Prénom : Démétrios
Nom : Il devrait s’appeler Démétrios de Phalère, du nom du dème de son père mais un homme célèbre de ce nom existe à son époque et il ne veut pas de confusion. Il est connu comme Démétrios de Zéa.
Surnom : Dès ses quatre ans, il a détesté son surnom d’enfant, Boucle d’Or, que les femmes de la famille lui donnent encore parfois.
Démé :Son frère aîné l'a appelé ainsi deux ou trois fois quand il rentre de voyage . C'est très bizarre de couper net un nom en deux. Il doit fréquenter des étrangers vraiment étranges.
Âge : 30 ans
Epoque et lieu de naissance : -353 à Zéa, un port militaire qui fait partie du Pirée., lui même port d''Athènes. En fait Démétrios ,citoyen athénien, sera élevé à côté de Zéa, à Kantharos, le port commercial où se trouve la grande demeure familiale et aussi dans la maison de campagne sur les bords verdoyants de l’Illyssos.
Pour situer Démétrios par rapport aux VIP de son siècle: Socrate est mort en -399, Platon en -348, son grand-père les a bien connus . Aristote mourra en -322 . Alexandre le Grand est né trois ans avant Démétrios et meurt en -323.
quelques rappels historiques permettant de mieux comprendre les choix de Démétrios par rapport à son époque. Le IV° siècle est encore marqué par la puissance de la grande Athènes qui s'est affirmée au siècle précédent, dit le Siècle de Périclès. Mais cette suprématie politique ne cesse d’être remise en question depuis la fin de la guerre du Péloponnèse, guerre qu'elle a perdue devant Sparte. Certes on est depuis retourné à la démocratie, après la brève mais sinistre tyrannie des Trente qui a suivi la défaite. Dracontidès, un des Trente, est d’ailleurs un arrière-grand-oncle paternel de Démétrios. On essaie d'oublier l'épisode dans la famille, restée résolument démocratique (ce qui à l’époque signifie qu’on y a plutôt l’esprit conservateur) et très farouchement patriotique, c'est à dire attachée à l'indépendance et à la supériorité d'Athènes. On vit avec cette certitude : Les Grecs sont les gens les plus civilisés du monde et les Athéniens sont les plus civilisés des Grecs.
Le redressement athénien semble se poursuivre durant la première partie de ce IV° siècle, malgré les guerres incessantes, suscitées par les vues hégémoniques de l’insatiable Sparte. C'est du moins l'opinion de Démétrios, formé par son grand-père, très opposé aux prétentions spartiates.
Les alliances se sont et se défont au gré de Ligues entre cités,unions factices qui contribuent à accroître les tensions plus qu'à les diminuer. Les vieilles familles athéniennes s'appauvrissent, il est de plus en plus difficile pour elles de s'acquitter des charges d'utilité ou de prestige imposées aux citoyens les plus riches. On part chercher fortune et gloire dans les « colonies » grecques, cités indépendantes dès leur fondation, souvent anciennes, riches, avec des rois, des tyrans ,qui ne prennent pas forcément le parti d'Athènes, comme Syracuse, Cyrène ou Massalia.
Et voilà que les ambitions du royaume macédonien se joignent aux orages troublant le ciel attique. En -338, l’Attique est soumise par Philippe II après la défaite de Chéronée. Philippe martyrise les Thébains mais épargne la prestigieuse Athènes (son fils Alexandre l'imitera en -335 quand les deux villes tenteront de se révolter). Athènes n’est cependant plus le centre politique de la Grèce et le monde suit désormais la montée fulgurante d'Alexandre, roi à vingt ans, et qui en une décade prodigieuse, soumet à son autorité toute l’Asie mineure, l’Egypte des pharaons, Assur,Babylone, Ecbatane, toute la Perse, Samarcande , la Sogdiane , la Bactriane, ne s’arrêtant qu’aux frontières de l’Inde. Il meurt sans être rentré en Grèce. Et Démétrios ne sait donc pas ce qui va se passer après.... sauf si on lui permet d'aller y voir...
Physique:Peu avant sa naissance, sa mère, Althéa, avait rêvé que les déesses Athéna et Déméter la visitaient et lui offraient un rameau d'olivier et un épi de blé. Tout le monde vit donc le signe d’un destin exceptionnel dans le duvet doré et les yeux clairs du nouveau-né. On le nomma Démétrios, le plaçant sous la protection de Déméter, la déesse de la terre nourricière et des moissons. Son père aurait préféré Dionysos, qualifié par la tradition de Chrysokomes (aux cheveux dorés), mais les prêtres dirent que ce dieu étant absent du songe maternel , il ne fallait pas provoquer la jalousie des déesses qui s’y étaient manifestées. Le choix de Démétrios s'imposait donc puisqu'un des fils aînés s'appelait déjà Athénagoras. La famille fondant sa richesse surtout sur le commerce des blés, les boucles d'or devenaient présage d'un pactole qui allait se déverser sur la Maison du vieux Théramène, grand-père du précieux enfant. Au bout de quelques mois, le duvet doré tint ses promesses et de splendides boucles, souples et brillantes s'allièrent à des pupilles incontestablement bleu-vert .
