer à ses amis qu'il leur faudrait se serrer la ceinture pour les mois à venir. Alors, elle chercha une alternative.

    Ce jour-là, Nian n'avait réussi à vendre qu'une maigre partie des récoltes du village à ses habituels clients. Elle savait que ce ne serait pas suffisant, et que le blé excédent serait leur seule nourriture et leur seul divertissement durant les jours à venir. Elle s'apprêtait à rentrer au village, lorsqu'un homme l'accosta dans la rue. Elle l'avait remarqué plus tôt dans la journée. C'était un homme plein de charme, à peine plus âgé qu’elle. Il dit s’appeler Tao, et l’invita à boire un verre. Étrangement, elle se sentait bien avec cet inconnu. Elle lui confia les difficultés rencontrées pour obtenir de l’argent, et avoua qu’au village, il leur était de plus en plus dur de vivre décemment. Tao lui annonça qu’il connaissait un travail qu’elle pourrait faire, ici-même, en ville. Ce n’était pas drôle tous les jours, mais cela payait bien plus que le blé.

    C'est ainsi que Nian Li parvint à offrir aux villageois une vie confortable. Pour quelques pièces de cuivre, elle offrait aux hommes de la ville un peu de plaisir. Elle ignorait totalement l'existence d'un tel métier auparavant, et pourtant, Tao lui expliqua qu'elles étaient de nombreuses autres comme elle. Au début, elle se montra craintive. Mais petit à petit, elle apprit à apprécier ceux qu'elle se répugnait à appeler ses "clients". Elle connaissait leurs visages, savait leurs noms et celui de leurs épouses. Elle était discrète, aimable, et la plupart des hommes lui rendaient la pareille. Tao, au fil du temps, devint son ami ainsi que son amant le plus régulier. Bientôt, il lui donna suffisamment d’argent pour qu’elle n’ait plus besoin de voir d’autres hommes. Nul, au village, n'aurait pu croire que Nian n'était pas la mère exemplaire qu'elle semblait être.

    Un beau jour cependant, elle tomba enceinte. Elle accoucha de la petite Jin, si jolie, si frêle comparée à ses autres enfants. Cette différence lui sauta immédiatement aux yeux et terrifia la jeune femme. L’enfant ne pouvait pas être celui de son mari. Son mari était un homme bon, qu'elle aimait sincèrement, ce qui était déjà une aubaine pour l’époque. Il possédait de nombreuses qualités, entre autres celle de respecter son épouse. Cependant, la beauté ne faisait pas partie de celles-ci. Robuste, les traits particulièrement marqués, voire grossiers, l’homme n’avait pas pour ambition de plaire aux femmes. Chaque jour qui s’écoulait soulignait la beauté de Jin, que l’on n’aurait pu attribuer aux seuls charmes de sa mère.



    L’hiver prenait doucement fin, et bientôt Jin fêterait son premier anniversaire. C'est à cela que Nian songeait, assise sur le pas de la porte, tandis qu'elle berçait sa fille chérie, tentant de chasser les cauchemars qui peuplaient régulièrement les nuits de la petite. Sa voix résonnait dans l'obscurité, fredonnant les paroles d'une chanson inventée pour ses enfants. Elle se sentait fatiguée, et très faible. Sans doute couvait-elle une quelconque maladie, un rhume, peut-être. Demain, elle demanderait à une amie d'aller cueillir quelques plantes afin de se faire une infusion. Heureusement que son mari était parti en ville à sa place, car elle n’aurait pas eu la force de chevaucher aussi loin. La petite finit par s’endormir dans les bras de sa mère, et cette dernière s’apprêtait à rentrer lorsqu’un homme à cheval apparut à l’horizon. Nian supposa qu’il s’agissait de son mari qui revenait, et l’attendit devant la minuscule maison, un sourire aux lèvres.

    Son visage se figea lorsqu’elle reconnut l’homme qui s’était arrêté à sa hauteur. Il ne s’agissait pas de son mari. L’homme était essoufflé.

      « Tao ! Qu’est-ce que…
      - Il faut que tu t’en ailles, Nian. Ton mari. Il est venu en ville, il a interrogé les gens, dans les salons de thé. Ils lui ont parlé de toi, des hommes avec lesquels on t’apercevait parfois. »
    Nian en resta muette. C’était impossible. Comment… Et pourquoi Tao prenait-il la peine de venir l’avertir ? Dans quelques heures, son mari serait de retour. Il avait certainement compris ce que Nian craignait depuis bientôt un an. Jin n'était pas sa fille légitime. En une poignée de minutes, le village tout entier serait au courant, les hommes la pourchasseraient et tueraient l'enfant, elle-même serait exilée, voire peut-être mise à mort par le conseil du village. Tromper son mari était le pire des déshonneurs.

      « Tu dois fuir, maintenant.
      - Pourquoi tu es venu ? Pourquoi...
      - Ne discute pas ! Prends des affaires, la petite et monte. »
    Elle n'hésita pas une seconde. Ses autres enfants seraient épargnés, mais elle devait sauver sa vie et celle de sa fille. Elle prit des victuailles, enroula Jin dans une couverture et grimpa derrière Tao, laissant derrière elle son village, ses enfants, son mari, et tout ce qu’elle avait jamais chéri dans sa vie. Elle surprit, ce qui était rare pour une femme telle que Nian, une larme perler sur ses cils, qu'elle balaya rapidement d'un revers de main. L'heure n'était pas aux atermoiements.

    Ils chevauchèrent longtemps sans dire un mot, traversant champs et villages. L'air de cette fin d'hiver faisait frissonner Nian. La petite s'était endormie dans ses bras, et sa quiétude avait quelque chose d'apaisant. Peu à peu, le paysage se transforma, laissant place à des vastes plaines arides. Les villages s'espacèrent et quand l'aube arriva, cela faisait plus de deux heures qu'ils n'avaient plus rencontré âme qui vive.

      « Il me faut rentrer, à présent. Continue vers l'Est, tu arriveras à Pékin. Prends ce papier, j’y ai inscrit le nom et l’adresse d’un homme, il t’aidera. Va maintenant.
      - Tao, cet enfant...
      - Prends soin de toi, et prends soin d'elle, Nian. Adieu. »
    Avant de partir, Tao déposa un baiser sur le front de l'enfant qui dormait toujours profondément. Nian aurait voulu le supplier de rester avec elle, de l'accompagner. Elle aurait voulu lui dire comme elle se sentait faible et combien elle l'aimait. Mais sa fierté l'en empêcha. C'est avec panache qu'elle s'éloigna de son sauveur, et qu'elle priva Jin du seul père qui lui restait.

    Les premiers jours défilèrent sans anicroches. La route était longue mais Nian était habituée à la marche et aux conditions difficiles. Il lui suffisait d'un peu de pain pour recouvrer ses forces, et de quelques gouttes d'eau pour se désaltérer. Il faut dire que Jin ne lui compliquait pas la tâche. Elle se réveillait pour manger, s'endormait dans le foulard que sa mère avait noué en porte-bébé, et ne pleurait que rarement. Le quatrième jour, cependant, Nian tomba et s'ouvrit la jambe sur un rocher. Elle se fit un bandage, mais ses forces s'épuisèrent vite. Elle se sentait de plus en plus faible. Les kilomètres défilaient péniblement, Jin pesait chaque jour plus lourd dans les bras de sa mère. Pourtant, Pékin approchait, Nian le savait. Elle voyait la civilisation poindre, croisait des voyageurs qui ne s'arrêtaient jamais sur le passage de la misérable, une mendiante, pouilleuse, il y en avait tant dans les rues de Pékin.

    Elle y était presque. Elle était aux abords de la Capitale de l'Empire. Et pourtant, à quelques kilomètres du rendez-vous tant attendu, après sept jours de marche interminables, Nian s'écroula, à bout de forces. Elle rampa, se tira, tenta de se remettre debout. Rien n'y fit. Alors, elle déposa sa fille endormie sur le bord de la route, dans l'espoir d'avancer plus facilement jusqu'à ce qu'elle trouve une maison pour demander de l'aide. En vain. La jeune maman perdit connaissance quelques centaines de mètres plus loin, à l'ombre d'un buisson, tentant d'une voix rauque d'appeler au secours. Mais personne ne vint jamais. La fuite de la mère et la fille était terminée...



    ... et elle s'appela Li Mei.

    La petite Jin, qui n'avait nullement conscience des peines de sa mère, s'endormit paisiblement au bord de la route. Lorsqu'elle rouvrit les yeux, quelques heures plus tard, elle ne comprit pas ce que lui voulait cet homme, ni pourquoi il la dévisageait ainsi. Elle ne comprit pas que sa chance était immense, et que l'Empereur de Chine, par sa simple volonté, venait de lui offrir une nouvelle vie. Jin n'existait plus, et dans la mémoire de tous, n'aurait jamais existé. Ici commençait sa seconde vie, sous le joli prénom de Li Mei.

    Li Mei grandit dans l'entourage de l'Empereur. Cela signifiait, bien évidemment, une vie faste et somptueuse. Elle habitait l'une des nombreuses suites de la Cité Interdite, et avait à sa disposition une pléiade de domestiques. Elle eut un maître personnel qui l'initia aux lettres, lui enseigna le calcul, l'astronomie et même quelques rudiments de philosophie. Elle ne se lassait pas de discuter de l'ordre du monde avec lui. Au fil des ans, l'enfant, avide d'apprendre, devint donc de plus en plus cultivée. Elle découvrit les bases de diverses religions, bien que l'Empereur insista pour que ses enfants soient éduqués dans le confucianisme. Li Mei apprit donc à respecter chacun, et acquit les principes de charité, d'humanité et de bonté qui devaient mener chaque être humain sur la voie de la sagesse et de la richesse intérieure. Elle adhérait pleinement à cette morale, et l'appliquait tous les jours en se montrant respectueuse envers ses serviteurs. Son père ne voyait pas particulièrement ce comportement d'un bon œil, mais s'agissant de sa fille, il n'osait protester.

    L'Empereur était un homme que l'on aurait pu qualifier de sévère et de rigide. Il aimait l'ordre et exigeait que tout se déroule précisément comme il l'entendait dans son palais. Cependant, il permettait à sa fille toutes les largesses tant il la chérissait. Dans les cuisines, dans les couloirs du palais, dans la cour de la Cité Interdite, il se murmurait que l'Empereur était tombé amoureux de la petite. Aucun parent n'avait semblé si proche de son enfant auparavant. Mais si Hongzhi vénérait sa fille et sa beauté, il ne s'autorisa jamais à la toucher. Au contraire, il la protégeait comme son plus précieux joyau. Hongzhi aimait profondément sa fille, et Li Mei l'aimait en retour. Elle était comblée de cadeaux et d'attentions comme aucune petite fille n'aurait pu l'être. L'affection de son père lui suffisait, et cela était heureux, car l'épouse de l'Empereur, de son côté, ne considéra jamais Li Mei comme sa fille. Elle restait à l'écart de leurs jeux familiaux, n'avait jamais un geste tendre pour la petite, et très vite l'enfant détourna son attention de la femme qui partageait quelques fois les repas avec elle et son père, son très cher père.

    S'il y avait quelqu'un que Li Mei aimait plus encore que son père, c'était son frère. Celui-ci s'appelait Houzhao, et succéderait à l'Empereur après sa mort, aussi était-il l'une des personnes les plus protégées de Chine et quittait-il rarement sa suite. Sa seule distraction était sa petite sœur, qui débarquait aussi souvent que possible dans sa chambre, sautillant au pied de son lit pour qu'il lui raconte de terrifiantes histoires ou qu'il la chatouille jusqu'à ce qu'elle meure de rire. Houzhao était âgé de quatre ans lorsque son père recueillit Li Mei. Il n'y avait que trois ans de différence entre les deux enfants, et longtemps, ils furent complices de leurs jeux enfantins, inventant des mondes parallèles au bord de la Rivière aux Eaux d'Or, se chamaillant sous les yeux bienveillants de leurs nourrices.

