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Elliott Toussaint

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Elliott Toussaint Empty Elliott Toussaint

Message  Invité Lun 8 Juil - 10:22


    Prénoms : Elliott, James, Gaston
    Nom : Toussaint
    Surnom : Sûrement quelques petits noms mais aucun surnom répandu.
    Âge : 23 ans (1979)

    Epoque et lieu de naissance : Paris, le 16 novembre 1956

    Physique, Caractère :
    Inspiré par la musique anglaise des sixties, les tenues fringantes des Mods, il s’amuse de son petit air anglais typique, hérité de son père, pour leur ressembler. Mais ses goûts colorés ne sont jamais entièrement excentriques, car il ne voudrait pas qu’on le prît pour un mauvais dandy. Sa dernière acquisition, un cadeau, un sweat à capuche à grosses rayures gris foncé et violettes, annonce plutôt le look urbain des années 80s qu’elle ne rappelle les Swinging Sixties. Assez mince, plein de santé, souple comme un danseur mais loin d’être aussi musclé, il a l’air d’un grand adolescent avec ses longs cheveux qui lui tombent sur les épaules, son visage encore ingénu et son grand sourire rock’n’roll. A l’inverse, il peut sortir de chez le coiffeur avec une coupe courte d’écolier, qu’il laisse ensuite repousser jusqu’à l’état précédent, mais jamais il ne couvre ses cheveux, sous aucun prétexte, même au plus froid de l’hiver.

    Il n’est pas très grand, du haut de son mètre soixante-quatorze, son visage un peu osseux a une pâleur romantique, ou anglaise. Ses yeux sont marrons et ses cheveux blond foncé, épais et lisses. Il a de hautes pommettes, et des fossettes qui plaisent, les lèvres vermeilles, ainsi qu’un nez légèrement épaté.

    Son caractère tient à la fois d'un goût de la discrétion et d’une certaine théâtralité. Il aime marcher à grand pas comme un comique des années 30, porter des tongs l’été ou contempler la condensation de son souffle l’hiver, chanter des airs de baryton ou de haute-contre en prenant une douche, ou un bain, et comme tout post-Mod il sait danser. En société pourtant, il est souvent poliment silencieux et observateur, parfois pour cacher un esprit d’escalier. Ses amis musiciens louent unanimement son talent pour installer une atmosphère, imiter avec goût et naturel un genre, blues, soul, country, avec un minimum de moyens et sans ficelles évidentes. C’est dans le même ordre, peut-être à cause de sa filiation mi-anglaise mi-française, qu’il identifie avec lucidité et absorbe comme une éponge les idiomes et les idiotismes des autres. C’est un goût et une facilité bien plus qu’une passion, mais outre ses langues maternelle et paternelle, il a ainsi très bien appris le russe à l’école, égayait la journée de son jeune professeur déjà désespéré de grec et de latin, et comprend de loin le hongrois. Marchant un peu dans les traces de son père, orientaliste reconnu dans certains cercles universitaires, il est aussi familier de certaines langues des Moyen et Extrême Orients, quand il a beaucoup de temps et un bon dictionnaire, et devant une langue mal connue, ou un langage corporel, s’en sort peut-être mieux qu’un autre. Bon élève de bonne famille, assez judicieux, il n’a jamais eu pourtant le goût des longues études, jusqu'à les abandonner sous le douteux prétexte que les gens s'y habillaient trop à la bourge, de sorte que s’il nourrit en vague dilettante une culture de brocante, il n’oserait s’appeler encore professionnel de rien, sauf de musique, même s'il n'est bien qu'au début d'une longue route.

    Enfant unique, il s’est habitué à l’introspection comme à être sur ses gardes. Dans les meilleurs des cas, cela se traduit par une timidité attentive, dans les pires par un repli sur des pensées ombrageuses qui tournent à vide. Ses parents étant tous deux passionnés par un métier, et passionnants, il a du mal à reproduire autant d’enthousiasme dans ce qu’il fait. Malgré tout, ses amis voient en lui un garçon intelligent, gentil, joyeux, espiègle et compréhensif, un peu mou souvent, trop douillet peut-être, mais agréable à vivre, et plein de vie par moments.





    Ordre choisi : Explorateur (éventuellement il finirait peut-être par prendre un parti)

    Métier exercé dans l'époque d'origine : Divers, un concert la plupart des lundis soirs au Saint-Just, quelques autres impromptus. Il donne surtout plusieurs cours d'anglais à des étudiants, ce qui le nourrit bien.

    Métier ou fonction après son premier voyage : Ses atouts sont le chant, l'harmonica, certaines langues et une culture classique, sa frimousse peut-être ? Mais il n'est pas un professionnel, rien ne garantit qu'il puisse faire valoir ces qualités dans tous ses voyages. Quant à faire du trafic temporel, à pas mesurés seulement.

    Histoire :


    C’est une fiche, allons-y dans l’ordre, commençons un peu avant le commencement. Frank Toussaint naquit en 1921, près de Londres, là où le vent des usines ne soufflait pas. Sa famille, il y a loin française, s’était installée en Angleterre avant les débuts de la Révolution Industrielle. Son grand-père, ingénieur et entrepreneur, avait fait une fortune subite, son père avait entretenu cette fortune au moins jusqu’à la crise de 29 avant de se renflouer dès l’approche de la guerre, et si on attendait de son frère Edward qu’il pût reprendre l’affaire, on imaginait déjà Frank faire des humanités plus aristocratiques. C’est pourquoi son père se félicita quand à dix-sept ans il fréquenta des milieux anarcho-pacifistes, comme tout rituel de débauche qui jalonne le passage à l’âge adulte d’un jeune noble. Il fut plus morfondu quand ces liens semblèrent durer jusque dans la guerre. Frank Toussaint ne s’engagea pas, et échappa à la conscription en poursuivant ses humanités. Dès la fin de la guerre, prenant enfin mesure du caractère certes particulier de l’entreprise nazie, saisi d’un sentiment trouble de culpabilité éventuelle, il voyagea en France et y entama une carrière brillante d’universitaire, cherchant des réponses, à des questions, en étudiant les civilisations orientales, moins européo-centrées. Attention cependant, il ne faut pas le confondre avec un autre orientaliste renommé, un modèle pour Frank, son presqu’homonyme Franz Toussaint.

    Violette Lecroix, la mère d’Elliott, est née dans la région des Pyrénées en France en 1922. Ses parents moururent tôt et ce furent ses deux sœurs aînées surtout qui s’occupèrent d’elle. Femmes et sans parents, mais avec un petit fonds, elles se marièrent très jeunes dans le village, l’aînée au boucher, la cadette au boulanger, Violette au tenant du bar. C’était la guerre, le mari de Violette fit contrebande, jusqu’à son exécution en 1943 pour avoir permis à des Juifs de passer en Espagne, certes franquiste mais où la chance semblait plus clémente. A la fin de la guerre, elle monta à Paris, là où des choses se passaient, et travailla longtemps comme serveuse, heureuse de son émancipation et de son droit de vote. Elle rencontra Frank Toussaint sur son lieu de travail, il finit par l’intéresser en recourant à son fin jugement sur les traductions qu’il tentait du chinois ou du persan, en français, aucune de ces langues ne lui étant maternelles. Ils ne se marièrent pourtant jamais, ne s’y résignant à la naissance de leur seul et tardif fils qu’à cause de l’insistance des mœurs de leur temps.


    - Les jeunes années -
    Hey, hey, short man !:

    Elliott est né le 12 novembre 1956. Malgré un prénom et un nom de famille aux connotations religieuses, ses deux parents se croyaient athées, ou au moins indifférents. James et Gaston sont les noms de ses grand-pères. La famille était aisée, à vrai dire Frank Toussaint possédait un patrimoine assez considérable après avoir revendu à son frère ses actions dans l’entreprise familiale et florissante. Enfant unique dans une famille assez unie, puisque ses parents n’avaient pas de famille sur Paris, et qu’après avoir roulé leur bosse ils se contentaient d’un cercle d’amis restreint, Elliott fut choyé. Pour tout dire, une fois retranchées aux 100m2 de leur bel appartement haussmannien près de la Seine les parties qui étaient allouées aux livres, aux bibelots orientaux, au grand piano à queue très bourgeois, l’espace de vie restant promettait une belle promiscuité. Attentifs à leur enfant, prêts à lui parler intelligemment, ils ne le forcèrent pourtant jamais à travailler. C’est peut-être de cette atmosphère accommodante que vint disons son manque de niaque, mais aussi de cette libre responsabilité son discernement et sa sensibilité, à toujours considérer les motifs qui guident certains empressements. En fin de compte, il était plein d’énergie dans sa jeunesse entourée d’amour, tout petit il gazouillait sans qu’on lui intime le silence et chanter devint sa seconde respiration. Il avait la chance d’être né avec une belle puissance et une belle étendue vocales, une voix comme du chocolat qui fond.

    A l’école, il avait tous les avantages sociaux d’être né dans une famille universitaire, et pour faire plaisir, entre autres, à ses parents ramenait souvent de bonnes ou très bonnes notes. Il avait joué avec le grand piano et suivi des cours avec une paresse attentive, mais c’est en arrivant au collège qu’il commença à étudier la musique avec méthode. Il y avait rencontré son premier ami durable, un certain Lucien Wenceslas, qui avait su recevoir très jeune une éducation élitiste sans se laisser submerger, savait jouer, pas encore à la perfection, aussi bien Bach que Ray Charles, et remportait tous les premiers prix de récitation à l’école. Il fit découvrir et comprendre à Elliott ces deux musiciens et bien d’autres encore. Ils écoutaient ensemble les disques qui arrivaient des Etats-Unis ou d’Angleterre, et Lucien lui apprit sur quelles fréquences radio régler son transistor.