Avec l'âge, le blond fonça jusqu'à la couleur du blé mûr, les boucles furent moins soyeuses, moins parfaitement tournées, d'autant que Démétrios se les taille souvent assez court et n'en prend aucun soin. Mais on le remarque encore pour cette particularité. Elle fit son succès à la palestre ou au gymnase, la blondeur étant très prisée des visiteurs venus admirer la beauté des garçons . Ces amateurs apprécient donc l'anatomie de l'adolescent bien bâti, raisonnablement musclé, couronné d'une divine chevelure. Si son visage est plus anguleux et expressif que ne le recommandent les canons de la beauté grecque, on lui pardonne cette virilité trop accusée en raison de ses yeux clairs. On dit « pers » pour avoir l'air d’utiliser couramment les épithètes homériques et de ne venir là que pour des motifs hautement civilisés. Quand il coupe ses boucles, on l'admire moins.. Les puristes critiquent son nez , un peu trop large pour avoir été dessiné par Phidias. Le fils de Démoclès pourrait avoir aussi davantage de grâce dans les mouvements, d'aisance dans les déplacements. Quand il est assis, il reste immobile, replié sur lui-même, bras croisés, l'air renfrogné. Et à la lutte, où il est doué, au lieu de faire ressortir la plastique de sa silhouette, il se démène avec la rage nerveuse d'un chat sauvage. Le jeune insolent fait même des grimaces à ses admirateurs lorsqu'ils s'exclament devant telle ou telle pose. A son âge, commentent les esthètes déçus, son frère Lycias était bien plus proche de la perfection, avant de devenir, hélas, ce gaillard tout poilu qui court les filles. Et puis Démétrios a quelque chose de Nubien dans les lèvres, le teint un peu trop bronzé pour un blond et il n’a pas la fesse assez charnue, caractéristique du bel éphèbe, comme le dit expressément Aristophane , avant d'évoquer les proportions idéales, d'ailleurs tout à fait surprenantes, d’autres détails anatomiques .
A trente ans, Démétrios est toujours blond, large d'épaules et mince de taille, ses traits se sont durcis sous le hâle du voyageur ,un pli s'est creusé entre ses sourcils et ses joues sont un peu hâves. Ses essais de porter la barbe ont été décevants. Au lieu d'une belle barbe bouclée , où passer ses doigts d'un air songeur, il a une barbichette brunâtre en bataille qui le fait ressembler à un satyre des forêts. Il la laisse pousser quand il se sent porté à la misanthropie.
Caractère : Au premier abord, on le juge parfois hautain, peu aimable, froidement poli. Il faut dire qu'il a reçu une éducation digne des anciens Eupatrides, les Bien-Nés, (sa mère est une Alcméonide comme Périclès), et sans pour cela se mettre en avant, il méprise ou ignore tous ceux qu'il n'admire pas. Et ses admirations sont très sujettes à péremption. Un jour ou l'autre, les êtres admirés agissent au dessous d'eux-mêmes et ne sont plus que des chandelles éteintes. Il est plus sûr d'admirer les glorieux morts, qui se tiennent pour toujours tranquilles sur leurs socles de statues.
Très silencieux et réservé dans son comportement, il se sent loin de l'exubérance de ses compatriotes, de leur goût de l'éloquence et des débats publics incontrôlés. Non qu'il manque d'idées, mais il pense que tous les malheurs de l'homme viennent de ce qu'il ne sait pas se taire. Il regrette presque toujours d'avoir parlé, ce qui l'exclura de la carrière politique envisagée un instant . On le considère souvent comme un cynique, un rêveur sans ambition, un Diogène qui n'a pas encore trouvé l'amphore où loger sa personne et ses rêves. Il le sait, s'en désole mais ne peut aller contre sa propension aux dérives de l'imagination et à son goût de la solitude. Comme il aime la tranquillité, il s'impatiente devant les contrariétés de l'existence et cette impatience lui déplaît car elle souligne à ses yeux les incohérences de sa nature.
Il regrette aussi le côté acerbe de son esprit critique qui lui fait juger sévèrement les esprits étroits qui l'ennuient, les lents, qui l'irritent ,les vulgaires, qu'il méprise. Il ne tire guère de satisfaction de sa vivacité d'esprit. par manque de pugnacité et un sentiment profond de l' « A quoi bon ? ». Ses idéaux n'ont fait que l'éloigner des rapports superficiels, mais souvent plaisants, finalement productifs, qui sous-tendent la vie sociale. Son manque d'ambition a fait de lui sinon un inutile, du moins un rouage très secondaire dans une famille où même les moins doués ont mieux réussi que lui.
Certes, on le loue pour son intelligence, ses connaissances. On le juge généreux et de parole. On apprécie qu'il puisse distraire la compagnie en récitant Homère et Pindare, et quand il se décide à discuter en société, on applaudit son esprit mordant et hardi. Mais le plus souvent, on le regarde comme un être passif, agréable, mais un peu fuyant et on l’oublie d'autant plus facilement qu’il semble souvent ne pas être tout à fait là.
Elevé en fier fils d’Athènes, la liberté lui est chère . Il donne cependant à ce mot un sens restrictif. Ne doivent être libres que ceux qui le méritent, par leur statut ou leur naissance . Ce n'est pas un droit attaché à la personne humaine. Chacun a sa place, qui n'est pas forcément immuable,sauf évidemment pour les femmes, et le changement ne peut s'effectuer que par la décision de libres citoyens.
Démétrios a appris à ressentir de la pitié envers les malheureux injustement mis à mal. Un noble coeur se doit de protèger les faibles contre la mauvaise fortune. Il doit être magnanime et respecter le courage du vaincu vertueux. Démétrios a adhéré immédiatement à ces préceptes car il est naturellement ému par la douleur d'autrui.
Né dans un monde foncièrement guerrier, il n’a guère cependant d’attrait pour la violence et le combat . Mais jamais il ne voudra passer pour un lâche et fuir son devoir. Sa famille appartient à la Tribu des Acamantides, et s’il ne se croit pas vraiment descendant de Thésée, il se sent cependant investi du rôle de gardien des traditions qui ont fondé la grandeur d'Athènes.