    La seule amie de Li Mei était sa nourrice et servante, Song. Celle-ci l'emmenait dans les cuisines dès qu'elle le pouvait et lui apprenait à concocter des tas de pâtisseries délicieuses qui ravissaient les papilles de Li Mei et de son frère. Elle lui ramenait quelquefois des livres qui provenaient de la bibliothèque personnelle de l'Empereur, et donc potentiellement mille fois plus intéressants que les contes mis à sa disposition. En contrepartie, Li Mei tâchait d'enseigner à Song ce qu'elle-même apprenait durant la journée avec son maître.

    Son père, son frère et sa servante composaient ses plus proches et ses seuls amis. Car la petite avait très vite compris l'une des règles d'or de la vie de fille d'Empereur : il était formellement interdit de quitter la Cité Interdite seule. Pour s'y perdre dans les rues de Pékin, y rencontrer le peuple et peut-être la misère ? Hors de question. Ce fut là l'une des seules interdictions qu'elle ne parvint pas à contourner, même en suppliant son père. Jusqu'à l'âge de sept ans, Li Mei resta cloîtrée dans la Cité. Son père décida toutefois qu'il était temps de présenter sa beauté au peuple. Il organisa un périple à travers plusieurs villes et villages de l'Empire, qui dura trois mois. Trois mois pendant lesquels Li Mei conquit le cœur de la Chine et de ses habitants. L'Empereur ne se lassait pas de voir la foule admirer son enfant chérie, et il décida de l'exhiber plus souvent. Elle devint un objet de culte, on lui fit des offrandes à travers tout l'Empire. D'une manière ou d'une autre, Li Mei devint une déesse.

    Cette nouvelle vie lui convenait. Jamais elle ne jouerait avec les petites filles aux cheveux sales qu'elle voyait parfois dans les villages, mais cela lui convenait. Elle était admirée, et aimait ça. Les années passèrent, et Li Mei grandit avec tout l'amour de son père. Sa mère devint de plus en plus transparente, son absence aux dîners certains soirs se remarquait à peine, et l'épouse de l'Empereur aurait tout aussi bien pu être morte. Cela n'aurait dérangé personne.

    Houzhao, à treize ans, ne rêvait que d'une chose : découvrir les contrées lointaines décrites dans les livres de ces grands voyageurs. Il était avide de voir le monde. Un désir encore peu courant à l'époque, car les voyages étaient onéreux et les moyens de transport restreints. Les yeux de sa petite sœur, quand elle revenait de l'un de ses nombreux périples, brillaient de milles étoiles, et Houzhao la jalousait énormément. Pourquoi devait-il rester cloîtré au palais ? Pour sa sécurité personnelle ?! Il n'en avait cure, de sa sécurité personnelle, et renonçait à son statut de futur Empereur si cela l'empêchait de sortir de sa suite. Il ne tenait toutefois pas sa sœur pour responsable de cette situation. Il en voulait à son père, paranoïaque, psychorigide, et sans doute lui reprochait-il également de ne pas lui prêter la moindre attention. Son père n'était intéressé que par Li Mei, ce qui se comprenait, mais tout de même. Devenu presque transparent aux yeux de son géniteur, Houzhao nourrissait secrètement l'espoir de s'enfuir et de ne jamais revenir. La seule chose qui le retenait encore était sa petite sœur - et, dans une moindre mesure, le fait qu'il n'avait que treize ans.

    Zhao et Lili, ainsi qu'ils s'appelaient entre eux, passaient donc tout leur temps libre à explorer ces mondes inconnus. Zhao montrait à sa sœur des dessins ramenés par les explorateurs personnels de l'Empereur, et Lili peignait pour lui tous les nouveaux paysages découverts lors de ses périples. Ils étaient plus unis que jamais.

    La vie dans la Cité Interdite s'écoulait donc tranquillement. En l'an 1504, Houzhao fêta ses dix-huit ans. Son père décida qu'il était peut-être temps de le laisser visiter Pékin, vu qu'il deviendrait prochainement l'Empereur de Chine. Ainsi, quoique protégé par une escouade de gardes du corps, le jeune homme avide de voyages put enfin franchir les portes qui menaient à l'extérieur du Palais. Cela devait marquer un changement radical dans la vie de Li Mei et de sa famille. Les hommes chargés de la sécurité du futur Empereur eurent toutes les peines du monde, le soir venu, à expliquer à Hongzhi comment son très cher fils avait pu échapper à leur vigilance. Ils furent tous exécutés dans l'heure. L'Empereur était d'un naturel calme, mais tout de même.

    La disparition de Houzhao plongea l'Empereur dans un embarras profond. Il ne pouvait décemment pas laisser le pouvoir aux mains d'un inconnu. S'il annonçait à la population que son fils unique venait de disparaître, il serait la risée de tous et risquait de perdre son autorité. Mettre Li Mei au pouvoir était une option inenvisageable : une Impératrice ? Où irions-nous ? La seule solution possible était de faire passer son neveu pour son fils, et de tirer un trait sur Houzhao. De toute façon, celui-ci était probablement mort.

    Li Mei s'insurgea. Son père ne pouvait pas abandonner Zhao ainsi, il n'était pas mort. Sans doute s'était-il perdu, ou peut-être avait-il même été enlevé. Une violente dispute opposa la fille et le père à ce propos, et celle-ci décida que plus jamais elle ne serait sa petite poupée parfaite, qu'il avait le droit d'exhiber quand il le souhaitait. Afin de s'en assurer, elle attrapa une paire de ciseaux et se coupa les cheveux à ras, détruisant du même coup tout son pouvoir de séduction et tournant une page de sa vie.


    - La maturation -

    Li Mei n'avait alors que quinze ans. La tristesse la gagna, et elle refusa de sortir de sa suite, même pour les repas. De toute façon, son père, fou de rage, l'avait répudiée. Il n'avait cependant pas eu le courage de la chasser du Palais. En l'an 1505, un nouvel évènement bouleversa la vie de Li Mei. L'Empereur Hongzhi décéda de chagrin d'avoir perdu à la fois son fils et sa fille. Comme prévu, son neveu lui succéda. Malheureusement, celui-ci s'avéra fort dépourvu d'intelligence, et ne possédait nullement l'étoffe d'un dirigeant. Il fut éclipsé et ne resta Empereur que sur papier. L'épouse du défunt Empereur prit la tête de l'Empire et nul n'osa s'y opposer. D'un naturel effacé, personne n'aurait cru que la jeune épouse de Hongzhi cachait un tel potentiel. Elle dirigeait tout le monde d'une main de fer et, mieux encore, apporta à l'Empire des idées novatrices et étrangères dont tout le monde ignorait l'origine. Elle renvoya la plupart des domestiques, et ne garda que ses plus fidèles serviteurs dans la Cité. Song, on ne sait comment, réussit à conserver sa place - sans doute grâce à son incroyable discrétion.

    Li Mei et sa mère ne s'entendaient pas. Cette dernière ne lui avait jamais pardonné son intrusion dans la famille, ni l'amour que lui portait Hongzhi. Elle l'exila donc au Japon en 1506, chez un cousin éloigné qu'elle n'avait jamais apprécié, et qui ne l'avait jamais aimée non plus. Cependant, on ne refuse pas de faveur à la presque Impératrice de Chine, et c'est ainsi que Li Mei passa du statut de déesse de la Chine à celui d'enfant quelconque d'une famille nombreuse. Heureusement pour elle, cette famille n'était pas la plus pauvre du Japon.

    Li Mei se sentait bien dans sa nouvelle vie. Certes, il ne se passait pas un jour sans qu'elle ne songe à son frère disparu, mais la joie de s'être éloignée de sa mère atténuait sa tristesse. De plus, son désir de connaissances se trouvait largement assouvi. Elle passait son temps libre à dessiner les paysages du Japon, et apprit de nouvelles techniques qui perfectionnèrent son art. Elle découvrit une nouvelle culture, approfondit les religions vaguement évoquées avec son maître - même si elle resta fidèle au confucianisme - et s'initia même aux arts martiaux. En effet, l'un des fils de la famille avait reçu une éducation de samouraï. Supplié par sa nouvelle et charmante petite sœur, il ne put résister à l'envie de lui enseigner ses savoirs. Ainsi, à l'écart de la demeure de la famille, Li Mei apprenait des techniques de combat incroyables. Son nouveau frère, Chun, lui inculqua également des notions de courage et de sang-froid, et bientôt, elle devint aussi redoutable qu'un véritable guerrier. Il lui offrit même le privilège de s'entraîner avec son katana, ce qui aurait valu à Chun de sévères réprimandes si quiconque l'avait appris. Un samouraï est le seul à avoir le droit de se battre avec un katana.

    Outre ces entraînements, Li Mei et son samouraï de frère profitaient de leur temps libre pour discuter. Chun fut abasourdi d'apprendre qu'on ne lui avait jamais raconté la légende des Magiciens du Temps. Li Mei s'excusa en expliquant qu'elle n'était pas souvent sortie de la Cité. Son frère rit, et lui dit qu'il n'y avait bien que les fils et filles d'Empereur pour ne jamais avoir entendu parler de quelque chose d'aussi énorme. C'est ainsi qu'il lui raconta la légende...

    Des personnes disparaissaient dans tout le pays, et même dans tous les autres pays, sans explication et sans raison. Parfois même, ils revenaient, et déclaraient qu'ils avaient visité d'autres époques et d'autres lieux. Au début, on les exécuta pour démence sans discuter. Mais peu à peu, on leur conféra à certain statut, et il apparut qu'il serait déraisonnable de nuire à ces Magiciens du Temps, si incroyablement puissants. Chun connaissait personnellement l'un d'eux, et s'en vantait à qui voulait l'entendre. Dommage que celui-ci ne soit jamais revenu. Récemment, il se racontait même que celui qui se trouvait à la tête de l'Empire de Chine actuellement serait un Magicien du Temps. Autrement, comment l'Empire pourrait-il se développer à cette vitesse depuis la mort de l'Empereur Hongzhi ?

    Li Mei en resta muette. Aussitôt, elle en tira les conclusions qui s'imposaient. Elle demanda au père de famille s'il était possible qu'elle rentre en Chine. Son pays lui manquait. Celui-ci, ravi de se débarrasser d'une bouche à nourrir, s'empressa d'envoyer une lettre à sa cousine par le premier bateau en partance vers la Chine. La réponse arriva quelques semaines plus tard. L'Impératrice acceptait d'accueillir l'enfant, si toutefois elle s'engageait à trouver un travail et à subvenir seule à ses besoins. Ainsi soit-il, et deux ans après être arrivée au Japon, Li Mei fit le trajet en sens inverse, en ayant pris soin, au passage, de subtiliser le katana de Chun.


    - Rupture -


    Le jour déclinait lorsque Li Mei accosta. Elle crut tout d'abord que personne ne l'attendait, jusqu'à ce qu'elle repère Song dans un coin sombre. Au milieu de la place, un homme à l'allure sévère fixait le bateau. Li Mei l'évita consciencieusement et rejoignit son ancienne nourrice. Elle mourait d'envie de se jeter dans ses bras, ravie de retrouver un visage connu. Cependant, Chun lui avait appris la réserve et la maîtrise de soi, lors de son bref exil au Japon.

      « Je suppose que ce n'est pas ma mère qui t'envoie, déclara-t-elle en guise de bonjour, d'une voix maîtrisée.
      - Non. C'est lui, qui devait vous cueillir.
    Song désigna du menton l'homme qui n'avait pas bougé d'un millimètre.

      « J'ai supposé que vous préféreriez ma compagnie...
      - Merci, Song. Maintenant, il faut que tu m'expliques tout ce que tu sais. »
    Le visage de Song prit une expression plus grave. Elle se doutait, avoua-t-elle, de la raison du retour de Li Mei. Aussi avait-elle emporté la lettre que le jeune Houzhao lui avait remise la veille de ses dix-huit ans. La jeune fille faillit s'étrangler.