    Ils formèrent leur premier groupe en jouant beaucoup de reprises, puis leurs propres morceaux à la façon de. Comme Lucien jouait déjà du piano, Elliott se mit à l’harmonica en écoutant de vieux disques de blues, et sur les conseils de sa mère de la musique irlandaise. Il développa rapidement un jeu assez fin, déjà habitué par le chant à maîtriser son souffle, et s’intéressa aussi à d’autres petits instruments de bouche plus exotiques, comme ceux qu’on entendait dans la musique teintée d’exotisme des hippies ou qu’il voyait sur les étagères de son père, par exemple la guimbarde. Ce fut une des périodes les plus marquantes et enthousiastes de sa vie.

    Entrés au lycée Louis Le Grand, comme Lucien se concentrait plus sur ses études, avec pour objectif parental et personnel d’intégrer le département de mathématiques et applications de la rue d’Ulm, Elliott l’imita mais sans pareilles vues. S’il avait des notes assez solides partout, car il était capable de discerner rapidement ce qu’on attendait de lui, c’était surtout en langues étrangères qu’il suscitait l’admiration, avec ses accents irréprochables, à une époque où les professeurs eux-mêmes gardaient encore parfois un accent français à couper au couteau. Bien vite cependant, les cours l’ennuyaient, sans doute à sa charge, et s’il s’agissait d’humanités, il préférait plutôt écouter les remarques de ses parents ou de Lucien.

    Après la Terminale, il partit donc immédiatement en fac d’anglais, par facilité. Devant le contraste entre ses bons profs de lycée, et ses profs à l’université qui parlaient moins bien anglais que lui, il fut pris d’un sursaut qui le poussa au moins ponctuellement à adopter l’habitude qu’avait son père d’entretenir et de nourrir sa curiosité en fouinant dans les brocantes à la recherche de perles rares.



    - La maturation -
    Look sharp and blow that harp:

    Qu’on écoute ou non les Beatles, la mode des pulls colorés et des cheveux longs s’était très vite répandue en France, bien plus vite que la musique elle-même. Elliott lui aussi mélangeait le style vestimentaire classique, urbain décontracté, Mod ou hippie, mais ce n’est qu’à son entrée en université qu’il approcha le mode de vie communautaire en cherchant un nouveau groupe et en fréquentant beaucoup d’autres jeunes.

    C'est là qu'on lui expliqua tout : le problème en France, c'est que le rock était venu comme une blague, on n'en avait fait que des parodies, à commencer par Boris Vian qui avait écrit des chansons rock alors qu'il détestait le genre. Les textes étaient bons mais le ton avait retardé le rock'n'roll en France. Et puis l'industrie musicale française était une industrie de business qui se souciait plus de plus-value que de musique. Le 45 tours français, seul à 4 titres au lieu de 2 comme aux USA ou en Grande-Bretagne, permettait à des gens comme Claude François de vendre trois chansons françaises postiches, pour les droits, grâce à une reprise américaine qui servait pour la promo à la radio. C'est pas glop, pour faire du rock en France, ne compte pas trop sur les maisons de disque. Au début, on jouait dans les bals. Les meilleurs rockeurs, beaucoup étaient fils de musiciens d'orchestres de bal, qui passaient de l'accordéon à la guitare électrique selon le public. Y a moins de bals maintenant, et puis on était un peu contraints de mettre en français car surtout à la campagne ils aiment bien danser le rock mais ils ne supportent pas l'anglais, heureusement on trouve plus de caves et de bars aujourd'hui. Par contre, si tu veux seulement répéter, il y a un bon endroit. Au squat, quand tu veux, t'as du bon matos, tu peux même travailler la MAO, et c'est un boeuf continu, on apprend presque tous les derniers bons disques qui sortent, tu as les meilleurs qui viennent et ça joue toute la journée avec n'importe qui de présent. On a un groupe jamaïcain en ce moment qui passe parfois, est-ce que tu as déjà joué du reggae ? Sinon, notre groupe joue tous les lundis au Saint-Just, c'est un endroit cool et les patrons payent vraiment les artistes, on joue presque tout le temps les mêmes chansons, enfin... différemment, mais les habitués adorent. Et c'est un bon entraînement, le son est mauvais, on n'a pas de place, ça n'est pas la salle Pleyel, si tu joues là, tu sauras jouer partout. On adorerait un harmoniciste comme toi, tu devrais venir, on est un des meilleurs groupes de blues ici, si Phil t'entend, tu pourras sûrement jouer avec nous quand tu veux.

    Durant son premier cycle d'études, hors de ses heures de cours et de ses périodes d'examens, il passait presque tout son temps à répéter au squat ou avec le groupe. Le groupe, Forget-me-nots, dont lui avait parlé le batteur Joel était de vrai excellent. Ils avaient tous cinq ou dix ans de plus que lui. Phil le chanteur-guitariste, le plus vieux et le plus petit de la bande, s'occupait de la plupart des arrangements, il avait le jugement extraordinairement sûr, et avait décidé très jeune d'être intransigeant dans tous les domaines, surtout en musique. C'était lui qui décortiquait la plupart des chansons pour les adapter à leur formation de cinq personnes. Joel le batteur avait une formation très funky et avait intégré le groupe avec Rafael à la basse. Aussi débordants que précis, leur dynamique était le moteur du groupe. Enfin, un ami de longue date de Phil, Armand, l'autre guitariste, ajoutait des notes de jazz et de flamenco pour créer une ambiance unique, un peu transe.

    Ne faire que jouer presque en permanence pendant ces quelques années rodèrent Elliott. Il était tellement pris par ce zèle empressé qu'il abandonna en milieu d'années son mémoire sur Jack London, sentant qu'il était trop intéressé ailleurs pour vraiment rendre un travail intelligent sur l'écrivain. C'était la crise, mais l'on trouvait encore facilement quelques petits boulots, Elliott n'avait donc craint ni la frugalité d'une vie de troubadour, ni un manque de diplômes. Mais quelques événements devaient chambouler cette destination.



    - Rupture -
    The Devorer, as old as the sun, shows the way:


    Cela faisait quatre mois que Joël et Rafaël avaient trouvé un emploi fixe dans un cabaret de proche-banlieue, offre qui ne se refuse pas, chacun d’eux étant jeunes parents, et, en tant que musiciens, mercenaires. A la suite de quoi, le groupe avait cessé de jouer en tant que tel, même si l’on continuait de venir travailler des morceaux en groupe réduit chez Phil. Avec son gros ordinateur, sur lequel il isolait les parties d’un morceau, parfois note à note, c’était là qu’on apprenait vraiment ce que cela signifiait d’apprendre un seul morceau en deux mois, contrairement au squat où l’on procédait différemment. Petit à petit, chacun s’était tourné vers des projets plus personnels.

    Quand il avait abandonné son mémoire sur Jack London, parce qu'il avait l'impression d'être le moyen d'expression d'un savoir qui intéresserait plus ses professeurs que lui-même, son père s'était doucement fâché, fronçant les sourcils et craignant qu'à toujours vouloir en faire plus en en faisant moins, il n'arrive pas à ses fins. Et maintenant, il n’avait même plus de groupe. Elliott devait donc arriver quelque part avec la musique. Jusqu’ici, s’il s’était engouffré dans la théorie et la pratique musicales, il avait souvent tergiversé à l’approche de la composition. Il avait une connaissance plutôt solide, pour son âge, des règles de l'art, et savait transposer, adapter, arranger, réinventer à partir d’un modèle, mais il n’avait jamais créé de composition originale.

    L’ampleur de la tâche l’étourdissait. Ce n’était pas de ça dont il avait peur, et pourtant il continuait d'hésiter et d'ignorer par où commencer. Au bout d’une semaine, une idée issue de sa licence d’anglais lui vint en tête : mettre en musique quelques poèmes choisis. Quand on avait relu un poème à plusieurs reprises et avec attention, la mélodie interne s'en dégageait tout en laissant place à l'originalité d'une composition. C'était une bonne façon de diriger ses forces.

    Au bout de quelques semaines, les idées fusaient mais aucune mélodie ne sortait du lot, bien qu’il eût l’impression que petit à petit certaines choses, il ne savait trop quoi, se mettaient en place. Il avait un peu le cafard. Comme cela ne lui rapportait pas d’argent, et même s’il pouvait un peu compter sur l’argent familial, il chercha un petit boulot. Ses parents, chez qui il vivait toujours, n’étaient pas mécontents qu’il s’aère l’esprit à une autre occupation. S’il ne l’avait pas fait, sa mère l’aurait sûrement accroché de force, avec le linge, au balcon, habitude du sud. C’est ainsi qu’il se retrouva professeur d’anglais à domicile.

    * * *

    — Allô ?
    — Bonjour madame, pourrais-je parler à M. Elliott Toussaint, s’il vous plaît ?
    — Un instant monsieur, je crois qu’il est là. Elliot ! … C’est pour toi.
    — Allô ?