Aussi est-il sévère pour son époque, trop occupée d’intérêts mesquins, estimant davantage la noblesse d'âme et la gloire des actions quand on peut en calculer le rapport en sesterces. Mais il est aussi sévère pour lui-même. Les Héros des anciens temps ne reviendront plus. Et pourtant n'est-ce pas la seule façon digne de vivre et de mourir que chercher le dépassement de soi-même ? Or qu'a-t-il fait jusqu'alors pour devenir meilleur que ce qu'il est né ?
Il n'est donc pas très heureux, ni de lui-même ni des autres. Et il se dit souvent qu'il est le produit d'une époque de décadence, sans arriver à déterminer s'il est né trop tard dans un monde trop vieux, ou bien trop tôt pour voir sortir un monde nouveau des ruines de l'ancien.
Ordre choisi : Explorateur
Métier exercé dans l'époque d'origine : Négociant au service des intérêts familiaux ( huiles, vins, blés, import export) ; il voyage à cette occasion.
Il a aussi étudié la peinture et la sculpture pour « s’amuser », car sa famille ne voudrait pas d’un artisan parmi ses fils . Socrate était sculpteur mais il a mal tourné.
Métier ou fonction après son premier voyage : Il pourra fabriquer de faux vrais antiques pour gagner sa vie ou bien donner des cours de grec ancien , mais son accent non restitué risque de surprendre. Le Dévoreur avisera.
Histoire : En -323, au Cap Sounion
La fracassante nouvelle avait atteint Démétrios la veille au soir et il en ressentait encore le choc. Alexandre, le grand Alexandre, n'était plus. Il était mort au début de l'été sur les rivages lointains du fleuve de Babylone et depuis, ses généraux se partageaient son empire comme des hyènes déchiquètent le lion foudroyé.
Sous le coup de la nouvelle qui l'avait atteint, à peine débarqué la veille, sur la Cyclade Kéos, l'Athénien avait cherché la solitude et louant les services d’un pêcheur, s'était rendu au Cap Sounion.
Il s'était assis à même le sol, les bras encerclant ses genoux nus, dans une position rassemblée qui confondait sa silhouette avec les rochers du promontoire . Le soleil se levait au-dessus des Cyclades, simples lignes grises posées sur l'horizon. En contre-bas, dans le vert sombre de ses abîmes, la mer semblait retenir encore les mystères de la nuit. Mais le jour triomphant montait dans un éblouissement de lumière conquérante, jetant comme un ruissellement de vie sur le monde. Non loin, sur cette pointe extrême de l'Attique, le Temple de Poséidon dressait ses colonnes blanches recevant déjà le plein éclat du jour et semblait consacrer ainsi l' union des deux forces divines où la terre hellène avait puisé son énergie créatrice: le Soleil et la Mer.
L'Athénien ne croyait plus, comme au temps de son enfance, qu' Apollon s'élançait, emporté par les chevaux du soleil, dans l'immensité bleue du ciel attique. Mais les Dieux morts au coeur des hommes vivent encore dans les lieux où ils furent honorés, et voyant le soleil jaillir hors de l'horizon, le jeune homme se sentait transformé par une force surnaturelle, comme si la lumière déployée portait en elle une puissance originelle et infinie, sans commune mesure avec le coeur fragile de l'homme, son esprit limité et l'obsédante brièveté de son passage en ce monde.
Mais si Démétrios était fils de la Terre, dont il portait fièrement un des noms divins, il s'en sentait de plus en plus le fils mal aimé et, bien que d'abord exalté par la magie de l'aube, quand le soleil devint insoutenable à la vue, son enthousiasme disparut, il croisa ses bras sur ses genoux, et y posa le front, les yeux clos ,devenu étranger à cet univers de gloire et de prodiges. L'insupportable conscience de son être l'envahit et il se ferma à une beauté qui ne parvenait plus à lui faire oublier sa misère.
Démétrios revenait d'un voyage commercial dans les brumes de la Chersonese taurique (la Crimée aujourd'hui) où son oncle Timon avait des intérêts, et sur le retour, il avait dû passer plusieurs semaines retenu à Tomis, (Constanta en Roumanie) pris par les fièvres sur les bords marécageux du Pont-Euxin. Tomis semblait une ville faite pour l'exil et les regrets. Le jeune homme se surprit même à commencer une élégie qu'il n'acheva pas, honteux de se complaire dans sa nostalgie. Dans ce lieu isolé, n'était-il pas en paix, éloigné de tout ce bruit criard des obligations habituelles ? Les rares navires n'apportaient que des nouvelles déformées et contradictoires . Pour la dixième fois, on annonçait la mort d'Alexandre, enlevé par Jupiter lui même sur un char de feu . D'autres disaient qu'il avait épousé la fille du Dieu Indus à moins que ce ne soit la Reine de l'Oxos qui le retenait prisonnier dans une montagne de glace.
Remis sur pied, Démétrios avait entrepris le voyage du retour et débarqué à Kéos, n’ayant fait que de rares escales dans d’obscurs petits ports pour évaluer leurs possibilités d'accostage. La fulgurante nouvelle n’y était pas encore parvenue et elle l’attendait donc sur les quais de Kéos où elle le bouleversa. Il avait alors choisi de s'accorder une nuit de solitude avant de rejoindre sa famille dont il s'était pourtant langui chez les barbares. sous prétexte d’un pèlerinage, il s’était donc fait conduire la veille au soir au Cap Sounion. Les prêtres du temple l'avaient hébergé pour la nuit, flattés de recevoir le fils de l'héroïque Démoclès de Phalère, mort à Chéronée avec la liberté d'Athènes, quinze ans auparavant. Il avait déposé une riche offrande aux pieds de la statue de Poséidon, afin de remercier le dieu marin de lui avoir permis de rentrer sur la terre paternelle. Après une nuit agitée de rêves et de mauvais sommeil, dans la solitude de l'aube, le pèlerin avait tenté de reprendre possession de lui-même. Une fois de plus, le sens même de sa vie lui échappait et avec lui, le sens de toutes vies, également dérisoires face à l'écrasante puissance du temps.
