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Hadley Fairfield

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Hadley Fairfield Empty Hadley Fairfield

Message  Invité Ven 15 Fév - 21:01

[list]Prénom : Hadley
Nom : Fairfield
Surnom : /
Âge : 28 ans

Epoque et lieu de naissance : Je suis née en janvier 1898 à Chicago. Je me débats donc dans l'Amérique de la prohibition.

Physique, Caractère : N'est-il pas évident qu'on regarde en premier lieu le physique d'une femme ? A mon époque en tout cas, nous sommes dévisagées constamment et moi la première car je ne suis pas les canons de la mode. Je n'ai aucun intérêt pour les mouvements de foule façon Panurge, mes cheveux sont donc d'un autre temps, ils sont résolument longs, bruns. Petit bémol, s'il le faut, je peux me..."travestir" pour convenir à un contexte en ma faveur. Il n'en n'est pas moins vrai que j'aime la féminité dans son essence mais que je n'ai plus vraiment le temps d'y penser, un autre corps a besoin de moi, résolument, inconditionnellement. Je ne suis pas certaine que le reste de mon physique soit bien important, disons que je sais me fondre dans une foule ou en devenir le point de mire. Je peux alterner les tenues de tous les jours, ternes et parfois m'apprêter mais je tente de me ressembler le plus possible. Je ne nie pas pouvoir attirer les hommes mais jusqu'ici je ne me suis jamais vue comme une croqueuse. La nécessité fera-t-elle que ? Autrefois j'étais une jeune femme emplie de sourires, presque de joie de vivre et si je ressens toujours de l'allégresse, elle se perd dans mes désillusions, trop souvent, lors de mes heures sombres. J'ai toutefois conservé ma détermination, ma force mais ne cache pas mon dégoût pour cette censure puritaine qui a plongé ma destinée dans le chaos. Je milite pour ma survie, la sienne et je n'ai aucune limite pour ce faire, plus de scrupules, du moins j'essaie. Une transformation nécessaire ? Une négation de soi ?
Lui ? Lui c'est Baptiste. Ce bout de moi dont je ne voulais pas mais qui depuis trois ans, depuis qu'il a vécu en moi, depuis que nous livrons bataille contre le monde entier, j'ai reconnu l'amour ultime. Je suis devenue mère et femme en quelques mois ou peut-être pendant cette nuit de douleurs. Je comprends enfin la responsabilité, l'abnégation et je sais aussi ce que c'est qu'être dans le besoin et en rage. Pas de haine. J'aspire juste à lui offrir le meilleur. Je suis une mère comme les autres qui prend chaque risque en connaissance de cause, avec mesure car si je disparais que deviendra-t-il ?
S'il me faut me définir, je dirai que, avec le temps, je frôle les opposés. A la fois très douce, affable je deviens de plus en plus intraitable, froide, calculatrice et si je sais que c'est le plus vil des masques, c'est celui que j'afficherai par nécessité.

Spoiler:


Ordre choisi : Ambitieuse

Métier exercé dans l'époque d'origine : Rien de très original, repriseuse dans un petit magasin de confections.

Métier ou fonction après son premier voyage : Vol à l'étalage voire plus. Où s'arrête la raison ?

Histoire :
Entre trois et dix pages maximum.

- Les jeunes années -

La fin du XIXème siècle m'a offert le privilège de poser les yeux sur ce monde. Je crois savoir que je lui réservais mes rires les plus sonores. Maman me racontait qu'elle adorait voir mes fossettes s'étirer et que je pouvais le faire à l'infini. Cela paraît tellement incroyable de ne pas avoir ces souvenirs en tête, d'imaginer que la conscience n'est pas et ne sera jamais à cet âge là, seulement un peu plus tard. J'ai couru paraît-il dans tout l'appartement qui surplombait la brasserie familiale. Mon ingénuité arriva même jusqu'à amuser les clients de mes parents et mes premiers souvenirs naquirent derrière le zinc. L'on pourrait croire que pour un enfant, fréquenter l'un des pires vices de l'humanité ne permet pas une construction saine, je crois au contraire que l'esprit de l'estaminet était à la fois bon enfant et profondément humain et que les habitués me chérissaient. Je n'ai donc pas été en reste d'amour. Papa était un homme ventripotent, drôle et bon. Il formait avec ma mère un couple peut-être pas idyllique mais serein qui m'a inculqué quelques valeurs que j'avoue préférer occulter à présent. J'évoluais dans un monde d'adultes, peu d'enfants m'entouraient et je crois à présent que je ne me sentais pas à ma place parmi eux. Je n'ai pas en mémoire de camaraderie importante, j'étais plus touchée par les conversations animées - avinées ? - que par l'esprit léger des bambins. Erreur sûrement regrettable à fortiori. Au début du XXème siècle, la vie n'était pas exempte de difficultés mais elles naquirent vraiment avec la Première Guerre mondiale à laquelle mon père a pu échapper, même si les Etats-Unis ne sont intervenus que sur la fin, mais dont les stigmates, pourtant inconnus ont eu raison de son optimisme. A trop aimer les Hommes, ils ne peuvent que décevoir lorsqu'ils se livrent au jeu de la mort. Pourtant Papa n'a jamais été germanophobe, il n'a pas mis de nom sur l'ennemi, il a juste affiché une sorte de tristesse due à la désillusion. Maman et moi avons, par procuration commencé à éprouver une même sorte de grisaille qui ne s'est jamais totalement levée. Il aurait été plausible que l'on veuille pour moi de trouver un époux qui reprendrait l'enseigne familiale mais je fus presque suppliante à apprendre un autre métier. J'entrai donc comme apprentie couturière dans un commerce ami et je me jetai à corps perdu dans l'apprentissage d'un nouveau savoir qui m'éloignait de ce foyer qui avait tellement mal évolué. Aussi souvent que possible, j'abîmai mes yeux entre le fil et l'aiguille, rêvant de créer les plus beaux ouvrages, redonner un peu de beauté à mon univers et si possible à mes semblables. Ma patronne était exigeante mais juste, elle sentait mon adoration pour ce qu'elle m'enseignait.
La conjoncture était déjà une épreuve pour ma famille mais l'amendement de 1917 plongea définitivement mon père dans la rancoeur. Lui si altruiste ne pensa plus qu'à épargner la disette à sa famille et la contrebande semblait sa nouvelle alliée. Il vous faut comprendre qu'on ne vient pas dans une brasserie pour boire un soda et que l'interdit rend cet état de fait encore plus incontournable. Il fallait survivre et je le comprends d'autant mieux à présent pourtant à l'époque, lorsque du haut de mes vingt et quelques années j'ai eu connaissance des effractions de mon père, je l'ai rejeté. Je ne voyais pas qu'il n'avait en tête que notre survie et comment l'aurais-je pu ? J'étais une toute jeune femme qu'on avait élevée à coups de valeurs humanistes et la duplicité de Papa me fut insupportable, je n'avais aucun recul pour tenter de le comprendre. J'ai également fait souffrir ma mère et ai accepté cette place de repriseuse à New York qui était pourtant tout aussi en déviance que le Chicago des années 20. Mais il a fallu que je l'expérimente...et durement.



Spoiler:

- La maturation -

1919, 21 ans. Je me retrouvai dans l'une des plus grandes villes de mon pays, à nouveau pleine de rêves pour voiler ma solitude. J'avais un travail à moi dans lequel je comptais créer les plus beaux atours et cela me sauva...pendant quelques années. Oh il n'était pas facile de n'avoir que peu de sous en poche à cette époque clandestine, à chaque époque d'ailleurs. Je vivais dans une pension de famille très impersonnelle. Mais j'étais jeune et je me liai facilement avec d'autres couturières qui m'entraînèrent quelques années plus tard. J'avais beaucoup évolué, peut-être car la solitude est un poids lourd. J'acceptai enfin de nouvelles personnes dans mon sillage. Je n'avais jamais été attirée par la vie dissolue et je gardais toujours mes réserves mais qui peut nier l'excitation de la jeunesse ? Les excès furent toujours raisonnables mais à cette époque, je me résolus à opter pour une coupe communément nommée garçonne, à me confectionner des robes affriolantes puisque je n'avais pas les moyens de les acheter. J'avais conscience d'attirer les hommes et je rougissais de leurs compliments, me refusant à chacun d'eux, ne serait-ce que pour un baiser. Si j'acceptai de m'amuser, l'amour n'a jamais été un jeu pour moi, j'avais certainement du respect pour ma personne, à cette époque.
Si l'on a à l'esprit que ces années là étaient d'une excitation sans borne, tout ceci n'était que chimère. J'ai côtoyé les gangs mafieux, la peur de la police, les morts du "Jake", le racisme, la pauvreté et pourtant j'aspirai à une vie simple.
Les années tournèrent et bientôt j'eus 25 ans. Le temps avait filé à une allure incroyable. Je n'avais que des relations épistolaires avec Maman qui tentait de masquer son inquiétude pour mon père. Il échappait à la prison de plus en plus difficilement et j'appris bientôt que la brasserie fut vendue aux enchères. C'est en lisant ce que je pris comme un choc que je perdis tout contact avec ma famille. Ce père que j'avais tant aimé se parjurait, avait délaissé sa famille et mettait très certainement ma mère dans une situation affreusement invivable. Je les imaginai vivre dans un bouge de Chicago, le regard encore plus embrumé. Je sentais aux mots de Maman qu'une distance s'était établie entre eux. Avec ingratitude, je les reniai presque, refusant d'assister une fois de plus à la débâcle que le monde avait pu causer à ceux que j'aimais. Je perdis aussi le peu de naïveté qu'il me restait. Tout à coup, le tout petit appartement que j'avais réussi à louer me parut étouffant, mon métier perdait de sa saveur, mes amis n'avaient pas la même conscience que moi de la situation catastrophique dans laquelle nous nous trouvions. Je ne savais plus à quoi goûter.
Au détour d'un chemin hasardeux, je rencontrai le premier homme qui réussit à faire baisser ma garde. L'amour pour lequel je n'avais plus de foi surgit tel un sauveur. Nous étions très loin, l'un comme l'autre, de vouloir vivre hors de la réalité. Je crois que la pureté de ce qui nous unissait nous berna pourtant sur ce qu'est la réalité. Mais la bulle offerte était goûteuse et je ne décidai même pas de m'y engouffrer, j'y cédai avec joie. Nous partageâmes très vite un quotidien épanouissant. Peu à peu je repris une certaine foi en l'avenir, les nuages se dissipèrent lentement. Christian était un jeune homme de condition modeste et nous nous comprenions à demie mots. Il travaillait comme employé de banque et j'admirais ce que je prenais pour de l'érudition. Notre vie devint plus confortable, tendre, par certains aspects, elle ressemblait au bonheur. Mais tout ça ne le fut pas suffisamment pourtant car trois mois plus tard je tombai enceinte. Jamais de ma vie je n'avais pensé que je pourrais la donner et je fus tout d'abord désarçonnée et ne savais comment l'avouer à Christian. Pourtant les jours passants, les signes s'aggravant, je ne pus continuer à cacher mon état. Je pensais réellement que notre amour serait scellé, que notre famille serait érigée mais c'était sans compter sur la défiance des hommes. Je me retrouvai à nouveau seule et pourtant deux. Mais plus trois. Je menai ma première lutte, celle contre l'anéantissement. Je perdais une nouvelle fois mes illusions pour un homme qui avait été un symbole, tandis que mon ventre s'arrondissait, je passai le plus clair de mon temps à nourrir une angoisse pire que toutes celles effleurées jusque là. Je m'étais leurrée et je me retrouvai en charge d'une autre vie que la mienne. Mes nuits étaient aussi sombres que blanches, avec tout l'antagonisme que cela peut signifier.
Mais en effet, l'éclosion de Batpiste m'insuffla toute la robustesse que je pensais à jamais perdue. C'était lui et moi. A nouveau, je me mis au travail mais plus pour m'étourdir, pour vivre mieux avec ce que je savais faire. Mais que faire d'un petit gars lorsque l'on doit travailler de longues journées ? Il me fallut donc réduire mes heures, négocier de l'emmener avec moi aussi incongru que ça puisse paraître. Et nous survivions à peine. Je m'amaigrissais mais surtout je craignais pour sa santé avec le manque de nourriture, de chaleur, d'hygiène. Le visage de mon père m'apparut alors comme une évidence, il avait voulu préserver sa famille mais je ne comptais pas tomber dans l'illégalité pour cela, pas encore, même si je comprenais enfin ses motivations. Cette prise de conscience fut terrible et eut les répercussions attendues.

Spoiler:

Je repris donc contact avec les quelques clubs que j'avais fréquentés plus jeune et proposai mes services à des jeunes femmes aisées. Quelques commandes me permirent de nous offrir un peu plus mais ça n'était pas suffisant. Je m'essoufflai de plus en plus, surtout nerveusement et je sentais que mon fils en souffrait, surtout de passer ses nuits ailleurs que sous le seul toit qu'il connaissait. Ca m'éventrait mais quel choix avais-je ? Lorsque nous ne sommes pas nés avec une petite cuiller dans la bouche, il faut inventer l'argent qui nous manque de toutes les façons possibles. La survie n'a pas de prix.

- Rupture -


Ce matin là je me levai aux aurores sans déroger aux habitudes. J'emmitouflai Baptiste sous des couches de vêtements rapiécés, revêtis mon manteau élimé et nous nous dirigeâmes "Au coup de ciseaux". J'étais tellement fatiguée par mes nuits d'insomnie à façonner toutes sortes de tenues que je ne remarquai même pas la froideur avec laquelle on m'accueillit. Toujours sans réaction, je me dirigeai vers le petit atelier, déposai Baptiste avec un vieil ours en peluche, il n'était pas très regardant. Son plaisir était d'être avec moi, comme le mien. Lorsque le mari de la patronne, certainement trop couarde, vint me trouver pour me dire que je faisais ma dernière journée, je dus m'asseoir pour ne pas tomber et l'épuisement s'abattit sur moi comme une chape de plomb. La tête me tournait mais une sourde rage vrillait mes tympans, celle qui est ma nouvelle compagne de jeux. Avec dignité je pris mon fils dans mes bras et partit sans me retourner, dans l'incapacité d'effectuer une journée de dur labeur supplémentaire puisque j'étais congédiée et condamnée. C'est la voix si mélodieuse de mon fils qui me fit comprendre que mes larmes s'écoulaient. Je lui dédiai un regard, une promesse sourde que ça en était fini. Que nous ne survivrions plus.

Nous regagnâmes l'appartement qui ne m'avait jamais paru aussi insalubre et laid. Je laissai Baptiste à ses quelques jouets et m'offrit une tasse d'un café tellement insipide que je le recrachai. J'étais au bord de l'écoeurement. J'avais une envie enfiévrée de me jeter sur mon lit, d'y dormir de longues heures, toutes celles qui m'avaient manqué mais de ma vie, je ne m'étais laissé aller. Je ne sais encore où j'ai puisé la force de me relever et de confier Baptiste à la vieille dame qui habitait un étage en dessous. Elle m'avait parfois rendu service et j'avais plus que besoin de le savoir en sécurité pendant que je réfléchirais à nos nouvelles possibilités. Epuisée, mes pas me guidèrent naturellement vers le 21, certainement le Club le plus célèbre à New-York pour qui voulait se saouler. La cassure en moi s'exprima ainsi, je me jetai dans l'alcool pour y puiser de la force plus que l'oubli. Secrètement, j'espérais qu'on viendrait me passer des commandes car je n'avais pas les idées claires et mes réflexions n'avançaient pas. Je n'entrevoyais aucune issue favorable. Je devais avoir l'air d'une souillon avec ma perruque mal ajustée et ma robe de petite facture mais une jeune femme dut me prendre en sympathie car quelques minutes plus tard, elle m'offrit un verre de plus. Dans un brouillard épais, je remarquai à peine qu'elle le paya en substituant le porte-feuille d'un homme à l'âge incertain. Mais son clin d'oeil me parla. J'aurais pu l'oublier lorsqu'elle me fit raccompagner en taxi, titubant, l'esprit creux.

Pourtant à mon réveil, tout me revint à peu près clairement. Mon coeur s'accéléra. Je repensai à mon père fugacement et je compris que le hasard n'y était pour rien. Je n'aurais pas d'autre solution si je voulais que nous nous en sortions, Baptiste et moi. Et ma vie changea durablement. Si j'avais observé des vestes, pantalons...je me devais à présent d'observer les gens, leurs petites manies, leurs habitudes...mes mains agiles me furent d'un grand secours pour fureter dans les poches, les petits sacs de femme. Peu à peu l'argent nous nourrit à nouveau mais tout vice a ses revers, je commençai à apprécier d'obtenir mes gains facilement et si je tentai de ne pas m'éloigner de mon fils, je m'aveuglais. C'était un sacré pied de nez à la vie finalement. Et je voyais plus grand, il me fallait mettre au point un plan pour engranger encore plus d'argent, des meubles...je me prenais à avoir des rêves autres, la folie des grandeurs. C'est avec beaucoup de cynisme que je me disais que je l'avais bien mérité et que lui le méritait doublement. J'avais besoin d'autres lieux, plus vastes, plus riches. Une nuit, alors que je me rendais dans un club clandestin inconnu, je me dis que c'était ce soir où jamais. Mais comment ?

Possessions : - Sa robe blanche à frange
- Sa perruque noire
- Un petit sac vide
- Un porte-monnaie volé
- Une photographie de son fils réalisée peu de temps avant
- Un petit tube de rouge à lèvres

Permissions : Autorisez-vous la pnjisation de votre personnage par vos partenaires ? Merci de spécifier sur le pnjisomètre votre tolérance.


  • libre: j'accepte la pnjisation de mon personnage et fait confiance à mes comparses de jeu pour être fidèle à son esprit général . Si jamais quelque chose me choque dans sa pnjistion, je leur signalerais sans rancune par mp et de façon polie et aimable afin qu'ils rectifient. ( la solution la plus simple et la plus conviviale, mais si vous êtes particulièrement possessif avec votre personnage et que vous ne supportez pas qu'il parle et agisse sous la plume d'un autre, il suffit de le préciser)


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Crédits avatar : Woman The Mystery by vanitas 22
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Message  Le Dévoreur de temps Ven 22 Fév - 21:08

L'homme au cache poussière et à la chevelure de neige coupée court poussa la porte de l'arrière salle avec l'assurance d'un habitué. Chicago était une ville où régnait la corruption dans ces années sombres où l'instabilité économique prévalait. Suicides en séries de petits actionnaires ruinés aussi bien que de riches industriels, famine, misère dans les rues. L'Amérique de la prohibition était un vivier dans lequel il pouvait plonger à loisir. Il devait même parfois faire des choix cruels et en refuser certains. Des candidats potentiels au voyage ... Il répugnait toujours à lâcher dans les couloirs du temps ceux qui étaient trop dangereux. On pouvait redouter qu'Al Capone, ayant dans les mains des moyens modernes de dicter sa loi, puisse occasionner encore plus de bains de sang qu'avec de simples mitraillettes. Non, assurément, il valait mieux le laisser aux prises avec Eliott Ness que de lui donner ce pouvoir fabuleux d'arpenter les époques. Bien sûr le Grand Voyageur n'était pas à l'abri d'une erreur de jugement et une simple petite couturière à l'air inoffensif pouvait se révéler une véritable Bonnie, pour peu qu'elle trouve une motivation indécelable de prime abord ou fasse de mauvaises rencontres. Il avait bien un moyen de lire quelque peu les intentions des personnes qui lui faisaient face mais ce n'était pas anodin. Chaque pouvoir psychique a un prix et la petite pierre qu'il avait rapporté d'un lointain futur n'était pas d'un usage sans danger. En abuser provoquait de violents maux de tête et pouvait vous rendre vulnérables aux esprits mal intentionnés qui vous environnaient. Aussi n'en usait-il qu'avec parcimonie.

Un de ses indicateurs lui avait signalé l'activité fébrile d'une jeune femme qui détroussait les passants et clients de clubs clandestins. L'anonymat de la rue et l'illégalité des tripots ou bastringues à musique et à femmes qui servaient de l'alcool lui épargnaient le risque d'être trop vite interpelée par la forces de police mais ne la mettait pas à l'abri de représailles directes des personnes spoliées. L'époque était si rude qu'une voleuse prise sur le fait pouvait très bien être lynchée par la foule de la rue ou égorgée dans l'arrière cour d'un tripot par la pègre. A moins que celle-ci ne la recrute pour ses talents de rapine et n'en fasse une tapineuse. Le Dévoreur prisait les talents de détrousseur mais pour une toute autre raison que le vol d'argent. Son honnêteté le poussait à n'envisager le vol qu'à grande échelle et aux dépends des nazis , ce qui limitait forcément son champ d'action. Le plus souvent c'était d'ailleurs des documents, plus que leurs trésors de guerre qu'il convoitait. Des mains habiles pour dérober des clefs dans des poches ou un courrier pouvaient être appréciables. Avoir un talent de couturière n'était pas négligeable pour fournir des personnes qui devaient usurper des rôles et des identités. En quelque sorte, être Hadley Fairfield, cumulait tous les avantages pour devenir une recrue du Dévoreur. Cependant, il devait évaluer la prégnance de sa cupidité. Cela faisait quelques heures qu'il la suivait. Il s'était tourné vers la porte d'une voisine, faisant mine d'attendre qu'on lui ouvre, lorsque la jeune femme avait confié un jeune enfant à sa voisine, une vieille dame charmante, puis il lui avait emboîté le pas dans la rue, de loin toutefois, pour ne pas se faire repérer. Il avait constaté que son contact ne s'était trompé ni sur l'activité d'Hadley ni sur sa dextérité. Il l'avait vue prendre une collation légère dans un salon de thé, frissonner sous la rigueur de l'hiver en retournant à la rue, puis se rendre à la gare pour y continuer son activité sur les voyageurs désorientés qui débarquaient à Chicago. La journée fut longue pour lui mais sans doute plus encore pour la jeune femme. La nuit tombée, elle était entrée dans ce bar dont l'arrière salle était un club clandestin de jeu et de prostitution. Des clients aisés venaient s'y offrir le frisson de l'illégalité, les poches remplies de cash. L'exercice était périlleux dans un tel milieu, mais lucratif, sans doute. Et c'est les poches remplies de flouz qu'il avait franchi la porte gardée par deux gorilles. Il s'était installé au bar et avait commandé une bouteille de "bon" whisky qu'il avait réglée en extirpant une grosse coupure tirée d'une liasse de billets ré-enfournée aussitôt dans sa poche. Puis il avait allumé une cigarette. Dans la salle enfumée, les clients misaient ou bluffaient, leurs cartes en main, de jeunes femmes chaloupant entre les tables pour distraire les joueurs. Sur la scène, un bastringue à corde et cuivres délivrait un charleston endiablé sur lequel des couples se trémoussaient.