      « Zhao a laissé une lettre pour moi ?!
      - Il m'a fait jurer de ne vous la donner que lorsqu'il serait temps. Lisez, mademoiselle. »
    Li Mei avait des difficultés à digérer la nouvelle, mais prit de mauvaise grâce la lettre que lui tendait Song.

      « Ma chère Lili,

      Je sais que mes excuses ne te suffiront pas. Je ne dresserai donc pas la liste exhaustive de mes circonstances atténuantes, et je n'ai nullement la prétention d'atténuer la colère que tu diriges vraisemblablement contre moi. Je tiens simplement à éclaircir certains évènements qui doivent te sembler étranges. L'année précédant mes dix-huit ans, j'ai découvert un carnet appartenant à notre mère - tu n'es pas sans savoir combien j'aimais mes petites escapades nocturnes qui me conduisaient à trouver moults lieux interdits. C'est ainsi que je suis tombé sur ce carnet. Mère y décrivait en détail des tas d'endroits inconnus, des mœurs étranges, des objets insolites. Cela va sans dire que j'en fis mon plus précieux joyau. Chaque nuit, je retournais donc lire en cachette ce fameux carnet. À l'aube, je le remettais à sa place, prenant soin que mère ne l'apprenne pas. Seulement, j'ai bien vite compris l'étrangeté de la situation. Mère, que l'on ne voyait jamais quitter la Cité, connaissait des lieux exotiques ? En approfondissant mes recherches, j'ai découvert la vérité : elle était capable de voyager d'un lieu à un autre, d'une époque à une autre. Dans différents « espace-temps », comme elle les nommait elle-même. S’il est vrai que je ne t’ai pas fait part de mes découvertes, n’en sois pas offusquée : je craignais que tu ne révèles tout à Père. Tu étais si proche de lui. Il me faut être sincère, et avouer que je te jalousais un peu. Je te demande pardon. Les notes de mère furent une véritable aubaine. Je sais exactement ce que je dois faire pour réaliser mes rêves de voyages, à présent. Si je ne t’ai rien dit, ma chère sœur, c’est que j’ignore à quel point tout cela peut être dangereux. Je mourrais s’il t’arrivait quoique ce soit. Dans quelques heures, je sortirai pour la première fois de la Cité. Je n’y reviendrai probablement pas. Sache que je suis désolé.

      Ton frère, qui tiendra toujours à toi. »

    Ainsi, sa mère était un de ces Magiciens du Temps. Elle savait que Houzhao n’était pas mort. Elle savait, et elle a gardé le silence. Son frère avait tort, Li Mei n’était pas en colère contre lui. Elle bouillonnait surtout de rage contre cette femme qui avait laissé mourir son époux de chagrin, et qui avait envoyé sa propre fille en exil pour que celle-ci ne découvre pas la vérité. À présent, l’heure était à la vengeance.

    Li Mei sentait le contact rassurant du katana sous sa robe. Song resta silencieuse durant tout le trajet, percevant la colère de celle qui n'était plus tout à fait une enfant. Celle-ci traversa les dédales de la Cité Interdite aux côtés d’un des gardes, qui l’amena dans les appartements de la femme de l’ancien Empereur avant de se retirer. Li Mei s’inclina devant sa mère, sans un sourire.

      « Que nous vaut ce retour anticipé ? Le Japon ne te convenait-il pas, ma chère ?
      - Si, mère. Le Japon fut une merveilleuse expérience. J’y ai appris tellement avec mon oncle.
      - Dans ce cas, que puis-je pour toi ?
      - J’aurais quelques questions à vous poser, mère. »
    Li Mei dégaina son katana, impatiente d’en finir avec toute cette histoire. Elle fit reculer celle qui lui servait de mère contre le mur, savourant pleinement le pouvoir que lui conférait cette position, et la peur qui se lisait sur le visage de la femme la plus puissante de l’Empire.

      « Que… À quoi joues-tu ?!
      - Si vous criez, je vous tranche la gorge dans la seconde. C’est compris ?
      - Oui… Mais…
      - Vous saviez, pour Houzhao. Vous saviez qu’il n’était pas mort.
      - Non, non Li Mei, je te l’assure… Par l’esprit de mes ancêtres… »
    La pression de la lame sur sa gorge s’accentua encore, et les révélations ne se firent plus attendre très longtemps.

    Ainsi, Li Mei découvrit que sa mère avait toujours su qu’Houzhao n’était pas mort. Elle aurait même pu le contacter, si elle l’avait réellement voulu. Seulement, la mort du fils unique de l’Empereur était une aubaine pour elle, qui avait toujours secrètement envié le pouvoir de son mari. Au fil de ses explications, elle se faisait de plus en plus venimeuse, ravie d’expliquer à Li Mei comment elle avait convaincu Hongzhi d’admettre que son fils était mort, et comment elle l’avait empoisonné en ajoutant un poison à chacun de ses breuvages. Elle se délecta de l’horreur qui se peignit sur le visage de l’enfant lorsqu’elle lui révéla qu’Houzhao était revenu deux ans auparavant, mais qu’elle l’avait chassé. Elle n’avait malheureusement pas réussi à le faire assassiner avant qu’il ne disparaisse à nouveau. Elle termina son monologue en ajoutant que, de toute façon, Li Mei n’était ni sa fille, ni celle de l’Empereur. Elle n’était qu’une enfant des villages, abandonnée par ses vrais parents qui ne l’aimaient sans doute pas assez.

    Li Mei resta muette de stupeur pendant quelques secondes. Mais le sourire suffisant qui s’étalait sur le visage de sa belle-mère réveilla sa colère et sa haine. Le katana fendit les airs et, une seconde plus tard, la tête de l’usurpatrice roula par terre, les yeux grands ouverts et figés pour l’éternité. Li Mei s’agenouilla par terre, tachant de sang ses habits.

      « Tu n’as rien compris… Je voulais simplement retrouver mon frère, et tu me l’as enlevé. Peu importe, je parcourrai tous les âges et toutes les terres tant qu’il sera loin de moi. Tu m’entends, Zhao ? Où que tu te trouves, je te rejoindrai. J’en fais le serment. »



    Possessions : Sa toilette (une robe typique), la lettre de son frère Houzhao ainsi que le katana de Chun.

    Permissions : Libre

    J'autorise les autres joueurs à influer sur le jeu de mon personnage via la zone RP Blue Hospel, c'est à dire à m'atteindre par le monde des rêves.

    Disponibilités in RP : Deux à trois fois par mois, peut-être plus (selon le travail scolaire).

    Espace personnel : Insérez ici le lien à votre espace personnel ( il n'est visible que des membres connectés)

    Décharge responsabilité : "Moi, joueur du compte personnage Li Mei Zhang, déclare avoir pris connaissance que ce forum comporte une sous-section interdite et cachée aux - 18 ans. J'ai été averti(e) que son contenu pouvait heurter la sensibilité du jeune public et je n'en demanderai pas l'accès en mentant sur mon âge. Toute infraction avérée sera sanctionnée par la suppression de mon compte. Je prends connaissance de ces conditions en m'inscrivant et les accepte. L'administration du forum ne saurait en être tenue pour responsable."

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Message  Le Dévoreur de temps Dim 30 Sep - 23:50

Dimanche 30 Septembre 2012 - Port de Hong Kong

    Il poussa la porte grinçante du tripot qui, comme toujours, grouillait de monde à cette heure-ci. Col relevé et mains enfoncées dans les poches de son manteau fatigué, il se dirigea droit vers le bar et commanda un bourbon Kilimandjaro dont il ne connaissait toujours pas la composition mais qui avait le mérite de lui jeter les idées à peu prêt en ordre dans le cerveau. Il tira une cigarette de son paquet aplati de Luky Strike et l'alluma. Encore une mauvaise habitude dont il n'était pas parvenu à se défaire. Sur la mini scène, une chanteuse à la voix nasillarde se déhanchait lascivement. Le club était bourré à craquer et il avait failli plusieurs fois se faire mettre le nez dans son verre par quelques joueurs musclés qui se frayaient un chemin entre les tables de jeu et le bar pour gagner l'arrière cour.

    - Tu sais Wang Chi, un jour tu vas avoir des soucis, si un feu se déclare. Toujours pas de sortie de secours réglementaire ?

    Le gros japonais haussa les épaules en le servant.

    - Dans l'arrière cour ...

    - Le terrain de combats de coqs ? Il est aussi encombré que cette salle. Objecta l'homme aux cheveux blancs et au regard de ciel.

    Il tira une bouffée sur sa cigarette et jeta un coup d'oeil circulaire sur la salle avant de continuer à discuter avec le barman qui lui tournait à présent ostensiblement le dos.

    - Zhao travaille ce soir ? Je dois le voir pour une affaire.

    Sans se retourner, trop occupé à essuyer ses verres avec un torchon douteux, le type lui désigna du pouce la porte du fond. Le Voyageur laissa le prix de sa consommation sur le zinc et remercia pour l'information puis se dirigea vers la porte qui donnait sur l'arrière cour remplie de cageots. Elle était plein d'une foule formant un cercle au centre duquel deux superbes coqs de taille impressionnante s'affrontaient. Appuyé sur le mur du fond, un jeune chinois musclé surveillait la scène d'un oeil attentif. A l'entrée du Dévoreur son regard s'anima et il lui fit signe de le rejoindre. Le vacarme fait par les deux animaux, mêlé aux cris des parieurs qui encourageaient leur champion, était proprement assourdissant. Le Dévoreur n'était jamais venu dans l'arrière cour qui servait de remise au tripot mais aussi de ring clandestin pour combats en tous genre. Tout ce sur quoi on pouvait parier se trouvait chez Wang Chi mais jusqu'à présent le Voyageur ne s'était jamais aventuré plus loin que de la salle de jeu qu'il trouvait déjà passablement bruyante. Il se fraya un chemin en jouant des coudes parmi les hystériques qui hurlaient en excitant les deux malheureuses bêtes dont les pattes étaient équipées de petits couperets prolongeant leurs ergots. Cruel sans doute mais pas plus que la tauromachie ou bien moins que les camps d'extermination. C'était moche pour les coqs mais il en fallait plus que cela pour émouvoir profondément l'homme qui en avait tant vu. Il finit par rejoindre Zhao qui lui donna une accolade amicale et chaleureuse.

    - Que se passe -t-il Zhao ? Tu en as marre de cette vie ? Je peux comprendre mais tu sais comme moi que tu peux voyager comme bon te semble à présent. Qu'attends-tu pour quitter ce bouge ? Qu'il parte en fumée ?

    - J'ai déjà voyagé beaucoup Dévoreur. Je suis aussi retourné chez moi...

    Le Grand voyageur tiqua. Les retours vers l'origine étaient souvent douloureux et difficiles à négocier, pas tant techniquement que moralement et affectivement. Devait-on se manifester aux siens ? Que pouvait-on leur dire sans trop les alarmer ? Il fallait se sentir prêt, il fallait choisir le bon moment et pour Zhao, il semblait au Dévoreur que ce n'était pas le cas.

    - Zhao, tu m'avais demandé mon avis ... et je t'avais dis que c'était trop tôt ...

    - Je sais bien mais le recéleur qui habite au bout de la rue, tu sais Ling Fu. Il est allé dans mon temps, et il a vu mon palais. Des choses graves se sont passées ...

    L'homme au manteau noir grimaça un peu gêné.

    - Tu savais ? Pour ma soeur et ma mère, tu savais ? Zhao prit le col élimé du manteau et se mit à secouer le grand homme avec force. Et tu ne me disais rien ?

    Le Dévoreur se dégagea avant que la foule ne change de centre d'intérêt en se disant que parier sur un combat à mains nues pouvait être bien aussi.

    - Bien sûr que oui, je savais. Que crois-tu ? Parfois j'aimerais mieux ne pas savoir. Soupira-t-il. Qu'attends -tu de moi ?

    Zhao croisa les bras avec détermination et lui fit son regard noir des mauvais jours. Ce à quoi le Dévoreur répondit par un regard qui pulsait bleu soudainement.