L'Athénien éprouvait une haine fascinée pour Alexandre le Macédonien, le fils de ce Philippe qui à Chéronée, ruinant Thèbes, humiliant Athènes, avait tiré un trait sanglant sur la fière indépendance des Cités grecques.
Au désastre national, pour Démétrios, s'était jointe la tragédie familiale. A Chéronée, était mort son père Démoclès, si brave, si généreux, et son cousin Cléon. Alexandre et ses cavaliers avaient massacré le bataillon que commandait Démoclès et c'était peut-être ce prince de dix-huit ans qui avait abattu de son glaive le chef de guerre athénien, sous les yeux même de Philippe, fier d'un tel fils... Démétrios avait alors quinze ans et il s'en était terriblement voulu de ne pas avoir bravé l’interdiction de son grand-père et rejoint les hoplites, quand on avait appris que les phalanges macédoniennes se groupaient à Chéronée. Son frère aîné Lycias était en mer, le second fils, Athénagoras, était mort durant son service militaire, quatre ans auparavant. Théramène lavait dit à l'adolescent que son devoir était de veiller sur sa mère. Il avait obéi. C’était Cléon, l’aîné de son oncle Timon, qui était mort en héros, aux côtés de Démoclès.
Quinze ans plus tard, Démétrios vivait encore dans le regret de n’avoir pas été là et gardait une image idéalisée de son père vivant et mourant en héros.
Démoclès mort s'était ainsi imposé comme une présence obsédante, liée à la douleur de sa mère et de son grand-père, aux éloges dont on ne cessait de couvrir le glorieux défunt ,au devoir de vengeance inscrit dans toute son éducation. Le guerrier, avait été moins présent vivant que mort, n’apparaissant qu’entre deux campagnes, et l'époque enchaînait les temps de guerre comme se succèdent les flots tumultueux d’un torrent. Ainsi Démétrios ne savait-il plus très bien si l'image, où il se voyait dans les bras de son père, tout effrayé par le haut cimier se penchant vers lui ,était un souvenir véridique ou une imagination tirée de la célèbre scène d’Hector disant adieu à Andromaque et à son fils.
Toute sa vie aurait-elle plus de réalité que ce souvenir incertain ? Elle s’effacerait un jour dans le néant avec tous les songes et toutes les pensées qui s’étaient pressés dans son esprit et ce serait comme s'il n'avait pas vécu.
Toute sa vie… A-t-il eu une vie qui mérite qu'on s'en souvienne, qui vaille d'être racontée ? Les évènements majeurs de ces trente années tiendraient à peine dix lignes s'il s'avisait de les graver sur une stèle funéraire. Et c’était son enfance et ses détails insignifiants qui lui laissaient les émotions les plus heureuses. -
- Les jeunes années-
Dernier né d'une famille nombreuse, jusqu'à sept ans, il avait vécu au gynécée auprès de sa mère , la noble et respectée Althéa, fille d’archonte et sœur de stratège. Il lui était profondément attaché et elle montrait beaucoup de tendresse pour ce bel enfant blond, venu tard, cadeau des déesses. Les trois soeurs qu'il avait connues et vu partir de la maison dès leurs quatorze ans, il ne s'en souvenait que comme de gracieuses créatures qui jouaient parfois avec lui à la balle ou au cerceau . Seule la cadette, Aglaeia, qui avait six ans de plus que lui, demeurait encore au gynécée quand Démétrios, selon l'usage, fut conduit dans le quartier des hommes et confié à un esclave pédagogue. Sa mère n'avait plus la conduite de son éducation. Le gynécée devint un endroit où il ne paraissait plus qu'en visite autorisée et même si sa mère restait aimante et attentive, il savait bien que jamais il ne retrouverait cette si douce intimité, les caresses et les tendresses féminines qui avaient entouré le petit garçon.
Ce fut une épreuve qui le déchira. Mais il y gagna la présence chaleureuse du Triérarque Théramène de Phalère, son grand-père, connu de ses concitoyens pour la générosité de sa richesse, l'intégrité de sa conduite, son intelligence brillante de la vie politique, et pour Démétrios, le plus impressionnant; le plus passionnant et le plus aimé des grands-pères. Théramène avait un faible pour son dernier petit-fils dont il appréciait la soif de savoir et la précocité d'esprit. Il lui racontait l'histoire et le monde selon Hérodote , Thucydide ou ses propres souvenirs, tout en se promenant au bord de l'Illyssos ou dans les oliveraies familiales. ..Périclès, la Grande Peste d'Athènes, la destruction des Longs Murs au son des flûtes guerrières, Alcibiade et la bande à Platon, selon son expression, qu'il avait fréquentée un temps. .. Démétrios prit dans ces récits la méfiance des cités rivales d'Athènes , fauteuses de guerres et de chaos, en particulier de Sparte, dont Théramène disait qu'on ne peut rien attendre d'un régime autocratique qui oblige ses vierges à défiler en public, vêtues d'une seule tunique courte fendue tout du long,, et qui demande à ses garçons de tuer un esclave en guise de rite d'initiation.
Et puis il fallut aller à l'école, où on se moquait de ses belles boucles. Il ravalait ses larmes quand il lui fallait partir tôt le matin, accroché au manteau de son pédagogue portant une lanterne pour éclairer les rues encore enténébrées. Au bout de deux ans, son grand-père décida que l’enfant était trop intelligent pour perdre son temps dans des écoles publiques, malgré leur vogue croissante, et ce, sous prétexte de se rendre populaire auprès des électeurs. On lui trouva des maîtres particuliers et il respira.