    * * *

    — Bonjour M. Toussaint, nous vous avons convoqué pour une affaire de disparition. Vous connaissiez bien M. André Bellevenue ?
    — Je lui donnais des cours d’anglais, et par la même occasion d’écoute musicale, je le voyais à peu près deux heures par cours, une fois par semaine, il a disparu ?
    — Depuis seulement trois jours, mais sa mère nous dit qu’il aurait prévenu si c’était intentionnel.
    — Je sais qu’il vivait dans une toute petite chambre et qu’il était à Paris depuis peu, je n’crois pas qu’il voyait beaucoup de monde à part moi.
    — Votre nom et votre numéro étaient inscrits sur un post-it sur son bureau. Malheureusement, vous êtes la seule personne à Paris qui le fréquentait et dont nous sommes au courant. Vous dites que vous lui donniez des cours de musique ?
    — Surtout d’anglais, mais je faisais mes cours à partir de chansons, ça l’intéressait aussi d’apprendre à les chanter correctement.
    —Nous avons trouvé une sorte de poème qui ressemble à une chanson sur sa table… Attendez… « Zorvan le navroZé », avec un Z majuscule là, comme quand on peut lire dans les deux sens. Et avec une partition.
    — C’est une mélodie pas mal, on dirait un vieux blues mais avec des accords évolutifs très modernes. Voyez ici, ça fait vwooOooOyuuUung. Mais André n’aurait pas su la noter. Par contre, ce n’est pas un très bon titre, ça ne me dit rien. Quoique ! Ah ! Je crois que c’est un personnage de Star Wars, est-ce que vous avez vu le film ? Je ne l’ai pas vu, mais André en parlait assez souvent !
    — Non, il n’y a pas de Zorvan dans Star Wars.
    — Je ne sais pas alors… Il était assez gentil, mais je ne connaissais pas vraiment sa vie… Je le vois mal avoir des ennuis, je ne l’imagine pas non plus se défendre.
    — Il peut réapparaître dans quelques jours vous savez, ce ne serait pas la première fois, après seulement trois jours. On en a toujours eu plein comme ça..

    * * *

    — Allô ?
    — Oui, bonjour, j’appelle pour la disparition d’André Bellevenue, je suis Elliott Toussaint, vous m’aviez convoqué.
    — On l’aurait vu dans un bar avec une fille la veille de sa disparition, mais nous continuons nos recherches.

    Elliott s’inquiétait plus que de mesure. Il s’inquiétait d’abord pour son élève, mais quelque chose le chiffonnait particulièrement, la mélodie de Zorvan le navroZé lui rappelait trop exactement un air qu’il avait développé deux semaines auparavant, mais qu’il n’avait présenté à personne. Il avait voulu écarter un soupçon farfelu, mais tout cela lui revenait sans cesse à l’esprit. Au bout de quelques tours dans sa chambre, il prit son blouson, et sortit dans la bise hivernale. Il faisait nuit, Elliott n’était pas sorti depuis quelque temps, après une phase maussade qui avait suivi son empressement peu productif. Il se souvenait d’un bar où André l’avait amené une fois, après le cours d’anglais. Ils s’y étaient rendus par hasard mais il lui avait semblé qu’André connaissait bien l’endroit. Elliott s’y rendait pour apaiser son trouble.

    * * *

    —… Zorvan…
    (Zorvan !)
    — … le Dévoreur…
    (le dévoreur ?! Zorvan le dévoreur, c’est un gars dangereux ?)

    Elliott n’osait pas s’approcher des deux individus qui discutaient au bar. Effrayé, il repartit. Il aurait dû avertir la police, mais cette histoire de chanson qu’il connaissait déjà le retenait. Il revint les jours suivants, sans grand succès.

    (Si seulement je pouvais savoir qui est le Dévoreur. Dévoreur…)

    Au bout de quelques jours, alors qu’il sirotait une bière, et se faisait passer pour un nouvel habitué des dernières heures de la soirée, il aperçut une grande silhouette élancée. Une silhouette, car à vrai dire l'homme tout en noir semblait se déplacer sans se détacher réellement de son environnement, malgré des cheveux blancs et un regard électrique. Comme Elliott, il semblait attendre. Parfois, il se retournait et Elliott regardait ailleurs.

    « Vous vouliez me voir ? »

    Son sang ne fit qu'un tour.

    Possessions :
    –montre-poignet (bracelet en cuir, gros chiffres)
    –vêtements : jean un peu délavé, tunique indienne (cf avatar, à moins que je ne me trompe), blouson d'aviateur noir à grandes poches, slip, chaussettes (en alpaga quelle blague), baskets…
    –porte-feuille (papiers d'identité, cartes de membre, argent etc.), clés
    -2 harmonicas dans leurs étuis : un golden melody (Hohner) en la (A), son préféré ; un golden melody en do (C), le plus fréquent dans les concerts.

    Illusions : affecter d'en avoir eu beaucoup, se plaindre de ce qu'on les a perdues (F.)

    Permissions : Autorisez-vous la pnjisation de votre personnage par vos partenaires ? Merci de spécifier sur le pnjisomètre votre tolérance.

  • libre : j'accepte  la pnjisation de mon personnage  et fait confiance à mes comparses de jeu pour être fidèle à son esprit général . Si jamais quelque chose me choque dans sa pnjistion, je leur signalerai sans rancune par mp et de façon polie et aimable afin qu'ils rectifient. (la solution la plus simple et la plus conviviale, mais si vous êtes particulièrement possessif avec votre personnage et que vous ne supportez pas qu'il parle et agisse sous la plume d'un autre, il suffit de le préciser)




    Autorisez-vous les autres joueurs à influer sur le jeu de votre personnage via la zone RP Blue Hospel, c'est à dire à vous atteindre par le monde des rêves ? ( voir modalités de fonctionnement [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]) Oui.

    Disponibilités in RP (cadence de jeu): Une fois par mois ?, rythme des marcheurs narcoleptiques, mais l’on verra bien à l’usage, je posterai peut-être plus souvent ^^

    Espace personnel : Insérez ici le lien à votre espace personnel ( il n'est visible que des membres connectés)

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    Crédits signature : Moi (il n’y en a pas tiens ☺)
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Invité


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Message  Le Dévoreur du Temps Sam 13 Juil - 12:17

13 juillet 2013
Encore une indiscrétion dans un lieu public ! Les Voyageurs étaient d'une imprudence de plus en plus manifeste ou bien était-ce le fait que leur nombre augmentant, la proportion de bavards incorrigibles croissait en proportion égale ?  Ce n'était pas sans avantage lorsque leurs propos parvenaient aux oreilles d'une âme en peine, d'un esprit aventureux en quête de changement ou d’un coeur désespéré, tous cherchant des pistes pour retrouver  une raison de vivre dans un monde désert et sans horizon. Le Dévoreur pouvait venir leur proposer de les aider.
Mais i l fallait être prudent ; tous ces regroupements de voyageurs qui arrivaient d'époques diverses entraînaient bien de conséquences, fâcheuses pour certaines,  dangereuses pour d’autres et même franchement exécrables quand il s'agissait de  fanatiques prêts à tout pour devenir les nouveaux maîtres du temps.
Le Professeur n'ouvrait pas en permanence les portes de son esprit aux pensées étrangères qui l'assaillaient quand on appelait sa présence avec suffisamment de force. Ce don, qui était apparu avec ses premières expériences de voyage transtemporel, pouvait vite devenir un fardeau insupportable, s’amplifiant au fil des jours, finissant par exclure toute pensée propre, le submergeant sous des vagues de souffrance, d’appels à l’aide, de haines et de cris de vengeance, tout le vacarme confus de la douleur humaine. Stanzas était protégé par sa volonté propre qui lui permettait de se fermer à cette télépathie envahissante. Plus encore, il pouvait gérer cette faculté de connaître la pensée des autres grâce au filtre  contenu dans le récepteur mis au point par Zorvan  à partir de données  provenant des immenses possibilités de la science aralienne et qu'il avait adaptées au modèle humain. Le récepteur-lecteur était forcément universel, ouvert sur un espace- temps que les mystiques appelaient faute de mieux le Présent immobile et qu’aucun esprit humain n’aurait pu contenir en son entier.
Stanzas pouvait ainsi poursuivre son but méthodiquement. Découvrir et convaincre des candidats au Voyage était un moyen essentiel pour réaliser son projet mais non l'objectif premier et il avait bien  d'autres recherches à mener pour parvenir au succès final. Aussi laissait-il souvent passer du temps avant de s'intéresser à tel ou tel appel que le récepteur portait à sa connaissance.
Quand  ce jour-là consultant la liste des alertes enregistrées en attente, il vit que  le récepteur avait capté des ondes mentales non identifiées mais comportant la référence Zorvan et ce à plusieurs reprises, il ne vérifia pas immédiatement le rapport de localisation. Il y avait parfois des interférences. N'avait-il pas  dû supprimer les données parasites provenant d'une société de design ménager qui avait eu l'idée de nommer un de ses produits, Horloge Zorvan ? Les voyageurs déjà enregistrés étaient naturellement mis dans une liste à part. C’était donc bien un non-voyageur qui avait émis la fréquence Zorvan, mais ce pouvait aussi être une coïncidence. Le Net était rempli de pseudonymes empruntés à toutes les mythologies.
Cependant  quelques jours plus tard,  sur la même fréquence mentale, le receveur avait ajouté la référence Dévoreur. Vladimir Stanzas se décida à passer le message en clair sur son portable, modèle modifié par ses soins.  Les événements se passaient en1979 et le professeur se perdit un instant dans ses souvenirs .. second choc pétrolier, guerre en Afghanistan, Margaret Thatcher premier ministre, Khomeyni en Iran, Three Mile Island... lot habituel de catastrophes collectives ou personnelles, de morts illustres ou discrètes, de naissances que l’on veut toujours croire accompagnées d’au moins une pensée attendrie posée sur  le petit être pour qui commence le temps qui passe. Stanzas ferma les yeux un instant. Quel âge auraient ses aimées en 79...Non, il ne fallait pas se laisser glisser sur la pente des souvenirs de ce qui n’avait pas été et travailler à ce qui pourrait être.
Poursuivant son décryptage, il obtint pour la première occurrence Zorvan l'adresse d'un commissariat parisien . Pour les suivantes, essentiellement,  celle d'un appartement du Quai des Célestins dans le 4e. Enfin, celle où était introduit le Dévoreur, renvoyait à un bar de la rue de Rivoli juste avant le Châtelet. Google Earth était d’un pratique pour visualiser des adresses.... Le Dévoreur habituellement se renseignait de façon approfondie sur un individu qui pouvait l'intéresser pour le Voyage ou présenter un danger pour ses projets. Il utilisait ses réseaux d'informateurs et aussi se déplaçait lui-même pour se faire une idée plus directe du personnage avant même de l'aborder. Mais ce soir, un petit quelque chose retint son attention. Lors de la séquence au commissariat, le receveur avait enregistré, non seulement le nom-clé  Zorvan marqué d'un grand point d'interrogation jaune, signe d'un affect particulièrement puissant, mais y avait accolé un terme dont le caractère insolite fit  se creuser une ride  de perplexité entre ses sourcils froncés puis naître un sourire un peu ironique au coin de ses lèvres  .
 Zorvan le navroZé ?  Zorvan navré, navrant, névrosé, et pourquoi pas névrosant....les implications étaient plutôt critiques et bien des apprentis voyageurs les auraient approuvées. Certains, comme Démétrios l'Athénien, enfin lâché sans guide dans les couloirs du temps, plaignaient sincèrement le captif navré de n'être plus que le gardien de sa propre prison. D'autres, surtout les femmes, trouvaient souvent navrant d'être obligées de piétiner dans des lieux qui ne correspondaient pas à leurs projets et de devoir supporter selon elles, les inventions d'un persécuteur à l'esprit tordu. Quant à ceux que les épreuves malmenaient trop, qui en sortaient terrorisés et malades d'eux-mêmes, si on ne leur vidait pas la mémoire de ce contenu traumatisant, ils auraient pu déclarer Zorvan un machiavélique tourmenteur et un faiseur de fous.
Seconde surprise : dans le bar  le nom du Dévoreur était attribué à Zorvan. Zorvan le Dévoreur.... Alors là, cela méritait une investigation immédiate. On pouvait craindre une manœuvre  pour déstabiliser le courant des Mystiques, qui prenaient le Dévoreur pour un prophète et Zorvan pour un esprit du Mal domestiqué. Ces gens, dont il fallait certes se méfier,  contre-balançaient cependant les fanatiques Illuminés attachés à la ruine de ses projets.
Il constata que l'inconnu avait pensé  au Dévoreur plusieurs soirs de suite dans ce bar. Il nota l’heure de la dernière occurrence
 Stanzas se leva, dépliant sa grande taille d’un mouvement décidé et une intense concentration fixa ses traits rarement apaisés. Une lueur bleue commença à sourdre de son regard tandis qu'il fermait son portable, prenait un long manteau noir qu'il enfila sans le boutonner. L’air sembla vibrer un instant autour de lui. Le professeur disparut dans ce qui ressemblait à un pli de l’espace.