Tirant sur sa cigarette, Stanzas observait les danseurs d'un air apparemment absent. Pourtant il n'ignorait rien des déplacement d'Hadley qui se promenait entre les tables qu'ils avaient désertées, le sourire aux lèvres, glissant sa main dans les poches de vestes posées sur les chaises. La chaleur qui régnait dans la salle au plafond bas était telle qu'il semblait naturel d'ôter son cache poussière sans âge et de le poser sur le dossier de la chaise qu'il occupait.
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Empreinte : L'histoire de Vladimir Stanzas ou comment on devient le Dévoreur de Temps
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Message  Invité Sam 23 Fév - 14:44

Dès potron minet, je m'étais extirpée de mon lit qui s'était vu affublé d'un matelas beaucoup plus confortable depuis que mes larcins se multipliaient. J'avais une conscience aigüe du fait que je me dénaturais à tomber ainsi dans le vice, de plus en plus fréquemment mais je jugulais, je refusais de poser un regard sain sur ma vie. Cela m'avait-il d'ailleurs servie jusque là ? N'étais-je pas tombée de Charybde en Scylla en mettant l'Humanité sur un piédestal ? Mon cynisme n'avait d'égal que ma soif de mettre Baptise à l'abri, de l'éloigner de la comédie qu'est la vie des gens sans argent aux valeurs malmenées. La désillusion. Je vivais dans la désillusion et mon amour jouait un jeu serré avec ma haine. Quand allais-je réaliser que je privais mon enfant de ce que je pensais nommer honteusement l'amour que je lui portais ? Je l'abandonnais des journées entières, pensant satisfaire ses besoins matériels alors que son regard implorant me demandait juste le strict minimum. Mais j'étais dans un déni total, si puissant...
Je nous débarbouillais des vestiges de la nuit, calmais ses larmes qui affluaient, m'exhortant à ne pas laisser entrevoir les miennes. Tandis qu'il préparait quelques affaires, j'endossais mes deux ego à travers ces oripeaux qui avaient, autrefois, représenté toutes les beautés du monde. Je superposais donc une robe difforme qui me permettrait de me fondre dans le paysage et une petite robe blanche typique de ces troquets clandestins qui m'avaient à présent pour fidèle cliente. Nouant mes cheveux, je me composais cette nouvelle identité derrière la perruque qui ne me quittait plus. C'était peut-être d'ailleurs la seule chose qui arrachait un sourire à Baptiste. Il aimait tirer dessus et je goûtais à ce plaisir de voir ses fossettes aussi longtemps que mon emploi du temps me le permettait. J'étais devenue ma propre patronne, si le terme était exact mais j'étais tributaire de certains aléas.
Une fois le rituel matinal terminé, je déposai mon petit coeur chez Madame Hairway qui avait pris une place salutaire dans nos vies. Je lui condamnais une confiance inébranlable et elle ne posait aucune questions même si je lisais la suspicion dans son sourire affable. Sa décence devait cependant la pousser à ne me montrer que bienveillance. Je les quittai le coeur lourd mais bille en tête.

Ma première destination fut pour un petit salon afin de prendre une collation bien chaude mais mes mains galopaient plus vite que mon esprit et le thé qui me rasséréna ne me coûta pas un pence. L'habileté que je mettais dans le troussage des bourses me surprenait moi-même. Le désespoir pousse parfois à se surpasser, je ne croyais pas du tout posséder un don quelconque ou alors je réfutais cette idée qui m'aurait plongée à nouveau dans l'abîme de ma dépravation. J'observais ces femmes toilettées, à la dernière mode qui devaient se demander ce qu'une souillon comme moi venait faire dans leur monde et un sourire un peu malsain me prit. Je n'avais pas de monde alors je pouvais tout à fait faire partie de n'importe lequel, même le leur. Une rancoeur muette me poussa néanmoins à changer de terrain de chasse. Serrant mon manteau contre moi je me dirigeai vers mon lieu de prédilection : la gare et ses passagers pressés, perdus. Qu'il était aisé de lancer un sourire à un jeune couple promenant ses enfants jusqu'aux quais tout en leur soutirant les économies glissées dans les poches du mari, ou encore de simuler une bousculade, d'un air méprisant, en dérobant un sac à main. En cela, mes robes amples étaient un subterfuge idéal. Je mangeais toujours sur le pouce, trop accaparée par mes appâts et l'idée que la journée devait se terminer au plus vite même s'il me faudrait contempler mon fils uniquement dans son sommeil. Cette pensée là était insupportable, plus que tout et m'arrachait toujours un soupir douloureux. Mais je poursuivais jusqu'à la nuit tombée. La gare était désertée mais en revanche, je savais où trouver d'autres "clients". Le froid piquant du dehors me faisait presser le pas. Ce soir là j'hésitai sur le cabaret que j'allais choisir. J'avais eu quelques démêlées au 21 et j'optais plus souvent pour des endroits moins à la mode et sur lesquels la mafia avait moins la main mise. J'avais d'ailleurs sympathisé avec un barman qui me laissait quelques minutes dans une petite pièce vide pour quitter mon costume chaste et me parer comme une fille de joie. Il était persuadé que je fuyais des parents hostiles et je ne le détrompais jamais. C'était du moins l'impression que j'avais.

Dans ces soirées, on ne jouait pas le même jeu. Il ne s'agissait pas seulement de virevolter de cabans en cabans. Je passais pour une jeune femme s'amusant à boire quelques verres, sans jamais les finir afin de rester lucide. Je me voulais inaccessible. Ce qui était beaucoup plus compliqué c'était de faire main basse sur un peu d'argent et de le préserver. J'avais donc cousu des poches intérieures à toutes mes robes mais cela sous-entendait uniquement des pièces et des billets même si, ces derniers temps, j'avais commencé à brigander quelques bijoux. Le marché pour les revendre était fort dangereux aussi ne me prêtais-je au jeu que rarement car pas assez infiltrée dans les réseaux. Le risque était de taille et j'avais l'impression qu'y céder me ferait monter d'un cran dans l'illégalité, une sorte de point de non retour.
Je n'aurais su dire l'heure qu'il était mais je sentais que mes jambes ne me portaient plus et j'avais amassé suffisamment de cash pour me permettre même une journée de repos en fin de semaine. Je captai toutefois le regard d'un homme étrange que je n'avais encore pas remarqué, trop concentrée sur mes méfaits. Quelle aura étrange ! Et cette chevelure ? J'arquais un sourcil devant cette accoutrement sans nom. Je haussai les épaules mais mes yeux furent attirés par les liasses que l'homme laissait comme une tentation évidente. Un dernier, Had ? Son manteau pendait en un appel irrépressible. Il allait falloir faire preuve d'ingéniosité pour ne pas éveiller sa curiosité. En jetant un regard acéré sur la situation, je remarquai qu'il était non loin de la sortie. Si j'usais d'habileté, je pouvais récupérer gros et filer en douce. Non...je devais récupérer mes affaires. Je maudissais ce genre de contre-temps et mon avidité. Et pourquoi s'embêter de tant de précautions ? J'allais agir comme habituellement. Je m'approchai les yeux fixés sur un point devant moi, le sourire aux lèvres et glissai hâtivement ma main. Je fus grisée de sentir le papier se froisser sous mes doigts que j'ôtais prestement. Je pouvais à présent filer à l'anglaise.
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Message  Le Dévoreur de temps Ven 8 Mar - 17:02

Le piège avait parfaitement fonctionné et il avait bien senti le frôlement, à peine perceptible pourtant, de la jeune femme lorsqu'elle avait glissé sa main dans la poche du manteau. Furtive et rapide comme l'éclair, Hadley avait subtilisé les billets et s'élançait vers la sortie sans demander son reste. Tirant sur sa cigarette et expulsant un nuage de fumée bleutée, le Dévoreur se tourna dans sa direction et lança sur un ton sans appel qui la stoppa net dans sa course.

- Je pense que nous avons à parler, Hadley Fairfield. A moins que vous ne préfériez que j'alerte la police ou les tenanciers du lieu ?

Elle marqua un temps d'arrêt mais ne se retourna pas pour autant, de sorte qu'il s'adressait à un dos et ne voyait absolument pas les expressions qui se succédaient sur le visage délicat.

- Vous pensez sortir ainsi dans la rue ? Vous ne ferez pas cent mètres sans vous faire aborder par des hommes malintentionnés qui vous dépouilleront de vos "gains"-il insista sur le mot- et pire, abuseront de vous.

Le bruit de l'orchestre couvrait son monologue et il n'y avait guère que les clients entrant et sortant et le colosse qui faisait office de surveillant qui pouvaient entendre ses propos mais c'était déjà trop aux yeux de Stanzas qui cultivait la discrétion autant que possible, sur ses contacts et transactions. Il avait parfois quelques ratées avec des voyageurs butés comme des mulets et espérait que ce ne serait pas le cas d'Hadley. Il avait déjà récemment du faire face à un hussard récalcitrant et il avait cru le perdre ou manquer de l'étrangler. Mais une jeune femme ne supporterait peut-être pas aussi bien les mêmes aléas. Le Hongrois était un guerrier plein de ressources, résistant, habitué à la souffrance, au froid, à la mort. Hadley, malgré un caractère en apparence déterminé, était fragile et il n'était pas certain qu'elle résistât à un voyage aléatoire dans l'espace temps jusqu'à la porte de l'Antichambre. Il lui fallait donc la convaincre de faire demi tour et de l'écouter mais également l'avertir qu'elle ne devait absolument pas porter la main sur lui sous aucun prétexte. Les femmes étaient parfois tellement promptes à délivrer des gifles...

- Pensez à votre enfant, pensez à Baptiste ... Que deviendrait-il si quelque chose de fâcheux devait vous arriver... Vous ne pouvez continuer sur cette voie, Hadley , pas sans cadre ni protection, du moins. Regardez moi et accordez-moi quelques instants dans cette très longue journée qui fut la vôtre. Quelques instants pour le salut de votre enfant mais aussi pour le vôtre ... Cela vaut bien la peine de vous retourner et de me suivre dans un endroit plus calme pour que nous puissions parler en toute discrétion, non ?

Il espérait fortement qu'elle réfléchirait de la bonne manière et entreverrait le fait qu'il aurait aussi bien pu alerter le barman et toute la clique de ce bouge et la faire prendre avec toute l'oseille qu'elle avait sur elle. Les autres clients détroussés seraient certainement très réactifs et prompts à demander dédommagement. Il n'était pas bien difficile d'imaginer de quelle façon elle pourrait payer.

- Si vous souhaitez que je sois plus clair, je vais l'être. Soit vous me suivez, soit je donne l'alerte et je pointe du doigt chaque poche que vous avez visitée. Je pense que cela intéressera pas mal de ces enfoirés que vous avez délestés. Qu'en pensez-vous ? Vous en prison, dans le meilleur des cas, Baptiste à l'assistance publique. Est-ce que cela vous aide à y voir plus clair ?

Il détestait devoir faire cela, mais il était parfois contraint de le faire, pour sauver les âmes en perdition d'elles-mêmes. Il savait qu'il se faisait ainsi de nombreux ennemis et qu'à force d'être un objet de haine, il finirait sans doute une balle entre les deux yeux ou une lame plantée dans le coeur, flingué par un voyageur qui le tiendrait pour un ignoble salaud et n'aurait pas pris le temps de considérer le salut qu'il lui avait offert, la porte de secours dans une impasse. Utiliser un enfant comme levier l'écoeurait de lui-même mais il savait qu'il pensait juste. Si sa mère continuait son activité de cette façon, elle finirait en prison, ou dans un réseau de pickpockets de haut vol, pire de prostitution ou morte. Il était convaincu de la sauver et si cela devait la conduire à le haïr, il s'en accommoderait, d'autant plus facilement d'ailleurs, qu'elle serait une recrue de choix pour son projet.
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Message  Invité Dim 10 Mar - 19:30

Alors que je me pensais presque sur le chemin du retour, un couperet glacé s'abattit sur moi lorsque la voix inconnue prononça mon nom en entier. Ici personne, pas même ce jeune barman aux airs sympathiques n'avait connaissance de mon patronyme et pour cause, j'étais dans la clandestinité et comptais bien le rester. J'étais déjà passablement fatiguée et j'avais poussé le vice jusqu'à prendre un risque qui s'avérait complètement dantesque. De pâle je dû passer à translucide. Pourtant, j'hésitai à porter attention aux dires de cet intriguant mais ne pus que me figer. La situation devenait ubuesque au fur et à mesure qu'il exposait ma vie comme s'il la connaissait sur le bout des doigts. Une traînée de sueur descendit lentement le long de mes reins et la chaleur ambiante n'y était pour rien. Je déglutis avec peine et poussai un soupir à fendre l'âme, entre colère et incompréhension. Ses propos sonnaient comme une menace à peine voilée et pourtant, je ne pouvais ignorer une certaine empathie. Mais comment accorder foi aux paroles d'un homme étrange que je soupçonnai peut-être aussi malintentionné que ces personnes dont il me jetait les réactions au visage...enfin, aux oreilles ?
Pour mieux réfléchir à ses propos qui faisaient mouche, je contemplai la salle dans un semi brouillard. Des corps alanguis sur des banquettes, d'autres qui s'agitaient aux sons de l'orchestre, une fumée épaisse qui me donnait toutes les fois mal au crâne et ces visages qui semblaient se déformer en écho à l'alcool absorbé, aux rires gras... Le tournis me prit. J'avais sommeil, j'étais fourbue et je voulais mon fils, pas entendre des mots percutants qui me vrillaient l'estomac. J'avais la solution d'occulter toutes ces vérités et de lui en glisser quelques bonnes. Farouchement je me retournai.

- Puisque vous semblez si bon connaisseur de mes moindres faits et gestes, vous devriez avoir compris que rien de fâcheux ne m'est jamais arrivé. Je suis plutôt débrouillarde, vous savez.

Mais qui pensais-je berner ? N'incarnait-il pas le rappel de ma conscience ? Peut-être d'ailleurs faisais-je une sorte de rêve, comme une prémonition que je camouflai à présent depuis plusieurs mois.
Mes yeux acérés détaillèrent sa silhouette solitaire, son visage indéfinissable, ses cheveux qui suscitaient l'étonnement. Mais je secouai la tête. En fait c'était un malade. Il m'épiait et me proposait ouvertement de nous isoler. J'avais beaucoup de défauts mais pas la naïveté, dans ce domaine. Un sourire qui cachait ma fureur se dessina.

- Nous y voilà...Vous vous trompez de personne ! Les filles de joie vous attendront un peu plus loin, il n'en manque pas ici dans les rues. J'ai besoin d'argent mais pas de cette façon.

Mes poings allaient se refermer sur mes hanches de façon suggestive mais cette fois, le ton employé n'avait plus rien d'engageant. Il voulait m'apporter son aide là où je voyais un piège se refermer sur moi. Mais que faire ? Oui mes poches étaient pleines de dollars. Oui les anciens propriétaires seraient ravis de m'épingler au pilori. Non je ne voulais pas perdre Baptiste. Mais non je ne voulais pas me retrouver en tête à tête avec ce forcené. Mes petites cellules grises se mirent enfin en action et je cherchai une échappatoire. Au moins poser mes conditions. Je repensai à mes affaires dans cette petite salle mais je ne savais pas si le compromis serait suffisant, si on m'entendrait appeler à l'aide, au besoin.

- Bien, je vais vous écouter mais je n'ai pas confiance en vous.

Il surgissait du Néant, me présageait du pire, comment aurait-il pu en être autrement ? Je n'avais pas vraiment froid aux yeux mais je restai sur mes gardes, un petit bonhomme attendait mon retour dans son sommeil et j'avais autant besoin de lui que lui de moi. Ne tergiversant plus, je lui indiquai un box un peu à l'écart, à quelques mètres de là.
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Message  Le Dévoreur de temps Mar 2 Avr - 20:58

Les mots étaient une arme que Stanzas avait appris à utiliser pour survivre mais aussi pour convaincre les plus récalcitrants de l'intérêt qu'ils avaient à se fier à lui. Pourtant chaque apprentissage a ses limites surtout quand celui qui le met en oeuvre n'est pas fondamentalement en paix avec ce qu'il a appris. Manipuler les gens, se servir de leviers affectifs pour les contraindre à agir selon son bon vouloir n'était pas dans la nature de cet homme mais était devenu celle du Dévoreur qui voulait déjouer les aberrations du Destin et réécrire les pages de quelques existences mais aussi celles de l'Histoire par extension. Si on lui avait demandé de s'exprimer sur l'adage "la fin justifie les moyens", l'homme aurait repoussé la formule mais pour le Grand Voyageur, rien n'était moins sûr. L'obsession était telle chez lui, de retrouver les siens, qu'il ne reculerait devant aucune dureté. Cette femme avait la chance inestimable d'avoir auprès d'elle son enfant et elle la mettait en péril au bénéfice d'argent facile? Qu'était-ce donc qu'elle endurait au vu de ce que Gala et Loudna avaient du supporter avant de disparaître de la surface de la Terre ? Hadley était sans doute courageuse à sa façon mais il lui donnait simplement l'occasion de l'être d'une façon bien plus constructive et honorable. Alors il ne s'estimait pas être un salaud même si faire vibrer la corde maternelle pour la gagner à sa cause lui semblait peu reluisant. Il appuyait là où ce la faisait mal pour lui permettre d'être meilleure mère. Il ne faisait jamais qu'utiliser la seule cause recevable aux yeux de la jeune femme, son enfant, pour la gagner à la sienne qu'il ne dévoilerait que plus tard si cela devenait nécessaire.

Malgré la pâleur et le maintien plus qu'hésitant de la voleuse, il ne voulut retenir que l'arrogance et ne se radoucit pas face au ton impertinent qu'elle employait pour une pick pocket prise la main dans le sac. Il la laissa cependant déverser ce qu'il ne pouvait que qualifier d'insanités à première vue bien qu'il dût convenir qu'elle avait de bonnes raisons de le prendre pour un pervers.

- Vous voilà bien sûre de vous, Mademoiselle Fairfield... Puisque vous êtes si débrouillarde, comment expliquez-vous votre situation actuelle ? Ohh je ne parle pas de votre activité très lucrative, mais du fait que vous vous trouviez en position de faiblesse face à moi, sans autre alternative au fait de me suivre que de vous faire coffrer par la police ou lapider par ces gens que vous avez volés ? Il ne s'agit même pas d'un jugement moral, ici, mais d'un jugement de valeur. Lorsqu'on fait quelque chose, il vaut mieux le faire très bien, selon moi. Et vous le faites juste bien. Ce qui est encore trop mal à mes yeux.

Arborant un sourire désarmant, il se leva et paya ses consommations et se dirigea vers l'alcôve privée qu'elle lui désignait, lui passant devant avec une fausse nonchalance.

- Si j'étais un proxénète ou un client, croyez bien que vous seriez déjà à l'oeuvre dans une de ces ruelles dont vous parlez. Vous pensez réellement que ce genre d'individu va prendre la peine de discuter avec vous du sexe des anges ? Vous êtes naïve, Hadley, sous vos dehors bravaches et je parie sans grand risque que la totalité des hommes de ce tripot a des intentions beaucoup moins honnêtes que moi vous concernant.

Il souleva la tenture qui fermait le réduit en forme de fer à cheval, classique théâtre de représentations lubriques, se tourna vers elle et pensa pour la troisième fois qu'elle était une fort jolie femme puis l'invita à passer devant lui.

- Arrêtez de faire votre mère effarouchée, cela ne vous sied guère. Il a bien fallu que vous conceviez Baptiste et on ne fréquente pas ce genre de bastringue sans s'allonger quelque peu.

Il leva le menton et la sonda de ses yeux d'orage avant d'ajouter...

- Passé, présent, réalité, fiction ... Si je vous disais que cela a peu d'importance ? Continuez sur cette voie et si vous n'êtes pas encore une pute ou ne l'avez pas été, vous le serez bientôt. Ce n'est pas à moi que je vous demande de faire confiance, Hadley, mais à vous... A vous, quand je vous affirme que vous pouvez mettre vos talents au service d'une cause supérieure et juste. Alors, oui, écoutez-moi, mais écoutez-moi non, pas bien, mais d'une façon remarquable, comme tout ce que je vous demanderais de faire à présent.

Alors qu'ils s'asseyaient tous deux sur la banquette, il pencha sa haute silhouette sur elle et lui murmura à l'oreille :

- Que diriez-vous si je vous affirmais que ce n'est pas d'argent dont vous avez le plus besoin, car l'argent file vite entre vos mains, mais d'une raison d'espérer pour Bastien et vous ? Un avenir moins sombre que celui qui s'offre à vous dans le meilleur des cas, une vraie possibilité d'écrire votre propre destin ?
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Message  Invité Sam 6 Avr - 20:29

Ces poings que je n'avais d'abord pas fermés sous l'effet de la surprise et de la fatigue, se serrèrent résolument devant l'affront verbal que l'homme étrange qui finalement me harcelait au lieu de me jeter entre les mains des forces de l'ordre ou au patron de ce club, ce qui aurait certainement fini mal dans les deux cas, m'asséna. Je ne maniais pas le verbe très aisément et ne savais pas vraiment me défendre de cette façon mais m'entendre dire que je n'étais pas dans l'excellence, moi qui avais toujours travaillé comme une forcenée pour y parvenir, me mit hors de moi. J'étais évidemment très loin de connaître ses intentions me concernant et de me douter de son passé ou futur...mais à qui en vouloir ? Moi qui avais misé sur le mauvais cheval par besoin de survie ou lui qui me racontait presque l'histoire de ma vie comme s'il me connaissait mieux que mes propres parents ?
En 28 années, je n'avais été proche de personne à part ma petite famille bien vite quittée et le père de mon fils qui lui, m'avait bien vite quittée également. M'approcher n'était pas chose aisée, obtenir ma confiance encore moins. Bien sûr je ne pouvais me douter que j'avais touché un point sensible mais je ne voyais pas un homme en lui avec une histoire bien tangible comme tout un chacun, je ne voyais qu'une apparition cauchemardesque, improbable qui soldait ma nuit par une difficulté supplémentaire.
Et ce sourire...ce sourire que je trouvais moqueur presque hautain eut raison de mon calme et je me voulus agressive à ma façon.

- Vous êtes discourtois et désagréable. Qui plus est impoli car vous venez de prononcer mon nom deux fois sans décliner votre identité.

Dis-je presque en haussant le ton. L'éducation...Eh oui elle me poursuivait malgré mon commerce de l'argent qui me faisait passer pour celle que j'étais loin d'être. Mais il avait raison même si je n'en n'avais pas vraiment conscience ou que je préférais me voiler la face, je jouais avec ma vie voire mon intimité bien que je les protégeais du mieux que je pus depuis toujours et ça pouvait passer pour de la naïveté. Cela n'en n'était pas à mon sens ou peut-être que si, j'occultais le risque même raisonnable. Je lui décochai un regard peu amen et le suivis.
Je déglutis en pensant que je devais pénétrer dans cet antre du vice avec un inconnu bien inquiétant dont l'intelligence ne pouvait que frapper et l'incongruité rendre méfiante. Je retins une grimace revêche lorsqu'il se montra presque galant, ça allait tellement à l'encontre du discours qu'il venait de me tenir que je prenais encore cela pour de la complaisance teintée d'ironie. Etais-je dans le vrai ?

Finalement, l'idée de ce box était toute aussi mauvaise que celle de la pièce des employés car nous étions aussi isolés et couverts par le bruit assourdissant, environnant. J'avais déjà vu des couples se retirer dans ce genre de lieux mais moi-même, si les apparences n'étaient pas de mon côté, en tout cas, jamais mes pas ou quoi que ce soit d'autre m'appartenant n'avait franchi les lourds rideaux. Mes considérations éthiques furent interrompues par une phrase encore plus incisive voire méchante et je dus faire deux efforts. Le premier retenir mes larmes. J'étais finalement quelqu'un de très sensible et si la colère se mêlait à la fin d'une journée, j'avais bien du mal à contenir mes émotions. Je baissai donc mon visage tout en produisant le second, retenir ma main qui aurait eu plaisir à lui abîmer au moins la joue. Mes yeux bravèrent les siens après une longue hésitation. Ils devaient briller de différents scintillements. Mes lèvres froidement pincées je répondis :

- Je vous l'ai dit, espèce de...je ne suis pas une fille de joie ! Ne prétendez pas me connaître si vous comparez l'acte d'amour de concevoir un enfant et celui d'ouvrir les jambes au premier venu.