    - Ne me la fais pas, petit. Tu n'as pas un trafiquant d'opium en face de toi.

    - D'accord, je sais que c'est moi qui ai voulu voyager et que Mère n'a pas exactement satisfait vos espoirs. Moi ce que je veux c'est juste voir du pays, pas m'enrichir et avoir plus de pouvoir.

    - Je sais ça, petit, sinon tu ne serais pas venu travailler dans ce coupe gorge. Ta soeur a décapité ta mère et elle se retrouve en prison. Cela me semble inévitable. Aller la rejoindre ne changerait rien. Le peuple est en colère et il veut qu'elle paie pour son crime.

    Le jeune Zhao frappa la palissade derrière le Voyageur d'un coup de poing si violent qu'elle en trembla et que la foule se détourna un moment de ses intérêts.

    - Ma mère ...

    - Ta mère ne méritait pas une telle fin quoiqu'elle ait fait et tu le sais bien.

    - Je sais aussi que vous avez aidé des voyageurs bien moins recommandables que ma soeur et je veux que vous la tiriez de cette prison où elle est enfermée avant qu'il soit trop tard.

    Le Dévoreur réfléchissait à toute vitesse. Les arguments du garçon pouvaient s'entendre. Il faisait certainement allusion à Edgard dont les exploits étaient connus même à Hong Kong.

    - Et tu veux que je la ramène ici ? Tu sais ce qui l'attend pour y parvenir . Zorvan, l'Antichambre.

    - Si j'ai réussi, elle peut aussi. Elle aura toujours une chance alors que là bas, son destin est scellé. Même si elle arrive à s'évader, la garde impériale sera sur sa piste et elle n'aura nulle part où se cacher. Vous êtes son seul espoir. Peu importe que vous nous réunissiez ou pas, mais au moins sauvez-là ! Eructa le jeune homme suppliant.

    Le Dévoreur hocha la tête et posa la main sur l'épaule de Zhao. Sa décision était prise.

    - J'espère simplement que vous ne le regretterez ni l'un ni l'autre. Cria -t-il au jeune homme alors que la foule en délire acclamait le vainqueur qui paradait dans la flaque de sang de son adversaire.

    Il échangea un regard avec Zhao qui bientôt fut accaparé par son travail de régulation des transports de la foule qui commençait à se diviser en deux camps: les perdants et les vainqueurs. Chacun devait empocher ses gains ou accepter d'avoir perdu sa mise. Travail très dangereux pour un prince de l'Empire de Chine mais dont il s'acquittait plutôt bien avec sa carrure de guerrier.

    *************


    Une silhouette encapuchonnée, vêtue d'une tenue traditionnelle traversa le grand jardin, se faufilant dans l'ombre, d'arbre en arbre, dans la douce brise nocturne qui faisait voler les fleurs de cerisiers. La lune jouait à cache cache derrière les nuages et, capricieuse demoiselle, ne simplifiait pas la tâche du voyageur. Il se glissa jusqu'au mur d'enceinte et frappa trois coups à la porte de bois épaisse et couvertes de clous et de rivets menaçants. Un petit huis s'ouvrit et une voix ensommeillée grogna en chinois d'un autre temps.

    - Qui va là ?

    - Je suis envoyé par le Temple de Confucius à la demande de la Princesse. Elle souhaite s'entretenir de son esprit avant son exécution.

    - A cette heure là ?

    - Oui car la lune est haute et propice à écouter les tourments des âmes.

    La porte s'ouvrit sur un homme hébété au regard vitreux. Il avait bu mais pas assez pour oublier les malédictions populaires qui disaient que l'astre de nuit pouvait nous gober pendant le sommeil si on contredisait ses desseins.

    - La Princesse n'a plus guère de force. Elle refuse de manger. Si c'est pas malheureux, une si belle petite. Ce qu'elle est devenue. Une matricide, une régicide. Voilà ce qu'ont dit les Sages. Elle est comme possédée, c'est une malédiction. Elle répète sans cesse qu'elle va rejoindre son frère.

    - La pensée et la sagesse du grand Confucius sauront apaiser ses délires. Menez moi à elle sans tarder.

    L'homme scruta avec curiosité le visage du Prêtre qui ne ressemblait à aucun des hommes qu'il avait pu voir au cours de sa vie. Yeux de mer grise et cheveux blancs malgré des traits encore jeunes.

    - Je suis le Prêtre de la Lune, disciple de Confucius ! Ne me retarde pas ou il ne restera bientôt de toi que tes os aussi blancs que mes cheveux. Psalmodia le Dévoreur en abaissant complètement son capuchon et en pulsant du regard.

    Le Garde s'exécuta en tremblant et le guida dans un couloir sombre. Puis il s'arrêta devant une petite porte étroite et en actionna la serrure avec une de ses clefs. La porte pivota sur ses gonds laissant apparaître une étroite cellule dont le seul confort étaient une étroite lucarne et une litière de paille sur laquelle était assise une jeune fille aux cheveux sombres . Entravée par des chaînes scellées dans le mur, elle avait peu de liberté de mouvement et ne releva même pas la tête à l'arrivée des deux hommes.

    - Je vous l'avais bien dit. Si cela se trouve, elle sera morte avant l'aube...

    - Justement, je dois rassurer son âme pour le passage et l'alléger avant qu'elle s'envole. Laissez-nous seuls à présent.

    L'homme s'exécuta de mauvaise grâce. Sitôt la porte refermée à clef, le Voyageur se précipita vers la jeune fille et lui releva le menton.

    - Li Mei Zhang ! Je suis venue te chercher pour te soustraire à la mort. M'entends-tu ? Li Mei ?

    Il prit conscience qu'il ressemblait sans doute dans son vaste vêtement sombre à capuche à l'image même que les occidentaux se faisaient de la mort. Mais il ignorait précisément l'idée que pouvait en avoir une jeune princesse de la Chine médiévale.

    Spoiler:
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Message  Invité Ven 12 Oct - 9:07

    Les couloirs étroits. Le froid. Les ténèbres. Et les cris des meurtriers, la nuit, lorsque leurs crimes surgissaient du passé. Li Mei ne criait pas. Li Mei n'était pas coupable. Inlassablement, elle récapitulait ses raisons, ses arguments, ses excuses. Comme une litanie immuable, un réconfort qui pourrait l'arracher à cet Enfer. Mais Li Mei avait compris. À l'instant où son regard croisa celui de la garde Impériale, elle sut que nul n'entendrait jamais ses raisons. Elle était coupable, à leurs yeux, du pire crime possible, et aucune justification ne pourrait l'atténuer. Elle serait torturée avant d'être exécutée, écartèlement ou lapidation, fin de la discussion.

    Cette idée était rassurante. Bientôt, elle rejoindrait les Anciens et leurs doctrines. Elle accueillerait la Mort comme une délivrance, avec le panache de l'Impératrice de Chine qu'elle n'était pas. Elle avait vengé la mémoire de son frère, ce frère qui l'avait abandonnée. Elle s'était battue pour le véritable Empereur, lui avait montré sa fidélité. À présent, plus rien ne la retenait sur cette terre maudite, ce lieu de trahison et d'avidité qu'elle avait fini par haïr.

    Li Mei se souvenait. La tête de l'usurpatrice avait roulé sur le sol. À cet instant précis, elle avait foi en l'avenir. Elle avait attendu, au pied du corps inerte, des minutes interminables, des heures peut-être. Elle entendait son cœur battre, la moindre irrégularité de sa respiration. Elle entendait le clapotis de la Rivière aux Eaux d'Or qui lui rappelait ses jeux d'enfance. Elle entendait le silence qui s'étirait... Et puis, des bruits de pas. Une porte qui s'ouvre, et un visage qui s'arrondissait sous l'effet de la stupeur. Un visage qui n'était pas celui de Zhao.

    Zhao n'était pas venu. Il n'était pas venu.

    Zhao, était le seul son qu'émettait encore Li Mei. Zhao, comme une incantation. Zhao, comme une malédiction. Zhao, comme un espoir. Zhao, comme un mensonge. Zhao partout, dans ses rêves et sous ses paupières, sur le bout de ses lèvres... Zhao était la raison de ses premiers combats et de ses premières chutes. Le souvenir de Zhao gonflait l'air des geôles.

    Avait-elle été une mauvaise sœur ? Sans doute. Elle avait échoué à le protéger, à le garder auprès d'elle. Les questions qui tambourinaient dans son esprit étaient interminables. Chaque semblant de réponse soulevait de nouvelles interrogations, et tout n'était que doute et hypothèse. Alors, Li Mei décida d'éteindre ses pensées. Elle cessa de s'alimenter et se recroquevilla sur sa misérable litière de paille. Bientôt, elle n'entendit plus la porte grincer, annonçant la venue de ses repas. Peut-être les gardiens avaient-ils abandonné l'espoir de la maintenir en vie. Peut-être grinçait-elle encore, sans qu'elle ne l'entende. Li Mei était ailleurs. Ou plutôt, elle n'était nulle part. Elle n'était plus rien, ce qui lui convenait très bien.

    Des jours, des semaines ou des mois auraient pu s'écouler. Elle n'avait pas entendu la porte grincer, mais une main empoigna son menton et lui fit l'effet d'une gifle. Si elle n'avait pas été couchée à cet instant, sans doute se serait-elle écroulée. Un instant, elle sentit son cœur se serrer à l'idée que, peut-être, Zhao avait fini par la retrouver. Elle s'efforça d'ouvrir les yeux et ne discerna rien, tout d'abord, qu'une obscurité dont elle avait oublié l'épaisseur. Deux yeux perçants la scrutaient. Un rire rauque la secoua en songeant à ce que ces yeux devaient découvrir. Elle n'avait plus rien d'une princesse, elle le savait. Ses côtes saillaient et ses vêtements étaient déchirés.

    Elle n'avait pas lutté contre la garde Impériale, mais ils l'avaient tout de même rouée de coups. Ils l'avaient traînée à terre, ils avaient déchiré ses vêtements et avaient traîné la paria sur la place publique. Le peuple avait afflué, et la nouvelle s'était propagée comme dans un village. La colère des habitants était insatiable. Des petits cailloux avaient déchiré sa peau avant que les gardes n'aient le temps de l'emmener dans un endroit sûr. À présent, le corps de Li Mei était marbré de bleus et de profondes entailles. Voilà pourquoi elle riait.

    Ainsi, cet homme prétendait vouloir l'arracher à la mort. Ne voyait-il pas que cela faisait longtemps qu'elle n'appartenait plus au monde des vivants ?

    - Je serais curieuse de découvrir comment vous comptez vous y prendre, cher monsieur.

    Elle ferma les yeux. Cet homme était encore plus fou qu'elle. Et s'il y parvenait, alors, elle n'aurait plus qu'à renaître. Son passé n'existerait plus. S'il y parvenait, elle serait neuve.

    Mais personne ne pouvait plus arracher Li Mei à la mort.