 Paris, 1979.
Quelques minutes plus tard, il était dans l’arrière-cour de ce petit bar indiqué par le récepteur mental. Il avait visualisé un coin sombre et vide de présence humaine et il ne surprit qu’un matou tétanisé  dont le poil hérissé semblait avoir capté une part des ondes électriques accompagnant son irruption. Le professeur lui dit un mot gentil mais l’animal lui cracha au nez, indigné. Il n’était pas chat à se faire avoir par un regard pulsant.
Stanzas poussa la porte battante, vit qu’il était dans un couloir de service, passa devant les toilettes et se glissa dans le bar sans se faire remarquer. Un juke box démodé diffusait un 45 tours de Sidney Bechett. Le son était très bas et la musique joyeuse en arrière-plan, comme venue de très loin, contrastait étrangement avec l’atmosphère fatiguée de cette fin de soirée où rien n’arrivait.  Ailleurs, le monde s’agitait. Des gens s’amusaient, prenaient la vie comme une fête.
Trois clients solitaires regardaient leurs bières avec l'air vague de celui qui attend en vain que son verre lui dise quelque chose. Le Dévoreur perçut d’instinct celui qu’il cherchait : un jeune homme  tranquille, portant un blouson de bonne coupe, les cheveux longs, et qui pensait à un Dévoreur vide de toute réalité. Il était assis dans un coin non loin du comptoir.
Stanzas l’observa et se retint d’utiliser son récepteur. Le garçon avait un air gentil, un peu effacé et en même temps une sorte d’aura d’originalité, de finesse dans la réflexion, de rêveur dans le regard. Le Dévoreur pouvait fort bien découvrir peu à peu, au cours d'une conversation ordinaire, celui qui pensait à lui sans le connaître. Il n’avait pas envie de s’imposer tout de suite par son savoir brusquement révélé, de secouer les certitudes d’un être qui pour l’instant semblait en avoir si peu.
Pour se fondre dans l’ambiance, il commanda une bière au comptoir, tournant à demi le dos à ce garçon qui visiblement n’avait pas eu connaissance de son signalement. Le regard poli se détournait sitôt qu’il croisait le sien, pour ne pas avoir l’air de dévisager un inconnu. Garçon bien élevé, discret... il fallait se décider.. Stanzas pivota, se pencha et demanda  de son ton le plus ordinaire : -Vous vouliez me voir ?

L'intérêt et la surprise animèrent aussitôt le visage du jeune homme et  le professeur poursuivit tranquillement :

-On m’appelle le Dévoreur. Permettez-moi de ne pas me présenter autrement pour l’instant.  Et moi je voudrais savoir pourquoi vous vous intéressez à moi. Vous a-t-on dit que je pouvais aider à sortir de certaines situations confuses, résoudre certains problèmes ? ce qui est d'ailleurs vrai assez souvent...

Le Dévoreur eut un de ses sourires bienveillants qui lui venaient sitôt qu’il était en présence d’un esprit sans hostilité, sans outrecuidance, un peu en dehors de la course ordinaire, suivant son propre chemin, selon son propre rythme.
Le wurlitzer s’était tu, le silence s'établit, ourlé par les bruits étouffés venus de la ville nocturne.
Stanzas prit son verre, baissa un peu la voix et dit du même ton courtois et sans excès de jovialité:

-Puis-je m’asseoir à votre table ? ...Dites-moi...  Ne vouliez-vous pas savoir qui je suis et aussi qui est Zorvan .. humm.. Zorvan le NavroZé...C’est vous qui avez inventé ce qualificatif original ?

----------0----------
HRP- [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ,  si vous voulez écouter la musique entendue dans le bar . le juke-box la joue très bas.
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Message  Invité Dim 14 Juil - 13:54

Souvent, quand on lui donnait un accord, Elliott était incapable d'improviser, deux, et il évoluait comme un poisson dans l'eau entre toutes les combinaisons possibles.

C'était ce qui s'était passé quand il avait reconnu sa mélodie originale sur une chanson d'André qui ne pouvait pas la connaître, il s'était troublé mais n'avait su qu'en faire, il fronçait les sourcils puis haussait les épaules, alternativement, comme un moineau qui se pose auprès de vous, vous contourne, ayant l'air de vous ignorer, mais se raidit à chacun de vos imperceptibles mouvements, tentant d'évaluer le danger que vous représentez, avant de reprendre faussement une allure plus insouciante. Même si les moineaux n'ont ni sourcils, ni épaules. Puis quand le Dévoreur aux yeux pers avait commencé de se présenter à lui, sans cette première énigme musicale, il aurait certainement craint d'avoir fourré son nez sur le territoire d'un gang de dealers, et d'avoir par son comportement suspect attiré l'attention du maître des lieux. L'homme qui était en face de lui avait l'air animé au fond de lui d'une froide résolution. Et, à mots couverts, ne venait-il pas de lui proposer quelque substance illicite ? un paradis artificiel « pour résoudre certains problèmes » ?

Mais qu'on atteigne ainsi à ses pensées deux fois de suite, la première musicalement, et la seconde en l'abordant comme si l'on avait reçu une invitation via ses ondes mentales... Il ne put s'empêcher de faire un lien. Ce qui ne devait pas le rassurer pour autant. Admettre le surnaturel allait malgré tout contre son peu de convictions, l'homme en face de lui pouvait très bien être ce dont il avait l'air, un trafiquant endurci, ne s'effrayant pas des dommages collatéraux, ou un gourou charismatique qui ne croit pas un mot de la religion qu'il professe. Ou encore un homme ordinaire aux yeux électriques et aux cheveux blancs dont la science étrange trouverait peut-être une simple explication.

Un silence tomba, la musique parisienne du musicien de la Nouvelle-Orléans s'éteignit progressivement. Elliott gardait un visage placide et neutre qui illustrait bien sa tempête intérieure, mais il ne pouvait se permettre d'ignorer plus longtemps son interlocuteur.

-Puis-je m’asseoir à votre table ? ...Dites-moi...  Ne vouliez-vous pas savoir qui je suis et aussi qui est Zorvan .. humm.. Zorvan le NavroZé...C’est vous qui avez inventé ce qualificatif original ?