J'allais lui demander ce qu'il voulait à la fin lorsqu'il continua comme si le mot « pute » ne m'avait pas atteinte et n'avait pas à nouveau fait se lever mon bras dans un automatisme bien naturel de protection en direction de son visage. Qu'est-ce qui me retenait d'en finir avec ce malotru ? La peur de voir Baptiste seul ? Uniquement oui...un homme qui parle ainsi est certainement capable de beaucoup de choses...
J'eus un mouvement de recul en le sentant se rapprocher. Voilà...ça en était fini...mais non ! Il continuait son discours étrange sur le temps, mon habilité, l'excellence – et je faillis grincer des dents – l'avenir, l'argent...c'était une sémantique qui me parlait indubitablement mais je n'entrevoyais pas encore du tout où il voulait en venir. Je me frottai les yeux, agacée, insultée, questionnée... Dans un mouvement lent je me tournai vers lui.

- Allez-vous enfin cesser de parler à mots couverts puisque nous sommes seuls comme vous le souhaitez et me dire clairement de quoi vous m'entretenez ?


Je crus déceler de la bonté au fond de ce regard inquisiteur et dérangeant mais il était hors de question que je me montre aussi écervelée qu'il le pensait.
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Message  Le Dévoreur de temps Ven 10 Mai - 20:21

Tellement de signes trahissaient la colère et le dégoût des mots qu'il venait de lui imposer qu'il crut qu'elle allait le gifler plus d'une fois. Pourtant elle se contint, et quelle qu'en fût la raison, cette maîtrise prouvait qu'elle avait aussi cet atout pour survivre à l'expérience incroyable qu'il allait lui proposer. Elle savait évaluer le danger quoiqu'il en dise et elle sentait instinctivement, sans doute, qu'il était assez humain pour ne rien tenter contre elle mais assez résolu pour répondre à la claque qu'elle aurait pu lui donner. Mufle, Vladmir Stanzas ? Capable de lever la main sur une femme ? Assurément si elle se comportait comme une écervelée. Rien ne le contrariait plus qu'une tête bien faite qui raisonnait comme une demeurée. Il avait de ces patiences avec les simples d'esprit qu'il n'offrait aucunement aux personnes plus qu'intelligentes. Et Hadley était de celles-ci. Elle ne méritait pas qu'il transige. Le regard qu'il portait sur sa situation était exact, quoiqu'elle pût en protester. Elle avait largement de quoi subsister sans tomber dans les petits métiers malhonnêtes. Elle avait le regard de ceux qu'un esprit éveillé et rigoureux éclaire, cette présence d'esprit justement, cette capacité d'analyser la situation et de s'y adapter, et qu'en faisait-elle ? Elle le gâchait dans une carrière de trousse-menu ?

Non, il ne regrettait nullement d'être dur avec la jeune femme. Il ne pouvait, même, en faire l'économie. Ce n'était pas comme s'il n'envisageait que de la faire voyager vers des temps meilleurs. Il voulait la recruter également pour sa recherche et dans cette hypothèse il devait faire bien davantage que s'assurer qu'elle n'était pas mal intentionnée. Il devait acquérir la certitude qu'elle ferait un bon agent de recherche, qu'elle ne se laisserait pas déstabiliser face à des personnes trop rudes ou trop intrusives dans leurs manières. Les services de renseignement nazis n'étaient pas réputés pour leur douceur psychologique, pas plus que la garde rapprochée des hauts dignitaires du Reich. Elle avait le profil type de l'agent qui pouvait lui obéir. Il ne doutait pas arriver à lui faire entendre qu'elle devait se rallier à sa cause, il doutait encore qu'elle fût à la hauteur de ses attentes, sinon intellectuellement, émotionnellement. Et il la testait. Aussi hocha-t-il la tête négativement, avec un calme effrayant lorsque le geste et la parole devinrent trop agressifs chez la jeune mère.

- Je vous déconseille fortement de porter la main sur moi, et ce dans votre intérêt. Je pense que vous n'avez pas envie d'être projetée dans le néant sans y avoir été préparée. C'est arrivé récemment à un hussard hongrois qui ne semble pas encore s'en être remis.

Il s'interrompit alors que le barman venait s'enquérir d'une commande pour cette alcôve privée.

- Apportez-nous une bouteille de Bourbon et veillez à ce que plus personne ne nous dérange. Vous apporterez également les effets de cette dame avec la commande. Nous pouvons être appelés à partir séance tenante, à tout moment. Ajouta-t-il en tendant un billet pour assurer l'homme qu'il le payait d'avance.

Une fois que l'employé se fut exécuté sans discuter devant le gros billet, puis retiré, le Dévoreur s'empara du manteau que l'homme avait déposé sur la banquette et en retira les poignées de billets qu'elle avait sans doute dérobés dans la journée en d'autres lieux. Il les compta d'un air sévère et les cala sous le verre de Bourbon.

- C'est fini Hadley Fairfield. Cet argent nous allons le remettre entre de bonnes mains où il sera bien employé et vous allez désormais travailler pour moi. En échange de quoi je m'engage à veiller sur votre fils et à lui fournir le précepteur le plus attentionné en la personne de mon secrétaire.

Il extirpa une énième cigarette de son paquet en songeant qu'il ferait bien d'arrêter. Les voyages dans le temps ne rendaient en rien immortel. Il l'alluma néanmoins et, tirant une bouffée, il eut un sourire absolument effronté à l'égard d'Hadley.

- Un mot de vous, un "oui"  et votre fils part au petit matin pour mon domaine de Targoviste. Je suis le professeur Radu Stanzas, physicien, mais en vérité je me nomme Vladimir Stanzas et je suis né le 23 juillet 1910... Et bien entendu, vous l'aurez remarqué, j'ai bien plus de seize ans. Ajouta-t-il dans un murmure. Je viens du futur... de l'année 1941 plus précisément mais en passant par 2012.

Il but une gorgée de ce liquide ambré que les américains affectionnaient tant mais qui avait un cours illégal dans cette époque et tira sur sa cigarette en plissant les yeux.

- Hadley, entrez à mon service, devenez un de mes agents de renseignement et votre fils sera plus qu'à l'abri du besoin. Je vous promets que vous aurez le loisir de le voir régulièrement. Voyager ne sera qu'une formalité pour vous, si vous travaillez pour moi. Aidez-moi à sauver ma femme et ma fille ... Elle avait à peu près l'âge de Bastien la dernière fois que ...  

Fronçant les sourcils, il détourna le regard.

-Excusez ... Je n'ai guère plus le temps de m'attarder, mademoiselle Fairfield. Soit vous empochez cet argent et vous allez vers le destin tragique et mesquin qui vous attend derrière ce rideau, soit vous me suivez et nous allons le déposer aux bonne oeuvres du quartier pour aider les nécessiteux. Au moins vous pourrez dire que vous avez pris aux moins pauvres pour donner aux plus démunis. Le père qui administre cette paroisse est un brave homme bien qu'il essaie de raviver ma Foi à chacune de nos entrevues... Choisissez mais choisissez vite et bien ...
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Message  Invité Dim 12 Mai - 18:51

Si j'avais su, malgré tout l'anéantissement que je ressentais, qu'il pensait que j'avais de quoi vivre sans convoler avec le frauduleux, j'aurais pris le temps de lui faire visiter l'appartement insalubre ou presque, qu'il semblait n'avoir vu que de l'extérieur afin qu'il constatât que la rouille attaquait tous les tuyaux, que le chauffage ne fonctionnait plus, même après plusieurs coups de marteau sur les canalisations - oui une mère célibataire apprend à se servir de tout, toute seule - que la table de la cuisine branlait si l'on posait le petit doigt dessus et que si quelques valeurs monétaires illicites n'avaient pas amélioré notre condition, Baptiste et moi n'aurions même pas pu nous trouver un lit à l'assistance publique. Je lui aurais aussi présenté mon fils, ce petit bonhomme aux cheveux bruns en désordre continuel qui ne savait plus ce que sourire voulait dire car chaque jour la dure réalité de la vie le privait de voir celle, la seule qui le chérissait plus que tout au monde. Je lui aurais fait observer la maigreur de ses bras, le creux de son ventre qui commençaient seulement à prendre quelques rondeurs bien normales lorsque l'on a trois jeunes années.
Et j'aurais exposé tout ça malgré la peur qui me nouait...non je n'aurais pu avouer ma vie à un inconnu. J'avais finalement bien trop honte de ce que j'infligeais à ce petit être qui n'avait jamais demandé à vivre dans un tel monde, avec une mère incapable de le nourrir, de lui apporter quelques distractions, qui n'a que de l'amour à offrir et ce à peine une ou deux heures par jour. Privé d'un père couard et élevé loin de ses grands-parents par...fierté mal placée.

- Si je ne lève la main sur vous c'est uniquement car j'ai bien conscience de ce que les hommes sont capables de faire de nos...

Je clignai des yeux, pensant avoir mal compris la fin de sa phrase. Hussard ? Projetée dans le néant ? Tout ceci était regrettable et impossible, j'allais me réveiller en sueur de ce tourment, allongée dans mon lit, un peu plus en sécurité qu'ici. Ou l'épuisement me provoquait des hallucinations auditives ou pis, j'avais en face de moi un fou furieux qui n'avait pas trouvé sa cage et c'était bien ce que je pensais depuis le début. Une fois de plus je tentai d'évaluer la situation. Je pouvais me lever et partir en courant, autant que mes pieds exténués me le permettraient. S'il était un aliéné, je ne courrais pas plus de danger en m'évadant qu'en restant à ses côtés une seconde de plus.
Mais la malchance était ma troisième compagne ce soir-là et un serveur vint s'enquérir de ce que nous souhaitions. Ce que nous souhaitions ? Moi ? Me trouver à mille lieux, même dans l'inconfort de mon maigre chez moi. Toutefois je n'avais en effet aucune maîtrise sur la situation et je détournai le visage. Il voulait me faire boire, me ramener dans un hôtel sordide dont je ressortirais l'ego encore plus abîmé et la tête un peu moins haute. J'allais finir dans le ruisseau et mon fils auprès de l'Assistance. La panique m'envahit totalement. Je sentais l'air qui n'affluait plus et le vit à peine fouiller mes poches. Absolument plus maîtresse de rien, je me saisis de la bouteille, m'en versais un verre et l'avalais d'un trait. Le liquide eut au moins pour effet de me chauffer le sang assez vite et de me secouer quelque peu.

Toujours dans cette brume qui m'environnait, certainement épaissie par l'alcool que je venais d'ingurgiter, j'assimilai assez difficilement les concepts qu'il me présentait. "Travailler" ? "Dans de bonnes mains" ? Oui jusque là j'avais bien compris mais je vis surtout qu'on m'arrachait mon enfant et qu'on allait le confier...Alors que je secouais nerveusement la tête, je voyais déjà Baptiste tendre ses petites mains dans ma direction, son regard implorant une explication que j'étais incapable de lui fournir et je ne me voyais pas plus pouvoir me dégager de l'emprise machiavélique de cet homme. Il m'était de plus en plus difficile d'endiguer le flot d'émotions multiples qui me submergeaient mais je bravais son sourire méprisable. Lirait-il mon désespoir et mon incompréhension ? Verrait-il l'incongruité de notre échange, de cette fin de soirée ? Les mots tournoyaient dans ma tête sans atteindre ma conscience et mon regard éteint était perdu dans le vide.

- Vous voulez m'ôter mon enfant.

En réalité, la conversation se faisait à sens unique, je parlais pour moi et ne comprenais pas vraiment ce qu'il me disait mais la fureur de cette pensée me fit me lever alors que je tanguais dangereusement. J'agitai un doigt menaçant dans sa direction.

- Tout ce que je comprends c'est que vous voulez me débaucher en me parlant de choses que je ne comprends pas et que vous allez m'arracher le seul être qui compte pour moi. Mais au nom de quoi ?? Vous venez du futur ? Mais vous me pensez assez idiote pour avaler toutes ces couleuvres ? Dîtes-moi la vérité monsieur Stanzas, faîtes-moi comprendre que vous n'êtes pas un illuminé qui me veut du mal parce qu'à l'heure actuelle j'ai bien envie de vous cracher au visage.

Le ton radouci de sa voix ne me calma en rien même si je voyais plus que je ne sentais un trouble profond se profiler autour de lui. Prise d'un vertige que j'aurais pu prévoir, je me rassis, ressentant une certaine urgence. Sa voix résonnait "Aidez-moi à sauvez ma femme et ma fille ... Elle avait à peu près l'âge de Baptise la dernière fois que..." Du chantage ou une vraie demande ? Il me voulait clairvoyante rapidement mais ?... Je soupirai en proie à quelque chose de parfaitement cornélien.

- Ecoutez, je veux bien sortir...

C'était plus pour moi, pour respirer que vraiment pour répondre à sa proposition. C'était peut-être même une tentative pour repousser ma réponse, dussé-je en donner une un jour.

-...vous n'avez pas le temps ! Soit ! Vous comprenez tout de même que je ne peux vous laisser mon fils sans vraiment comprendre ce qui l'attend, ce en deux ou trois minutes et j'irai plus loin, ce qui m'attend. Prenez cet argent, vous me faîtes peur ! Mais sortons ! Convainquez-moi sans menace. Si vous avez un enfant...enfin si vous en aviez une, vous comprendrez que l'opacité de votre proposition me donne envie de protéger le mien, non ?
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Message  Le Dévoreur de temps Mer 12 Juin - 13:04

Une sorte de panique trouble semblait gagner la jeune femme et les propos francs et directs du Dévoreur, loin de la calmer, attisaient cet affolement. Stanzas écrasa sa cigarette dans le cendrier et la scruta. Elle paraissait au bord de l'épuisement. Il prit conscience que les conditions étaient tout sauf favorables pour la convaincre de se rallier à lui et de saisir la planche de salut qu'il leur offrait à elle et à son fils. Elle voulait sortir, prendre l'air sans doute dans l'espoir de lui filer entre les doigts ou d'y voir plus clair peut -être. Il se refusait à aller fouiller dans son esprit pour deux raisons. La première était que malgré la sévérité dont il faisait preuve à son égard, il avait de la sympathie pour elle. Il la sentait comme une "bonne personne" et la seconde était qu'en lisant ses pensées, il l'épuiserait encore davantage et qu'elle pourrait perdre le peu d'acuité qui lui restait pour ce soir. Il obtempéra donc à sa requête et ramassa le tas de billets pour le lui tendre.

- Fort bien, sortons prendre l'air ! Allons au dispensaire du Père James. Vous lui remettrez vous même ces billets. Si vous n'accordez aucune confiance à un étranger qui vous propose de voyager pour lui dans le temps et de prendre soin de votre enfant, vous réagirez peut-être différemment en voyant le dévouement de cet homme qui est de mes amis, pour les gens dans la difficulté. Au pire, si vous refusez de me suivre, vous aurez fait la connaissance d'une personne qui pourra vous aider à améliorer votre quotidien sur tous les plans. Il y a des chambres vides dans les combles du dispensaire et James a besoin de personnes sachant tenir une maison et prodiguer des soins de base à ces malheureux. Bien sûr, certains sont un peu rustres à cause des mois passés dans la rue, d'autres si malades qu'ils sont en fin de vie, et ce n'est pas très réjouissant pour un petit garçon de l'âge du vôtre mais il pourra assister au cours d'alphabétisation dispensé par le Père et peut-être même pourrez-vous aider à ces cours...

Mais Stanzas s'arrêta net dans son exposé presque enflammé. Dans sa fougue à vanter l'action d'un homme de valeur, il en oubliait son but à lui. Il voulait Hadley pour sa propre quête. Et si un compromis pouvait être trouvé ? Si le dispensaire devenait le pied à terre de son agent et le refuge du petit Baptiste ? Peut-être que cela rassurerait la jeune femme, en proposant une alternative moins effrayante et dépaysante que Targoviste ? Quoi qu'il en soit, il voulait rallier Hadley à son objectif. Elle avait tous les atouts nécessaires pour approcher le Chancelier et devenir très proche de lui. Il avait un peu mal démarré avec le hussard qui aurait pu devenir un agent d'opération remarquable. Toute collaboration était inenvisageable avec Anita Detmers qui n'adhérerait jamais à sa soif de justice. Nelson l'aiderait sans doute à perfectionner les transports temporels et à en réduire les effets néfastes. Il avait beau être en période de jeun affectif, ne pouvoir même caresser la joue d'un enfant, serrer une main amicale ou même caresser un chien lui manquait terriblement. De Christiana Von Carter, il ne pouvait espérer, éventuellement qu'un approvisionnement illégal en armes ou autres produits pouvant se vendre au marché noir, ce qui était toujours très utile à l'aube de l'avènement du Führer et pour Démétrios, il avait bien entendu des projets d'approche mais d'un tout autre genre. La paire de seins de Mademoiselle Fairfield serait plus persuasive sur la garde rapprochée du fils de douanier, que le bonnet protégeant une tête bien pleine maîtrisant l'art rhétorique et la notion de garde prétorienne. Il avait besoin de cette fille pour avancer. Il l'aurait. L'éducation reste la seule constante de la socialisation primaire d'un enfant et Stanzas ne dérogeait pas à la règle. Il discutait de choses très ardues avec Hadley Fairfield et la discussion était on ne peu plus tendue, pourtant il lui tint son manteau pour qu'elle pût l'enfiler aisément, retint le rideau et s'assura qu'elle pouvait passer sans être importunée avant de la précéder. On ne s'effaçait jamais devant une Dame pour pénétrer dans un endroit potentiellement hostile et les bellâtres qui tenaient la porte pour laisser passer leur dulcinée n'avaient reçu qu'une éducation déformée par le féminisme aux relents de pseudo galanterie. Un homme, un vrai, passait devant pour faire barrière de son corps aux coups, couteaux, balles, insultes qui pouvaient fuser d'un lieu inconnu et instable ouvert à tous comme la rue ou un restaurant. Sa haute stature précéda donc Hadley lui frayant un passage dans la faune dépravée et imbibée du pub. Plus la soirée avançait plus l'endroit devenait infréquentable pour une femme seule, étayant encore l'avis du Dévoreur au sujet des activités illicites de sa nouvelle protégée. Un aviné arriva sur la droite et apostropha Hadley.


- Hey, tu viens ma mignonne ... J'ai sûrement plus d'oseille que ton gars avec son manteau tout râpé ... Tu le sors d'où ? De la rue ?

Le Dévoreur se retourna un peu contrarié, ferma les yeux en soupirant. Il se concentra et visualisa une favela de Rio de Janeiro qu'il avait visité quelques jours auparavant. Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, ils pulsaient fortement cette lumière bleutée et annonciatrice. Il repoussa d'une main l'importun qui les avait suivis jusque dans la rue. Il se volatilisa et se rematérialisa à Nova Friburgo. Seuls témoins, quelques hommes ivres morts penchés sur le caniveau entrain de rendre leur trop plein seraient des bavards peu crédibles s'ils avaient vu quelque chose. Il irait rechercher le malheureux dans quelques jours mais d'ici-là il apprendrait véritablement le sens de l'expression " dans la rue".

- Dépêchons-nous Hadley... J'ai vraiment peu de temps... Et vous aussi... Il reste peu de temps avant que votre petit homme se réveille. Rassurez vous, cet homme va bien. Je l'ai juste envoyer faire un petit voyage éducatif et il rentrera bientôt chez lui. Ajouta-t-il pour rassurer la jeune femme figée de stupeur. 

Il hâta le pas et leur fit descendre l'avenue presque déserte à cette heure, si on exceptait les ivrognes et les sans domiciles allongés sur des bâches sous les escaliers de secours des immeubles. Ils marchèrent jusqu'à une petite église en brique rouge à laquelle était accolé un long bâtiment au toit en verrière. Une pancarte rouillée témoignait de l'ancienne activité du lieu. Farell&Co, Luxury Carpets.

- Nous sommes arrivés au dispensaire ...

Il sonna en tirant sur la chaine du porche et la lourde porte en bois ouvragé s'ouvrit après quelques longues minutes d'attente. Un bel homme d'un âge certain mais dont le regard clair rayonnait de vitalité leur ouvrit.

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- Vladimir ! s'exclama -t-il en entrouvrant les bras. Puis il se ravisa  et secoua la main en riant. Je m'abstiendrais encore... Je ne suis pas prêt pour le grand voyage ...

- Père James, comment allez-vous ? Je vous présente une de mes amies. Elle cherche du travail et un toit pour son petit garçon. Je lui ai proposé mais elle préférerait peut-être ne pas quitter le pays ...

Le Dévoreur resta évasif à dessein mais le regard que l'homme d'église lui lança, tout comme sa plaisanterie précédente, ne laissaient aucun doute sur le fait qu'il connaissait parfaitement la teneur de cette proposition et la nature du Dévoreur.

- Ahh, vraiment ... Je trouverai bien un petit quelque chose pour eux, mais Vladimir votre proposition est, j'en suis certain, bien plus enthousiasmante à tous les points de vue, même si plus dangereuse pour votre amie. Quant à l'enfant, je sais bien que vous ne le mettriez jamais en danger ... Il serait mieux avec Alceste mais je me ferai un plaisir de l'accueillir ici.

Stanzas hocha la tête pensivement tandis qu'ils franchissaient le seuil de l'église  sur l'invitation du prêtre.

- Je crois qu'Hadley a un don à faire à votre communauté. Prenez-le comme un remerciement pour la base logistique que vous allez lui fournir... Elle aura peut-être besoin de prendre quelque jours pour réfléchir à ma proposition ou peut-être s'y installera-t-elle un long moment. Quoi qu'il en soit, elle ne peut plus habiter avec un enfant de cet âge dans l'endroit qui leur sert actuellement de foyer... La cave est infestée de rats, la chaudière à charbon vient de rendre l'âme et j'ai écrasé trois blattes sous le paillasson.

Il eut un petit sourire tourné vers la jeune femme. Elle pensait sans doute qu'il ne savait pas reconnaître la précarité et l'insalubrité quand il les croisaient. Il avait côtoyé plusieurs ghettos de toute sorte depuis qu'il était né et il savait  voir celui qu'était ma misère sans avoir lu les raisins de la colère.

- Voici ma propre contribution à votre oeuvre, mon Père , ajouta-t-il en sortant une liasse de billets. Un camion passera demain pour vous livrer quelque provisions de base. Il y a une caisse de médicaments, notamment des vaccins contre la tuberculose, il faut vous en servir. Il y a une recrudescence ... Ce vaccin est parfaitement au point et il a sauvé tellement de vies à mon époque... n'en déplaise, aux douteux qui n'ont pas vu les ravages de cette maladie. Je sais que vous manquez encore de recul et que son efficacité est mise en doute, mais si on vous donnait un parapluie sous un orage de grêle vous le prendriez, non ?