    Spoiler:
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Message  Le Dévoreur de temps Ven 12 Oct - 22:55

Elle était maigre à faire peur, elle était sale et exhalait une odeur de pisse et de mauvaise sueur bien connue des prisonniers des pires geôles. Le Dévoreur savait, le Dévoreur connaissait cette odeur qui évoquait la mort rodant le long des murs où l'on oublie un détenu pour le livrer à la pire des tortures, à la pire des peines. La folie. Celle qui nait de la perte de la seule chose qui tient encore un homme debout: la dignité. Il connaissait ce regard vide des entravés qui attendent la mort au bout d'un couloir sans qu'on les laisse marcher vers elle avec honneur, il connaissait ce souffle à peine perceptible de ceux qui osent à peine respirer encore, tant leur vie est devenue une mascarade grotesque. Elle n'était plus qu'une marionnette désarticulée accrochée à des fils monstrueux scellés dans la pierre de sa cellule, elle n'était plus qu'un oiseau en cage qu'on a oublié , gisant sur le sol souillé de ses excréments. Il sentit la colère monter en lui en crêtes de souvenirs immondes d'autres cachots, d'autres tortionnaires, d'autres tyrans, d'autres monstres. Li Mei n'était plus qu'une ombre sur le fil, une gorge sèche et pourtant palpitante sous ses doigts, comme une bougie brisée mais pas éteinte, qui continue à brûler lentement, à s'étouffer en silence. Li Mei n'avait pas été exécutée, décapitée comme sa victime, ce qui, pour être cruel, aurait du moins été la compréhensible application de la loi du Talion. Mais on ne tuait pas une impératrice de Chine en cette époque, sans encourir plus que la mort. Condamnée à une mort lente, emmurée vivante et soumise au regard de ses geôliers, privée de son humanité, rendue à l'état de bête folle. Voilà ce qu'était devenue le joyau, le trésor de l'Empereur défunt. On pouvait ôter à une être humain plus que sa vie, on pouvait arracher son âme et l'anéantir par un lent conditionnement. Il avait vu tant de choses... Il savait. Certains mangeaient leurs propres déjections, d'autre se tassaient dans un coin et se laissaient glisser dans l'inconscience. Les uns comme les autres avaient en commun d'être fous à lier, irrémédiablement. Leur esprit aussi n'était plus là, avait déserté leur corps. Moins que des animaux, privés de toute volonté, corps décharnés attendant la putréfaction comme une délivrance, se laissant dévorer par la poussière dont ils feraient bientôt partie intégrante.

Le Dévoreur de Temps serra les dents puis laissa échapper un profond soupir en fixant le plafond bas et voûté de cette oubliette. Un couinement sordide, une forme longea le mur pour courir sous la paille qui faisait office de lit. Il sortit de sa poche un objet métallique dont la coque argentée pulsait de couleurs changeantes. Il y eut un son, presque harmonieux, puis le rat s'enflamma dans un horrible grésillement se communiquant à la paille. Déjà l'espace se mouvait autour de l'homme et de la captive, les murs s'animaient d'une ondulation improbable, les contours du concret s'amenuisaient pour ne laisser place qu'à un flou indescriptible et tandis que les flammes commençaient à dévorer les miasmes de la paille, la faisant voleter, il souleva le petit corps à peine animé, murmura simplement "Tu vivras ! On t'attend là-bas! " et l'emporta, hors des chaines qui le retenaient, hors de la geôle, hors du temps. Il ne resta bientôt plus qu'un brasier infernal léchant les murs, faisant craquer les pierres et gémir le bois de la porte. Lorsque le gardien, qui venait de prendre la relève de son collègue aviné se hâta vers l'embrasement, il ne put ouvrir, tant la chaleur qui se dégageait rendait l'air du couloir irrespirable. Au petit matin, l'incendie s'était éteint de lui-même, ne trouvant plus rien à dévorer. Les murs conservèrent durant deux jours une chaleur rendant impossible toute exploration de la cellule. Un communiqué impérial fut transmis aux quatre coins de l'Empire. La régicide était morte, brulée vive dans sa prison transformée en four par la punition divine. Personne ne prêta attention aux délires d'un vieux garde alcoolique qui clamait qu'un ange de mort était venu réduire en cendres celle qui avait outragé les Dieux sur terre.

*****

Baie de Hong Kong, hôtel Sankura, vendredi 12 octobre 2012

Il observait, de la petite terrasse ouverte sur la chambre, les allées et venues des jonques chargées de marchandises à travers les caboteurs diesel bruyants et crachotant. L'aube rosée pointait son nez sur les eaux sales de la baie , un autre matin se levait, une autre journée. Depuis combien de jours dormait-elle ? Huit, peut-être bien neuf ... Ne s'éveillant que pour ingurgiter un léger bouillon de poisson et de légume filtré à la passoire. Elle était si faible qu'il avait fallu attendre deux jours pour la laver afin de ne pas la tuer par le choc thermique. Le médecin était venu et avait décrété qu'il" n'avait jamais vu ça " même parmi les catins répudiées des bordels de Singapour où il avait autrefois exercé. La nourrir trop l'aurait tuée, la vêtir trop l'aurait étouffée, la couvrir trop l'aurait emportée. Il savait. Le Dévoreur savait. Il avait déjà vu des corps si amoindris qu'on les condamnait à mort en voulant trop les sauver. Des corps programmés durant des mois pour mourir à petits feux et non plus pour lutter et survivre puis vivre. Il avait parlé avec le médecin et lui avait donné des conseils. Ce dernier l'avait regardé curieusement mais n'avait pas discuté. Il avait considéré la chevelure blanche en brosse puis cherché en vain à apercevoir un matricule au poignet de l'homme qui voulait sauver cette malheureuse. Rien de tatoué non plus sur les avant bras musclés sur lesquels étaient roulés les manches de chemise. Le médecin avait eu un rictus de mépris déguisé en sourire. Si l'homme n'était pas ce qu'il espérait, il ne pouvait être qu'un des autres... Ceux qui savaient aussi, parce qu'ils avaient fait. Le médecin, japonais, avait aimé les cours d'histoire étant jeune et avait un souvenir très précis de ce qu'il avait appris au sujet des camps. Le Dévoreur l'avait laissé repartir avec ses certitudes et son cas de conscience: dénoncer un criminel de guerre, ou essayer de sauver la fille, défi passionnant qui rompait la monotonie de sa carrière à Hong Kong, entre grippe et rhume saisonnier, entre dysenterie du touriste et varicelle. Le Dévoreur n'avait pas essayé de détromper les suspicions de l'homme de l'art. Après tout, quelque part, elles n'étaient pas entièrement erronées, n'est ce pas Professeur Stanzas ?

Li Mei avait lentement repris des forces, assez pour dormir d'un sommeil réparateur, dans un vrai lit du XXIième siècle. Elle arrivait maintenant à absorber des soupes plus épaisses mais restait durant son "nourrissage" aussi fermée et absente qu'une amibe. Son teint demeurait pâle à faire peur maintenant qu'il n'était plus dissimulé sous la crasse. Ses yeux au regard fixe semblaient aveugles même dans la lumière vive de la chambre blanche. Petite poupée perdue dans les draps blancs du grand lit, elle demeurait une marionnette dont deux hommes tiraient les fils. Deux hommes attentionnés, certes, mais qui agissaient pour la sauver par leur volonté et non la sienne. Li Mei était absente à elle-même, absente à sa renaissance. Elle ne se battait pas. Le grand voyageur ne pouvait infliger cette vue à Zhao. Il aurait mal réagi. Il fallait attendre... attendre encore. Jamais un "sauvetage" n'avait demandé autant de temps au Dévoreur. Pourtant, jamais il ne s'impatienta.

Il se retourna. Elle avait bougé. Les draps avaient bruissé doucement. Un mauvais rêve ? Ce serait le début de l'éveil ? Il s'avança dans la chambre. Non! Mieux que cela! Elle était réveillée. Elle le fixait de ses yeux immenses dans le petit visage émacié, comme si elle ne l'avait jamais vu. Il s'approcha doucement et s'assit sur le bord du lit. Elle n'eut aucun mouvement de recul.

- Bienvenue chez toi Li Mei... Murmura-t-il simplement.

HRP
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Message  Invité Lun 15 Oct - 22:09


Elle battit des paupières plusieurs fois. Où était-elle ?

La lumière la déstabilisa, et la petite princesse de Chine dut se faire violence pour ne pas perdre connaissance à nouveau. Elle avait l'impression que cela lui était arrivé plusieurs fois déjà, ces derniers jours. Se réveiller, se sentir nauséeuse, refermer les yeux en quête d'un peu de douceur. Mais pas cette fois. Il fallait qu'elle tienne. L'afflux de lumière était tel qu'il était impossible qu'elle se trouve encore dans son sordide cachot, mais alors... Où était-elle ? Il fallait qu'elle reste éveillée, et qu'elle trouve une réponse. Il fallait qu'elle se batte.

Elle se souvenait vaguement de deux yeux bleus vifs et envoûtants. Ils s'étaient penchés sur elle, et là... Une vague de chaleur l'avait engloutie. C'est tout. Depuis, elle n'avait fait qu'avaler ce qu'on lui tendait et se recoucher par la suite. Elle n'avait pas le courage de poser des questions, d'émettre la moindre pensée. Elle était si faible... Mais aujourd'hui, elle se sentait un peu mieux. Il était temps d'avoir des réponses, et de faire un choix si nécéssaire. Elle tenta de lever son bras, et aperçut un minuscule poignet minuscule, osseux. Elle avait toujours été fine, mais là, elle ressemblait plutôt à un cadavre. Ou plutôt, un squelette. Elle savait, pour avoir vu de près un véritable cadavre récemment, qu'elle était encore loin de ce stade. N'est-ce pas ?

À sa droite, il y avait un homme qui lui tournait le dos. Sans doute avait-il entendu le bruissement des draps, car il se retourna et s'approcha doucement d'elle. Ces yeux. Il s'agissait de ceux de l'homme au cachot. Elle les aurait reconnu entre mille. Mais, qui était-il ? Elle était certaine de ne l'avoir jamais rencontré au cours de sa vie. Alors, pourquoi prenait-il la peine de venir la sauver ? Enfin, si c'était bien ce qu'il était en train de faire. Ces énigmes lui donnaient mal au crâne. Elle décida de ne plus s'inquiéter. Elle se trouvait dans un lit si confortable qu'elle aurait pu croire à une hallucination si l'homme aux yeux bleus ne s'y était pas installé également. Alors, elle n'avait qu'à en profiter. À bien y réfléchir, il y avait quelque chose de bizarre, ici. Elle n'aurait su dire quoi. Tout avait d'étranges couleurs, certains objets ne lui étaient vraiment pas familiers...

L'homme lui souhaita la bienvenue. Elle lui sourit. Lentement, elle tendit la main vers son visage. Elle en dessina les contours dans l'air, à quelques centimètres de sa peau. Doucement, elle laissa retomber son bras et passa ses doigts sur son propre visage. Ses joues étaient creusées, sa peau était sèche. Ses yeux s'enfonçaient dans son visage. Elle ne devait pas être belle, non. Son père aurait eu honte, comme il avait eu honte lorsqu'il avait vu sa fille arborer une coupe de garçon. Son père avait eu honte d'elle, mais elle avait tout de même vengé sa mort. S'il avait su... S'il avait su, elle se plait à croire qu'il aurait été fier d'elle. Quels étranges paradoxes. Tout cela lui donnait mal à la tête. Elle revint à la réalité et se rappela qu'un homme veillait à son chevet. Et qu'il semblait attendre une réaction de sa part. Elle se demandait pourquoi il prenait la peine de veiller sur elle. Pourquoi elle nouait toujours des liens plus forts avec des hommes, plutôt qu'avec des femmes. Cela avait-il un rapport avec son apparence ? En l'occurence, certainement pas. Sa beauté la fatiguait. Cela l'avait beaucoup amusée, auparavant, mais depuis la disparition de son frère, elle ne voulait plus être la poupée de personne. Elle se concentra et articula péniblement quelques mots.

- Êtes-vous l'un de ces Magiciens du Temps dont me parlait Chun ?

Peut-être, alors, pourrait-il quelque chose pour elle. Peut-être avait-elle réussi. Peut-être était-elle arrivée à son but.
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Message  Le Dévoreur de temps Mer 17 Oct - 21:09

Il prit sa main retombée sur l'oreiller après s'être tendue vers la barbe qu'il laissait pousser depuis qu'il veillait sur son rétablissement, et la serra dans la sienne. Petite main si froide et menue dans une longue main frémissante de souvenirs. Les cernes, les joues creusées, comme tout cela lui rappelait celle qu'il aimait les derniers jours où il l'avait croisée dans cet enfer sur terre, le ghetto de Bucovine. Il avait tenu sa main aussi, lui avait promis qu'il la sortirait de là, qu'il ferait fermer ce camp que même l'Histoire allait oublier, qu'il était sur le point de trouver la solution pour la sauver, pour les sauver tous. Il était revenu quelques jours plus tard et elle n'était plus là, emmenée comme tant d'autres par les anciens membres de la Garde de Fer qui participaient au pogrom. Son aimée avait les même traits tirés et le même regard las, près d'abdiquer mais aussi le même sourire qui n'ose croire à un possible miracle. Le Dévoreur se racla la gorge avant de répondre.