Cette dernière réplique rassura étrangement Elliott. L'homme n'avait pu déduire l'épithète de Zorvan le NavroZé de son seul comportement suspect. A y réfléchir, l'on pouvait toujours penser que l'homme avait facilement eu vent de l'enquête en cours, mais il n'avait alors que peu de raisons de se découvrir ainsi devant Elliott, qui comme investigateur n'était pas allé s'aventurer dans des eaux très troubles. Il était devenu un habitué du bar, mais n'avait pas cherché à s'introduire dans les arrière-salles. Elliott devait toujours s'inquiéter, mais le rapport fait entre la science du Dévoreur, et celle d'André, ou peut-être un charme magique du Dévoreur lui-même, qui devait bien avoir cela dans un des recoins de son manteau sombre, voire l'adrénaline, lui rendaient ses moyens.

Face au silence de la salle, le tenant du bar s'approcha du jukebox. Ordinairement, ceux-ci jouaient les derniers disques sortis, mais le propriétaire avait laissé de côté quelques chansons qui lui rappelaient son enfance. L'heure tardive, la solitude de l'hiver et de la salle, contribuaient à ses élans nostalgiques. Après la musique de Sydney Bechett, c'était une nouvelle chanson d'après-guerre qui s'échappait doucement de l'engin, et qui convenait particulièrement à l'atmosphère fantastique et sombre du moment :
La Fille de Londres:

Elliott était tenté par un tout pour le tout. Soit il se barricadait complètement et feignait l'ignorance, soit il profitait de son état passager pour se livrer entièrement à sa curiosité. Le pari était dangereux, mais l'inconnu en connaissait déjà beaucoup sur lui, et l'on restait dans un lieu public, qui s'il était vide à l'intérieur dardait ses néons sur une rue encore fréquentée. Sans se dérider tout à fait, il posa ses mains en face de lui pour ne pas être tenté de les triturer, s'installa confortablement sur sa chaise et imita exactement le ton naturel, affable et détaché du Dévoreur :

—Oui, asseyez-vous. Vous avez l'air d'en savoir plus sur moi que moi sur vous, et j'aimerais bien lire dans vos pensées de la façon dont vous connaissez les miennes.

Peut-être valait-il mieux attendre d'en savoir plus avant d'évoquer André.

—Zorvan le NavroZé ? Je ne sais pas ce que cela signifie, j'espérais que vous auriez pu m'éclairer.

La première réplique du Dévoreur était bien plus inquiétante que la seconde. Elliott avait donc décidé de commencer par le chemin le plus anodin. Il lui semblait judicieux d'obtempérer à la mise en garde du Dévoreur sur son identité, et il ne voulait pas paraître la jouer trop finaud en évitant de répondre à ses questions. Ainsi, il finit par ajouter :

—Ce n'est pas moi qui ai inventé ce qualificatif. Je ne sais pas qui est Zorvan, ni qui vous êtes, j'aimerais bien le savoir, vous vous en doutez, mais je ne tiens pas à vous y forcer, j'en serais incapable de toute manière. Mais peut-être savez-vous déjà d'où vient ce qualificatif, et qui l'a inventé, non ? Et donc la raison de ma présence ici.

Le Dévoreur, c'était aussi « un qualificatif original », aurait bien voulu dire Elliott. Mais l'individu semblait plus enclin à parler de ce Zorvan. Et s'il avait eu vent de ce qualificatif, il serait naïf de la part d'Elliott de croire qu'il ne soit pas aussi au courant de la disparition d'André. L'individu devait donc cacher son jeu.

Au fond du bar, en arrière-plan, les notes de guitare blues qui l'avaient toujours étonné dans cette chanson française annonçaient la fin du morceau.
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Message  Le Dévoreur du Temps Mer 24 Juil - 1:39

Stanzas  s’assit de l’autre côté du guéridon de formica jaune cerclé de noir, de ce moderne clinquant commençant déjà à passer de mode  et qui soulignait l’aspect un peu défraîchi de l’endroit. Il ne savait plus trop s'il avait bien fait d’être venu sans enquête préalable.. Ce garçon était là, tranquille, inoccupé, dans une oisiveté qu’il pouvait apparemment s’accorder sans remords et sans ennui. A son âge, traîner un soir en solitaire dans un café désert, ce n’était pas courant. Chagrin d’amour ? Il n’avait pas l’air triste, au contraire ; son regard était vif  et il parut intéressé par l’insolite introduction de ce grand type en manteau noir.
Dans le bref instant  entre ses premières paroles et celui où il fut invité à s’asseoir,  le professeur avait eu le temps de se faire une idée du jeune homme. Le garçon  était attirant, si peu banal sous son apparence aimable et lisse, attentif derrière son air paisible. Les dons naturels de Stanzas pour saisir l’essentiel d’une personnalité s’étaient accrus par tant d’expériences accumulées à travers les siècles. S’y ajoutaient les échanges d’informations  avec l’esprit polymathe de Zorvan, véritable entraînement pour éveiller certaines de ces facultés que l’on dit dormir inemployées en tout cerveau humain. Mais dans ce cas, il n’avait eu nul besoin d’user de techniques supra- humaines pour éprouver une sympathie immédiate envers cet inconnu, tout à la fois remarquable et  discret.
La musique avait fait  place au silence des lieux habités où les petits bruits, nés de gestes anodins, disent que la vie suit son cours et qu’on n’y est pas seul. L’éclairage mal réglé du bar heurtait de rares  zones trop lumineuses à des coins trop sombres. Cette atmosphère  figée dans une banalité mi-rassurante, mi-déprimante, rappelait celle des  tableaux de Hopper, comme Night’s Hawks, où se lit le besoin si humain de vivre sa solitude et son étrangeté en compagnie d’autres êtres tout aussi étrangers et tout aussi solitaires.
Le barman avait changé le disque et La Fille de Londres sembla faire écho à l’ambiance du lieu .’Fantastique social’ disait Mac Orlan, l’auteur des paroles, enchaînant, au hasard des rimes, des images chaotiques, comme une histoire rêvée,dans un monde  surréaliste, noir de nuit et rouge de sang.

Le jeune homme devait avoir une vingtaine d’années, peut-être plus, avec des traits encore adolescents mais une présence mature, une personnalité déjà formée. Son allure tranquille était celle de l'observateur, gardant ses distances, avec la nonchalance élégante de celui qui sait qu’il pourrait avancer plus loin et plus vite que la plupart des autres mais n’est pas vraiment persuadé de l’intérêt à le faire. Cependant  un reste d’enfance rôdait encore sur son visage sans aspérités et Stanzas se plut à lui imaginer des rêves à jamais captifs dans un repli du coeur.
Mais cette vision était sans doute trop édénique. Vladimir Stanzas se connaissait un fond d’attendrissement facile, qui malgré tant d’années noires et impitoyables, le faisait encore s’émouvoir d’un sourire d’enfant, d’un regard confiant et pur. Il ne savait que trop bien qu’on  peut être charmant et vivre comme une petite frappe ou un vulgaire parasite. Ce  rêveur qu’il imaginait cherchait peut-être tout simplement le Dévoreur en pensant qu’il s’agissait d’un trafiquant, revendeur de n’importe quoi, avec pour fournisseur, un Zorvan exotique cachant des cigarettes de contrebande dans un turban de charmeur de serpent.  Dans ce cas, l'entrevue se terminerait vite.
Certes, il était plaisant de penser que pour une fois le Dévoreur n’était pas sur une piste repérée et jalonnée, que cette rencontre reposait peut-être sur un simple hasard, des noms entendus qui intriguaient un garçon sans arrière-plan pitoyable ou tragique, dont la situation n’était pas devenue insupportable. S'il se décidait à  suivre le Voyageur, ce pourrait être juste par curiosité, pour vivre une expérience hors norme, comme ces gens sans histoire qui un beau jour, font leur sac et partent, sans drame ni déchirement, pour se sentir libres au moins un temps de leur vie, même s’il faudra revenir un jour. Partir sans raison. juste pour être ailleurs. Et quels ailleurs il pourrait lui offrir !

Néanmoins, le garçon avait entendu le nom de Zorvan dans un commissariat et ce pouvait être lié à un trouble dans son existence, pourquoi pas une disparition ? Derrière l’expression ouverte et les paroles aisées, n’y avait-il pas une inquiétude qui le tenaillait ou un mystère qui le perturbait profondément ?
Il fallait le découvrir et retourner ainsi au schéma connu : " J’ai la réponse à ce qui vous tourmente, mais il faut voyager dans le Temps, voyage qui est dans mes possibilités et les vôtres si vous acceptez l’apprentissage." Quel soulagement  si on lui disait oui tout de suite, au lieu de discuter, parfois violemment, contre des êtres froissés par la vie, méfiants, pris au piège, n'acceptant que parce qu'ils n'avaient pas d'autres solutions. Les enthousiastes de la première heure étaient rares.
Mais la réaction  la plus prévisible serait, encore une fois, d'être pris pour un zinzin qui fait le tour des bars en racontant ses histoires d’ogre et de Zozo le navrosé. il serait alors bien obligé de montrer qu’il n’était pas un fou ou un escroc en sortant quelques preuves de ses pouvoirs télépathiques et de voyageur du temps. La méthode avait d'ailleurs complètement dérapé  récemment avec l'irascible Ludwik Cseszneky, certes convaincu mais trouvant que télépathie et achronie portaient atteinte à son honneur de hussard.  Pour l’instant, c’était une conversation ordinaire avec un garçon sympathique, mais sait-on jamais ? Nullement intimidé, ce dernier alla d'ailleurs droit au sujet qui l’intéressait. En buvant une bière qui n'avait pour elle que d'être fraîche, Stanzas l'écouta, tirant déjà quelques conclusions
Ainsi, le garçon n’avait aucune idée de ce que pouvaient être ces deux personnages dont les noms  l’obsédaient. Ce qui l’interpellait était juste que ses pensées secrètes soient connues. Il devait y avoir autre chose. Il fallait qu’il se raconte un peu. Le Dévoreur repoussa  sa chaise, pour loger ses grandes jambes plus à l'aise et répondit :

- En fait, je ne sais rien sur vous de très personnel, pas même votre nom, bien que je puisse le trouver assez rapidement.  M’occupant d’affaires mettant en jeu la sécurité de nombreuses personnes, il me serait utile de savoir  pourquoi vous êtes si intéressé par le nom de deux inconnus et si ces noms sont liés à des problèmes vous concernant, problèmes  que vous aimeriez voir régler rapidement.
Je peux assez facilement découvrir qui a donné ce sobriquet à mon collègue Zorvan. En effet, seuls les membres de notre association le connaissent sous ce nom et il tient  un registre très précis de nos nouveaux arrivants. Si vous me racontiez ce qui vous a conduit à entendre son nom dans ce commissariat – oui, oui, je suis au courant de ce détail mais je préfère connaître votre version avant celle de la police. Ce n’est pas que je m’en méfie, mais je travaille sur des expériences scientifiques assez secrètes et il faut mieux ne pas mélanger les genres.