Il songea que cette conversation pourrait être passionnante à mener avec Nelson. Mais pour l'heure, c'était les intentions d'Hadley qu'il lui fallait questionner une fois de plus et ce fut vers elle qu'il tourna un regard interrogateur.
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Message  Invité Dim 16 Juin - 18:07

Je ne pus réprimer un long soupir de soulagement lorsqu'il accéda à ma demande et eus l'impression que mon corps allait s'affaisser pour ne plus jamais se relever. Mes nerfs étaient encore tendus à l'extrême, ils officiaient en lieu et place de mon énergie habituelle mais petit à petit, il me semblait que les boules de tension qui parsemaient chaque partie de mon être se désagrégeaient lentement. J'étais toutefois un mélange de raideur et de relâchement. Pourtant je ressentais quelque part que mes mots avaient été aussi blessants que les siens. Me cherchant toutes les excuses du monde, je me dis que c'était lui qui était venu me provoquer, qu'il m'avait abordée de façon abrupte ce qui ne pouvait que me rendre suspicieuse et émotive. Je réussis par je ne sais quel miracle à l'écouter répéter que je devais rencontrer cet homme de Dieu, qu'il pouvait aussi être une solution à ma situation dangereuse et à la problématique sans fin que je rencontrais tous les jours pour subsister. En filigrane, je pouvais noter une certaine ambiguïté dans les propos qu'il me tenait. J'avais un recours mais visiblement, il préférerait que j'accepte sa proposition initiale. A moins que la brume qui noyait mon esprit ne me fasse entrevoir ce qui n'avait pas lieu d'être ? Néanmoins, ses gestes devenaient beaucoup plus attentionnés et la moquerie que j'avais décelée – ou cru ? - une heure environ auparavant avait disparu, il cherchait un compromis. Ma matière grise, elle, autant qu'elle le pouvait essayait d'assimiler les mots « voyager dans le temps » mais j'avais toujours été quelqu'un de très terre à terre, toujours ramenée à la dure réalité et n'avais jamais pris le temps de m'évader, uniquement lorsque je prenais, parfois, Baptiste contre moi et que je lui racontais les histoires que ma propre mère me racontait lorsque j'étais enfant. Les seules contemplations que j'avais jamais menées avaient attrait aux étoffes et au travail à faire sur les corps qui les commandaient. C'était la seule partie « rêvée » de ma vie, où naissait un peu de créativité. J'avais puisé dans le seul talent que je me trouvais pour le détourner et en faire un apport lucratif, perdant ainsi toute intégrité. J'étais en train de me détester, du moins toute ma vie me paraissait une vaste fumisterie jusque là et je ne réussis qu'à hocher la tête en direction de Stanzas et repris les billets que je cachais dans une des sous poches de mon manteau.


Je le suivis d'une démarche lourde, le corps glacé que je serrai dans mon manteau, loin de ses considérations sur la galanterie que pourtant j'aurais fort appréciées s'il m'en avait entretenue. Mais oui, participer à aider les pauvres gens me correspondait totalement et la sécurité des hommes d'Eglise me paraissait enviable. Nous atteignîmes la sortie et la froideur de la nuit me transit tout autant qu'elle me revigorait. Le spectacle qu'offraient ces hommes en fin de soirée était devenu une routine que j'acceptais et surtout que j'occultais car même dans le bistrot de mon père, jamais personne n'avait fini dans cet état, Eddy Fairfield ne l'aurait pas permis. Penser à mon père me serra la gorge. Pas pour longtemps lorsque des mots dégoûtants me frappèrent de plein fouet. Oh bien sûr, j'avais accepté les quolibets, les jurons, les insinuations en tout genre depuis longtemps mais ce soir, ils représentaient la goutte qui provoque une crue psychologique. Heureusement pour moi, Stanzas réagit avant moi mais le sang n'irrigua plus mon visage. J'ouvris la bouche comme si la foudre m'avait frappée du moins, j'eus la sensation que l'éclair qui était sorti...de cet homme m'avait touchée moi... J'avais stoppé mon avancée dans la rue et lâché les pans de mon manteau, les bras ballants. Ce gredin avait disparu. Disparu en une fraction de seconde. Je secouai la tête, mon cœur cognait et mes tempes l'imitaient. Oubliant mon vertige, je me tournai en tous sens, cherchant où l'homme avait été projeté.


- Mon Dieu mais où est-il ?


Ma phrase était peut-être pertinente mais juste le haut de la pile de questions qui s'entassaient dans mon esprit et il finit par y répondre, me plongeant dans la plus longue minute d'incrédulité de ma vie. Je ne pensais même pas à invectiver mon compagnon impromptu sur ce qu'il avait fait car je n'avais plus en tête qu'un sauvetage de sa part. Incapable de formuler plus que ça, je repoussai toutes les interrogations qui emplissaient mon esprit et repris ma marche. J'étais devenue un pantin qu'il articulait, je tanguai entre incrédulité, anéantissement et curiosité. Oui cette fois il avait réussi à faire naître quelque chose de nouveau. J'étais toujours plongée dans cet état second lorsque la porte tourna sur ses gonds, révélant un homme d'âge mûr au regard bon et au sourire accueillant. Sur son invitation nous entrâmes dans ce dispensaire que je n'aurais jamais pris pour tel de l'extérieur. Mes yeux s'égarèrent sur les murs, le sol et revinrent se poser, interrogateurs sur le Père...comment ? James ! Mais ce fut Stanzas qui me scia le plus, il avait donc pris beaucoup de temps pour connaître mon chez moi en plus de mes horaires et mon activité. Mon regard las se fit plus perçant pour tenter de voir en lui. Tout à mon occupation observatrice, je tendis dans un geste distrait les petites coupures au Père. Je me mis en retrait psychologique pendant qu'ils discutaient. Rester ici semblait à priori une solution plus dans les mœurs mais...deux choses me gênaient. La première était que l'homme au long manteau avait parlé de « personnages » peu fréquentables qui résidaient ici même. Il me faudrait donc encore supporter un logis que j'appellerais infesté alors que je tentais depuis des mois de nous sortir de cette misère que je ne méprisais mais que je ne supportais plus pour l'amour de ma vie. Que m'importait de vivre sur les bords d'un fleuve mais mon petit bonhomme méritait le meilleur. La seconde était que Stanzas était foncièrement une personne intrigante qui semblait savoir convaincre les plus récalcitrants et la question ultime me vint : Pourquoi moi ?


Je me retournai vers le Père James et tentai un sourire.


- Vous nous excusez un instant s'il-vous-plaît ?


Lorsque sa tête s'inclina pour donner son assentiment, je le remerciai et à nouveau mes iris sombres se portèrent sur Stanzas. Je m'éloignai et il en fit de même. Il me fallut un peu de temps pour formuler ce que j'avais à dire car si tout ce qui se conçoit bien s'énonce clairement, il en va forcément de même dans l'autre sens.


- Je dois avouer que vous avez l'art de convaincre Monsieur Stanzas et par de drôles de démonstrations. Je reste encore dubitative mais fort curieuse. Cet endroit serait sûrement plus agréable à vivre mais tout de même où est Targov... enfin...cette...ville ? Qui est Alceste ? Que vais-je faire avec vous ? 1941, 2012... En quelques mots, le Père James et vous semblez penser que j'ai tout à gagner en vous...suivant mais pourquoi ? Vous me pensez naïve et pourtant, je suis avant tout une sorte de chef de famille et si je prends les mauvaises décisions, je ne les prends jamais sans un minimum de renseignements. Pouvez-vous m'en dire plus ? Au moins un peu plus ?


Je me frottai le front.


- Vous semblez un homme averti dans beaucoup de domaines et vous devez avoir conscience de la stupeur que vous créez. Rassurez-moi, informez-moi... Je...je n'ai plus envie de cette vie à moitié, je veux voir mon fils reprendre des forces, vivre comme il en a le droit et si votre cause est juste, j'y adhérerai.


J'avais terminé. Il avait raison, il fallait aller vite, le temps tournait et je devais récupérer Baptiste. Avait-il compris, j'en étais persuadée, qu'il me fallait un sens nouveau à ma vie et pas n'importe lequel : la sécurité et l'intérêt pour ce que j'aurais à faire.
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Message  Le Dévoreur de temps Lun 22 Juil - 13:51




Vladimir Stanzas avait été un homme capable de douceur et de prévenance, un chercheur attentif au bien être de son équipe, un mari et un père aimant et dévoué. Bienveillance et générosité étaient des qualités qui revenaient souvent sur les lèvres de ses proches, pour le définir. La vie avait pourtant endurci l'homme et fait du rêveur idéaliste une sorte de guerrier post moderne déraciné de son époque d'origine et s'armant au fil de ses pérégrinations dans les sursauts de l'Histoire, s'armant dans un seul but: réécrire l'Histoire au moment où elle avait broyé son destin et celui de sa famille, en même temps que celui de millions d'hommes, de femmes et d'enfants. Il n'était qu'une âme parmi des millions oui, une âme à qui on avait tout pris sans aucune autre raison que la folie d'un homme suivi par une poignée tout d'abord puis des milliers, des millions eux aussi, mais pourtant certainement moins nombreux que ceux qu'ils anéantissaient et asservissaient. Une inexplicable logique, une conjugaison de paramètres avaient permis cette abomination mais l'origine de tout, le déclencheur, avait été un seul homme. Stanzas n'avait qu'un but: s'interposer entre cet homme et son objectif naissant , quelques soient les risques. Le Destin,par un étrange caprice, lui avaient donné le pouvoir de défaire ce qu'il avait fait, de changer ce qui était écrit. Peut-être était-ce un jeu dont il était l'acteur principal, un divertissement pour des instances supérieures, une sorte d'arène apocalyptique dans laquelle une équipe constituée par lui devrait relever un ultime défi pour l'humanité et dont chaque membre aurait aussi à faire face à ses propres fantômes ? Parfois Vladimir se disait qu'il n'était que le simple jouet d'une force qui le dépassait et que cette même force régissait aussi Zorvan, les Voyageurs, chaque humain porté par cette Terre depuis l'aube des temps, que tous, ils participaient à l'écriture d'une symphonie que ne serait jamais achevée, au tissage d'une trame qui se faisait et se défaisait au gré des caprices de metteurs en scène supérieurs.

Hadley Fairfield n'échappait pas à la règle. Elle avait sa partition à jouer dans cette oeuvre et quelque soit le chef d'orchestre qui prendrait la main, elle avait ses défis à relever. Ses propres batailles. Stanzas lui offrait deux panoplies d'armes pour cela. A elle de choisir celle qui lui convenait le mieux mais, le choix de la jeune femme impacterait sur sa quête à lui. Elle avait le profil parfait pour infiltrer la mouvance proche du Führer. Il suffirait de l'éduquer un peu et de lui apprendre l'allemand. Alceste s'en chargerait lors de son séjour à Targoviste. Si elle refusait et préférait l'hospitalité plus conventionnelle et familière du Père James, le Dévoreur devrait chercher une autre recrue mais il aurait au moins la satisfaction d'avoir aidé une âme en détresse, ce qui arrivait fréquemment au cours de ses recherches. Lorsqu'un sujet ne convenait pas pour le voyage, ou refusait la proposition, il était difficile de le laisser comme on l'avait trouvé, livré à ses souffrances et à sa détresse. Alors Stanzas s'arrangeait toujours pour donner un petit coup de pouce. En cela il méritait son appellation et prenait des risques avec le continuum temporel. Chaque coup de main qu'il donnait hors de son époque d'origine pouvait modifier l'Histoire, de façon anecdotique, certes. Mais toutes ces interventions mineures ajoutées les unes aux autres n'étaient-elles pas en train de tisser le plus grand des paradoxes jamais créés ? Qui pouvait savoir ? L'angoisse de Stanzas était parfois terrible, lorsqu'il pensait que peut-être ses interventions faisaient disparaître des époques suivantes, des vies, des créations, des progrès. En rectifiant ce qui n'était pas juste, il pouvait aussi modifier ce qui était bon en un temps, car il était assez brillant pour le savoir, chaque période noire de l'Histoire faisait naître les plus belles initiatives, les plus beaux élans philanthropiques, révélait des héros improbables. Il en était la preuve incarnée. En effaçant ce monstre adulé, en interceptant le petit Adolphe avant qu'il ne devienne adulte ou en l'assassinant, une fois en place, ce qui était plus difficile, il prenait le risque de faire disparaître dans le néant tous les beaux destins qui s'étaient ensuite construits dans l'optique de le neutralise. Que deviendraient les comploteurs qui s'étaient fédérés dans le seul but de l'éliminer ? Et ces enfants, fruits d'amours condamnés et furtifs dans les caves des bombardements ? Ils ne naîtraient pas ? Et tous ces hommes qui avaient écrit l'Histoire, Eisenhower, Churchill, Roosevelt et tant d'autres ... Quel serait leur destinée ? Oui, changer l'Histoire était un interdit, un tabou absolu, quelque soit les atrocités que ses sursauts avaient provoqué. Bien des hommes avaient déjà du y songer, mais ces spéculations métaphysiques ne restaient que spéculations, car aucun d'eux n'avaient cette possibilité. En rêver simplement en sachant que ce n'était pas réalisable, était finalement confortable pour la conscience. Stanzas, lui, n'avait pas cette paix. Il pouvait changer le cours passé des choses et le déchirement terrifiant l'écrasait chaque jour de son existence.

Entraîner d'autres personnes dans cette démarche était une autre difficile décision. Remise en question chaque fois qu'il abordait un nouveau potentiel Voyageur. Il sentait en Hadley la fibre des héroïnes discrètes mais déterminées. A la voir si soucieuse du bien être de son fils et inquiète de son époque il préférait songer qu'elle se battrait pour que son avenir d'homme ne soit pas livré au règne pan germanique. Il préférait penser qu'entre choisir d'intégrer la résistance même en jouant les infiltrées et devenir une collaboratrice qui sauve leurs vies sur les cadavres des autres, Hadley choisirait l'honneur même sous la pression. En même temps, pouvait-il condamner tous ces pères, toutes ces mères qui avaient dénoncé, trahi, dans l'espoir de voir les leurs épargnés ? Gala et Loudna n'avaient-elles pas payé au prix fort, ses réticences à collaborer avec les nazis ? Ne pleurait-il pas chaque nuit en se maudissant de les avoir sacrifiées à son sens de l'honneur ? Entre vivre en se trahissant ou mourir en restant fidèle à ses convictions, quel sort était-il le plus enviable ? Gala lui avait souvent dit qu'elle préférait la mort pour eux trois plutôt qu'une vie sous le joug de la peur et tissée de renoncement à ce qui les constituait. Une mort morale et spirituelle, une euthanasie de la personnalité. Ce n'était pas la vie qu'elle voulait, ni pour elle, ni pour leur fille. Mais Loudna, elle ? N'avait-elle pas le droit de vivre et de tenter de s'adapter en espérant que les choses changeraient d'elles -même, comme si la tyrannie et la boucherie finissaient par mourir d'elle-même et l'état du monde tendait finalement toujours vers l'égalité et la tolérance. Mais Stanzas savait que ce n'était pas le cas. L'Humanité, en majorité, ne tendait pas naturellement vers ces deux valeurs. L'homme était un animal et l'un des plus redoutables car, doté de toute la lucidité possible sur le mal qu'il pouvait faire. Il usait de cette clairvoyance pour aiguiser ses facultés destructrices au mieux, cultiver ses capacités d'annihilation de tout ce qui n'est pas "lui". Il avait toujours fallu que la voix des hommes s'élève pour stopper les folies d'autres hommes, mais souvent tardivement, une fois des génocides perpétrés, des peuples anéantis. Bien des hommes s'étaient vu échoir le rôle de libérateurs, de reconstructeur, de guide après des tragédies de l'Histoire mais aucun, jamais, n'avait eu la possibilité de la réécrire. Il se laissa entraîner à l'écart vers Hadley et l'écouta avec toute l'attention que réclamait son vif émoi, bien légitime après l'enchaînement d'événements dont elle était témoin et le nouveau choix qui s'offrait à elle.

- Targoviste est une ville roumaine dans laquelle ma famille possède depuis des générations une résidence. J'en ai fait mon centre logistique. Je suis de nationalité roumaine même si je me sens citoyen du monde et du temps depuis une certaine expérience... Alceste est né en 1636, il est chevalier d'Entremont, fils de noblesse française. Il est mon secrétaire et mon fidèle bras droit. Il ferait un précepteur hors paire pour votre fils. Sa culture et son humanisme sont sans égal. Ca c'est pour la partie tout à fait concevable de la vie qui vous attend si vous me suivez.

Il se passa la main dans les cheveux et eut un sourire gêné avant de poursuivre.

- Je sais que la suite va vous paraître digne d'un roman de Kafka mais je réside aussi en 2013 à Berkeley, en Californie, sur le campus de ce qui est devenu une université réputée. J'y avais acheté mon laboratoire et j'y retourne parfois incognito, car je suis déclaré disparu depuis près de deux ans. Enfin, sachez que j'ai commencé à voyager dans le temps depuis Juillet 1941... Ce que vous aurez à y faire avec moi... est compliqué à expliquer. Sachez qu'il s'agit d'empêcher un dictateur monstrueux de mettre en place l'une des pire abominations de l'Histoire. Cela commencera bientôt... dans une dizaine d'années. Si vous voulez que votre enfant ne grandisse pas dans un monde totalitaire ... Vous pouvez m'aider. Mais vous pouvez aussi choisir de rester ici chez le Père James.

Le Dévoreur se tourna vers une représentation de la Vierge à l'enfant, qui trônait dans le vestibule de la petite église pour cacher son trouble. Cela faisait un petit moment qu'il n'avait pensé aussi intensément à Loudna durant une mission. D'habitude, il se laissait glisser à cette mélancolie qui le tuait à petit feu seulement lorsqu'il était seul. Il leva la tête vers le visage peint et répondit au sourire innocent et figé par un rictus amer. Lorsqu'il se tourna à nouveau vers Hadley, le regard trop brillant, un ombre passa sur son visage et le ferma à nouveau.

- Je ne peux pas vous obliger à laisser votre petit garçon quelques jours par semaine pour mener une mission que j'ai choisie. Sachez simplement qu'il sera en sécurité auprès d'Alceste aussi bien qu'auprès du Père James. C'est à vous de choisir votre vie. Ma cause est juste, les moyens de la porter sont sans doute discutables et vous pourrez la renier quand vous le souhaiterez. Pour mieux la comprendre, il vous sera nécessaire de passer par l'Antichambre afin d'être testée et éprouvée par Zorvan, le gardien du Temps. Vous pouvez choisir entre trois univers pour être éprouvée dans votre capacité de voyager à travers le temps: [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] vous plongera dans le monde de vos rêves les plus enfouis et vous aidera à mieux connaître vos aspirations secrètes, le [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] vous permettra de remonter le fil de votre vie et de voir certains aspects ou détails qui vous avaient échappés et enfin [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] vous permettra de plonger dans un monde paradoxal, parfois une version d'une autre époque que la vôtre. Zorvan peut être impressionnant mais vous ne devez pas oublier qu'il doit évaluer votre capacité de survie et d'adaptation pour traverser les époques. Lorsque vous aurez répondu à ses attentes, il vous fera rencontrer un autre Voyageur avec lequel vous subirez d'autres épreuves, puis enfin vous aurez à nouveau à faire avec moi et je vous expliquerai votre mission. Libre à vous de l'accepter ou pas. Si vous refusez vous demeurerez libre de voyager à travers les époques. Cela vous assurera la possibilité d'améliorer votre vie et celle de votre enfant. Comme vous le voyez, vous aurez le choix tout au long de notre collaboration d'y renoncer. Une seule obligation demeure: si vous entrez dans l'Antichambre vous devrez achever votre épreuve, sans quoi vous serez égaré dans une faille temporelle. Si vous réussissez les épreuves, ce dont je ne doute pas, vous serez alors capable de voyager dans le temps et cela à jamais.

Il se tût, terriblement conscient de l'incongruité de sa proposition et s'attendait à ce qu'elle le prît pour un fou furieux et demande asile au Père James, à moins que, pensant l'homme d'église pour son complice, elle ne s'enfuit simplement...

[HRP]
Spoiler:
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Message  Invité Dim 28 Juil - 17:50

J'avais à présent bien saisi que Vladimir Stanzas ne s'embarrassait pas de préambule et que le temps était vraiment une donnée avec laquelle il composait à chaque instant. Formulée dans ma tête, cette phrase me semblait un non sens, un euphémisme ou même une amère répétition. Avec toute la lucidité qu'il me restait et Dieu m'est témoin que la journée avait été chargée, je pris mentalement note de tout ce qu'il m'expliquait. Je fouillai dans mes souvenirs d'école pour arriver à situer la Roumanie et il me semblât que c'était en Europe. Une contrée tellement éloignée que je faillis l'interroger sur le bien fondé de ma mémoire. Il ne m'apparaissait pas d'images d'un tel lieu. Je n'avais eu que quelques années à l'école pour apprendre les rudiments du langage, compter, faire un peu de géographie et d'histoire. Mais l'Histoire, la vraie, je l'avais vécue ensuite, au travers de cette première guerre mondiale qui avait fait inexorablement changer mon père et c'est en repensant à tout ceci que je me souvins que oui, la Roumanie était bien de l'autre côté de l'Océan. C'était le bout du monde pour moi, un endroit que jamais je n'aurais convoité même lors d'un voyage. Que convoitais-je d'ailleurs ? Un peu de bonheur pour Baptiste qui assurerait le mien ? Que demander de plus...tout le reste n'était que chimère. La suite des propos du Dévoreur me fit l'impression d'un embrouillamini : logistique, 1636... J'essayais de m'habituer à tous ces termes qui allaient avec son aura fantastique mais j'avais encore bien du mal. Je ne le quittai pas des yeux et je compris à ce premier sourire sincère à mon égard que ses révélations ne faisaient que commencer.

Je butais sur Kafka sans m'y attarder et un peu moins sur Berkeley ou du moins la Californie qui elle, faisait partie de mon pays. Mais...2013 ? Ou cet homme était bon à enfermer ou j'allais découvrir un pan de la vie qui n'avait jamais effleuré mon esprit et, en outre, comment cela aurait-il pu être possible ?

- Juillet 41...

Je me rendais compte que c'était dans près de 20 ans et le tournis me reprit. Je cherchai d'une main une chaise ou quelque chose contre lequel m'appuyer. Etait-ce l'angoisse de l'inconnu ou bien la fatigue et pourquoi pas la somme des deux ? Ne trouvant pas d'accroche, je respirai lentement pour évacuer cette sensation désagréable et replongeai dans le récit. De petites diodes teintèrent devant mes yeux, absolument pas le signe que j'allais perdre connaissance mais parce que je me retrouvai il y a presque 10 ans en arrière, dans la cuisine de mes parents, entendant mon père éructer contre Mussolini, un politicien italien qui retournait l'opinion du peuple, des bourgeois surtout. J'avais eu très peur ce soir là, à la fin de la guerre car je n'avais jamais vu mon père exprimer une rage pareille. J'avais un peu plus de 16 ans et bien que peu instruite tout avait été clair lorsqu'il avait dit, en arpentant la pièce à la vitesse de la lumière, que la « soumission à ce dictateur serait totale », mon cœur s'était accéléré comme en l'instant et j'avais senti ma gorge se contracter. Tout s'était visiblement confirmé. Mon père s'intéressait énormément à la politique et à l'Homme et il suivait de près tout ce qui se passait dans le monde. Le mot « totalitaire » évoqué par mon compagnon associé à dictateur me mettait terriblement mal à l'aise. Stanzas me parlait-il de ce Mussolini qui allait étendre ses forces jusque sur notre continent ?