- Comment vous sentez-vous ? Je vais vous faire monter une collation. Un magicien du Temps ? Non, je n'ai rien d'un magicien. Je suis juste un homme qui a trouvé un moyen de s'échapper hors du commun. Je t'en ai juste fait profiter avant qu'il soit trop tard.

Il effleura une mèche de cheveux noirs, pas très longue et la glissa derrière l'oreille de la jeune fille.

- Vous êtes forte et avez survécu. Quoique vous ayez vécu durant ces dernières années, tout cela est derrière vous.

Il s'interrompit pour appeler le service d'étage afin de commander un menu léger et s'affaira ensuite à remonter les coussins du lit pour installer Li Mei le mieux possible.

- Vous allez manger un petit repas et ensuite j'appellerai une aide soignante pour votre bain. Il s'en est fallu de peu que je vous emmène à l'hôpital, savez-vous ? Que savez-vous au juste au sujet des magiciens du Temps ? Demanda-t-il intrigué.

Il savait ce que Zhao avait bien voulu lui dire au sujet de sa soeur, à savoir qu'elle était la plus belle fleur de l'Empire de Chine de tous les temps, qu'elle était l'enfant choyée de son père et la bête noire de sa mère, que lui-même la chérissait plus que sa vie, et il avait bien semblé percevoir dans les inflexions du jeune homme plus que de l'amour fraternel mais il n'avait fait aucune observation à ce sujet, et enfin qu'elle était en grand danger après son retour d'exil. Qu'elle avait commis l'irréparable.

- Pour quelles raisons avez-vous assassiné l'Impératrice ? Je sais qu'elle ne vous aimait pas et que vous ne l'appréciez guère mais je doute qu'une enfant devienne une meurtrière pour ce simple mobile.

On frappa à la porte. C'était le service d'étage qui apportait un repas dont le fumet leur sauta bientôt aux narines lorsque le garçon d'étage souleva les cloches. Il le remercia et le gratifia d'un bon pourboire. Le jeune homme renonça à assouvir sa curiosité au sujet du curieux petit animal sauvage tapi au creux du lit, ni fille, ni garçon, plus morte que vive. Il se passait des choses étranges dans cette chambre et Phong avait déjà entendu parler de ces filles ou de ces garçons kidnappés par des pédophiles qui les droguaient pour les maintenir sous leur coupe. Il considéra le billet dans sa main avec méfiance. Devait-il avertir la direction de l'hôtel ou pas. Le jeune homme se trouvait devant un cas de conscience. Le client était roi, mais d'un autre coté, il y avait la loi. Et puis cette ... fille devait avoir sensiblement l'âge de sa petite soeur. Il avait bien envie d'aller faire une prise de karaté à ce salaud. Mais il eut soudain une meilleure idée. Il connaissait quelqu'un qui serait de taille à aider la fille. Oui, il irait parler au type qui travaillait au Wang Chi Club, le tripot où son père se ruinait chaque semaine.
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Message  Invité Mar 30 Oct - 19:57


L'homme serrait fermement sa petite main. Elle semblait minuscule, à côté de la sienne. Avait-elle oublié de grandir, s'était-elle recroquevillée dans l'enfance comme un loup rentre dans sa tanière lorsqu'il sent le danger arriver ? Elle avait dix-neuf ans, pourtant. Elle devrait déjà être l'épouse du meilleur parti de l'Empire, elle devrait déjà être mère. Alors, pourquoi se sentait-elle encore si petite à l'intérieur ? Elle se rendit compte à quel point elle avait froid, et à quel point le simple contact d'une main suffisait à la réchauffer, à la rassurer. Depuis que Zhao avait disparu et que son père était mort, plus personne ne l'avait prise dans ses bras. Le contact physique. Voilà peut-être ce qui avait cruellement manqué à Li Mei. Les bras d'une mère. La seule affection qu'elle avait reçu dans sa vie était celle des hommes et, aujourd'hui, sa maman lui manquait. Sa vraie maman.

Elle scruta le visage de l'inconnu lorsqu'il annonça qu'il n'était pas un Magicien. Mentait-il ? Elle se souvenait... Elle avait tué l'Impératrice. Elle avait passé des jours, peut-être des semaines dans les cachots, en attente de sa condamnation. Et maintenant, elle se retrouvait ici, dans un lit des plus confortables. L'homme ne semblait pas mentir lorsqu'il disait qu'il n'était pas un Magicien, et pourtant, quelque chose dans son apparence empêchait Li Mei de le croire. Il n'était pas normal. Il n'était pas comme elle, comme tous les gens qu'elle avait pu rencontrer dans l'Empire. Elle n'aurait su mieux l'exprimer : cet homme ne lui ressemblait pas. Il venait certainement d'ailleurs. Elle pouvait lui faire confiance.

Ses doigts replacèrent délicatement une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Était-elle forte, comme il le prétendait ? Pas autant qu'elle l'aurait voulu. Et pourtant, il fallait bien se rendre à l'évidence, elle était toujours en vie. Contre toute attente. Il voulait lui commander à manger, lui faire prendre son bain. Elle ne se sentait pas le courage de sortir de ses draps, mais n'osa protester. Après tout, elle lui devait visiblement la vie. Que savait-elle des Magiciens du Temps ? Elle se releva un peu sur ses oreillers, et toussota avant de répondre.

- C'est Chun, qui m'a raconté. Il m'a expliqué qu'ils... voyageaient entre les époques et les lieux. Il a dit que l'Impératrice en était sûrement une. Alors, j'ai compris. Que Zhao n'était pas mort, qu'il avait juste trouvé un moyen d'accomplir son rêve. Sans moi.

Ses derniers mots étaient amers, durs. Sans elle. Oui, Zhao l'avait abandonnée. Elle se sentait écartelée, lorsque ses pensées en venaient à son frère disparu. Ses sentiments étaient si contradictoires. Elle le haïssait tout en se battant corps et âme pour le revoir. Le jour où elle serait confrontée à leurs retrouvailles, toutefois, il n'est pas certain qu'elle ne s'enfuie pas en courant. La question de son protecteur était pertinente. Pourquoi avait-elle tué celle qui prétendait être sa mère ? Certes, leur simple animosité mutuelle était une raison insuffisante. Elle fronça les sourcils, tentant de tirer les choses au clair, tant dans son esprit que dans celui de son interlocuteur.

- J'ai compris qu'elle savait où était Zhao, qu'elle me l'avait caché. J'étais en colère. Je voulais savoir, comprendre pour quelles raisons elle avait laissé mon p... son mari mourir de chagrin.

Li Mei considérait toujours l'Empereur comme son père. Il l'avait toujours traitée en tant que tel. Et pourtant, si l'Impératrice n'était pas sa mère, il fallait bien admettre que celui-ci ne pouvait être son vrai père.

- Et puis, elle m'a révélé que je n'étais pas son enfant légitime. Elle n'est pas ma mère. Elle... Elle ne m'aimait pas. Elle n'aimait pas mon père, enfin... Son mari.

Sa voix se brisa. L'irruption d'un garçon apportant un plat aux relents alléchants arriva à point nommé pour lui laisser le temps de reprendre contenance. Elle constata qu'elle était dévorée par la faim et, tout en continuant ses explications, attendit avec patience que l'homme lui serve un peu de nourriture.

- Elle a avoué que Zhao était revenu, et qu'elle l'avait pourchassé. Qu'elle l'avait contraint à fuir. Elle a aussi ajouté, que mon père n'était pas mort de chagrin. Elle l'a empoisonné.

Prononcer à haute et intelligible voix les raisons qui l'avaient poussée à l'acte le plus odieux qu'on puisse commettre soulageait grandement Li Mei. Elle avait des raisons. Elle n'était pas folle, ni dangereuse. Elle n'avait pas agi sur une simple impulsion irréfléchie. Elle avait des raisons. Cette femme était dangereuse. Pour achever de s'en convaincre, Li Mei conclut d'un ton résigné :

- J'ai tué une meurtrière avide de pouvoir, qui m'a privé de mon frère et de mon père.

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Message  Le Dévoreur de temps Jeu 1 Nov - 16:47

Le Dévoreur eut un petit sourire lorsque Li Mei évoqua ce qu'elle savait des Magiciens du Temps. Ce Chun semblait bien informé. Il essaya de se souvenir des Voyageurs qu'il avait recruté mais aucun Chun ne lui vint à l'esprit. Il songea que sans doute que les disparitions inexpliquées, les réapparitions et les changements de comportements de certains Voyageurs ne pouvaient pas passer inaperçues éternellement. Il n'était pas le premier Voyageur, et il le savait. D'autres hommes avaient trouvé, bien avant lui, fortuitement ou par des moyens plus "artisanaux" la façon de traverser les époques. Il y avait aussi Zorvan, dans son Antichambre, depuis combien de temps ? Qui pouvait savoir ? Lui, Dévoreur, l'apprendrait peut-être un jour. Mais le barbichu était sans doute l'artisan de bien des voyages avant l'arrivée du Dévoreur. Comment s'y prenait-il avant son association avec le Grand Voyageur, cela demeurait un mystère. A moins qu'il eût d'autres " associés" avant le Dévoreur. Tout cela était bien compliqué et touchait au mythe qui entourait le Gardien de l'Antichambre. Lui, le Dévoreur, avait juste rendu les voyages dans les espaces temporels et parallèles plus rigoureux, rationalisés, voulus. Enfin cela n'était pas fiable à cent pour cent. Il y avait des ratés mais il avait trouvé le moyen scientifique de voyager, on ne pouvait le nier.

Le sourire du Grand Voyageur s'effaça pourtant devant le désarroi de la jeune fille. Une amertume palpable face à la fuite de son frère, qui avait réalisé leur rêve commun en solitaire.

- Il n'avait pas le choix Li Mei. Il étouffait, il glissait sur la mauvaise pente. Votre exil, votre absence, lorsqu'il est revenu, l'ont tellement désespéré. Chassé par sa propre mère lorsqu'il venait pour savoir comment vous alliez. Ne soyez pas si dure envers lui. Il vous ... Il vous aime.

Mais le flot des paroles pourtant prononcées avec difficulté par la jeune fille, ne tarissait pas de rancoeur. Elle parla de sa belle-mère et il écouta en hochant la tête avec compassion.

- Il faut que vous vous libériez de cet acte que vous avez commis. Votre belle-mère s'est rendue coupable d'un meurtre en tuant l'homme qui vous avait recueillie et considérée comme sa fille, comme sa princesse. Vous avez vengé sa mémoire. En certaines époques cela est condamnable moralement mais dans le temps où vous viviez, c'était la règle commune de l'honneur. Venger ses morts. Ce qui est incontournable c'est que vous avez tué une impératrice et que la justice de votre pays alors, n'était pas vraiment équitable. J'ai pallié ce déséquilibre.

Il lui servit un bol de crème d'asperge et le lui tendit.

- Il vous faut manger un peu. Faites un effort. Votre belle-mère est responsable du meurtre de votre père adoptif et vous le lui avez fait payer le prix fort. Ce n'est pas moi qui vous jugerais à ce sujet.

Comment le pourrait-il ? Combien d'hommes qu'il avait estimé responsable de la mort de celle qu'il aimait avait-il lui même tués ? Réduits à néant ? Piégés dans les limbes du temps? Le regard du Dévoreur se durcit à ces souvenirs.