Le Dévoreur attendit un instant car intuitivement il sentit une partie de l’attention du garçon qui s’échappait de la conversation. Le seul élément perceptible dans le bar était la chanson du juke box . Le Dévoreur sourit et laissa l’air se terminer :

-Ah.. cette guitare … vous avez remarqué ? elle arrive avec Charlie et Tess..


Et chez Charly, il faisait jour et chaud
Tess jouait "Daisy Bell" sur son vieux piano
Un piano avec des dents de chameau..

Daisy Bell, une rengaine du début du siècle... et le premier air à être interprété par un ordinateur...l’IBM 7094, en 61 je crois. D’où, sept ans plus tard, l’utilisation qui en en a été faite dans le film 2001 , l’Odyssée de l’Espace, où un autre ordinateur nommé Hal chante Daisy Bell quand on le débranche...les progrès des connaissances sont si rapides en une décade. Hal, dont les mémoires occupaient des salles entières, est déjà une vision archaïque. Les ordinateurs personnels arrivent sur les bureaux et dans les foyers.

Stanzas fut assez satisfait de la manière dont il avait réorienté la conversation vers un monde d’ordinateurs, de progrès incessants et prodigieux, univers qui convenait bien aux esprits rationnalistes et souvent sceptiques de ce siècle.

- Alors, pouvez-vous me dire ce qui vous est arrivé, qui a motivé un si grand intérêt pour deux noms quelque peu fantaisistes et ce qui vous préoccupe dans cette aventure ?
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Message  Invité Jeu 8 Aoû - 14:47

Elliott ne savait trop s’il devait ouvrir les yeux ronds devant l’érudition de cet homme occupé, ou sourire de son ton qui ressemblait à la conclusion d’une revue scientifique grand public. L’homme avait bien dit être scientifique : même s’il n’en laissait rien paraître, partager sa connaissance de l’histoire des ordinateurs lui procurait sûrement, peut-être, une joie d’enfant. Sourire ou ouvrir les yeux ronds était dans ses cordes, malgré tout Elliott n’en fit rien. Il réfléchissait très vite à ce que venait de dire le Dévoreur. C’était la deuxième fois qu’il commençait par exposer très clairement ses demandes, se présentant sur un ton omineux comme un homme affairé, avant de parler plus affablement pour le rassurer, ou l’inquiéter davantage peut-être. Comme le schéma d’un dialogue de film d’espionnage, ce qui donnait à Elliott l’impression un peu trop prégnante qu’on cherchait à l’intimider, ou du moins à le faire parler sans délais.

Tout en pensant cela, il se disait qu’il n’était pas un James Bond, et qu’il n’avait pas la fibre de ces jeux de manipulation, qui finissaient toujours par l’attrister quand ils duraient trop longtemps. Le Dévoreur non plus n’y tenait peut-être pas. Avec soulagement, il était prêt à se livrer, quitte à y mieux réfléchir ensuite, car après tout il n’avait pas de secret compromettant à dévoiler dans cette affaire, ni en ce qui le concernait, ni en ce qui concernait André. Elliott avait parfois des pudeurs farouches quand il fallait parler de lui, mais il préférait encore la simplicité à des mensonges dont il n’avait pas grande habitude. Face à son interlocuteur, il ne trouvait pas comment s’en sortir à meilleur compte. Il n’allait pas apprendre grand-chose au Dévoreur, surnom qui continuait de lui paraître étrange pour un scientifique, qui n’allait rien lui apprendre non plus de ses recherches secrètes, de ces surnoms cabalistiques, de ces personnes à protéger, si elles existaient bien. Il allait donc parler, le Dévoreur attendait une réponse, quand le barman vint à leur rencontre.

On arrivait à l’heure de fermeture, et l’affluence actuelle ne pouvait le convaincre de laisser son commerce ouvert plus longtemps. Elliott avait laissé un fond de coca dans son verre à coca, n’y ayant pas touché depuis l’arrivée du Dévoreur. Il vida son verre un peu brusquement, régla sa consommation à toute vitesse, craignant presque que le scientifique ne la lui offre d’un ton affable et paternel, laissa le Dévoreur faire de même, et pendant que les deux hommes étaient un peu occupés ailleurs, il glissa discrètement une pièce de pourboire sur la table. Puis il regarda le Dévoreur de biais, cherchant à deviner la suite des opérations. Lentement, il s’empara de son blouson, regarda de nouveau son interlocuteur qui ne semblait pas émettre d’objection. Et ainsi, ils se retrouvèrent bientôt dehors.

Tous deux habillés de noir, l’un plus petit, les joues roses et le teint pâle, l’autre, grand, les cheveux blancs, un œil lapis et l’autre lazuli, ces oiseaux de nuits, sur fond de bitume, avaient fière allure, mais les lampadaires étaient éteints et il faisait trop sombre pour qu’on pût les prendre en photo.

Malgré son blouson noir, Elliott pensait qu’il aurait plus chaud s’il marchait à grandes enjambées, mais il était peut-être impoli d’obliger quelqu’un à parler tout en marchant. Revenant à ses moutons, il ne parla pas d’ordinateurs, de Daisy Bell, ni même de la guitare de La Fille de Londres ou des recherches secrètes qui occupaient son interlocuteur, plus tard peut-être, et commença son récit concis sur la disparition d’un « ami », dont il réservait le nom tant que le Dévoreur ne le réclamait pas explicitement. Il racontait la façon téléphonique dont il avait appris la nouvelle, l’interrogatoire de routine de la police, et l’intérêt qu’avait montré la policière en apprenant qu’il donnait des cours de musique à son élève d’anglais, celle-ci lui avait alors montré la chanson de Zorvan le navroZé, en octosyllabes « Oh la la, qui va là ? –Zorvan ! ». Après une hésitation, il ajouta la suite, que la mélodie lui avait paru bien trop familière. A y repenser, il l’avait peut-être chantonnée devant André ? Mais non, il y avait trop de détails. Par suite, il avait laissé l’affaire à la police, mais en apprenant qu’il avait pour la dernière fois été vu dans un bar, il avait songé à celui qu’ils venaient de quitter, et dans un moment d’oisiveté, un peu fatigué de ses heures passées à composer, le mystère de la mélodie était revenu le hanter, entraînant des actions un peu hasardeuses. Mais d’ailleurs :

   « André Bellevenue ! Vous le connaissez ? Savez-vous où il se trouve ? »

Finalement, il avait lâché son nom, mettant fin aux demi-mots.

   « Si j'ai un problème, comme vous dites, que vous pourriez régler, c'est le même que la police, savoir ce qui est arrivé à André. »

A ce moment, un passant les dépassa, accélérant le pas en entendant le mot de "police" à ces heures suspectes de la nuit.
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Message  Le Dévoreur du Temps Mar 20 Aoû - 22:40