Le manque cruel de mes parents, même s'il était de mon fait m'apparut comme une douleur intolérable tout à coup. Je réprimai un long sanglot, fort loin du dispensaire à présent. Cet homme que j'avais idolâtré puis rejeté n'avait fait que vouloir se battre pour son pays, pour les droits de ses compatriotes, pour ses droits à lui et encore plus ceux de sa famille. Je me sentais finalement la digne de fille de mon père qui reproduisait ce schéma pour ce petit être que j'aimais au-delà de l'entendement. Mais Stanzas avait raison, je ne pouvais plus le faire dans ces conditions et je l'avais compris depuis déjà quelque temps.
Je ne vis même pas Stanzas qui regardait cette peinture pieuse et ne pouvais me douter complètement de la sourde peine qui ne le quittait jamais. En revanche, son regard voilé ne m'échappa pas et me glaça même. Il n'y a qu'une raison qui fait qu'un regard se trouble ainsi : la perte d'êtres chers. Nos souffrances étaient différentes certes mais elles pouvaient se conjuguer pour faire un monde plus juste.
Il me restait une décision bien cornélienne à prendre. Ici ou ailleurs ? Ici était épuisé, ailleurs était peut-être un espoir.

- Baptiste...Baptiste a subi et subit encore mes erreurs passées, je veux y mettre un terme, du moins à cette échelle car je n'aurai jamais la prétention d'être une mère parfaite. Je ne sais pas si votre pays sera mon Eldorado mais les Etats-Unis ne sont plus pour nous. Ce dispensaire est une très belle offre, une alternative que je n'imaginais plus.


Je soupirai.

- Quant à laisser mon fils, je dois le faire constamment mais ici non même si l'offre est charitable. Je veux plus. Votre domaine semble plus et votre combat semble juste donc je l'embrasserai si tout ceci se confirme. J'ai toujours fait mes propres choix et vous me laissez cette possibilité.


J'avais bien conscience que j'embarquais pour un voyage désopilant et que ce gardien au nom imprononçable me garderait jusqu'au bout de cette mission. Toutefois, les épreuves avaient jalonné ma vie continuellement et je ne me sentais plus capable de repousser ma décision.

- Mais avant toute chose il me paraît important d'aborder Le...euh...champs des oublis afin de mieux comprendre ce que j'ai mal fait, ce qui m'a précipitée jusqu'à vous...

Une certaine crainte m'habitait mais pas plus farouche que celle qui me déroulait son tapis sous mes pas depuis trois ans. Il est pourtant certainement très difficile d'être mise devant les mauvais chemins qu'on a pris, d'accepter tous les faux pas et d'en tirer les leçons. Je savais que ma psyché allait se dévoiler sous mes yeux ainsi que certaines vérités qu'on préfère occulter...
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Message  Le Dévoreur de temps Lun 16 Sep - 20:27




Le Dévoreur soupira presque de soulagement. Hadley Fairfield venait de prendre sa décision. Hadley Fairfield lui faisait confiance. Ce n'était pas gagné au début, et il avait dû se montrer tour à tour menaçant, persuasif, protecteur, inventif. Il avait dû la traîner jusque chez le Père James, faire appel à l'intervention du brave homme pour cautionner sa bonne foi et ses bonnes intentions. Cependant la démarche n'avait pas été vaine. Il récoltait à présent les fruits de ses efforts. La jeune femme acceptait à présent de le suivre et énonçait déjà le choix quant à sa destination dans l'Antichambre. Elle voulait revivre ses souvenirs pour tenter de voir et de corriger, peut-être, ses erreurs. Cela paraissait à Stanzas une sorte de garantie au sujet de l'état d'esprit de la candidate. Un être humain qui admet ses erreurs est plus apte à progresser qu'une personne enferrée dans ses certitudes. Il devait à présent lui expliquer certaines choses. S'il avait déjà demandé de l'aide ou quelques services à certains voyageurs qu'il avait fait passer de l'autre côté, une sorte de contrepartie tacitement prévue dans le contrat, il n'avait jamais ouvertement recruté l'un d'eux à son service et cela était une première, hormis Alceste, mais ce dernier était un cas un peu à part. Il avait été un voyageur spontané, d'une autre nature que celle que créait Stanzas. Hadley, elle, serait une première mais vouée à une infiltration dangereuse, même si pas hasardeuse du tout. Le Dévoreur n'aimait pas ce qui était hasardeux et ses plans étaient ficelés comme une poularde. Pour autant, il y avait toujours le facteur humain avec les voyageurs. Il l'avait bien vu avec ce hussard et cette militaire de l'O.N.U. Aussi convenait-il de préparer au mieux Mademoiselle Fairfield et de la rassurer quant à l'installation de Baptiste dans ses nouvelles pénates.

- Il faut avant tout que je vous fasse visiter les lieux et ensuite, si cela vous paraît convenir...

Il se garda bien de dire qu'il laisserait Alceste se charger de la visite des lieux et filerait dans le vortex temporel, happé par d'autres obligations. Comme souvent, le temps lui était précieux et il avait pris celui nécessaire à convaincre la jeune femme. A présent, il lui fallait avancer et déléguer la mission d'accueil à son fidèle secrétaire qui s'en acquitterait à merveille. Cette histoire de disparition d'enfants et Zorvan qui lui tenait des propos incohérents chaque fois qu'il livrait un voyageur, au sujet des Gardiens du Temps qui parlaient de verrouiller les couloirs pour les voyageurs accidentels. Qu'était-ce encore que cette histoire à dormir debout ? Une invention de l'Aralien pour tenter de l'attirer à nouveau dans l'Antichambre afin de le condamner à prendre sa place ? D'abord qu'étaient les voyageurs accidentels ? Des personnes qui n'avaient pas souhaité le devenir, comme ce Ludwik ? Des voyageurs propulsés dans les couloirs du temps sans trop savoir par quel phénomène ? Stanzas le savait, désormais, après avoir voyagé dans bien des mondes et des époques, avoir croisé nombre de voyageurs en tout genre, il n'était pas le premier à avoir fait le grand saut dans l'inconnu temporel, mais le premier à avoir mis au point un moyen imparable de le faire. Pour tous ceux qui l'avaient précédé, cette expérience n'était que le fruit du hasard, d'une corrélation de circonstances aléatoires difficiles à définir et à reproduire. Il y avait eu des voyageurs inopinés et d'autres gardiens que Zorvan. En ouvrant la porte du voyage temporel il avait mis partiellement à jour une machinerie universelle et bien au delà de la Terre et du monde connus de l'Humanité actuelle, régie par des règles naturelles ou pas, une mécanique de l'espace et du temps infinis qui dépassait la conception pourtant large des possibles pour Stanzas lui-même. Il savait qu'il ne maîtrisait approximativement qu'une partie infime de cette mécanique céleste. Même l'homme de science curieux et insatiable de découvertes éprouvait parfois un frisson glacé devant les perspectives entrevues. Se posaient des questions terrifiantes et d'autres dont les réponses possibles proposaient des explications lumineuses à bien des phénomènes justement encore inexpliqués. Et si la mort n'était qu'un des moyens de passer d'un monde à l'autre, si toutes les disparitions inexpliquées depuis le début du monde n'étaient que le fruit de cette perméabilité relative entre eux ? Si les préceptes religieux n'étaient que des tentatives d'explication de ces phénomènes ? Réincarnation, impression de déjà vu, incroyables bonds en avant technologiques de certaines civilisations. Si tout n'était finalement que l'orchestration menée par une instance en mal de distraction ?

Même si leurs vies à tous n'étaient que des rôles écrits par un scénariste diabolique et distribués par avance à chacun d'entre eux après une étude minutieuse, même si le parcours plus ou moins complexe de chacune de ces âmes n'était que le fruit de stratégies les dépassant tous, même si cela n'était qu'un jeu, le but demeurait pour tous la recherche du bonheur avec des êtres aimés et Stanzas voulait croire que même le plus cruel des marionnettistes accordait une marge de manoeuvre, une once de libre arbitre à sa marionnette, sinon par altruisme , du moins pour mettre du piment dans le jeu, s'accorder le frisson de la perte de contrôle que tout maître du jeu aime au delà de la domination et de l'emprise qu'il a sur les acteurs. Alors, même si tout était déjà écrit dans les grandes lignes, même si l'issue de sa quête était déjà fixée quelque part, même si c'était une cause perdue, il donnerait le meilleur de lui-même et il était persuadé que chacun devait faire de même dans la voie qu'il suivait. Ainsi se disait-il qu'Hadley devait avoir les moyens de faire ses preuves et de se prouver à elle-même qu'elle était une personne de valeur, aussi pensait-il qu'il devait la conduire sans perdre plus de temps à Targoviste.

- Allons donc tout d'abord voir si ma villégiature roumaine vous semble convenir pour y poursuivre l'éducation d'un petit garçon. Ce petit détour ne vous engage à rien, et je pense qu'on peut raisonnablement penser que Baptiste dort à poings fermés chez votre voisine à l'heure avancée où nous nous trouvons. Si la proposition vous parait acceptable, alors je vous ramènerai ici et vous accorderai un petit délai pour lui expliquer la situation avec des mots de mère qui seuls peuvent le rassurer, puis vous recevrez deux billets d'avion pour la Roumanie. Mon secrétaire vous accueillera à l'aéroport et vous aurez une semaine pour installer votre fils chez moi. Ensuite je viendrai vous chercher pour vous conduire à Zorvan  afin que vous éprouviez le Champ des Oublis.

Comme Mademoiselle Fairfield avait déjà donné son assentiment pour la première étape, il salua chaleureusement le Père James et lui demanda discrètement de se soucier de l'enfant, afin que, si quelque chose devait arriver durant le déplacement spatial, il ne fût pas inquiet du retard de sa maman. Le brave homme promit qu'il irait faire un tour chez la voisine le lendemain pour voir si quelqu'un avait récupéré l'enfant ou s'il était toujours à sa garde. Auquel cas, il se chargerait de son entretien jusqu'au retour d'Hadley. Vladimir se tourna ensuite vers la jeune mère et l'invita à sortir. L'air frais de la nuit les surprit tous deux sur le porche et ils avaient les yeux bien brillants après que le prêtre eût refermé la porte de l'église. Ce froid picotait le nez et les yeux et rappela un hiver avant Noël... Dans Bucarest. Le ventre déjà rond de Gala qui se serrait contre lui malgré la cape qui la couvrait. Ils marchaient d'un pas pressé. Cette inquiétude et cette joie mêlées à la pensée d'accueillir un enfant dans ce monde incertain. C'était un hiver lointain, il y avait longtemps, ou dans quelques années... Suivant la perspective qu'on adoptait. Il leva le nez vers la soie du ciel de nuit. Les diamantines lueurs constellaient ce voile hivernal chargé des rumeurs étouffées de la ville, une ville grouillante et fiévreuse, qui se débattait dans les incertitudes d'une crise dont elle était malade. Une ville qui ne serait bientôt plus qu'un souvenir dans l'esprit de Baptiste. Si Loudna vivait encore, quelque part, se souvenait-elle de Bucarest et des promenades qu'il partageait avec elle dans les rues blanches et feutrées ? Avait-elle déjà oublié le visage de son père ? Paradoxalement, imaginer que sa fille ait pu l'oublier le rassurait. Si la mémoire s'use et passe c'est qu'elle vit. Il tourna avec Hadley au coin d'une ruelle étroite et il ne fit que lui effleurer le coude dès qu'ils eurent quitté le halo du dernier bec de gaz. Ils furent happés dans un tunnel leur donnant l'impression d'être à bord d'un aéronef qui survole des terres, des forêts, des lacs, des villes mais ce à très grande vitesse. Puis le défilé de paysage se ralentit et ils se matérialisèrent dans le vaste parc d'un monastère en partie en ruines mais dont le corps principal était en parfait état .

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-Bienvenue dans votre nouveau chez vous, Hadley .

Un homme vêtu à la mode de Fouquet s'avança vers eux, apparemment peu surpris de voir apparaître le couple au milieu des arbustes dans le petit matin frileux.

- Alceste, voici mademoiselle Fairfield, dont je vous avais entretenu avant mon départ pour les Etats Unis. Avez-vous déjà pris votre petit déjeuner ? Puis se tournant vers la jeune femme, il poursuivit. Je suis désolé, je ne compense pas le décalage horaire ... Mais je suis certain que vous apprécieriez un bon petit déjeuner bien chaud même si vous n'avez pas encore dormi, n'est-ce pas ? Veuillez accompagner mademoiselle jusqu'à la salle à manger, mon cher et que Gertie veille à ce qu'elle ne manque de rien. Puis vous lui ferez les honneurs du Domaine. Quant à moi, je dois me retirer dans mon bureau pour un entretien avec Thorvald. Est-il arrivé ?

Alceste s'inclina et fit un signe de tête affirmatif.

- Bien, bien, je vous laisse. A très bientôt, Hadley, je l'espère.

[HRP]:
Spoiler:
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Message  Invité Sam 28 Sep - 19:21

Tout en procédant à sa toilette matinale, Alceste écoutait les Indes Galantes. Il avait téléchargé en Mp3 la version orchestrale de Franz Bruggen de 1994  et il se dit qu'il faudrait qu'il regarde le Dvd de la version dansée des Arts Florissants donnée à l'opéra en 2004, à moins qu'il ne s'offre le voyage.
Il avait à rattraper, depuis son arrivée à Targoviste, un retard monstrueux de 343 ans d'ignorance totale - et pour cause ! et cette période comprenait les trois siècles où la sphère des connaissances humaines s'était dilatée aux dimensions de l'univers. Il se sentait dépassé par le moindre cours de physique au Collège de France, lui qui à son époque  lisait Monsieur Descartes, il signor Galileo et Herr Kepler. Ah ! Kepler... ; il le respectait particulièrement, peut-être en raison de sa belle épitaphe :
Je mesurais les cieux. Je mesure maintenant les ombres de la Terre. L'esprit était céleste. Ici gît l'ombre du corps.
Il avait comblé facilement une partie de ses lacunes  en lettres, arts et sciences humaines, étant doué de ce merveilleux pouvoir de demeurer plusieurs mois en un endroit du passé et de revenir chez le Dévoreur n'ayant dépensé que 3;33 nanosecondes, autant dire rien, de son temps réel d'existence. Mais l'esprit a ses limites et Alceste avait lâché les progrès scientifiques dès le milieu du XIXe et se contentait d'en connaître l'existence sans en démêler les arcanes. Il avait lu et  compris Newton mais non Albert Einstein.
 Autres limites à son fabuleux pouvoir : non seulement il ne pouvait aller dans le futur, mais il ne devait pas demeurer dans un autre temps que le sien plus de six mois lunaires sous peine d'éprouver de terribles migraines, identifiées par le Professeur comme d'origine quarkienne. Ah les quarks ! soupirait-il souvent en rentrant d'un de ses chronovoyages. En plus, après un déplacement temporel, il restait sans tangibilité, comme Zorvan, mais lui demeurait visible de tous. Cela limitait ses possibilités d'action dans les époques qu'il visitait. Bizarrement, il restait solide dans les trois régions de l'Antichambre sauf s'il utilisait un gadget de Zorvan qui le dé- ou re-matérialisait à volonté.
Targoviste était  équipé d'un appareil du même genre qui le reconstituait plus ou moins vite mais rien ne valait une poignée de main du Professeur. Alceste pensait que cela venait du fait que c'était Stanzas qui l'avait tiré du magma temporel où Zorvan l'avait malencontreusement lâché et leurs gluons avaient dû fraterniser...Le professeur utilisait des formules mathématiques moins imagées mais c'était encore un coup des quarks.
A ces inconvénients on pouvait joindre le choc des 3.33 nanosecondes se réinsérant brutalement dans le temps actuel, ce qui lui causait une sorte de vide mental dont il mettait au moins dix secondes à se remettre et, dans ces dix secondes, il avait l'air complètement idiot ; les yeux fixes, muet, bouche ouverte, il lui arrivait même de baver sur sa croate, ce qui pour un homme aussi méticuleux que lui, était extrêmement désagréable, d'autant que cela effrayait un entourage non prévenu. Le remède était de  rentrer en visant un endroit désert. Malheureusement, il n'était pas capable de toujours déterminer sa localisation d'arrivée avec une précision suffisante.
La veille encore, il était parti à 23 heures de sa chambre pour assister à l'assassinat d'Henri IV en direct, afin de se faire une idée des responsabilités en cause. Il n'avait en fait pas vu grand chose, en raison de la cohue dans l'étroite rue de la Ferronnerie et de son obligation de ne pas se faire toucher. Il était resté trois jours à Paris pour essayer d'en apprendre davantage mais, sans internet, les nouvelles ne circulaient qu'au compte-goutte et lassé de perdre son temps à écouter des ragots, il avait réglé son horloge interne sur l'excellent lit qui l'attendait à Targoviste. Las !  À 23h +3.33 nanosecondes, il était réapparu brusquement dans la chambre de  dame Gertie, laquelle regardait un feuilleton sentimental  à la télé. Il s'était excusé, Gertie n'avait fait aucun commentaire, habituée aux usages curieux des hôtes de son employeur.

Fredonnant l'air des Sauvages, Alceste nouait sa croate de dentelle en suivant le rythme saccadé de cette danse prétendûment aztèque,ce qui lui fit réaliser un drapé assez excentrique qui aurait ravi les courtisans de Louis le Quatorzième, avides de modes nouvelles dans ce monde du paraître. Mademoiselle de Fontange, un matin de chasse, relevait ses cheveux d'un ruban  désinvolte, le Roi applaudissait et le lendemain toutes les dames adoptaient ce style …Ô frivolité des femmes , Ô vanité des hommes !
Alceste se regarda dans la glace, fit une horrible grimace au souvenir de son bref passage à Versailles. .Ce qu'il avait pu rater sa vie quand il était vivant ! Enfin, vivant ordinaire.
Heureusement, grâce à ce brave Zorvan, il avait été happé dans le grand vortex de l'Antichambre et le non moins brave Dévoreur l'avait repêché juste à temps. Sans l'intervention du Professeur, serait-il  en train de dériver encore dans" l'océan des âges" comme disait ce brave Alphonse ?
Alceste ne put s'empêcher de se regarder ironiquement. Ce matin, il etait prêt à orner tout individu de l'épithète  "brave" . Il était et demeurait misanthrope, mais maintenant, se regardait l'être sans se prendre au sérieux. Comment être sérieux avec soi-même quand on passe à travers les murs- ou plus exactement quand les murs passent à travers vous ?

Il fallait mieux se consacrer à sa tâche du jour : accueillir vers 8 heures, heure locale, le professeur qui lui confierait une dame. Etait déjà arrivé  Thorvald, un beau grand Nordique aperçu en Aparadoxis.
Thorvald avait été envoyé directement dans le bureau du Dévoreur en compagnie d'un plateau chargé de victuailles, car il avait été noté comme ayant un solide appétit malgré son esprit volontiers tourné vers une vue mystique de l'univers. Alceste approuvait cet équilibre, et il admirait un mystique musclé, capable de dévorer un demi-jambon en vidant sans faire d'histoire une belle chope de bonne bière.
Le secrétaire assura l'ordonnance de ses boucles sombres, vérifia le tombé de sa rhingrave, secoua ses encombrantes manches puisque le professeur avait précisé" costume à la Fouquet" dans son mail d'alerte. C'était pour impressionner la nouvelle arrivante si elle doutait encore d'être, comme Alice, passée de l'autre côté du miroir.  Alceste préférait son costume plus simple de gentilhomme campagnard, avec le minimum d'ornements et pas de jupe-culotte ridicule. Mais il tenait à ses manchettes qui plaisent aux dames quand les fines dentelles viennent à frôler le bout de leurs doigts.
Quelques minutes plus tard, dans le parc, à l'endroit où débarquait habituellement le Professeur, lequel calculait mieux ses trajectoires que lui, le couple apparut. Alceste salua avec le plus de décorum possible, ayant pris son chapeau mousquetaire à panache pour accompagner noblement son geste. Il avait un peu envie de rire car il savait que le Dévoreur n'était pas dupe depuis qu'il l'avait surpris en train de courir dans le parc en jogging et baskets. Mais en tant que secrétaire, Alceste tenait à sa croate et à son habit noir à manchettes qui lui était  comme un uniforme dont il était fier. Stanzas lui tendit un dossier, ce qui lui permit de le toucher légèrement et de consolider ainsi ses gluons.
Après s'être enquis de la situation  le professeur s'éclipsa derrière les rhododendrons vers l'allée conduisant au manoir.
Alceste salua une seconde fois Hadley Fairfield et se présenta de façon moins cavalière que ne l'avait fait le Dévoreur :

-Je suis en effet Alceste de Saint-Côme, madame, et je suis, avec votre permission, entièrement à votre service. Je vous prierai de bien vouloir me suivre pour rejoindre le manoir.

Il allait lui tendre la main pour qu'elle y posât la sienne mais se retint. Une Américaine risquait de le gratifier d'un vigoureux shake-hand et dans son costume à la Fouquet, ç'aurait été totalement ridicule.
Pour occuper le court trajet jusqu'à la salle à manger, il débita deux ou trois remarques anodines sur les difficultés éventuelles rencontrées lors du premier voyage  mais  ajouta que, si on ne changeait pas de continuum, ce déplacement était en général très bien supporté. Il lui fit remarquer le caractère très fleuri du jardin, dit qu'il avait fait installer un bac à sable et une balançoire car on lui avait parlé d'un bambin. De même, il attendait l'autorisation de faire venir un sympathique grand chien noir, nommé Chapka, recommandé par un  autre voyageur qui lui avait demandé par lettre de bien vouloir l'accueillir car il craignait que le chien, qui s'était attaché à lui, ne s'ennuyât durant ses absences. La plupart des enfants aiment avoir  un ami à quatre pattes mais si Chapka qui était vraiment un très grand chien, déplaisait, on pouvait se procurer très facilement un caniche nain ou même un loulou poméranien très docile, bien que ce ne soit plus un chien à la mode.
Alceste espéra que ces propos lénifiants rassureraient la jeune femme car enfin, passer brutalement de  New-York à Targoviste et des années vingt à 2013 ne pouvait pas se faire sans appréhension et perte des repères. Tout en soulignant l'absolue réalité de l'extraordinaire expérience, Alceste s'efforçait de recadrer les choses familières dans  ce nouvel environnement, aussi insolite fût-il. Il se souvenait si bien de son désarroi en débarquant du Vortex et de la prévenance du Professeur qui l'avait mis en confiance avec beaucoup de délicatesse.
La table mise offrait, s'échappant de plats couverts et de théières rebondies, des fumées réconfortantes et des fumets délicats mettant en appétit même Alceste qui pouvait ne se nourrir que de l'air du temps. Gertie était une perle et le secrétaire-gentilhomme ne s'adressait jamais à elle sans l'appeler Dame Gertie.
Hadley Fairfield installée, Alceste s'assit à son tour et commença le service aussitôt, tout en devisant sur le même ton poli qui, il l'espérait, mettrait à l'aise l'invitée du Professeur.

-Nous visiterons la maison quand vous le désirerez, mais vous voudrez peut-être vous reposer d'abord dans la suite mise à votre disposition si vous acceptez de nous confier votre petit garçon pendant vos absences.. Et je suis là pour répondre à toutes vos questions, qu'elles soient graves et générales ou ponctuelles et touchant au quotidien pratique.

Il s'interrompit pour désigner une assiette de gâteaux :

-Je vous recommande les cornuletes , pâtisseries locales fourrées au loukhoum, rappelant l'occupation ottomane, un peu sucrées mais délicieuses. Je me mêle un peu de cuisine et je les ai faites à votre intention.