Des scènes lui revenaient de cette époque, vivantes, variées, où il se voyait au fond si peu différent d'aujourd'hui, partagé entre élans passionnés et passivité bougonne. Mais avec le temps, les élans avaient diminué et une sorte de lassitude sourde l'accablait de plus en plus souvent.
Ainsi, vers ses dix ans, son grand-père lui parle de Démosthène qu'il fréquente ,admire et soutient. L'orateur appelle depuis longtemps ses citoyens à condamner les ambitions macédoniennes . Démétrios s'enflamme .. Ce Philippe ne passera pas ! On mourra tous pour la Cité! Vive Démosthène !
Comme on dit que le grand homme se met des galets dans la bouche pour perfectionner son élocution, Démétrios décide d'imiter son héros et s'étouffe à demi avec les trois cailloux qu'il a coincés dans ses joues. Ses frères s'esclaffent et l’appellent Mitsos Lithophagos,.
Il se retourne alors vers l'autre exercice pratiqué par Démosthène et va rugir des vers homériques face à la mer, en gesticulant, debout sur un rocher. Dénoncé par son esclave pédagogue Phocion, qui en a assez de se faire tremper à chaque coup de vent , il se voit interdire de pratiquer cet entraînement autrement que par calme plat, ce qui retire toute valeur à la confrontation épique de la mer déchaînée et de la voix humaine.
Théramène le console en le présentant à Démosthène en personne. Le grand homme lui caresse ses jolies boucles, comme ils le font tous, et lui fourre une figue confite dans la bouche. Démétrios aurait préféré un caillou démosthénien, relique qu’il aurait chérie toute sa vie . Mais enfin, il a vu un Patriote et un Homme de Bien..Et la figue était bonne.
Démétrios sourit à cette évocation . Il se retrouve bien dans cette histoire:de grands envols lyrique retombant sur une fin terre à terre. Et puis, Athènes n'a pas suivi Démosthène et Philippe a gagné. Exit le petit Démétrios... est-il plus intéressant comme adolescent ?
Il est devenu un excellent élève . Ses maîtres de musique, de lettres et de gymnastique ne tarissent pas d’éloge sur sa docilité et ses progrès. En fait, ils ne sont pas trop exigeants, mais Démétrios apprend beaucoup par lui-même et par de fréquents entretiens avec Théramène.
Et puis, le monde s'écroule sur ses quinze ans, avec la mort glorieuse de son père.
-La maturation-
Théramène se voûte un peu et se retire de toute activité politique, sauf de la triérarchie, car il continue, bien qu'il n'y soit pas obligé, et malgré l'énorme dépense, à entretenir pour sa ville une trirème superbe et ses cent soixante-dix rameurs.
A la palestre, Démétrios se fait un ami très proche, Callisthène, qui veut devenir un héros des prochaines Olympiades, car il excelle dans la lutte. Démétrios le soutient dans cette noble ambition. Ils se jurent d’être amis jusqu’à la mort, Achille et Patrocle, pas moins.
Plus tard, on projettera même d'assassiner Philippe de Macédoine, quand on aura passé l'éphébie. On lui plongera la lance de l'hoplite dans le coeur, en criant :Athéna et Démoclès ! ou Souviens-toi de Chéronée. ! On se dispute un peu sur la phrase qui restera attachée à leurs noms. Car bien sûr, ils seront aussitôt massacrés.
Malheureusement, un autre mécontent se charge de la besogne. Il reste le nouveau roi, Alexandre, mais celui-ci quitte la Grèce juste au moment où les deux amis sont enregistrés comme futurs citoyens au dème de Phalère. On attendra.
Et puis ils ne sont plus sûrs que porter une lance soit la tenue idéale pour approcher le tyran . Peu à peu,assagis, leur projet va se limiter à des participations épisodiques à quelques rassemblements secrets de patriotes opposés au pouvoir macédonien. Mais personne n'ose plus agir après le massacre des Thébains et la destruction de la ville révoltée. Démétrios sera vite dégoûté de l'ineptie de ces projets irréalistes, des ambitions personnelles qui les suscitent, et il faut l'admettre, il est ébranlé par la qualité de certains des partisans d'Alexandre, à commencer par Aristote. Celui-ci ouvre son Ecole au Lycée, n'ayant pu succéder à Platon à la direction de l'Académie. Même Théramène admet que ce demi-barbare pro-macédonien est un grand esprit.
Rêves de jeunesse... Callisthène est aujourd'hui père de famille et fait le commerce des étoffes précieuses. Il est devenu très favorable aux Macédoniens.. L'ouverture vers l'Est promet des merveilles venues du pays des éléphants et de tous ces empires où se lève le jour. L'avenir des négociants est flamboyant. Callisthène exulte.
Démétrios le rencontre encore de temps en temps, avec plaisir, à l'agora ou à l'occasion d'un banquet donné chez son oncle. Ni l'un ni l'autre n'ose plus évoquer leur projet d'assassiner Alexandre.
Son destin de comploteur et de sublime assassin réglé, quoi d'autre de notable ?
Faut-il parler de sa découverte du plaisir, grâce à son frère Lycias ? Celui-ci a douze ans de plus que lui et est rentré de son long séjour à Syracuse. Lycias fait partie de ceux qui ne pensent pas que le plaisir des sens doive avoir exclusivement les couleurs platoniciennes célébrées dans les textes du Maître.. Il aime précocement et prioritairement les femmes et connaît plus ou moins toutes les hétaïres les plus huppées d'Athènes. Voyant que Démétrius est de plus en plus ennuyé par ces admirateurs qui lorgnent les garçons dans les gymnases, il décide de présenter son jeune frère à la belle hétaïre Aristhéa et la carrière amoureuse de Démétrios est donc orientée officiellement et définitivement dans cette direction. Il n'a que de bons souvenirs de ces lieux raffinés où il peut fréquenter des jeunes femmes belles, cultivées, agréables, autorisées et disponibles.