- Pourtant, l'Impératrice n'était pas responsable de la fuite première de votre frère et même si elle savait de quel moyen il avait usé pour fuir, elle n'avait aucune possibilité de le faire revenir contre son gré quand bien même elle serait parvenue à savoir où il se trouvait. Savez-vous que c'est lui qui a fouillé dans ses affaires et débusqué son pouvoir de voyager dans le temps ? Elle ne l'y a nullement encouragé. Non le responsable de la fuite de votre frère, c'est son destin, sa vie de prince héritier, étouffante, débilitante. Zhao n'avait rien d'un singe savant qu'on sort pour la parade et qu'on range au placard en attendant le moment de régner. Il était épris de grands espaces, d'aventure. Son père, écrasé par le poids de son propre destin, l'avait oublié, le laissait croupir dans l'ombre, enfermé dans ce palais. C'est un jeune homme désespéré que j'ai tiré de sa prison. Vos parcours ne sont pas si différents. Vous avez juste souffert plus que lui physiquement.

Il l'encouragea à manger tout en poursuivant son exposé des faits selon sa vision.

L' Impératrice elle-même était prisonnière de son destin, dans l'ombre d'un homme lui imposant une fille qui n'était pas la leur, fille qu'il élevait au rang de Déesse en lieu et place de son épouse, faisant peu de cas du fils qu'ils avaient conçu, le prince héritier. Elle était devenue cruelle par ennui et par dépit, chassant son propre enfant. Mais cela, Li Mei n'aurait pas supporté de l'entendre et le Dévoreur le garda pour lui. Alors qu'elle dévorait à présent le pain et le fromage crémeux qu'il lui avait présenté, il eut un sourire qu'il voulait apaisant et plein de promesses. Il faudrait que Zorvan use de patience et de douceur avec cette jeune fille. Il devrait l'éprouver pour la préparer au voyage mais pas essayer de pousser trop loin les limites d'une âme déjà presque brisée par la vie.

- Si je vous affirme que tout cela est derrière vous et que je vous offre la possibilité de devenir maîtresse de vos choix, de voyager où vous le voulez, dans l'époque que vous souhaitez. Si je vous dis que revoir Zhao n'est pas impossible, me croirez-vous ? Etes-vous prête à affronter quelques épreuves nécessaires pour accéder à cet avenir qui s'offre à vous ? Est-ce que cela vous éclaire d'un espoir nouveau ?
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Message  Invité Mer 30 Jan - 8:16

L'homme tenait de grands discours qui résonnaient douloureusement en Li Mei. Son frère l'aimait, disait-il. Vraiment ? Elle ne savait si elle devait le croire ou non, mais elle avait envie de lui faire confiance. Après tout, ne l'avait-il pas sauvée d'une mort certaine ? Et puis, il dégageait une assurance assez exceptionnelle. Son père lui-même ne dégageait pas une telle force, alors qu'il était tout de même l'Empereur de Chine. Que pouvait-il exister de plus puissant que le maître de l'Empire ? De tous les livres qu'elle avait eu l'occasion de lire, aucune force ne lui avait semblé plus grande que celle de son pays. Elle ne pouvait le concevoir.

D'autre part, elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi il ne la blâmait pas pour son crime jugé odieux par l'ensemble du monde vivant de la Chine. Ses paroles étaient pour le moins obscures. "Dans le temps où vous viviez", avait-il dit. N'y vivait-elle plus ? L'avait-il, déjà, emmenée ailleurs, autre part ? Auprès de Zhao ? Soudainement, l'espoir rejaillit dans le cœur de l'enfant. Peut-être verrait-elle bientôt son frère. Peut-être pourrait-elle revenir au temps de l'innocence et de l'insouciance qui lui avait tant manqué. Qui sait, peut-être Zhao pourrait-il même l'éclairer sur son origine et sur ses véritables parents. Elle se redressa dans son lit, attrapa ce que lui tendait l'inconnu sans même penser une seconde à ce que son père n'avait cessé de lui marteler durant toute sa jeunesse : toujours vérifier que les mets ne soient pas empoisonnés. Quelle ironie, sachant que lui-même avait succombé au poison de son épouse ! Cet humour morbide arracha un sourire à Li Mei, qui prêta une oreille plus attentive aux propos de l'homme. Celui-ci avait une vision assez personnelle des choses, et si cela l'irrita de prime abord, elle fut bien forcée d'admettre qu'il n'avait pas tort.

Zhao n'était pas heureux au Palais. Dans sa naïveté de petite fille, elle avait cru que ce n'était pas important, que ce n'était qu'un caprice d'enfant et que leurs jeux d'évasion n'étaient que des jeux. En grandissant, elle s'était battue pour garder sa naïveté et pour ne pas devoir regarder la réalité en face. Car, si la disparition de Zhao n'était ni la faute de l'Empereur, ni celle de son épouse, dès lors Li Mei devait accepter qu'il ne s'agissait pas d'une disparition mais d'une fuite, et bel et bien d'une fuite volontaire. Et en acceptant cela, il fallait surtout accepter qu'elle n'avait pas compté assez aux yeux de son frère pour qu'il l'emmène avec elle. Et revenir au doute initial : l'avait-il seulement aimée un jour ? Après tout, ce n'était même pas son frère ! Et il était tout à fait possible qu'il ait été au courant. Oui, elle lui en voulait. Ce qui ne l'empêchait pas de continuer à le chérir plus que tout. Sans s'en rendre compte, tandis qu'elle écoutait les mots de l'homme et les méditait, Li Mei engloutissait ce qu'on lui tendait. Elle n'avait plus mangé autant depuis sans doute un certain temps. Elle répondit d'une voix dénuée de reproches, d'un simple constat.

- Peut-être son père l'avait-il oublié, mais ce n'était pas mon cas. J'étais là pour lui. J'ai toujours été là, il lui suffisait de demander.

L'homme lui proposa quelque chose. Enfin. Il lui proposait de voyager, lui semblait-il. Il lui proposait de faire comme Zhao. Était-elle prête ? À choisir, elle aurait préféré rentrer au Palais, retrouver son père qui n'était pas son père, son frère qui n'était pas son frère, la petite rivière et sa nourrice, tout ce qui avait rythmé son enfance. Mais rien de tout cela n'existait plus, alors... Le choix était simple. Et même si elle se doutait que les épreuves étaient peut-être dangereuses - c'est en tout cas ce que Zhao semblait craindre lorsqu'il lui a écrit sa lettre - elle n'avait plus rien à perdre. Ni famille, ni amis, ni gloire. Elle n'avait plus de vie, ici.

- Je ferai face à toutes les épreuves si vous m'en croyez capable.

Au fond d'elle, la petite cherchait encore un peu de soutien. L'espoir que quelqu'un, n'importe qui, croyait en elle. Elle n'était qu'une enfant...
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Message  Le Dévoreur de temps Ven 15 Fév - 20:35

Le Dévoreur écoutait Li Mei, guettant la moindre de ses réactions sur le visage émacié. Il fut soulagé de la voir s'alimenter un peu et accepter ainsi l'idée de vivre, tout simplement. Ainsi choisissait-elle d'aller vers son destin qui s'était lui aussi mis en chemin pour la retrouver, il le savait. S'il était bien un avantage qu'offraient les voyages dans le temps, c'était la faculté d'acquérir quelques dons supplémentaires. Si les déplacements d'objets étaient compliqués pour le commun des voyageurs, ils n'avaient que peu de secrets pour le Roumain. Il tenait dans sa poche, venu d'un lointain futur, une petite pierre d'aspect insignifiant et qui pourtant avait le don d'ouvrir les portes de la pensée de bien des hommes qui raisonnaient trop fort intérieurement. En l'effleurant, le Grand Voyageur avait lu dans l'esprit du garçon d'étage et il savait que ce dernier galopait désormais vers le Wang Chi Club, vers Zhao. L'homme aux cheveux blancs pencha la tête et sourit en murmurant d'un air las:

- L'amour est vital à l'homme mais pourtant pas suffisant pour qu'il s'accomplisse. Zhao avait besoin de se trouver pour mieux te retrouver ensuite, mais ta pensée ne l'a pas quitté, petite. Il me parlait naguère de toi en me suppliant de te sauver. Votre destin est sans doute de vous retrouver mais tu auras effectivement ces épreuves dont je te parle à surmonter avant de prétendre à le rejoindre complètement. Il a eu les siennes et en est sorti vainqueur.

Le temps pressait et le Dévoreur savait qu'il devait convaincre Li Mei avant que le jeune prince ne fasse irruption dans la chambre, ce qui ne saurait tarder, s'il en croyait ce que la pierre lui faisait ressentir de la course éperdue de deux jeunes chinois dans les rues étroites des quartiers mal famés d'Hong Kong . Mais peut-être que l'homme qui déplaçait les âmes sur le grand échiquier du temps avait envie cette fois-ci de faire une entorse, un pied de nez à Zorvan et à ses dictats. Si seulement on avait pu lui accorder de voir son aimée avant d'accomplir son premier grand voyage, avant le saut dans l'inconnu. Mais la différence résidait dans le fait que Zhao, lui, était vivant et non un fantôme à traquer dans un passé tourmenté. Zhao avait été sauvé par chance des griffes de sa destinée pour être placé dans celle d'une autre plus clémente. Alors, peut-être, oui, pour cette fois, pouvait-il accorder à un candidat au voyage le privilège de revoir, avant l'épreuve, l'être cher. Doucement, Stanzas écarta le drap et saisit la main de Li Mei.

- Il te faut d'abord prendre une douche et te vêtir de façon plus appropriée. Je vais t'accompagner jusqu'à la salle de bains puis sonner une camériste.

C'était un service qu'on ne trouvait plus guère encore que dans les hôtels de luxe des terres asiates. Il décrocha le téléphone et demanda les services d'une femme de chambre à la réception. C'était pour sa fille convalescente, se permit-il d'ajouter. Personne, parmi le personnel de ce bouge de luxe, n'en croirait un traître mot, mais qu'importait. Puis ayant raccroché, il se tourna vers sa protégée et l'invita à se lever sur ses jambes en coton. Il dut l'aider à se maintenir debout, tant elle était faible. Il lui fallait bien une surveillance assidue pour prévenir tout risque de noyade dans le bain, surveillance que notre arpenteur de temps ne pouvait exercer lui-même sans risquer de froisser la sensibilité de la jeune enfant. Lorsqu'on frappa à la porte, il ne lâcha pas la main de Li Mei mais se contenta de dire en souriant.

- Vous pouvez entrer!

Une jeune fille avenante se présenta et s'inclina. Dans un mandarin impeccable bien qu'un peu suranné, le Dévoreur lui demanda d'aider sa protégée à faire sa toilette. Haussant les sourcils d'étonnement, tant à cause du langage que des intentions du client qu'elle devait sans doute prendre au départ pour un satyre, la jeune servante s'exécuta et glissa son bras sous ceux de Li Mei pour la mener à la salle de bains. C'était bien que la fille fut jeune. Ainsi la petite princesse se sentirait en confiance. Le Dévoreur s'installa dans un fauteuil et entama la lecture d'un journal local tandis que le bruit de l'eau coulant se faisait entendre, parfois couvert par les encouragements de la camériste. Il fut interrompu dans sa consultation du cours de la Bourse par l'irruption de Zhao qui franchit le seuil comme un diable sort de sa boîte. Il ne sembla pas surpris de se trouver en face de son vieil ami et pointa un doigt accusateur dans sa direction.

- Je savais que c'était vous... A la description qu'il m'a fait de la fille et de l'homme... Dit-il en désignant le groom du menton.

Puis il lui murmura quelques paroles et lui tendit quelques pièces que l'autre refusa avant de se retirer. De mieux en mieux! Quelle journée à ajouter au plaidoyer en faveur de l'humanité. Un employé d'hôtel honnête et un frère amoureux de sa soeur adoptive. La musculature toujours impressionnante, Zhao s'approcha du Dévoreur d'un air menaçant.

- Bonjour Zhao, tout d'abord. Commença le Roumain en se levant après avoir replié son journal.

Il hocha lentement la tête alors que le jeune homme esquissait un geste pour se saisir de lui.

- Je te déconseille de me toucher, sauf si tu souhaites te retrouver en plein raid de Pearl Arbor. Ca ne va pas te dire grand chose mais j'ai vu le film hier et je ne cesse de penser à cette tragédie de l'Histoire depuis.