Il reprit, entre deux bouchées de scones fourrés de gelée de cassis, continuant à équilibrer ainsi les deux pôles entre lesquels devaient osciller les émotions de la jeune femme, l'incroyable et l'ordinaire:

-Ah, je ne vous ai pas prévenue...et je ne sais si le Professeur vous aura parlé de moi. Il ne le fait habituellement pas, pour gagner du temps et ne pas compliquer les choses.
Je suis moi-même Voyageur mais d'un modèle inusité. Ne craignez rien de moi : Je n'ai pas le don de transporter à travers le temps et l'espace ceux qui me touchent. Et dans ce moment et en ce lieu, je suis tout à fait tangible. Mais il m'arrive quand je voyage de ne pas l'être. Je ne suis pas un fantôme, je ne suis pas mort, tout cela est parfaitement scientifique et le Professeur pourrait vous expliquer  comment j'ai subi une dissociation fréquentielle de .. enfin, mes particules voguent un peu au hasard et pour assurer ma tangibilité, mes quarks manquent de gluons . Ah, les quarks ! La physique des particules m'est assez hermétique mais n'a guère de secrets pour le Professeur et cela peut vous étonner, mais tout est explicable et expliqué. Je suis  anormalement  tout à fait normal.
Voulez-vous d'autres précisions ?
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Message  Thorvald Gorthünson Lun 7 Oct - 20:06




Voyager avec une cuirasse lourde et un manteau en peau d'ours, dans le vortex temporel n'était pas chose évidente, même pour un colosse d'un mètre quatre-vingt-dix à la condition athlétique. Monter à cheval, affronter les rugissants assauts de la grande eau, Thorvald savait le faire, et de façon intelligente. Il délaissait le plus souvent sa tenue d'apparat ou de guerre au profit d'un ensemble de cuir de renne tanné plutôt seyant selon les canons de la mode varègue ou encore revêtait la cape en peau de phoque huilée sur laquelle les embruns glissaient comme les crachats de poivrot sur les vestales grecques. Thorvald avait dévoré quelques tomes d'épopées de l'époque classique à celle du bas moyen âge, écrites en latin dans la bibliothèque de Wlaaadimirrr, comme il le nommait, et en homme d'action qui a l'habitude de synthétiser les écrits runiques pour les ramener à leur quintessence, il avait fait un condensé de la culture adrio-méditerranéenne: les hommes du sud avaient peur de leurs femmes et refusaient d'admettre qu'elles puissent être aussi intelligentes qu'eux et pour s'en prévenir, ils leur interdisaient le pouvoir politique et social (officiellement)  mais leur laissaient volontiers régner sur les loisirs, le spirite et les arts. De plus, ils essayaient de s'en rapprocher en adoptant leurs goûts vestimentaires et en s'enveloppant dans des draps, portant des robes ou des jupes et plus tard se poudrant le nez et le cul. L'homme du nord avait une approche bien plus simple de la chose: il était un homme avec des muscles en masse, des appétits naturels le portant à la table et au lit. L'homme du Nord, en règle générale, aimait les femmes à tout les sens du terme, bien que quelques spécimens préfèrent leur homologues et ce n'était pas considéré comme une tare mais juste triste malédiction: le malheureux n'avait pas d'équivalent féminin, sans doute morte avant l'âge de s'apparier et il s'était alors naturellement vu guidé par Freya auprès de compagnons dans le même cas que lui. De même, les femmes ayant perdu leur âme soeur avant de la trouver s'orientaient-elle vers leurs amies pour combler leur désir. C'était une vision qui avait bien scandalisé le brave Nestor lorsque Thorvald l'en avait entretenu.
En l'espèce, le Roi de Dortmund aimait les femmes exclusivement et il était mortifié de se voir ainsi couvert de sueur et puant le bouc après avoir supporté son armure d'apparat "pour se la péter" comme disait Max, le bananier magique adopté par son ami Démétrios, oui puer le bouc, alors qu'une belle sirène des glaces se présentait aux portes du palais de Stanzas, accompagnée par lui en personne- le Roumain avait le bon oeil pour apprivoiser la jolie louve des neiges. Il ne pouvait décemment se présenter devant une femme dans cet état. Ce n'était pas tant le parfum - les femmes aimaient souvent l'odeur du mâle après la bataille mais pas celle de la crasse, et là il avait vraiment besoin d'un bain- qui était gênant que la parure qui, pour impressionner les ennemis comme les alliés, n'en était pas moins un rempart envers les échanges charnels.

Aussi, après avoir vu, par les vitraux rénovés du bureau de Stanzas et alors qu'il se restaurait d'un cuissot, la silhouette absolument appétissante de la jeune femme à la poitrine accueillante, se précipita-t-il, après s'être défait en hâte de ses atours par trop belliqueux, dans une vasque intérieure du cloître, destinée jadis aux baptêmes collectifs. Alors qu'il s'adonnait avec un plaisir enfantin, aux joies des ablutions, il entendit des voix en provenance des jardins. Voilà qu'il allait rater son entrée.

- Elymara, pssstt!  Elymara! Petite fouine des neiges venue de l'île aux volcans. Apporte-moi des pelisses de cette époque.

Contre toute attente, mais lui n'en doutait pas, une petite robote fit son apparition en portant un jean noir baggy qui avait été dérobé à Justin Bieber par une fan enflammée. Elymara avait hésité avec un jean moule-bite de Jon Bon Jovi pour vêtir Thorvald mais visiblement, la mode des 90' était trop près du corps pour convenir et contenir lorsqu'il s'agissait du nordique. Elle arrivait donc avec le jean flasque dont la particularité formelle était de ne pas avoir de forme. Une fois enfilé sur une peau encore humide, le vêtement coinçait pourtant en certains endroits et Thorvald dût batailler plusieurs fois pour tout mettre en place. Il s'en énerva même.

- Soyez cool ! susurra Elymara en envoyant " I got you babe" et en déployant un miroir dans lequel le barbare pouvait se mirer.

Il enchaina quelques déhanchés instinctifs et remonta son falzar en s'exclamant " mais il en manque quatre vingt-dix centimètres en longueur ! "

- Ca vous fait un bermuda très seyant... Murmura la jolie femme de chambre cybernétique

Ne voulant pourtant être en reste, il saisit le t-shirt moulant que lui tendait Elymara, T-shirt jaune vif arborant "Highlanders are alive " sur le torse. Et c'est ainsi qu'il fit éruption dans la salle à manger sans être repassé par le bureau de Stanzas.

- Bonjour les amis! Il y a de la houle aujourd'hui pour la pêche à la langouste. Mais je vois que les sirènes sont déjà échouées.

Alceste en bâilla du menton dans sa croate et Elymara, qui avait suivi, se plaquait la main sur la bouche en regrettant que Max, son ami , ne fût pas là pour arrondir diplomatiquement les angles.


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Message  Invité Mer 9 Oct - 18:18

24 heures, à peine 24 heures plus tôt les seules décisions que j'avais prises avaient un lien avec quels habits choisir pour Baptiste, quel rouge à lèvres ne renforcerait pas mon teint blafard...que des contingences bien inutiles qui ne me faisaient pas avancer mais simplement subsister si tant est qu'on peut appeler la survivance ainsi. Voici que j'avais à présent choisi de quitter le pays qui m'avait vu naître et péricliter. J'aurais dû faire tout ceci après mûre réflexion en au moins deux semaines mais l'urgence n'était pas que du côté de Stanzas, combien de temps peut-on se renier sans en perdre l'esprit ? Il avait mis en exergue que mes choix pour aboutir à de meilleures conditions de vie n'entraîneraient que le pire à brève ou plus longue échéance. Ce qui me faisait parfois me retourner dans mon lit à cause d'un cauchemar, se matérialisait à présent consciemment dans mon esprit.

Mon regard fatigué se tourna vers Vladimir et acquiesça de sa propre force. Je regardai les deux hommes se saluer et remerciai à plusieurs reprises le Père James pour les promesses qu'il me faisait à propos de Baptiste. Il est des personnes en qui vous savez que votre confiance peut être placée sans crainte et immédiatement le saint homme avait acquis la mienne. Je savais, et pouvais partir sans me retourner, que mon ange endormi en l'instant était à présent en sécurité si mon absence devait se prolonger. Mon cœur se serra à  cette idée et je bénis la froidure, qui nous prit entre ses serres dès la première marche, de prétexter mes larmes parce que cette sensation d'abandon que j'infligeais à la chair de ma chair était intolérable. A nouveau, dans un réflexe instinctif, je m'enveloppai dans mon manteau, reniflai et me convainc tant bien que mal que cette fois, réellement, je prenais le parti du mieux. J'entrevoyais Baptiste sous la couverture, ses petits poings fermés, repliés contre lui. J'espérais secrètement qu'il ne poussait pas de faibles « maman » dans son sommeil comme ma voisine me le rapportait régulièrement, pensant ainsi me faire changer d'avis sur ma façon de gagner ma vie. Un énième soupir traversa ma gorge serrée et je répondis mentalement à la brave femme qu'elle avait raison, que j'avais enfin compris. Un faible sourire à l'intention de M. Stanzas et j'acquiescai enfin. Il devait me trouver bien peu bavarde.

- Allons oui !


Et ça ne serait pas cette phrase qui m'illustrerait comme future comédienne ou qui ferait de moi quelqu'un de capable de haranguer les foules. Bien sûr j'étais loin de me douter de la suite à donner à cette nuit éprouvante, inimaginable, je pensais plutôt que j'allais me réveiller dans mon lit, le front en sueur à peu près prête à recommencer mes inlassables journées d'errance. La nuit épousait nos pas et dressait autour de nous un rempart obscur que je trouvais protecteur. Je faillis hoqueter lorsque à peine une seconde après que cette pensée m'ait traversée, une sorte de couloir aspirant fit disparaître l'astre lunaire, bien vite remplacé par son opposé que je chérissais. Si j'avais ressenti la tête me tourner, ça n'était rien comparé à ce tourbillon de couleurs. J'avais dû fermer les yeux car je me retrouvai à les faire cligner pour m'adapter à la nouvelle luminosité et ne parvins pas immédiatement à observer le nouveau paysage. J'étais plus occupée à ne pas tomber, mes bras devaient mouliner et je ne sais par quelle opération d'équilibre je parvins à garder mes deux pieds sur la terre ferme. Je poussai un « ouhh », plissai les yeux avec force et tentai de les ouvrir. Un autre « ouh » m'échappa devant la beauté des lieux. Nous étions en effet bien loin des Etats-Unis et moi qui n'avais jamais connu que la ville, je fus subjuguée par tant de luxuriance et la majesté de cette demeure. Deux clochers, si je voyais bien, la surplombait et ne furent pas sans me rappeler le dispensaire que nous venions de quitter alors qu'il n'en possédait pas un seul. Mon association d'idées s'était faite d'elle-même et je sus en une nouvelle fraction de seconde que je serais bien ici. Je pouvais imaginer mon enfant courir dans ce parc à grand renfort de rires cristallins et cette seule image me suffit. Je ne pouvais le dire encore mais ma décision était prise. Il est des endroits qui vous ouvrent les bras rien qu'en les regardant

- Votre domaine est très beau, si je n'étais pas si épuisée, je le parcourrais avec plaisir. Vous devriez prévoir ce décalage horaire mais sachez que cette vue promet de très beaux rêves.

Et c'était vrai. Et j'avais presque envie de rire. Cette sensation m'avait quittée depuis bien longtemps, parfois encore un peu suscitée par les jeux de Baptiste mais ils étaient tellement ternis par sa tristesse que bien souvent, nous nous forcions l'un comme l'autre.
Je remerciai Stanzas pour son accueil, son invitation et le "tellement plus" que tout cet environnement semblait augurer. J'avais toujours à l'esprit que ce ne serait pas un sacerdoce mais j'avais déjà vécu la descente aux Enfers, que m'importaient alors les embûches ?

La réalité de Targoviste se présenta à moi pour la première fois sous les traits du fameux Alceste. Son habit me laissa pantoise mais il allait sans dire qu'il présentait tel un précepteur, tel que j'en avais vu dans un ou deux livres. Mon visage commençait à en prendre l'habitude mais mes yeux s'agrandirent devant la courbette majestueuse que le Secrétaire me réserva. Je faillis lui demander de ne pas se faire un tour de rein mais j'eus peur de l'offusquer. Je tentai donc de m'occuper à autre chose et de retenir les noms, Gertie, Thor... non celui-ci était imprononçable encore, décidément... Je regardai Vladimir Stanzas s'éloigner et je lui criai d'une voix contenue mais sincère :

- Merci beaucoup, merci pour tout !

Je me savais entre les mains de Alceste et me tournai donc à nouveau vers lui car l'idée de manger me semblait difficile mais néanmoins nécessaire même si j'aspirais ne serait-ce qu'à un fauteuil pour dormir et un peu d'eau pour faire ma toilette. Si Stanzas ne s'embarrassait que de l'essentiel, je trouvai Alceste beaucoup plus locace et ses remarques sur la flore roumaine m'enivrèrent ou alors préférais-je ne pas m'arrêter sur le « continuum ». Mais savoir que des jouets et peut-être un chien étaient déjà à la disposition de mon petit me chavira à nouveau. J'étais devenue une pleureuse, pourtant les églises n'étaient pas mon lieu favori et je n'affichai pas facilement mes sentiments. Oh !

- Excusez-moi Monsieur Alceste, je ne me suis pas présentée. Je suis Hadley Fairfield et je vous remercie de votre prévenance. Chapka, Chapka sera parfait, je n'en doute pas.

Je n'étais vraiment plus à même d'aligner deux pensées cohérentes...
Alors que nous pénétrâmes dans le manoir, je me promis de me réserver pour les sensations de la première visite, à tête reposée et suivis comme un bon petit soldat les pas de mon prédécesseur. Je dus bien admettre que les fumets délicats me firent réagir ou plutôt mon estomac. J'écoutai donc mon hôte m'expliquer la teneur du menu. Je me sentais princesse moi qui étais souillon et m'attendais encore à tout instant à me réveiller dans la grisaille de ma chambre américaine. Face à toutes ces douceurs, je me retins de les engloutir autant par souci de rapidité que pour répondre à la faim qui me tordait l'estomac depuis que j'en avais pris conscience. Mais la diligence de ce monsieur me poussa à trouver les bonnes manières et je l'imitai dans ses gestes pour montrer que toute mon éducation n'était pas à refaire. Tout fondait dans ma bouche avec délicatesse mais j'avais abandonné l'idée de distinguer les saveurs connues des nouvelles. Oui bien sûr que j'avais mille questions à poser.

- Je pense que vous serez inondé de mon questionnement lorsque vous me ferez visiter.

Je rougis.

- Enfin si votre proposition tient toujours !

Mais je n'étais pas au bout de mes surprises et alors que ma tête dodelinait avec ferveur, j'entendais encore des mots qui ne faisaient pas sens et à travers la douce torpeur qui m'envahissait, je vis bien qu'il me posait une question. Je me secouai mentalement

- Euh...

Heureusement un capharnaüm me tira de ma léthargie bienheureuse et me sauva d'une réponse qui aurait pu tomber à côté de la plaque. Mon visage chercha la provenance de tant de bruit, moi qui appréciais la quiétude des lieux depuis près de une heure à présent. J'avais qualifié Le Professeur, puisque c'est ainsi qu'on le nommait ici, d'énergumène mais ça n'était rien face au géant blond en culottes courtes qui se présenta à nous. Il était clameur, il parlait un langage que je connaissais mais que je n'utilisais pas dans le même sens. Son regard portait sur moi et il parlait de crustacés et d'une créature de contes. J'étais sans voix devant cette apparition qui me fit l'effet d'un canari tant le jaune me sauta aux yeux, tout autant que Alceste qui restait bouche bée. Derrière cet homme aux cheveux très longs, une jeune femme au déhanchement bizarre apparût, tout aussi gênée que mon nouveau compagnon. Qu'avait donc dit cet homme de si choquant. Au comble de la fatigue, je lui répondis le plus sérieusement du monde :

- Bonjour Monsieur. Vous êtes pécheur ?

Sur les quais chez nous, les hommes de la mer ne présentaient pas de cette façon mais je supposais qu'en Roumanie, il en allait différemment. Eh bien, j'allais au devant de surprises multiples et le rire retenu m'échappa enfin, avant que je tombe littéralement de sommeil sur la table, ce qui me vaudrait plus tard des tonnes d'excuses présentées aux uns et aux autres pour mon impolitesse.
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Message  Invité Dim 3 Nov - 22:51

Bien qu'elle parût très lasse, la nouvelle invitée du Professeur participa de bonne grâce à la collation proposée. Elle n'était pas seulement éprouvée par le manque de sommeil et le choc inévitable du voyage spatio-temporel. Elle semblait inquiète, très désireuse de s'intégrer dans ce nouvel environnement, soucieuse de ne pas laisser échapper sa chance d'y trouver un asile pour son fils  et peut-être aussi, pour elle, un port d'escale. Alceste connaissait l'effet magique de Targoviste sur les visiteurs, toujours conduits ici pour une halte dans le tourment de leur existence.
Cet ancien monastère, avec une partie copiée sur le modèle de la Curtea domneasca, était situé en dehors de la ville, sur une colline boisée descendant vers la Ialomita.Ce n'était qu'une ruine quand Stanzas l'avait racheté. Aujourd'hui, restauré et aménagé, l'architecture d'un  baroque épuré, avec ses trois tours  hexagonales à toits en clocher,  évoquait l'atmosphère  naïve et colorée des contes venus de l'est européen. L'humeur solitaire d'Alceste  se plaisait en ce lieu ancien, paisible et ordonné, mais où s'entendent certains soirs le galop de chevaux magiques et le souffle venu des forêts où vivent les sorcières.
Les voûtes d'un scriptorium abritaient désormais une vaste bibliothèque. A longueur de journée, le chevalier y promenait ses manchettes et et ses souliers à boucle. Il en dressait le catalogue sans cesse augmenté de ce que les Voyageurs rapportaient de leurs périples. Ou bien il y écoutait de la musique, juché en haut du petit escalier à vis de la galerie supérieure, tout en feuilletant des livres d'images dont il était grand amateur. Il aimait ce lieu tranquille, hors de la vie pressante, loin du monde mais qui en rassemblait les beautés et et les fureurs, assagies par les mots, capturées au piège des pages.
On reprenait souffle à Targoviste, comme lui-même avait retrouvé le sien, au sens propre et figuré, quand le Dévoreur s'était débarrassé de ce grand corps inerte repêché dans l'intertemps, en le jetant  sur le canapé  de son salon.
Puisque les projets  concernant Miss Fairfield semblaient indiquer des séjours fréquents au domaine de Targoviste, le secrétaire  était prêt à lui aplanir le chemin au maximum et à veiller à ce que tout  se déroule pour elle de façon rassurante..Après les déconvenues de sa vie précédente il était très attaché à la paix qui régnait en ces lieux et avait d'ailleurs un peu hésité en apprenant qu'il aurait à s'occuper de l'éducation d'un jeune enfant. Mais il avait lui-même bénéficié d'une formation idéale. Ses parents étaient des êtres bienveillants, savants et progressistes, autant qu'on pouvait l'être en ces temps, l'action corsetée par les principes rigides d'une monarchie absolue et d'une religion d'état. Mais  le libertinage de l'esprit avait été une invention de ses contemporains, et depuis, il avait lu  les philosophes des Lumières, et Rousseau, et Piaget. En bon disciple de Montaigne, les principes libertaires du XXe siècle lui convenaient tout à fait quand il s'agissait de pédagogie.
D'ailleurs l'enfant étant très jeune, dépendrait surtout de Dame Gertie pour tout ce qui concernerait son bien-être matériel et les douceurs affectueuses qu'une femme distribue si facilement au moindre petit angelot qui passe à sa portée.
Alceste pourrait continuer à visiter les époques autant qu'il le voudrait  et autant que ses quarks le supporteraient. Ah, les quarks !
Il fut satisfait que Chapka soit adopté aussi vite. Il espérait qu'il n'y aurait pas d'empêchement au transfert. Il avait toujours eu un chien sur ses talons quand il arpentait le domaine de Saint-Côme et maintenant qu'il était bien intégré à Targoviste, cette compagnie lui manquait quand il courait dans le parc ou dans les bois. Il avait été séduit par le jogging en débarquant aux alentours de 1967  à Central Park où il avait croisé Jane Fonda s'entraînant pour Barbarella. Il alternait avec son ancienne pratique de l'équitation et l'idée lui vint de faire venir un poney pour Baptiste. Le chevalier de Saint-Côme initierait son pupille à ce qu'il considérait comme la plus éducative de toutes les activités physiques. Il servit le thé prestement, ses manchettes donnant un tour élégant à ses gestes, et remarqua :

- Vous devriez m'appeler Alceste et me permettre de vous appeler Hadley. Les voyageurs qui  passent par Targoviste sont si variés d'origine que cela facilite le contact, bien que le traducteur évite tout malentendu concernant les civilités.

La jeune femme était tout à fait séduisante. Le chevalier de Saint-Côme se dit qu'en d'autres temps il serait sans doute très facilement tombé sous le charme de ces beaux yeux auxquels  les cernes de la fatigue donnaient un charme languissant .Mais il se contenta d'apprécier le joli ovale du visage et le velouté d'un teint délicat, sans autre émotion qu'esthétique. Même à Targoviste, dans l'aura créée par les pouvoirs du Professeur, il demeurait quand même quelque peu désincarné. Il n'éprouvait que des désirs intellectuels et fort peu d'exigences purement physiques. Il en allait autrement en Aparadoxis où il redevenait tout à fait solide et où, débarrassé de toute inhibition dans une réalité somme toute incertaine, l'ascétique chevalier menait souvent de joyeuses expériences avec des amis de hasard ou des Voyageurs qu'il connaissait. De toutes façons, il était trop content de cet état adiabatique qui lui évitait de tomber amoureux, les expériences passées lui ayant montré que la passion le rendait stupide et misérable. Il demeurait misanthrope envers l'humanité mais il  avait toutes sortes d'affections dans sa vie nouvelle, le Professeur, dame Gertie, certains voyageurs de passage et aussi le cheval Tonger qu'il montait habituellement, et le chat Zapada, un énorme persan blanc qui le suivait dans la bibliothèque. Il appréciait Max le Bananier pour son grand savoir et son approche philosophique de l'existence et même la jolie robote Elymara, bien qu'il ait eu au début une certaine réticence à son égard. Comme si les femmes réelles ne posaient pas suffisamment de problèmes pour ne pas fuir l'idée d'en créer une de plus.
Certes il mangeait sans faim, buvait sans soif, mais ses sens fonctionnaient parfaitement et il savourait son thé pour la douce couleur ambrée et la délicate odeur de citron. Il était tout à fait tranquille ainsi et appréciait de pouvoir regarder et même détailler les charmes d'une jolie femme tout en laissant ses quarks au repos.