Et surtout, il découvre un ami en son frère. La différence d'âge fait qu'ils n'ont pas été élevés ensemble. Quand Démétrios a rejoint le quartier des hommes, Lycias accomplissait ses années d 'éphébie et on voyait rarement passer sa grande stature élégante entre les colonnes du péristyle familial. Maintenant, les voilà compagnons de plaisirs et Démétrios suit fidèlement les conseils de son aîné. Mais celui-ci s'absente de plus en plus souvent pour régler des litiges commerciaux et plusieurs fois, on le croit perdu : il n'est pas sur le navire prévu, il a été détourné par des pirates, des tempêtes.. Resté seul ou en compagnie d'indifférents, Démétrios se distrait toujours, mais il a parfois un sentiment de routine dans le plaisir, un vague ennui que Lycias ne semble jamais éprouver.
A dix-huit ans, Démétrios a commencé son éphébie, deux ans de service civil et militaire, qui le feront citoyen athénien. Sa situation sociale lui facilite la vie quotidienne, si elle ne lui épargne ni les rigueurs de l'entraînement ni les dangers de la seconde année, consacrée à la pratique même de la guerre. Un de ses frères est mort durant ce service.
Malgré son amertume actuelle, Démétrios se souvient avec gravité des cérémonies solennelles à la fin de la première année quand on remet aux éphèbes la chlamyde, le bouclier et la lance..Il s'était vraiment senti un futur Achille en prêtant le beau serment de l'hoplite: « Je ne déshonorerai pas mes armes sacrées et je n'abandonnerai pas mon voisin là où je serai en rang ; je défendrai ce qui est sain et sacré, et ne remettrai pas à mes successeurs la patrie amoindrie, mais plus grande et plus forte, agissant seul ou bien avec tous... »
Il en aurait pleuré d'émotion de se sentir ainsi investi du rôle, à la fois modeste et grandiose, de serviteur de la patrie.
Il va donc faire la police du côté de l'Epire, au nom d'Athènes - mais n'est-ce pas plutôt au nom d'Alexandre ?- Après quelques escarmouches où il ne démérite pas, il attrape les fièvres des marais et passe le plus clair de ses derniers mois à grelotter sous la tente. Il refuse qu'on le rapatrie comme le demande sa mère à Théramène. Il ne veut pas abandonner son voisin là où on l'a mis en rang... A sa rentrée dans la vie civile, très affaibli, il voit le monde suivre,ébahi, l'épopée d 'Alexandre parti conquérir son empire. Démétrios demande alors à suivre un enseignement philosophique, pour se donner le temps de se rétablir et comme ces études, selon le modèle platonicien, sont censées conduire à la carrière politique, toute la famille applaudit et se prépare àsoutenir ces dix ans nécessaires -toujours selon Platon- à la préparation des futurs Périclès. Il a vingt ans et il est citoyen.
-L'âge adulte-
Malgré sa méfiance envers Aristote, qui fut le maître d 'Alexandre, il fréquente son école, ouverte en-335, l'Académie étant en perte de vitesse depuis la mort de son chef. Tous les après-midi il va au Lycée, où se tiennent les cours. Il admire l'intelligence des propos mais se lasse assez vite de tant de paroles et il ne participe guère aux discussions entre élèves . Il est vite à court d'intérêt quand il s'agit de développer des formules du Maître, bien trop abstraites pour son esprit spontané et imaginatif . Au moins Platon était-il poète à ses heures..
"La vertu est le juste milieu entre deux vices." Ne se trouvant pas de vices, mais seulement de nombreux défauts et quelques qualités, Démétrios se dit qu’il ne pourra jamais être vertueux et se tait.
"Le doute est le commencement de la sagesse." Par contre, il doit être sur le chemin de la sagesse car il doute énormément, à commencer d'Aristote.. Mais le terme « commencement » l’inquiète . Saura-t-il être autre chose qu’un éternel commençant ? Il ne sera jamais un sage . Autant se taire.
"La totalité est plus que la somme des parties." Selon le moment, il juge que c’est la phrase-clé, celle qui détient le secret de l’Etre et du Néant. Puis il se dit que c'est un propos en l’air qui ne veut rien dire, des mots, qu’il suffit de prononcer sur un ton pénétré pour que le public hoche la tête d’un air entendu.
Il fait l'essai perfidement, et à un professeur réputé venu saisir la bonne parole et qui l'interroge , il assure froidement :« la totalité est moins que la somme des parties » . Il obtient le hochement rassurant et approbateur. Il aurait aussi bien fait de se taire.
En -331, certains qu'Athènes ne trouvera jamais en lui son nouveau Périclès, il quitte le Lycée après deux ans d'études. Son oncle Timon l'envoie à Mytilène dans l'île de Lesbos, pour y apprendre les pratiques du négoce chez Trychos , un affranchi responsable des affaires de la famille . Démétrios voyage, visite des lieux célèbres et accessoirement, achète des blés ou vend de l'huile. A Mytilène, il s'intéresse à la peinture. Un riche négociant y fait orner une splendide villa. Démétrios se lie avec le chef du chantier et voyant ce dernier à court d'inspiration, lui propose des sujets, inspirés de la poétesse Sapho, ce qui est prétexte à de nombreuses évocations de gracieuses jeunes femmes dansant ou rêvant parmi les arbres et les fleurs . Notre Démétrios apprend des artisans les premières bases de la peinture murale et aide les apprentis à fignoler les détails du décor. Il devient ainsi un peintre amateur et décorera la maison familiale à l'occasion . Encouragé par le plaisir éprouvé, il renouvellera l'expérience avec la sculpture. Il devient tout à fait capable de sortir une tête d'Apollon ou un Hermès, pourvu qu'il ait un modèle à imiter. Il ne réalisera qu'une seule oeuvre originale, le buste de son grand-père, réalisé en 326 , un an avant la mort du vieillard , en-325 à l'âge vénérable de quatre-vingt-cinq ans .