Zhao se figea et réfléchit un instant.

- Non, cette fois vous ne m'aurez pas avec un de vos tours, Vladimir. Où es-elle ?

Le Dévoreur désigna la porte de la salle de bains en précisant:

- Je ne sais pas quel est votre degré d'intimité mais je te déconseille d'entrer maintenant. Ne t'inquiète pas, elle est sous bonne garde mais assieds-toi plutôt et attendons qu'elle ait fini.

Zhao, en bon têtu qu'il était, resta debout et croisa les bras puis finit par dire après un lourd silence de réflexion.

- Pourquoi nous permettez-vous de nous rencontrer avant qu'elle ... Ce n'est pas habituel, n'est-ce pas ?

- Parce que j'en avais envie, tout simplement. Parce que je crois que cela lui donnera du courage. Mais attention Zhao, tu ne dois rien tenter pour l'empêcher d'accomplir son périple temporel. Qu'elle t'implore pour rester avec toi, ou quelque soit ta hâte de la retrouver définitivement. Elle doit d'abord retrouver ses origines et passer avant tout l'épreuve de l'Antichambre pour mériter de te retrouver. Elle ne devrait même pas être ici, tu le sais, mais dans les mains de Zorvan et si je lui ai fait faire ce détour, c'est parce qu'elle était trop affaiblie pour la réussir lorsque je l'ai trouvée.

Le dévoreur de temps ne doutait pas d'imposer ainsi un tourment très rude aux amoureux. Même inavoués. Il serait tentant pour eux de le planter là et de s'enfuir tous les deux, s'ils se révélaient être ce que le professeur pensait. C'était là une forme d'épreuve qu'il imposait aux deux mais surtout à Li Mei. La porte de la salle de bains s'ouvrit doucement, dans un petit grincement, interrompant les deux hommes.
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Li Mei Zhang Empty Re: Li Mei Zhang

Message  Invité Ven 24 Mai - 13:38

Ainsi, Zhao avait-il supplié l'homme de venir la sauver. Elle ne devait pas la vie qu'à un inconnu, non. Elle devait la vie à son frère, et bien que l'idée aurait pu paraître réconfortante, c'était infiniment plus difficile. Être redevable à Zhao, alors même que c'était précisément son absence qui l'avait conduite dans ces sous-sols dont elle n'oublierait jamais la noirceur, lui faisait horreur. Et pourtant, s'il s'était mis à genoux devant un autre homme pour elle, alors...

Mais ça n'avait aucune importance. Qu'il tienne ou non à elle, ce n'était nullement la priorité pour l'instant. Il fallait qu'elle cesse de passer du oui au non, de l'amour à la haine, qu'elle se rappelle que d'autres épreuves l'attendaient et que de ces épreuves dépendaient ses retrouvailles avec son frère. À ce moment-là, elle se préoccuperait de savoir si la rancœur l'emportait sur l'affection. Pour l'instant, l'homme avait raison. Il fallait qu'elle se lève et qu'elle fasse sa toilette. Elle se demandait s'il avait aussi pensé à prendre des tenues convenables pour elle. Elle l'espérait mais n'osa lui poser la question.

Une jeune femme l'emmena dans la pièce attenante. Une servante, supposa Li Mei. Elle semblait douce et gentille. Elle lui demanda si elle préférait prendre une douche ou un bain, et ne sachant que faire, Li Mei haussa timidement les épaules en s'approchant de ce qui ressemblait à un miroir. Mais... son reflet était si net, la glace était si lisse. Il y avait quelque chose d'étrange dans le fait de pouvoir s'observer dans les moindres détails. Elle avait si souvent songé qu'elle ressemblait à son père, dans le reflet de la rivière du Palais. Aujourd'hui, elle ne notait que les différences. Ses lèvres étaient plus fines, ses pommettes plus hautes, son visage plus ciselé. Ses yeux en amande n'avaient rien de commun avec ceux de l'Empereur Hongzhi. Elle le voyait à présent. Elle avait l'air d'une enfant aux yeux fatigués, et ça lui donnait envie de pleurer. Mais elle ne pouvait pas, non. Elle se tourna vers la servante qui la regardait étrangement. Li Mei se força à lui sourire, et la jeune femme fit de même.

- Venez, mademoiselle, venez dans le bain, ça vous fera du bien.

Li Mei ravala les larmes qui lui serraient la gorge et se laissa glisser dans la baignoire. Elle ferma les yeux, attrapa le gant de toilette et se mit à frotter avec soin chaque partie de son corps. Son vénérable père lui avait appris la réserve ; elle savait que les décisions rationnelles étaient préférables à celles que l'on prend sur un coup de tête ; elle savait que les larmes ne montraient que faiblesse. C'est ce qu'il répétait sans cesse. Or, elle était dans un tel état de fébrilité qu'elle redoutait les folies qu'elle pourrait commettre, si elle se laissait aller. Il ne fallait pas qu'elle se laisse aller.

Jamais Li Mei ne s'était sentie aussi faible et vulnérable sur un plan psychologique. Elle se rendait compte aujourd'hui que sa vie s'était déroulée d'une manière paisible, qu'elle n'avait jamais eu à faire face au danger ou rencontré l'ombre du vrai malheur. Seul le départ de son frère l'avait affectée. Et elle s'était rasée le crâne. Elle avait des réactions excessives, elle s'en rendait compte. Jamais elle ne réussirait les épreuves dont l'homme avait parlé. Zhao y était parvenu, lui, parce qu'il avait toujours eu plus de courage qu'elle. Il avait fui le Palais, fui sa vie entière. Elle n'aurait jamais pu faire ça.

Quand elle rouvrit les yeux, la servante lui avait préparé une robe longue qu'elle l'aida à enfiler. La robe était étrangement moulante, mais sans doute était-ce courant dans cet endroit où l'homme l'avait emmenée.

« Merci », dit-elle à la femme, avant d'ouvrir la porte tout en s'adressant à l'homme qui l'attendait. « Voilà, je suis prête, que fait-on maint... »

L'homme n'était plus seul, il était accompagné de... Zhao ? Zhao, en plus grand, en plus musclé. Zhao avec le visage plus dur. Mais Zhao quand même.

- Mais... mais vous aviez dit... vous aviez dit d'abord les épreuves...

Son cœur battait trop rapidement. Elle ne savait plus quoi faire. Elle eut l'impression de regarder son frère pendant une éternité avant de se jeter dans ses bras, en larmes. Rationnelle, il fallait qu'elle soit rationnelle. Mais ses grands bras protecteurs, cette impression d'être arrivée au bout du chemin, là où elle rêvait d'être depuis plus de quatre ans. Sa poitrine s'agitait, secouée de spasmes irréguliers. Comment pourrait-elle être forte, maintenant ? Elle ne voulait plus partir. Elle pourrait rester là, comme une enfant, cachée dans les bras de Zhao, silencieuse. L'homme ne pouvait pas l'arracher à ça, n'est-ce pas ?
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Message  Le Dévoreur de temps Dim 30 Juin - 17:48

Comme il l'avait pressenti, les retrouvailles avaient été déchirantes entre le frère et la soeur. Zhao semblait s'être transformé d'abord en une de ces statues de pierre de l'armée fantôme sculptée en l'honneur d'un Empereur de Chine mort il y a des siècles. Sans doute le changement physique de Li Mei était-il à l'origine de cette réaction. Il avait quitté une adolescente aux traits encore doux de l'enfance et retrouvait une femme aux traits émaciés, un regard tragique et un corps dont la robe moulante soulignait la fragilité. Ses bras s'ouvrirent en même temps qu'elle se précipitait vers lui. Par dessus la tête de Li Mei qui lui arrivait à mi-poitrine, le prince dardait un regard interrogateur sur le Dévoreur. La princesse semblait un oisillon fragile qui a retrouvé son nid. Comment croire qu'elle était capable d'entreprendre le périple dans l'Antichambre ?

- J'ai dit que tu devais passer des épreuves avant de le rejoindre complètement, il est vrai.  A l'heure actuelle, ton coeur est-il prêt à le rejoindre vraiment ? Je ne crois pas. Je pense qu'il te faut d'abord apprendre sur toi-même pour assumer ce que tu éprouves à son égard et le pardonner. Il avait aussi des choses à fuir, des choses qui lui faisaient peur et qu'il n'assume pas encore parce qu'il n'a pas toutes les pièces en main concernant ton passé. Zorvan, cet homme si on peut le qualifier d'homme, vers qui je vais te conduire, n'est pas toujours tendre dans ses révélations, Zhao le sait, mais il peut t'aider à avancer vers la résolution de tes conflits intérieurs. Le Gardien de l'Antichambre aurait pu lui révéler ce que tu es vraiment mais il a préféré t'en réserver la primeur, sans doute parce que ce bougre savait que tu entreprendrais un périple à la recherche de ton frère et de toi-même. Il en sait tellement sur chacun d'entre nous ...

Stanzas s'avança vers la baie vitrée qui donnait sur un magnifique panorama de la baie d'Hong Kong. Les yeux gris suivaient la trajectoire d'une jonque à moteur au milieu du trafic intense du port. Le destin des deux jeunes gens était à l'image de cette fragile embarcation, secoué par les vagues des multiples sillages qu'ils avaient croisés et sans doute cela allait-il continuer encore longtemps avant qu'ils ne s'avouent et acceptent ce qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Il se retourna vers le couple et croisa le regard de Zhao qui comprenant instinctivement que le temps de se dire au revoir était proche, s'écarta doucement de Li Mei avec regret mais fermeté.

- Li Mei, si tu veux me suivre, il va te falloir choisir ta première épreuve. Je vais te conduire dans un lieu que les mots peinent à décrire et que tu ne pourrais imaginer. Tu seras confié à un être qui tient à la fois de l'ange et du démon. Tu le haïras et la minute suivante tu le remercieras. Il se nomme Zorvan et comme je te l'ai déjà dit , il est le Gardien de ces lieux insolites où je vais te conduire, gardien de l'Antichambre. En ce lieu tu seras confronté à une épreuve dans un des mondes sur lesquels ouvre l'Antichambre. Tu as le choix entre [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], où tu vivras une expérience dans un monde parallèle. Il peut s'agir d'une autre version de ton époque d'origine mais aussi d'une autre période. Tout est possible en Aparadoxis, absolument tout. Tu y seras une autre version de toi ou une visiteuse qui devra s'intégrer à ce monde. Zorvan te guidera bien sûr et te soumettra à des défis dans le but de te tester et de te connaître. Mais tu peux choisir également [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] qui te fera voyager dans tes rêves les plus secrets, même ceux que tu as oubliés. Parfois les rêves vécus en ce lieu peuvent se répercuter sur ta réalité. Il convient donc d'être très prudent. Enfin tu peux aussi faire le choix de revivre tes souvenirs en remontant le cours du temps à reculons. C'est une expérience unique et particulière qui permet parfois de percevoir un lien qui nous avait échappé entre deux événements, mais pour cela il te faudra aller dans le [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]. Quoiqu'il en soit et quelque soit le lieu d'épreuve que tu choisiras, tu seras confrontée à des révélations sur toi-même. Quand il te jugera prête, Zorvan te conduira dans un des autres lieux de l'Antichambre pour y rencontrer ton premier compagnon de voyage et peut-être d'autres personnes.

Alors qu'il parlait à Li Mei, ayant presque oublié la présence du jeune prince, le regard du Dévoreur s'était à nouveau tourné vers la baie. Songeur, il poursuivit:

- Je vais vous accorder quelques minutes pour vous dire à bientôt. A bientôt car je ne doute pas que tu surmontes ces épreuves, Li Mei, et retrouves très vite Zhao. Quand ce sera fait, tu me rejoindras dans le hall de l'hôtel. Je vais descendre régler notre départ. Si, bien sûr, tu es décidée à venir avec moi... Auquel cas tu me diras quel lieu d'épreuve tu as choisi.

HRP:
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