Avant même de devenir le Dévoreur de temps, le professeur Stanzas avait toujours su saisir au vol les moindres indications d’humeur de ses interlocuteurs. Depuis, il n’avait fait qu’approfondir cette perspicacité, aidé par la pierre transistor qui lui permettait de déceler certains aspects de la pensée non formulée d’autrui. Il perçut les hésitations du jeune homme, moins d’ailleurs des hésitations que l’analyse de la situation et de la manière de se conduire face à un personnage mal défini, pour ne pas dire mystérieux, et même inquiétant.
C’était plutôt plaisant d’avoir affaire  à un esprit fin et retenu. Il venait de contacter des personnalités tranchantes et décidées, des femmes de tête ou cet officier hongrois à la conscience chatouilleuse qui voyait le monde à travers la petit bout de sa lorgnette de hussard et s’emportait dès qu’il pensait qu’on se moquait de lui.. L'officier devait être chez Zorvan maintenant et on pouvait craindre le pire de la rencontre de ces deux énergumènes aussi peu conciliants l’un que l’autre.
Non, ce garçon-ci ne se sentait pas sur la défensive sitôt qu’il rencontrait du mystère sur sa route, sachant sans doute que l’on peut toujours prendre un chemin de traverse pour s’éloigner des compagnies indésirables mais qu’il était dommage de ne pas chercher à éclaircir ce qui intriguait. Il était prêt à répondre et certainement pas pour éluder les questions et mette fin à la rencontre, au contraire
L’intervention du barman pressé de fermer l’établissement les mit cependant dehors tout en montrant à Stanzas qu’il ne s’était pas trompé. Le garçon n’avait pas saisi l’occasion pour prendre congé et s’éclipser, fuyant devant les complications que pouvait entraîner une conversation avec un inconnu aussi bizarre. La réaction de fuite était fréquente et la plupart du temps, il était inutile d’insister avec des esprits assez somnolents pour  refuser l’insolite et le dérangeant. Au contraire, ce jeune homme, malgré son air tranquille et peu expansif, semblait bien décidé à en savoir plus au sujet du mystérieux individu qui se faisait appeler le Dévoreur. En même temps, il ne se dévoilait pas, ne posait pas de question, ne déclarait pas ouvertement son intérêt. Il semblait attendre que ce soit l’autre qui décide de l’orientation à prendre. Stanzas trouva quelque chose de puéril, presque de touchant, dans le regard que le jeune homme lui jeta pour être sûr qu’on continuerait la conversation dehors sans qu’il y ait besoin de s’entendre en paroles. Pendant qu’il le laissait remettre son blouson, Stanzas rangea son portefeuille dans sa poche et toucha du bout des doigts la lithosphérule aralienne qui activait ses dons télépathiques. Mais il n’avait toujours pas l’intention de se renseigner de cette manière et il se borna à un bref contact qui lui permit de savoir que son compagnon s’appelait Elliott et qu’il avait la tête pleine de musique. Et pas seulement des échos plus ou moins incertains - tsoin tsoin- de la fille de Londres. Vladimir arrêta aussitôt son investigation. Elliott lui inspirait confiance et il ne paraissait pas dans un état d’urgence qui eût exigé d’accélérer le processus d’embarquement. Un bref amusement traversa l’esprit du Dévoreur en se voyant en sauveteur impatienté poussant des naufragés hésitants à sauter dans le vide vers un canot bien hasardeux.
Il fallait l’avouer. Pris par le temps, contré par des résistances certes naturelles à des propositions prises pour des délires parano ou des tentatives d’escroquerie, exaspéré par certains égoïsmes, froideurs de cœur ou calculs sordides, il avait souvent précipité l’accord final en usant de moyens assez proches du chantage et de l’intimidation. Certains ne le lui pardonnaient jamais. Et plus on avançait dans les siècles et plus la méfiance s’accentuait. La peur du surnaturel démoniaque  était remplacée par un rationalisme chicaneur et satisfait de ses propres limites.
Cet Elliott  avait à coup sûr un problème à résoudre, d’une espèce particulière, de ceux qu’on ne confie pas à qui pourrait permettre de  trouver une solution, parents, amis, police, parce qu’on craint leur incrédulité et leurs railleries... Et bien, c’était parfait .. mystère pour mystère. Croyez-moi puisque je vous crois. Votre récit impossible contre mon histoire à dormir debout.

Le froid de la nuit les sortit de cette latence qui s’était instaurée entre eux et Elliott reprit spontanément la conversation là où l’avait interrompue l’intervention du barman. Stanzas en fut content à la fois car cela confirmait ses impressions et parce qu’il éprouvait vraiment une sympathie instinctive pour ce garçon semblant encore hésiter entre les rêves adolescents et la détermination d’un esprit adulte. Qu’il poursuive ainsi la conversation était bien la preuve que ce qu’il avait à dire le préoccupait suffisamment pour qu’il passe outre ses réticences à se livrer.
Stanzas l’écouta sans l’interrompre mais avec une attention perceptible dans sa façon de hocher légèrement la tête montrant qu'il voyait très bien de quoi il s’agissait et qu'il attendait la suite avec intérêt. Ainsi, du moins l'espérait-il, le dialogue se poursuivrait sans éclats, aussi rassurant que possible
Il laissa donc le récit se clore,  les questions se poser et n’objecta pas à la  tentative  de ramener le mystère à un problème d’enquête policière. Evidemment, ce n’était pas la disparition d’un élève prenant des cours particuliers qui obsédait Elliott mais l’impossibilité qu’ André ait pu écrire des paroles sur une musique  qu’il ne pouvait absolument pas connaître. Bien ! Stanzas savait pertinemment que parmi ceux qu’il contactait, les plus faciles à ébranler dans leurs certitudes (" quoi ?! Voyager dans le temps ? Vous plaisantez !!")étaient ceux qui pour une raison ou une autre avaient été mis en contact avec des voyageurs du temps et pu ainsi constater la rupture de la logique temporelle avant même d'apprendre que cela pouvait exister. C’était d’ailleurs un moyen fréquemment utilisé par des voyageurs qui voulaient inciter un ami, un parent, à venir les rejoindre. Ils laissaient traîner des objets qui n’auraient pas dû être là pour préparer leur proche à appeler le Dévoreur ou à recevoir sa visite. Certains de ces recruteurs spontanés, maladroits ou excessifs, devaient parfois être rappelés à l’ordre et à la nécessité du secret.

Le professeur répondit aussitôt, tout en modérant un peu le pas car il savait qu’il fatiguait vite ses compagnons de route avec ses longues enjambées ; Elliott ne semblait pas peiner, vif et agile sous ses allures tranquilles. Mais la conversation allait durer, du moins on pouvait l’espérer. Sans se départir de son ton d’évidence aimable, Stanzas répondit au récit détaillé des événements :

-J’ai rencontré  André Bellevenue. Oui, je l’ai envoyé il y a un certain temps - je peux facilement retrouver la date exacte- chez Zorvan qui est mon adjoint dans une expérience de grande envergure. Il a très bien réussi les épreuves d’admission et le voilà donc en train d’exercer ses nouveaux talents.

Il laissa la nouvelle prendre sa place dans l’esprit d’Elliott puis ajouta. :

-Cette expérience est déjà fort avancée et liée à des domaines de physique et d’informatique très difficiles d’accès pour le profane. Les résultats sont tenus secrets pour des raisons que vous comprendrez mieux quand vous en verrez les implications. Si je vous parle de téléportation quantique sans destruction de la matière, cela ne vous dira rien peut-être. Si je dis Voyage dans le temps, vous allez me prendre pour un illuminé. Mais la seule explication à votre aventure est que André soit venu pendant quelques secondes dans votre espace-temps, a pris votre musique et y a ajouté des paroles en laissant le tout chez lui par étourderie ou bien par calcul, pour éveiller votre intérêt. Il ne paraît pas bien maîtriser sa nouvelle situation, ce qui est fréquent d’ailleurs. Je recommande toujours d’éviter de disparaître purement et simplement, ce qui entraîne des complications, mais il est vrai que parfois mes voyageurs n’ont pas le choix.

Le Dévoreur ajouta sur un ton ferme et décidé:

-Vous aurez compris que nous avons découvert un moyen de passer d’un espace-temps à un autre et que nous gardons cette découverte secrète pour d’évidentes raisons de sécurité générale. Vous avez par l’intermédiaire de votre ami, été mis fortuitement au courant de cette possibilité. Je suppose que vous allez mettre en doute cette révélation et au minimum me demander des preuves. Je ne peux malheureusement pas vous emmener faire un petit tour dans une autre dimension temporelle tant que vous n’avez pas subi la préparation indispensable à cette expérience qui peut être extrêmement dangereuse. Par ailleurs, il ne s’agit pas d’une technique qu’on peut essayer en passant, à titre d'amateur. Elle engage tout l’être, votre équilibre moléculaire aussi bien que votre façon de voir les choses, et ceci définitivement. Vous me suivez ?

Il tourna la tête, abaissant son regard bleu vers son jeune compagnon. De ce qu’allait être la première réaction d’Elliott  dépendait l’avenir de cette rencontre. Pour lui, un peu de temps perdu mais une agréable rencontre, ou bien un candidat de choix pour l’Antichambre de Zorvan. Pour le garçon, une très grosse migraine demain matin quand il se réveillerait avec des souvenirs très flous de la soirée et le mystère intact de la disparition d’André. Ou bien une suite de révélations qui allait l’attirer invinciblement vers une autre vie.
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Message  Invité Dim 20 Oct - 18:21

Voyager dans le temps... Pour Elliott, c'était surtout un procédé littéraire intéressant. Il avait bien quelques idées fantastiques qu'il pourrait mener à bien. Mais s'il était prêt à croire aux extraterrestres, à l'immortalité, il réservait les sauts dans l'hyperespace, ou dans le temps aux oeuvres de fiction. L'existence matérielle des lutins lui paraissait presque plus probable que cette inconséquence logique. Il n'avait aucune formation scientifique, on pouvait encore lui faire croire monts et merveilles, il ne serait peut-être que sceptique. Et pourtant, le voyage dans le temps, c'était un de ses rares nons catégoriques.

Inconséquence logique qui permettait de lever l'obstacle de la chanson d'Elliott. Apparemment. Le complot mondial, la machine à espionner ses pensées, le rêve comateux, étaient des hypothèses plus alambiquées, mais qui du moins, pour lui, s'écartaient mieux de la probabilité zéro. Même, si Elliott consentait à voyager dans le temps... Que ferait-il ? Aller rencontrer telle ou telle personne, visiter tel ou tel lieu, sans contraintes de lieu ni d'époque, stopper Hitler, jouer au loto, aller frimer Bach en lui jouant un air de blues, puis revenir dans le présent pour examiner les effets, faire un tour dans le futur pour voir ce qu'il devenait, souffler les bonnes idées, au bon moment, aux bonnes personnes, ou simplement vivre mille aventures anodines, sauter dans l'inconnu. C'était très tentant. Mais, imaginons, par exemple, qu'André ait bien chercher à l'appâter avec sa propre chanson, qu'irait faire Elliott lui-même ? Se plagier dans le futur ? prendre ses vacances quand il en a envie, ne jamais être en retard ? S'il pouvait se rendre dans le passé, oserait-il même le faire ? Les paradoxes temporels, c'est charmant sur le papier, mais dans la réalité ? S'il annulait sa naissance, ou changeait quelque chose dans son passé, lui-même resterait peut-être intact, mais alors ses parents ne le reconnaîtraient plus. Se retrouverait-on avec deux Elliott différents ?