Démétrios, assombri et malheureux, a vingt-huit ans et son oncle décide de le marier. Un citoyen attend habituellement ses trente ans pour fonder un foyer mais Lycias, marié depuis dix ans , vient de perdre deux fils en bas-âge et comme il est absent presque continuellement, les deux filles qui lui restent risquent de rester sa seule progéniture. La belle-soeur de Démétrios, Olympias, n'a que vingt-cinq ans à peine, mais elle est de santé fragile. A Démétrios d'assurer une descendance mâle à Démoclès, le héros de Chéronée.
La famille s'occupe de tout et Démétrios se retrouve époux d'une Chrysothémis de quatorze ans, plutôt jolie et point sotte. Il est tout à fait satisfait du projet et de sa réalisation, en parfaite conformité avec les usages. La famille a vu sa fortune diminuer et Chrysothémis est richement dotée, ce qui fait oublier que son grand- père n'était qu'un métèque macédonien, certes devenu citoyen. Démétrios a dû convaincre sa mère qu'il n'attachait qu'une importance minime à cette origine douteuse.
Son mariage ne changea guère sa vie sinon en lui apportant le plaisir d'une compagne souriante et de devoirs faciles à observer. Des larmes viennent aux yeux de Démétrios, le soleil est haut maintenant au dessus de la mer.
L'année suivante, alors qu'il est en voyage à Siphnos, sa jeune épouse met au monde un fils prématuré, qui ne vit que quelques heures, et , trois jours plus tard, elle meurt des suites de l'accouchement. Retardé par un coup de vent et le délais habituels des transmissions de nouvelles, il ne rentre qu'après les funérailles pours'incliner devant le tombeau érigé en l'honneur des deux ombres légères qui viennent de s'effacer si vite de mon récit.
Démétrios, raisonnablement affecté , comme on l'est à une époque où la vie est le plus fragile des dons, accepte volontiers une mission en Egypte, récemment conquise. Alexandre y a fondé six ans auparavant (-331) une nouvelle ville, Alexandrie. Timon n'a plus de nouvelles directes de Lycias depuis un certain temps
Assez curieusement, Lycias avait dès -333 acheté de vastes terrains dans la presqu'île déserte de Pharos et il revendit le tout avec un énorme bénéfice quand le conquéranr décida que ce serait dans cet endroit déshérité qu'il allait fonder la cité de ses rêves. Jusque là, la famille avait une boutique à Naucratis, la seule cité où les Grecs étaient admis en Egypte. Le flair étonnant de Lycias impressionna tout le monde.
Il était retourné à Naucratis pour préparer l'installation d'un nouveau comptoir à Alexandrie, dont la construction venait de commencer et qu'il disait être promis au plus brillant avenir. Avant de partir, il parla à son cadet de projets de monuments sublimes, une tour de feu sur l'île de Pharos, une bibliothèque où on pourrait passer son existence entière à lire tous les ouvrages écrits sous le ciel .. Charmé, Démétrios aima encore plus Lycias qui devenait poète avec l'âge.
Démétrios, assis sur son rocher au dessus des flots, soupire . C'est bien là qu'a commencé ce qu'il appelle Le Mystère Lycias.
-Rupture-
En arrivant à Naucratis, Démétrios apprend avec surprise que son frère a quitté la ville voici plusieurs mois, en laissant des ordres précis pour les affaires en cours. On le croyait reparti à Athènes. Des étrangers, habillés bizarrement, avec des tenues de scribe comme on n'en fait plus depuis des siècles, sont venus le chercher et il est parti aussitôt. Le navire qu'il a dit prendre n'est pourtant pas signalé manquant . Mais on ne s'y souvient pas de Lycias. Démétrios s'autorise à jeter un coup d'oeil dans les affaires privées laissées par son frère. Il ne découvre rien expliquant son absence mais deux objets l'étonnent au plus haut point :
Le premier est une boucle d'oreille en or et pierres précieuses , un chef-d'oeuvre ayant appartenu à la grand-mère de Théramène. Son histoire est longue et complexe et tout à fait logiquement ordonnée . Je la raconterai si vous le demandez . Résumons l'essentiel : cette boucle ne devrait pas être là, en témoigne le reçu d'un prêteur sur gage de l'an -400, à moins que Lycias ne connaisse un magicien ami de Kronos.
Le second objet n'a pas d'histoire mais il est un mystère à lui seul. C'est une sorte de parchemin, brillant et poli comme du marbre, à peine grand comme la main et qui semble contenir dans sa matière même une vue, comme figée, d'un lieu que Démétrios connait bien. : le Cap Sounion, où il se trouve justement en ce moment à méditer sur sa vie . Il s'est reconnu immédiatement. Sur le rocher, c'est lui , Démétrios, qui déclame les lamentations d'Ariane abandonnée à Naxos, telles que les a transcrites le vieil Hésiode. Le vent plaque son manteau de manière à faire croire qu'il porte des pantalons à la façon des cavaliers scythes .