C'est dans ces aimables dispositions et cette ambiance toute classique que fit irruption  le fils de Thor en personne. Il se déplaçait avec l'assurance d'une tornade blonde, occupant, aussitôt paru, tout l'espace de la pièce devenue brusquement trop petite, retenant toute l'attention des convives charmés par son sourire, sa prestance et son Tshirt jaune éclatant.
Les sourcils d'Alceste montèrent de trois centimètres en découvrant les mollets aux poils roux dépassant d'un baggy noir fait pour que l'entrejambe pende à la hauteur des genoux, ce qui, vu la taille de Thorvald et sa puissante musculature remplissant l'informe vêtement, donnait une gênante surévaluation de ses possibilités naturelles.
Thorvald salua la compagnie en termes imagés, sentant l'homme nourri de harengs de la Baltique et de contes scandinaves, mais Alceste savait que le traducteur refusait parfois d'adapter des termes ambigus ou bien rapportait littéralement les propos sans se soucier de la manière dont chaque peuple pouvait les interpréter. A ce moment, arriva slalomant sur son vase à roulettes, Max le cyber-bananier, poussant d'une feuille délicate un plateau sur coussin d'air. L'objet était chargé  de sandwiches à la langouste et aux concombres ainsi que diverses bouteilles, illustrées de bisons, de croix blanches sur fond rouge, et aussi d'un flacon de Tuica, l'alcool de prune local dont Alceste s'abstenait prudemment. Elymara parut soulagée. La présence de Max lui détendait toujours les circuits. Elle avait dû lui passer un message sur ondes courtes concernant les langoustes et il s'était empressé d'arrondir les angles.
Alceste voyait bien que ce dernier choc émotionnel, aussi gaîment sympathique soit-il, avait finalement eu raison de la résistance de Miss Fairfield qui avait du mal à tenir ses yeux ouverts. Il se leva aussitôt et fit les présentations :

-Hadley, je vous présente messire Thorvald Gorthünson, seigneur-roi de Drogmünd et Voyageur. C'est un très grand guerrier varègue. Thorvald,  voici Miss Hadley Fairfield qui vient d'arriver des Etats-Unis pour visiter Targoviste.

Le chevalier proposa une place à table au Roi varègue en lui demandant s'il prendrait bien une tasse de thé avec quelques petits gâteaux ou s'il préférait le plateau plus corsé présenté par Max.
Il se tourna vers Elymara :

-Ma chère, pourriez-vous veiller à ce que les vêtements de  messire Thorvald soit prestement nettoyés. Ah Thorvald...vous connaissez déjà Max. Après Noël, votre ami Démétrios qui s'y était attaché, l'a conduit chez lui, puis nous l'a confié pour qu'il ne s'ennuie pas quand il le laisse seul pour voyager. Max est d'une nature  hyperactive et fort compétent en divers registres. Evidemment, en dehors de chez Zorvan, il perd son aptitude à sortir des vêtements et objets variés de l'interespace polymoléculaire. Sinon, vous auriez déjà votre chemise en peau de loup. Asseyez-vous, je vous en prie : vous avez certainement des choses passionnantes à nous conter. Vous savez,  je crois que depuis Snorri Sturluson, il n'y pas meilleur évocateur du monde nordique que vous. Vous devriez écrire des sagas...

Puis il constata  que Hadley semblait sur le point de s'endormir malgré la brusque animation.

-Hadley, si vous voulez aller vous reposer, Max, notre factotum  vous conduira à votre chambre. Nous visiterons le domaine plus tard.

Ayant ainsi satisfait à son rôle d'hôte, Alceste attendit la décision de Hadley. Il était réellement impatient d'entendre Thorvald parler de ses récentes aventures, d'apprendre ce qui l'amenait à venir à Targoviste et où il pouvait être intéressant de voyager en ce moment en Aparadoxis.
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Message  Thorvald Gorthünson Dim 8 Déc - 21:50



Thorvald s'inclina avec respect, malgré son titre et ses moeurs qui l'en dispensaient habituellement dans ses Terres Nordiques. Il avait très tôt intégré que pour vivre bien dans les différentes époques traversées et en bonne intelligence avec les Voyageurs qui en provenaient, il fallait faire montre d'un minimum de déférence et s'adapter à la société que ses voyages lui proposaient en tout lieu. A Targoviste, il pouvait croiser des personnes provenant de tout temps et la seule étiquette qui s'imposait de façon universelle était celle préconisée par le Dévoreur et son factotum Alceste. Aussi suspendit-il son geste tonitruant pour accorder un humble salut à l'assemblée. Il voulait faire bonne impression sur la jeune femme conviée au palais. Il savait, l'ayant observé presque en chaque époque et lieu, que les femmes aimaient qu'un homme réduise sa hauteur en s'inclinant, du moins au premier abord. La jeune femme qu'Alceste lui présenta sous le nom de Hadley ne devait pas déroger à la règle. Il s'amenda donc de son entrée peu discrète et se racla le plus doucement possible la gorge pour tenter de dissimuler une fausse gêne.

- Alceste, Miss Hadley, je vous prie d'excuser mon entrée peu respectueuse de la bienséance mais je reviens d'une mission au sujet de laquelle je dois absolument rendre compte au Professeur Stanzas. Le voyage avait quelque peu éprouvé ma tenue et j'ai du me rendre le plus propre possible avant de venir présenter mes respects à Miss Hadley. Je n'aurai guère le temps de m'attarder en votre charmante compagnie car l'heure est grave et je dois rejoindre notre hôte dans son bureau sans délai...

Elymara lâcha un soupir et leva les yeux au plafond d'impuissance. Ce que Thorvald comprit aussitôt comme une énième tentative de tempérer sa fougue. Même lorsqu'il essayait de se montrer civilisé, le Roi des Varègues ne savait pas renoncer aux excès. D'une simple salutation, il avait fait un flot ininterrompu d'explications dans lesquelles, plus habitué au fracs des batailles qu'aux échanges de salon, il se perdait devant un Alceste à l’œil rond et une Hadley assommée. Max, qui était apparu véhiculant un plateau de mets appétissants se glissa avec brio à roulette vers le prince des neiges et secoua ses feuilles métalliques de bananier cybernétique pour glisser à l'oreille du guerrier:

- Vous êtes d'une indécence absolument indescriptible et il eût mieux valu vous présenter dans votre apparat d'origine, tout couvert de sueur et de poussière que dans ce pantalon indécent qui vous ... Vous colle au corps comme une seconde peau. Même Noureïev, dans la Belle au Bois Dormant avait un collant ... moins collant . Voulez-vous une feuille de bananier pour cacher vos ... fruits ?

Thorvald eut alors un regard plongeant sur lui-même puis un regard oblique et noir vers Elymara en même temps qu'il devenait cramoisi.

- C'est elle qui m'a conseillé ! s'exclama-t-il faussement outragé.

En vérité il n'était pas fâché que "Miss Hadley" pût constater de visu qu'il était bien pourvu par la nature, mais il devait faire bonne figure dans la société distinguée de Targoviste. Il avisa un plat vide sur la table et se demanda s'il ne devrait pas l'attraper pour le glisser, telle une plaque d'armure, dans son pantalon. A la réflexion cela ne pourrait pas rentrer. Cependant, son attention et son orgueil furent frappés bien davantage en constatant qu'Hadley s'était tout simplement assoupie en sa présence. Il regretta un instant d'avoir ôté son appareil de guerrier pour celui, absolument ridicule, qu'il portait actuellement. Dans son armure cliquetante, il eût sans nul doute su garder les beaux yeux grands ouverts. Les paroles d'Alceste requérant l'aide de Max pour conduire la belle sirène à ses appartements afin de lui permettre de prendre un repos rendu très nécessaire semblait-il, lui firent l'effet d'un coup de fouet.

- Ne dérangez pas Max dans son travail de majordome! Mes bras sont plus à même de soutenir Miss Hadley que ne le sont ses branches flexibles. Ce sera un honneur pour moi que de l'escorter jusqu'à son lieu de repos. Alceste, je suis très heureux de vous revoir et nous aurons sans doute l'occasion de discuter dans les jardins après mon entrevue avec le Professeur. Je vous ai rapporté une Edda dans la langue originelle, comme vous me l'aviez demandé. Je pourrai vous rapporter quelques anecdotes non transcrites dans l'écrit.

Il contourna la vaste table pour se retrouver près d'Hadley et hésita quelque peu devant la conduite à tenir. Lui proposer son bras comme soutien ou la porter ? Pourtant, une fois encore, ce fut la tornade qui prit le dessus et il se plia pour passer un bras sous les genoux de la dame tandis que l'autre se glissait sous ses aisselles. Elle lui parut aussi légère qu'une plume lorsqu'il la souleva sous les yeux ébahis de la petite assemblée.

- Où se trouvent les appartements réservés à notre invitée ?

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Message  Invité Dim 15 Déc - 17:29

Je me rendais compte, dans les tréfonds de mon esprit que Monsieur Alceste me parlait, toujours avec gentillesse et je me forçai à ouvrir à nouveau les yeux. C’était bien de forces dont j’avais besoin car la pièce peinait à reprendre ses couleurs et ses contours. Je n’avais absolument pas saisi un mot de sa phrase à mon attention et ne voulais pas à nouveau m’égarer dans une réponse évasive ou une interjection. Un second bruit mais cette fois de roulettes me sauva à nouveau la mise et je tournai vaguement la tête. La chose – ce pauvre bananier ne pouvait qu’en être  une à ce stade de mon séjour – m’était presque totalement cachée par la carrure impressionnante qui se découpait tout de même dans le bain de soleil qui irradiait des fenêtres. A l’image d’une enfant, je me frottai les yeux, perdue entre deux mondes, celui des songes et celui tout aussi incroyable de Targoviste. Tout en dodelinant, ma tête allait de ce Monsieur, à cet homme au prénom que je compris comme Torvald mais dont le nom se perdit quelque part dans les airs de mon désert cérébral. Je tentai un sourire mais ne sus jamais ce que j’avais produit comme grimace. Je clignai toujours des paupières, essayant vainement de m’accrocher à la conversation entre les deux hommes. Saurai-je plus tard que j’avais raté là une scène à inscrire dans les annales du loufoque ? Le regard outré d’Alceste, celui presque gêné de Thorvald, l’intervention généreuse et pleine de sous-entendus de Max... Je suis certaine que tout ceci m’aurait à nouveau déclenché un rire mais pour l’heure, je n’étais capable d’aucune réaction.

En l’état actuel des choses, leurs voix me berçaient agréablement, ils devisaient à présent et je ne résistai plus à m’abandonner dans les bras de Morphée, mon visage pausé allègrement contre ma paume. Combien de temps me faudrait-il pour effacer l’affront, l’impolitesse faits à toute cette assemblée si attentionnée ? Mais j’étais déjà loin de ces considérations. Une brume matinale entourait les allées herbeuses de Targoviste et Baptiste courait à en perdre haleine dans ma direction. Mais contrairement à mes souvenirs américains, un sourire éclairait son visage poupin. Un grand chien aboyait en gambadant avec lui. Je ressentis une petite crainte mais lorsque mon bonhomme tomba et que Chapka – j’avais retenu son nom à celui-ci – lui lécha le visage, étouffant son rire qui s’envolait très haut, je poussai un soupire de bonheur non contenu.
Je ne sentis pas que le Seigneur du Nord me soulevait dans ses bras, il me semblait juste m’enfoncer dans un matelas de plumes protecteur. Je me pensais enfin dans un lit et ne vit pas les murs défiler alors que le charmant ami du Professeur me faisait voler jusqu’à la chambre qu’on m’avait préparée.

Cela me rappela une conversation que j’avais eue avec Monsieur Stanzas et cette fois, ce fut moi l’héroïne de mon propre rêve. Grâce à lui, j’étais ailée et je refaisais le voyage de New-York, les toits en fourmis silencieuses, à Targoviste aux couleurs si chatoyantes. Je ne ressentais aucun froid à me balader ainsi dans le ciel, une légère chaleur même m’enveloppait comme un manteau doux au toucher. Qu’il est grisant d’observer le monde ainsi remis à sa taille initiale face à l’immensité de l’univers…
Je ne sais si une marche d’escalier, un dénivelé, ou simplement un meuble à éviter provoqua ce léger sursaut que je sentis. Sans chercher à échapper à mon expérience inédite, ma conscience reprit le dessus. J’humai l’air et ne savais plus trop si j’étais encore entre la voie lactée et le sol mais…

- Vous sentez vraiment bon !

Et je n’aurais pas plus pu me prononcer sur le destinataire de cette annonce mais j’aimais cette fragrance qui se dégageait de lui. Peut-être parlais-je à mon oreiller ? A peu près convaincue que c’était le cas, je me pelotonnais contre lui et m’abandonnai à nouveau. Aurais-je pu savoir qu’un sourire vainqueur allait inonder le fier visage de Thorvald et ignorer que je venais de m’enfoncer dans la honte ? Que l’inconscience est douceureuse…

HRP
Spoiler:
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Message  Invité Sam 4 Jan - 1:20

Après son entrée quelque peu fracassante, Thorvald se conduisit avec plus de discrétion mais Alceste qui avait lu ses rapports sur des explorations effectuées en Aparadoxis et en d'autres lieux et temps, non seulement l'excusa volontiers de son manquement aux usages mais, la surprise passée, y trouva un certain charme sauvage et une spontanéité rafraîchissante. Sortant d'une société haïe, empesée dans les rigueurs des bienséances et les rigidités de l'étiquette, il appréciait la simplicité des moeurs. Et cette franchise des sentiments lui plaisait, bien plus proche de la nature que les pudeurs hypocrites qu'en tant que misanthrope, il avait essayé de dénoncer, à son plus grand dommage.
Thorvald était un grand et bel homme, que l' étonnant costume qu'il portait ne parvenait qu'à faire paraître fantaisiste sans le rendre ridicule. Alceste le savait remarquablement intelligent et réfléchi, tout guerrier impulsif qu'il fût. Et en effet, le Nordique corrigea  ce que son entrée avait pu avoir d'effarouchant pour la nouvelle invitée en prononçant un petit discours poliment tourné.
Alceste ne savait pas pourquoi le professeur avait fait venir Thorvald impromptu à Targoviste et il apprit donc que ce dernier devait rendre compte à Stanzas d'une mission à lui confiée. D'après le roi varègue, l'heure était grave mais Alceste ne s'en inquiéta guère. Le Dévoreur avait toujours trente-six affaires en cours dont certaines allaient plus ou moins dans le sens désiré ou prenaient franchement l'allure de catastrophes, mais Targoviste demeurait à l'abri de ces turbulences et Alceste avait une confiance absolue dans les capacités du professeur à trouver des solutions. Il pouvait tout simplement s'agir d'un candidat embourbé dans le Champ des Oublis ou qui ne se décidait pas à quitter Aparadoxis et Zorvan alors demandait une intervention extérieure pour le pousser dehors. Le Gardien refusait souvent d'intervenir directement, prétextant les règles de sa fonction telle que l'avaient définie ses anciens geôliers. Stanzas  devait se débrouiller pour envoyer un de ses voyageurs, n'allant jamais lui-même dans l'Antichambre.
Thorvald s'excusa de ne pouvoir s'asseoir à leur table et le secrétaire allait l'inviter à agir comme il l'entendait, d'autant que la somnolence qui gagnait Hadley exigeait des mesures immédiates. Mais Max ne l'entendait pas de cette oreille (disons de son circuit auditif).
en effet, en tant que Chambellan cybernétique, il avait été doté d'un grand souci de décorum et il était intransigeant sur les bonnes manières, lesquelles avaient fixées par sa première programmation aux normes d'un bal fastueux dans un décor entre l'Opéra Garnier, la Galeries des Glaces et le palais enchanté d'Armide. Le bananier se mit donc à rabrouer le pauvre Thorvald, à voix basse mais très vertement, en dénonçant le caractère choquant de sa tenue. Mais Alceste avait l'oreille fine et il fut sur le point de s'esclaffer, ce qu'il cacha du mieux qu'il put, en entendant le prude Max user de métaphores et imiter quasiment Tartuffe :
Cachez ces..fruits que je ne saurais voir !
Thorvald en fut tout gêné. Elymara levait les yeux au ciel et Alceste qui n'arrivait toujours pas bien à la situer, se demanda si elle n'était pas elle aussi une sainte-Nitouche robotisée.
Elymara ressemblait à une belle fille, avec une peau de pêche qu'on imaginait douce et tiède, des lèvres pulpeuses, un regard voluptueux,  et un.. et des.... enfin, il fallait vraiment se forcer pour imaginer ses petits rouages à l'intérieur et ses relais électroniques et ses transistors en carbure de silicium. Avec Max, au moins on savait à qui on avait affaire : un bananier de métal, pensant et parlant, un être étonnant et très intéressant, avec lequel on pouvait avoir des conversations du plus haut niveau.Il suffirait de lui décoincer un peu les logiciels pour qu'il soit moins solennellement prude et ne s'horrifie pas de la virilité épanouie du Viking.
Ou bien, Alceste en eut l'idée soudaine, tout bananier étant parthénocarpe, en fait, celui-ci était peut-être jaloux du beau blond, et comme Alceste aimait bien cet empoté de Max, il pensa qu'il pourrait demander à Zorvan de modifier localement la structure bananière du majordome de façon à le pourvoir de ce qui lui manquait.
Alceste se promit d'écrire au Gardien– il rechignait toujours un peu à envoyer un mail, attaché qu'il était au crissement de la plume sur le vélin. Il trouvait toujours moyen de confier sa missive à un voyageur ou même à Stanzas qui la fourrait dans la poche d'une recrue au moment de la lâcher sur le fameux seuil de l'Antichambre. Cela retardait un peu la distribution de son courrier, mais pour un Voyageur, le temps devenait si élastique qu'on pouvait se permettre d'arriver en avance alors qu'on partait en retard. Stanzas lui disait d'être prudent et que tout désincarné qu'il était, il ferait bien de cesser de jouer avec les paradoxes temporels avant que l'un d'eux ne l'attrape par la croate et ne le serre un peu trop fort. Il commençait d'ailleurs à le croire, ayant eu vent de plusieurs aventures ayant mal tourné .
Revenant à Thorvald, il vit son embarras mais tout s'arrangea quand il devint urgent de conduire Hadley Fairfield à sa chambre.
Thorvald se proposa aussitôt, se vengea de Max en le renvoyant à ses fonctions de majordome et s'adressa au secrétaire avec son habituelle affabilité, nuancée de ce soupçon de dignité royale qui le rendait irrésistiblement sympathique dans le courant ordinaire de la vie. Alceste se leva pour l'aider à soutenir Hadley mais il arriva trop tard auprès de la jeune femme que Thorvald avait, sans plus de manières, soulevée dans ses bras.
Elymara annonça qu'elle montrerait le chemin et Max entreprit de desservir le couvert devenu inutile. Il proposa du thé à Alceste qui lui répondit par un "volontiers" aimable, et ceci pour lui rendre sa bonne humeur. Il savait que Max aimait être utile et il reprit un petit scone pour montrer qu'il appréciait les attentions du majordome. Le Bananier avait un extraordinaire  registre de connaissances et Alceste lui fit remarquer :

- Avez-vous entendu ? Thorvald m'a rapporté une Edda en norrois ! Il n'a pas précisé laquelle, car on en distingue couramment deux,mais je pense que pour lui, la seule véritable Edda est celle de Snorri. J'ai passé six mois à Paris à prendre des cours d'ancien islandais avec un élève de Régis Boyer. Je lui avais dit que j'avais une maladie de peau et qu'il fallait mieux ne pas me serrer la main.. Je portais des gants.... Mais au bout de six mois, mes quarks ont commencé à trembloter et j'ai dû  revenir ici en catastrophe..

-Pourquoi apprendre le norrois ?  demanda Max qui pivota sur ses roulettes et se rapprocha du secrétaire . Les Edda sont traduites et justement Régis Boyer a traduit  et présenté l'Edda poétique.

-C'est à cause de Thorvald. Je l'ai fréquenté en Aparadoxis et j'aimerais bien le visiter dans son royaume ; ce serait plus courtois de parler un peu la langue de son peuple au temps où il existait encore. Le traducteur, c'est une invention magnifique mais il me semble que ces langues disparues méritent qu'on se souvienne d'elles autrement qu'en les lisant.

Alceste tourna sa cuillère dans sa tasse  et regarda le petit tourbillon ambré qui lui rappelait inévitablement le vortex qui l'avait conduit dans le rugissement du flux temporel. De là son regard se posa sur une assiette de bonbons au chocolat et il en prit un. Cela ne s'accordait pas aussi bien  avec le thé qu'avec le café..mais un bonbon ne fait de mal à personne et il était seul. La voix de Max le tira de sa vague songerie :

- Croyez-vous que Monseigneur Thorvald va revenir ici après avoir accompagné Miss Fairfield ou bien ira-t-il directement dans le bureau de Monsieur le Professeur ?

-Je ne sais pas, Max.. Pourquoi voulez-vous le savoir ?

Max sembla froncer légèrement ses feuilles et finit par dire :

-Il ne va quand même pas se présenter dans cette tenue devant le Professeur ! Et j'espère aussi qu'il ne va pas le faire attendre. Je me demande ce qu'il fait !

Alceste se dit qu'il fallait décidément qu'il écrive à Zorvan. Max avait besoin d'ajustements.
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Message  Thorvald Gorthünson Lun 17 Fév - 20:57



Déambulant dans les couloirs de la demeure du vénérable professeur Stanzas , Thorvald portait, non sans fierté mais avec délicatesse, la nouvelle invitée du maître de maison. Elymara, très empressée ouvrait le chemin et s'il fut au départ contrarié de voir un aparté avec la belle sirène compromis, il dut se rendre à l'évidence que sans la jolie femme mécanique, il se serait perdu dans le dédale des couloirs et aurait ouvert dix portes avant de tomber par hasard sur la chambre qui était destinée à sa protégée. Au lieu de quoi, l'aimable escorte du futur lui indiqua la bonne porte et prévint un coup de pied intempestif du Varègue pour la faire céder en l'ouvrant avec élégance avant de s'effacer pour le laisser passer. Évitant un traître guéridon, il eut le bonheur d'entendre un soupir de compliment s'exhaler des lèvres de la belle endormie. Il se sentit tout chose du compliment qu'elle lui adressa au seuil du sommeil et se félicita d'avoir fait ses ablutions hebdomadaires avant de se présenter devant l'assemblée hétéroclite des amis du professeur. Le feu lui monta aux joues et un peu ailleurs, car un tel aveu avait valeur de permission chez une femme selon les mœurs de son clan. Dans le registre de l'intimité, parler de la fragrance d'un homme était une marque de fort intérêt, ou répugnance, selon les termes qu'on y associait, bien sûr, mais toujours d'une approche assez précise. Or elle avait dit "bon", ce qui ouvrait bien des perspectives. Il ne s'assombrit pas trop finalement, d'avoir en la présence d'Elymara à leurs côté, l'oeil d'un chaperon. Ce terme d'ailleurs, totalement étranger aux us et coutumes de son peuple, n'avait pas manqué d'étonner l'homme des contrées boréales, lorsqu'il l'avait entendu et compris lors d'un voyage dans la bonne société du XVIIième siècle. Chez lui, les femmes étaient libres de leur vertu et céder à un homme qui leur plaisait n'était pas signe de dévergondage mais preuve qu'on était bonne vivante et attachée aux plaisirs de la vie. Concevoir que de jeunes vierges soient soumises aux vœux de leur père et surveillées par des matriarches acariâtres lui parut très triste pour elles et regrettable pour lui. Il souhaita qu'Hadley ne fût pas de ce temps où les hommes s'adonnaient à des joies qu'ils trouvaient normal d'interdire à leurs filles. En l’occurrence Elymara ne faisait pas grand tort à sa cause puisque Hadley n'était pas en état de subir dignement ses assauts et d'y répondre. Et même une simple conversation s'avérait quelque peu sans objet, la jeune femme étant visiblement épuisée. Le mieux était encore de laisser à la belle, au seuil du repos, la meilleure impression qu'il pût.