L'objet est aussi lié à Lycias , car la fois où il a ainsi déclamé, son frère l'avait accompagné mais il était resté plus bas.. Si le petit bonhomme en blanc se retourne, il verra Lycias en train de paresser au soleil et buvant le vin de Chypre qu'il devait offrir à Poséidon. Mais en fait, c'est lui, le Démétrios présent, que l'homoncule verra, ce qui le trouble profondément. Au dos de la mince pellicule, est inscrit en une cursive illisible mais malgré tout vaguement familière, ce que je vous rapporte ici et dont Démétrios ne comprend rien.
« Levez-vous vite, orages désirés qui devez emporter René Démé dans les espaces d'une Autre Vie ! »
Hahaha ! Mon petit frère adorerait Chateaubriand . S'il pouvait aller déclamer au Rocher du Grand-Bé, à Saint- Malo !!...Démétrios a pris les deux objets et rentre à Athènes, très inquiet. Où est Lycias ? Que veut dire tout cela ?
Surprise. Le disparu est rentré à la maison depuis une semaine, avec une histoire fumeuse de bateau égaré.. C'est fou ce que les navires s'égarent quand ils portent Lycias. Le soir même, restés seuls, Démétrios lui place image ,boucle et reçu sous les yeux et lui dit fermement:
-Explique !Un dialogue excitant prend place entre les deux frères, que je résume aussi, les dix pages me guettant de leur regard sévère..
Lycias avoue qu'il mène depuis des années une double vie passionnante. Démétrios demande à rejoindre cette vie d'aventure.. Lycias doit repartir et il parlera de son frère à un mystérieux prince du Nord, qu'il sert, et, s'il a l'accord, on viendra le chercher sitôt rentré.
Démétrios a promis à l'oncle Timon qu'il se rendrait en Chersonèse taurique chercher du blé. Qu'il y aille. A son retour, on se retrouvera, et si le Prince arctique est d'accord, il partira..
C'était ce qui était prévu. Mais il a été en retard à cause de cette maudite fièvre . Il a fait prévenir chez lui , mais avec les délais imprévisibles des messages, Lycias a dû repartir sans lui ; on ne fait pas attendre les Princes, surtout le Prince des Ours..(arktos= ours)
Démétrios se désole. Oui, il est bien comme Ariane, abandonné et désolé : Démétrios au Cap Sounion. Quel dieu viendra le secourir ? Si encore il s'appelait Dionysos ! Il voudrait rattraper le Temps..
Le vent se lève mais ne lui donne pas le désir de tenter de vivre.. ce sera toujours la même vie.. Il a manqué sa chance. Alexandre est mort à trente-trois ans, maître du monde, et dans trois ans, Démétrios de Zéa sera le même incapable qu'il a toujours été. Régicide, militaire, politique, que des velléités , négociant médiocre, artiste qui ne sait qu'imiter, il n'a même pas su être là quand son fils et sa femme sont morts. Il voudrait ne pas être lui, coincé dans l'espace étroit et bref de son existence filée par une Parque stupide et sans idées..Déboulant sans prudence la pente rocheuse, il rejoint la crique où doit l'attendre le pêcheur loué la veille à Kéos. Il ne repassera même pas par le Temple. Poseidon est tout juste bon à souffler dans sa conque pour faire peur aux poissons.
Le lendemain matin, il est chez lui ; on s'exclame sur ses joues creuses . Lycias ? Il est reparti pour Alexandrie et il veut que son frère l'y rejoigne le plus vite possible. Il lui a laissé un paquet scellé; Démétrios l'ouvre, seul dans sa chambre . Il y a une sorte de bonnet ressemblant à celui porté par Pâris le Phrygien, mais bariolé et en une laine bizarre. Un petit morceau d'étoffe est attaché à l'intérieur : MADE IN CHINA . NE PAS LAVER. Certaines lettres sont très reconnaissables..mais ça n'a pas de sens. C'est peut-être une formule de protection. Il y a aussi un message de Lycias sur un vélin très fin et souple, écrit en grec avec la même pointe filiforme que sur l'image trouvée à Alexandrie. La référence aux fêtes le sidère; il s'agit des fêtes en l'honneur de Thésée, très suivies dans la famille. Tout le monde s'est réjoui qu'il soit rentré pour y assister. Comment son frère pouvait-il savoir quand il rentrerait ? Le message est lisible:
Quand tu arriveras, attends la fin des Fêtes et va le lendemain à midi, sur la plage où tu jouais à faire l'orateur . Mets ce bonnet. On te contactera.
Dis que tu pars me rejoindre à Alexandrie, arrange-toi pour que cela paraisse nécessaire et NORMAL. Ne dis rien à personne. Et ne laisse pas traîner ce papyros.
A bientôt, à Alexandrie..ou ailleurs.Les fêtes sont passées . Le lendemain, Démétrios s'avance sur le sable d'une plage blanche de soleil. Il a enfoncé le bonnet sur ses boucles et ça le gratte un peu. Mais il a le coeur battant comme le jour où il a prêté le serment des Ephèbes.
Possessions : un sceau, quelques pièces à l'effigie de la chouette et le bonnet. Une photo (non connue en tant que telle), une boucle d'oreille et un reçu de prêteur sur gage un peu passé.
Permissions : Pnjisation: Libre.
Autorisez-vous les autres joueurs à influer sur le jeu de votre personnage via la zone RP Blue Hospel, c'est à dire à vous atteindre par le monde des rêves ? oui
Disponibilités in RP (cadence de jeu):: une fois par semaine, et plus à l'occasion.
Espace personnel : https://autresvies.forumgratuit.org/f54-la-villa-de-phalereCrédits avatar : http://fc07.deviantart.net/images2/i/2004/05/9/2/Chullo.jpgCrédits signature :