Il la déposa donc délicatement sur la couche terriblement haute des maîtres de l'époque et entreprit simplement de la délivrer de ses chausses assez compressives s'il en jugeait la rougeur de ses petits pieds. Alors qu'il ôtait délicatement les bizarres sandales fermées perchées sur des aiguilles il entendit dans un souffle une phrase qui le laissa pantois. A moins qu'il fût l'objet d'un enchantement, ce qui était toujours possible à Targoviste, il crut percevoir "ohh oui, masse moi les pieds ! ". Quelque peu embarrassé et ne voulant pas créer d'esclandre chez son ami roumain, il recula un peu puis s'avança de nouveau pour se pencher sur la jeune femme avant de dire sur un ton d'excuse:

- Mille regrets noble dame, mais les mains rugueuses d'un guerrier ne conviennent guère à votre douceur et Elymara s’acquittera mieux que moi de votre requête. Je vous promets cependant de vous rapporter des bottines fourrées, et joliment brodées, bien plus confortables que ces ... instruments de torture.

Un peu décontenancé, il se tourna vers la masseuse requise et ajouta:

- Peut-être pourriez vous également la mettre à l'aise dans des vêtements de nuit ? Même si le jour est avancé ... Je dois retrouver notre hôte au plus vite pour l'entretenir de cette affaire importante ...

Il parut ensuite réfléchir un moment puis fouilla sous son T-shirt couleur soleil et arracha du collier qu'il portait une belle griffe d'ours très délicatement ciselée qu'il déposa sur l'oreiller à côté de la belle endormie.

- Voici mon présent de bienvenue ! Qu'il vous protège et vous porte chance, que l'esprit de l'ours veille sur vous et votre descendance.

Ainsi pensait-il exprimer l'intérêt qu'il portait à la jeune femme, en réponse à son aveu troublant. Puis il recula jusqu'au seuil, regrettant de n'avoir son épée cliquetant à ses côtés afin d'avoir une chance d'éveiller la belle, adressa un signe de tête confus à celle qui l'avait guidé et disparut dans le couloir d'un pas qu'il voulait assuré. Qu'il était dur de réfréner ses ardeurs et ses habitudes lorsqu'on était en compagnie de personnes d'un autre temps, surtout lorsqu'on portait des vêtements aussi moulants...

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Message  Invité Dim 16 Mar - 15:41

A présent profondément enfouie entre les bras de Morphée, faute de savoir qu’il s’agissait de ceux de Thorvald, je ressentais un indicible bonheur, indescriptible même. Un apaisement inestimable m’avait été octroyé de la façon la plus insoupçonnable possible. Sous l’apparence d’un importun, Vladimir Stanzas m’avait offert une porte de sortie ou une porte d’entrée sur un nouvel avenir selon le point de vue que l’on décidait d’adopter. Nos premiers échanges avaient été houleux, surtout pour moi mais l’issue de cette rencontre se révélait beaucoup plus ensoleillée que ne l’augurait son commencement. Après avoir passé le cap de la peur, cette frayeur intime qui nous surprend, qui surgit sous n’importe quelle forme à un moment critique de notre existence et nous laisse présager d’une perte importante, j’avais entrevu bien des mystères, bien des Inconnues mais à l’évidence, l’inconnu me tétanisait bien moins que mon quotidien pentu qui menait droit vers une cellule ou pis. Même si le confort de la noble musculature ne devait pas être sans rapport avec cette impression de chaleur et de protection, je ne me doutais pas, innocente que j’étais du voyage que je faisais encore dans la labyrinthique demeure du Professeur.  Je n’avais pas plus conscience de l’effet que ma simple phrase avait eu sur le pauvre jeune homme. Il allait de soi que bien éveillée je ne me serais jamais permis un tel compliment, qui plus est à un homme que je n’avais croisé qu’une demi seconde.

Le mystère de cet appel plaintif de mes pieds restera entier car je pense me souvenir d’avoir ressenti un soulagement extrême dès que je fus couchée et encore plus lorsque mes orteils furent libérés. Deuxième marque d’impolitesse dont on me parlerait longtemps en plaisantant, Thorvald ne reçut aucune réponse et aucun cadeau en échange du sien. Pas physiquement du moins mais il venait de marquer mes pensées au fer, aucun homme n’avait depuis longtemps eu cette délicatesse à mon égard et j’en frissonnerais bien des fois… Je ne sus pas qu’elle en fut l’instigatrice, mais Elymara me procura une chemise de nuit seyante et douce au toucher.
Ce fut dans un battement de cils que je rouvris les yeux sur le monde européen et du 21ème siècle. La cruelle fatigue m’avait empêché de profiter de cette première journée. Lorsque je m’éveillais totalement, la pénombre occupait la chambre et je fus saisie d’une appréhension. M’étais-je laissé aller et avais-je oublié mon Baptiste ? Repoussé mon « travail » à plus tard ? En une seconde je fus sur mon séant, rejetant les couvertures pour comprendre, soulagée, que je n’avais rien inventé et que Baptiste était à l’abri chez notre voisine pour quelques jours. Un manque sourd me frappa de plein fouet en voyant le visage surmonté de cheveux bruns de mon petit angelot mais je savais que d'ici peu je le reverrais et lui ferais découvrir tous les trésors des lieux. Je me laissais retomber sous le poids du plaisir évocateur et je sentis une petite chose froide frôler ma joue. Nullement inquiétée je tournai mon visage avec précaution et fronçai les sourcils. Je n’avais jamais rien vu de tel. L’objet était dur, froid mais travaillé.


- Qu’est-ce que… ?


Je le tournai et le retournai dans ma main pour en comprendre la signification, la présence lorsque Elymara toqua à la porte. Je l’invitai à entrer et mon regard inquisiteur dut la surprendre car elle s’approcha, pencha la tête d’une façon inimitable et me dit :

- Monsieur Gorthünsen a des offrandes bien atypiques mais toujours sincères. Regardez comme cette dent d’ours est ouvragée…


Comme je ne savais pas qui était ce monsieur, je ne compris pas plus pourquoi, juste qu’il m’avait fait un cadeau. Elymara jugea bon d’ajouter avec malice :

- Vous savez le monsieur qui pêche ?


Mon cerveau dut se reconnecter avant que je ne fasse le lien. Un rire honteux faillit m’échapper au souvenir du petit matin mais le feu qui empourpra mes joues ne reçut aucune eau pour le refroidir. Je regardai à nouveau ce très étrange cadeau et l’enfermai dans ma main avec une pensée attendrie. Je ne pouvais me douter de la signification exacte du présent mais s’il n’était pas pêcheur, il devait être chasseur et je connaissais le prix de ces sortes de trophées. Touchée, j'étais touchée. Toutefois, comment était-il entré ? Je ressentis une chaleur encore plus cuisante à la pensée...je secouai la tête pour chasser cette évocation en présence de la jeune robote et me fis une note mentale pour plus tard.
Pendant que l’adolescente énamourée s’épanchait en moi, Elymara ne chômât pas. Elle me trouva une robe à la mode de ce siècle qui me parut presque plus habillée que celles que l’on portait dans les cabarets de Chicago ou New-York à mon époque. Elle m’indiqua un petit cabinet de douche puis sortit aussi discrètement qu’elle était entrée. Pour la seconde fois, la griffe dans la main, je me rallongeais et considérais tout ce qui s’était passé depuis la veille. Je me sentais étonnamment bien dans cette belle demeure qui ne m’avait accueillie que depuis le matin. Lassée d’être allongée et curieuse de voir à nouveau toutes les personnes qui vivaient à Targoviste, je me levai, fis un brin de toilette, m’habillai et commençai à déambuler pour trouver où aller. Peut-être Elymara serait-elle là et m’indiquerait-elle quoi faire. Je pris tout mon temps pour admirer les lieux, les magnifiques décorations malgré le soleil déclinant… J'avais déjà pris l'habitude de régulièrement m'assurer que le souvenir de Thorvald était au fond de ma poche, au bout de mes doigts et ma première requête serait soit une boîte pour le préserver soit un collier pour le porter.
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Message  Invité Mar 15 Avr - 17:22

La journée s'était passée tranquillement pour Alceste. Comme prévu Thorvald avait rejoint le professeur Stanzas après avoir porté Hadley Fairfield endormie dans sa chambre sous la conduite d'Elymara. La jeune Américaine ne ne s'était pas encore réveillée quand il termina le courrier. Il rédigea ensuite des notes personnelles en écriture manuscrite  bien que Elymara l'eût initié au traitement de texte.  Mais il aimait le glissement aisé du stylo moderne sur un papier bien calandré.
Il décida alors de s'aérer un peu et passa par le salon où Max regardait un film classé X sous prétexte d'enrichir ses bases de données. Alceste lui signala  qu'il ne quittait pas le parc au cas où le professeur le demanderait.

Il hésita à sortir Tonger, son cheval, mais il fallait mieux ne pas s'éloigner. Le professeur pouvait avoir besoin de lui, selon ce qu'il aurait décidé avec Thorvald.
  En ce moment, il n'avait pas trop d'obligations professionnelles, ce qui le mettait un peu mal à l'aise, craignant l'état de parasite. Perpétuellement obligé de dissimuler son état fantômatique s'il quittait Targoviste, il lui aurait fallu vivre toujours seul, ce qui n'était pas en soi une calamité pour un misanthrope, mais aussi et surtout, il n'aurait plus servi à rien. Alceste avait le sens du devoir et s'il jugeait que la société de son temps  pervertissait les individus, il se sentait toujours solidaire de ses semblables. Il avait donc été très reconnaissant quand le professeur lui avait proposé de jouer le rôle de secrétaire et parfois de messager. A Targoviste, au milieu de Voyageurs, entre un bananier pensant et une hôtesse en matière synthétique, il ne choquait personne et pouvait éventuellement se rendre utile pour des classements de paperasses ou des lettres aux fournisseurs. Il était  aussi plus écologique que Max ou Elymara, qui fonctionnaient sur piles. Et plus facilement recyclable.
Mais s'il ne se faisait pas de souci quant à lui-même, il ne se faisait pas non plus d'illusions. Il n'était plus très vivant, hors temps comme certains sont hors d'âge, sans être encore tout à fait hors service. Fixé qu'il était dans une impossibilité de projets personnels, il n'avait plus d'avenir. En tant que Voyageur, il programmait ses sorties, mais il n'y augmentait que son savoir et jamais son expérience .
A l'opposé, les Voyageurs de passage à Targoviste, buvant avec entrain l'excellente vodka du professeur et honorant la qualité de sa table, racontaient leurs aventures, les coups reçus ou donnés, leurs amours, leurs ambitions. On le regardait un peu comme une curiosité, un Zorvan en second, en moins intéressant. Libre de ses mouvements, il n'avait même pas à calculer une évasion.
Mais Alceste ne se laissait pas aller à ces sentiments mélancoliques. Il appréciait aussi ce détachement des contingences physiques et sociales, cette permission d'être seulement témoin de la réalité. Il n'avait plus à s'indigner et à vouloir changer le cours des choses. Le spectacle se déroulait en différé et il était le spectateur attentionné d'une vaste tragi-comédie qui avait les siècles pour théâtre.
Ce n'était pas qu'il fût devenu insensible, non. Il ressentait terreur et pitié, il s'extasiait devant les beautés de la nature et celles des arts, il admirait le Professeur, entretenait avec Max de véritables liens amicaux et se sentait de plus en plus content d'avoir à éduquer le jeune Baptiste. Mais le monde au dehors n'était plus qu'un reflet et lui, qu'une ombre. Ses sens pouvaient s'exciter, son coeur s'agiter, ses bras se tendre, c'était en vain. Sa main ne touchait que le vide et celle qui se tendait vers lui reculait avec effroi devant le terrifiant prodige qu'il constituait. Sans doute avait-il gardé suffisamment de sentiments humains pour regretter de ne plus avoir à souffrir de ceux qu'il ne pouvait plus éprouver.
Heureusement, dans la maison du Professeur où il retrouvait sa densité, il pouvait se dire qu'il n'était pas qu'une apparence. Cette restauration restait fragile et il ne pouvait s'éloigner trop du catalyseur central, installé dans l'une des tours, sans perdre de nouveau sa substance tangible. Ce dispositif avait été conçu pour soigner ceux des voyageurs qui, après leur passage dans l'Antichambre, nécessitaient une cure de restructuration. Lui, il en avait besoin à perpétuité, ce qui lui conférait somme toute une certaine utilité à titre expérimental dans les travaux de Vladimir Stanzas.

Soudain il entendit derrière lui le sifflement et les vibrations  révélant une arrivée de Voyageur. Il se retourna pour se trouver face à un grand homme vêtu d'un pardessus et d'un chien noir assorti. Du moins c'est l'impression qu'on pouvait ressentir avant de se rendre compte que le chien était solidement harnaché dans le dos de l'arrivant, sa grosse tête moustachue surmontant celle de l'homme et  deux larges pattes fourrées pendant sur la poitrine. Le chien était aussi grand que son porteur et se tenait remarquablement immobile, peut-être un peu groggy.
Alceste s'exclama joyeusement :-Chapka ! Et aussitôt salua l'arrivant :

-Ah ! quel plaisir de vous rencontrer, Igor Ivanovitch ! tout s'est bien passé ? Je vais vous aider à faire descendre Chapka. Vous m'aviez prévenu que c'était un gros chien,  mais je ne l'imaginais pas aussi volumineux !

-C'est justement pour ça que ses patrons, qui sont aussi les miens, n'en veulent plus. Il a dépassé les standards de la race et n'a eu que le troisième prix au dernier concours.

Le ton était franchement indigné.
Les deux hommes ouvrirent le harnais, le chien glissa à terre, s'ébroua, s'assit  pour observer Alceste et les environs et fit :

-гав-гав !

- Quel curieux aboiement !
remarqua Alceste

- c'est Ouah ouah ! en russe " traduisit immédiatement Igor Ivanovitch." . On est de même origine. Il connaît bien le français mais quand il est ému, il retourne à sa langue maternelle.

Alceste caressa la tête du chien pour l'assurer de sa considération et ajouta :

- Il n'a pas l'air trop secoué par le vortex. Il a dû être limite pour les dimensions autorisées. C'est formidable de m'avoir trouvé exactement à cet endroit ! Vous ne pouviez pas savoir...

-Oh ! c'est Monsieur Zorvan qui m'a réglé le trajet. Il m'aide parfois. Quand il a conçu Max le Bananier pour animer un réveillon, c'est moi qui lui ai fourni quelques paramètres pour la psychologie du parfait majordome. Je lui ai parlé de Chapka et qu'il fallait lui trouver un bon maître. Quand il a appris que ce chien a horreur des uniformes et des armes blanches, il a pensé d'abord à le donner à un Hussard hongrois à qui il voulait jouer un tour.  Mais j'ai refusé. Chapka est un bon chien qui a besoin d'aimer son maître. Monsieur Zorvan a bien compris et a tout arrangé avec le Dévoreur quand vous lui avez dit que vous.vouliez un chien. Ça tombait vraiment bien !


-Oui; j'ai eu l'annonce de son arrivée par le vortex mais sans trop de détails. Vous êtes donc Majordome dans la vie ordinaire ? Je ne m'étonne plus que Max, ayant été construit en vous prenant pour modèle, soit aussi ponctuel, efficace et cachant un coeur d'or sous ses feuilles du même métal. Vous venez de 1990 je crois bien ?

-Oui, mais en fait, dans un vecteur temps dévié par rapport à celui-ci. actuellement, on a une invasion d'extra-terrestes, rendez-vous compte ! Chapka sera mieux ici. Bien que j'aie vu que le monument symbole de Targoviste est une Tour construite par Vlad l'Empaleur ! Vous n'avez pas de vampire dans le coin, j'espère?

Alceste n'en était pas absolument certain, vu les perturbations qui se produisaient avec tous ces vortex en mouvement, mais il était touché par la sollicitude que montrait le majordome à l'égard de Chapka  et voulut le rassurer :

-Non, non. Enfin, pas en ce moment. Pas d'homme armé non plus. Quoique le Viking... je vais le faire prévenir. Le Professeur Stanzas étant en entretien, vous prendrez bien un rafraîchissement en l'attendant ?

-Merci, mais je dois repartir le plus rapidement possible. Je reviendrai pour voir Chapka. J'ai un ami journaliste qui s'était attaché à lui et il m'a demandé de le tenir au courant. Sa petite amie est allergique aux poils de tchorny. Si non, il adoptait Chapka.

Igor remit un petit sac à Alceste. C'était le bagage du chien, papiers, un collier avec laisse et une balle un peu mordillée. Il lui laissa aussi le harnais en disant que ça pouvait toujours servir puis il ajouta :

-Saluez le Dévoreur de ma part .. Excusez-moi mais je dois rentrer pour régler l'installation du nouveau chien de mes patrons et le mettre en confiance.

-Un autre tchorny ?

-Oh non, c'est un xoloitzcuintle nain. Très rare. Il s'appelle Chullo.Il va falloir que je me renseigne pour le brossage.

Il disparut dans un petit tourbillon irisé qui fit s'agiter Chapka.

Alceste dit au chien de le suivre et en chemin, lui parla de la belle vie qui l'attendait dans la maison du Dévoreur.
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Message  Le Dévoreur de temps Dim 20 Avr - 19:34



Le Dévoreur avait passé une nuit des plus agitées dans son bureau et la conversation qu'il avait eu avec Thorvald n'y était pas étrangère. Les révélations du Viking au sujet des Gardiens du Temps, de ceux qui s'étaient succédé dans l'Antichambre, avaient de quoi alarmer l'homme qui projetait de changer le cours de l'Histoire. Lorsque Vladmir Stanzas avait conçu le projet de voyager dans le temps, il n'avait pas prévu de voyager dans les dimensions et encore moins entre les niveaux de conscience qui régissaient l'animé et l'inanimé dans l'univers. Il s'était parfois demandé si quelque chose l'empêcherait de franchir le pas, si un verrou invisible le renverrait de façon implacable dans son temps et sa dimension, tout simplement parce que tout était hermétiquement cloisonné et qu'il n'y avait d'univers fini que celui qu'il connaissait. L'univers connu... Et après ... Rien... Le néant... On ne pouvait voyager dans un univers inexistant au même titre qu'on ne pouvait suivre une route qui n'avait pas été tracée auparavant. Mais le scientifique savait en son for intérieur que rien n'était linéaire et que l'avant et l'après avaient aussi des étages et des ascenseurs entre les étages, lesquels ne débouchaient d'ailleurs pas sur une nécessaire correspondance temporelle. Chaque étage ayant sa propre pulsation temporelle, on pouvait fort bien passer une semaine dans la Rome antique d'une dimension parallèle et atterrir à la fin du séjour dans son temps d'origine un siècle après la date de son départ. Lorsqu'il avait voyagé les premières fois, il en avait fait la douloureuse expérience. Aléas qui l'avait conduit à se demander qui veillait à l'entretien et à l'équilibre de cette complexe création dont l'étendue semblait sans limite. Thorvald venait de lui apporter quelques éléments de réponses et de toute évidence, ses projets déplaisaient aux instances qui présidaient à la Destinée des Temps. Si l'homme du Septentrion était pétri de croyances mystiques dont il nimbait volontiers Stanzas, le Professeur, lui, lorsqu'il n'était pas scientifique, rejoignait plus volontiers son ami sur le versant guerrier que mystique et pour lui, ce coup de théâtre était plus l'annonce d'une guerre prenant une nouvelle dimension, dépassant celle qu'il s'apprêtait à mener, mais devait pourtant mener, qu'un fatal coup de la Destinée auquel il fallait se résoudre. Thorvald avait raison. Si le Conseil des Gardiens du Temps voulait lui mettre des bâtons dans les rouages, alors il fallait renverser ce Conseil. Un compromis ou la guerre, une alternative angoissante et qui venait compliquer singulièrement les projets de Stanzas.

Pourtant, le Dévoreur de Temps n'était pas du genre à se laisser abattre par l'adversité. Son parcours en attestait. On ne devenait pas, de sa propre volonté et après un travail acharné, un voyageur du Temps sans avoir une certaine opiniâtreté. Il lui fallait seulement hâter son plan concernant son époque d'origine. L'un des atouts majeurs de ce plan était Hadley Fairfield, mais il fallait d'abord la former aux voyages temporels et avant cela, tenir la promesse qu'il lui avait faite au sujet de son enfant, Baptiste. Il lui fallait l'emmener chercher son fils pour le ramener ici, à Targoviste. Il était en train de se préparer lorsque de joyeux aboiements, un peu enrhumés toutefois, l'attirèrent vers la fenêtre à vitraux. Il regarda dans le jardin et sourit. Alceste était en train de s'amuser avec un grand chien noir et de lui parler avec autant de concentration qu'il l'aurait fait en devisant avec Descartes lui-même. Sacré Alceste. Il avait le cœur sur la main et avait accepté de voir son quotidien perturbé par la venue d'un bambin à qui il faudrait enseigner mais aussi apprendre à s'adapter à ce nouvel environnement et à l'absence fréquente d'une maman qui était jusqu'alors tout son univers. L'idée du chien était fameuse pour distraire l'enfant de son chagrin et sauvait du même coup l'animal d'une fâcheuse position. Stanzas avait approuvé le projet sans réserve et s'était étonné que Zorvan y apporte sa contribution. Peut-être le Gardien de l'Antichambre n'était-il pas un ennemi absolu dont il devait se méfier sans espoir de changement ? Peut-être un dialogue était-il possible avec cet Aralien farouche. Farouche autant que pouvait l'être le Hongrois qu'il avait en charge actuellement. Si ces deux-là ne s'étaient pas encore écharpés, peut-être qu'un espoir d'alliance entre le bon sens du Professeur et le rêve d'évasion du barbichu était envisageable. "N'oublie pas qui est le véritable ennemi ! " Les mots de Gala résonnaient souvent dans l'esprit du Roumain. Des mots plein de justesse, mais parfois il fallait composer avec la multiplicité de l'ennemi, surtout lorsqu'on voyageait à travers les époques et les dimensions. Le revers avantageux, c'est qu'on se faisait aussi des amis de tout genre.

Stanzas enfila son cache poussière légendaire et sortit de son bureau afin de rejoindre Alceste et son ami à quatre pattes. Alors qu'il s'apprêtait à dévaler le grand escalier , il tomba en arrêt devant une Hadley rêveuse qui contemplait les tableaux du palier en triturant une poche dans un repli de sa robe. Elle sursauta comme une jouvencelle énamourée et sembla déçue lorsqu'elle identifia la silhouette qui se tenait devant elle.

- Mes hommages, Hadley ! Cette tenue entre deux temps vous va à ravir. Elymara a su conjuguer l'élégance simple et le côté pratique. C'est une bonne chose car nous allons partir rapidement chercher Baptiste. Le temps de saluer Alceste et nous serons chez vous, à New York. Êtes-vous heureuse et assurée de notre détermination à donner le meilleur à votre enfant ? Voulez-vous résolument vous engager dans cette voie et subir l'épreuve de l'Antichambre, pour ensuite déjouer les desseins abominables d'un monstre qui menace l'avenir de notre monde ?

Il ne lui révèlerait pas encore la teneur de l'entretien qu'il avait partagé avec Thorvald, ni l'engagement que celui-ci avait pris la concernant. Il était trop tôt pour la troubler et l'affoler. Elle devait d'abord faire ses preuves en se soumettant aux tests de Zorvan. Même si cette femme avait du cœur et du courage à revendre, après tout, d'autres, très coriaces, s'étaient cassé les dents ou rompu les os dans les défis extravagants de l'Antichambre. Il lui offrit son bras pour descendre l'escalier.

- Allons découvrir Chapka qui vient d'arriver ! Ce sera le compagnon de jeux de Baptiste. Vous allez voir! Cet animal est impressionnant mais c'est surtout une montagne de gentillesse.

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