Elliott n'avait jamais songé à voyager dans le temps pour la sauvegarde de l'humanité. Bon, il ne prétendait pas porter tous les jours le poids du monde, mais si on lui en donnait le pouvoir, aurait-il l'esprit tout à fait serein s'il préférait un jour chevaucher un tyrannosaure plutôt que d'empêcher une guerre après l'autre ? Le Dévoreur avait-il réponse à cela ? Que savait-il, que maîtrisait-il dans cette affaire ? Son organisation proposait-elle une cellule de soutien psychologique ?

Heureusement qu'Elliott ne croyait pas au voyage dans le temps. A une autre époque ? Peut-être que cinq cents ans auparavant, il n'aurait pas cru que la nature tolérait le vide, quid de la matière noire dont on parlait parfois à la télévision. M’enfin, il voulait toujours savoir si le Dévoreur ne détenait pas plutôt une autre clé du mystère.

« Vous savez donc où trouver André ? Vous avez raison, je ne crois pas ces voyages dans le temps. C'est tentant, mais je me demande surtout ce que ça peut donner quand ce genre de rêves deviennent réalité, dangereux non ? Vous venez de dire vous-même que ça engageait tout votre être et votre façon de voir les choses, mais ce que vous en avez retiré jusque-là est-il vraiment dû aux seuls voyages dans le temps ? Est-ce que vous cherchez à savoir si l’univers a un début ou une fin, à répandre la paix dans le monde, à parler aux morts ? Je ne dis pas que si le voyage dans le temps existait, il faudrait y renoncer, mépriser cette chance, mais... ça ressemble un peu à une histoire d'apprenti-sorcier, je ne sais pas d'après quelle mesure vous pouvez décider que vous n'êtes pas vous-même un amateur. Même si les paradoxes temporels ne causent pas les catastrophes que j'imagine, ça reste un pouvoir dangereux pour des humains, non ? ...  J'accepte que vous me conduisiez à André sinon, si vous n'avez pas le droit de m'en dire plus. »

Elliott s'arrêta, il n'arrivait plus à suivre le Dévoreur. Celui-ci avait modéré son pas et Elliott n'était pas fatigué, mais il avait l'esprit trop alerté pour suivre ses propos et vérifier à la fois que le Dévoreur n'était pas en train de l'emmener au fond d'une ruelle sombre. De plus, que le Dévoreur mente ou dise la vérité, c'était deux bonnes raisons de s'arrêter un peu.
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Message  Le Dévoreur du Temps Mar 5 Nov - 2:11

Elliott mit un certain temps à répondre. Etant donné les circonstances, ce n'était pas étonnant qu'il ait besoin de se situer dans l'étrangeté de cette rencontre et s'accorde une ou deux minutes de réflexions.. Stanzas  toujours pressé, était souvent fort direct dana ses révélations à des inconnus. Dès la première rencontre, il n'hésitait pas à leur présenter l'incroyable possibilité d'une solution à des situations désastreuses, des quêtes désespérées. Mais justement, ces candidats au voyage avaient le diable aux trousses et même en ne croyant pas un mot de ce qu'il leur disait, ils acceptaient le plus souvent de le suivre, poussés par la rage du désespoir qui veut surenchérir sur l'absurdité de l'existence.
C'était cependant différent avec ce jeune homme. Il n'était pas malheureux, encore moins désespéré ; ce qui heureusement n'était d'ailleurs pas le lot de tous ses cobayes. Le besoin d'aventure dans une vie trop terne et routinière ou l'absence d'attaches fortes à un devoir, un amour, un idéal, pouvait expliquer qu'on pût se déterminer à tenter le passage sans trop y croire et encore plus en n'y croyant pas, puisqu'on pensait ne rien risquer. Cette attitude entraînait souvent des réactions fâcheuses quand on se retrouvait dans l'Antichambre, face à ce qu'on avait cru n'être qu'une plaisanterie.
Elliott affirmait ne pas croire possible le voyage dans le temps. Mais ses paroles montraient une certaine hésitation et l'envie de continuer à en parler. Il posait des questions autour du sujet comme s'il eût été heureux que les réponses puissent le convaincre.
Qu'est-ce qui ce qui motivait ce garçon rêveur ? Elucider le mystère d'une disparition qui l'intriguait plus qu'il ne s'en inquiétait vraiment ? Résoudre l'énigme des paroles écrites par son ami sur une musique qu'il ne pouvait pas connaître ?
Le scepticisme, parfois nuancé d'amusement, s'entendait dans le ton, les mots choisis par le garçon qu'on sentait en même temps  trop poli et réfléchi pour exprimer ses réticences sous forme de sarcasmes ou de plaisanteries faciles. Elliott devait éprouver une sorte de douce sympathie pour les illuminés errant le soir à la recherche d'une oreille attentive. Pourrait-il avec ce caractère conciliant, un peu en marge, devenir un voyageur du Temps utile au grand projet ? Stanzas n'avait pas l'habitude de recruter des voyageurs au hasard d'une sympathie. Mais Elliott semblait penser que le professeur savait où trouver André et que par conséquent, le mystère de la chanson et de Zorvan le Navrosé serait éclairci. Finalement sa dernière phrase n'était qu'un demi acquiescement. Oui, il voulait retrouver André, c'était son but, mais en fait, il faisait l'impasse sur le plus important, le voyage dans le temps.

Stanzas avait adapté son pas à celui de son compagnon tout en gardant soigneusement ses distances. Aussi quand il le vit s'arrêter, il comprit que ce n'était pas dû à la fatigue de cette marche nocturne. Voulait-il interrompre la conversation de cette manière, disant oui d'un côté et en même temps cherchant à s'esquiver, à rentrer chez lui en pensant qu'il fallait mieux ne pas poursuivre une telle conversation qui pouvait toujours dégénérer. Les lunatiques ne sont pas toujours affables et prévenants. Mais pour Stanzas, il fallait que la conversation se poursuive et que des décisions soient prises. Il n'aimait pas ne pas terminer une action entreprise. Immobile lui aussi, il abaissa son regard où s'allumaient des étincelles entre les ombres de la nuit et les lumières de la ville.  

-Je ne peux vous conduire à André que si vous devenez vous aussi un voyageur du temps. Je ne sais pas trop pour l'instant où est votre ami, ni quels sont ses projets bien que cela soit possible qu'il réapparaisse d'ici quelque temps chez lui. Comme de nombreux voyageurs nouvellement initiés, il doit expérimenter ses nouvelles capacités de façon désordonnée et parfois imprudente, comme un conducteur du dimanche en C-3 qui hériterait d'une Ferrari. Je ne piste pas tous mes voyageurs... la grande majorité ne me revoit jamais et n'a d'ailleurs aucun compte à me rendre. Ils avaient besoin de cette possibilité, je la leur ai offerte, ils en font ce qu'ils veulent. Si vous acceptez de me suivre pour devenir voyageur temporel, vous verrez que je ne vous ai pas menti et vous chercherez votre ami si vous le voulez. De toutes façons, le mystère qui vous préoccupe sera immédiatement éclaici si vous avez les preuves que le voyage dans le temps est possible.

Il remonta le col de son grand manteau  noir tout en poursuivant avec fermeté:

-Nous n'allons pas rester là  à discuter dans le froid .Maintenant, vous en avez peut-être assez et si vous voulez ne plus en entendre davantage, quittons-nous ici sans tarder. Sinon, je connais un  bar, l'Oiseau de Nuit, ouvert toute la nuit. Nous pouvons y aller pour que je vous précise ce qui vous attend. Et pour vous convaincre plus vite, je vais vous faire une petite démonstration de ma technique. Je ne le fais pas couramment car c'est une perte d'énergie assez inutile et je suis souvent dans la nécessité d'économiser mes forces. Mais je n'ai pas trop abusé ces derniers temps et je suis suffisamment en forme pour une petite démonstration gratuite.

Stanzas pointa le doigt vers une cabine téléphonique sur le trottoir un peu plus loin  : 

-Vous allez vous rendre à cette cabine téléphonique là-bas. Voilà ce qui va se passer. Il faut un petit quart d'heure à pied pour rejoindre l'Oiseau de Nuit en suivant la rue. Je vais me déplacer en utilisant les vecteurs temporels et me retrouver au bar en quelques secondes. Tendez votre main.

Il s'interrompit pour sortir son porte-feuille d'où il tira une carte qu'il laissa tomber d'assez haut sur la paume tendue.

-C'est la carte du bar. A votre époque, on ne trouve déjà plus guère d'annuaires mis à disposition dans les cabines. Le vandalisme gagne. Vous appellerez donc l'Oiseau de Nuit et demanderez le professeur Radu. Je vous répondrai et vous me rejoindrez à pied. Excusez-moi mais je ne connais rien de plus près. Nous pourrons alors reprendre cette conversation. En particulier en ce qui concerne les paradoxes temporels et les dangers du voyage.

Une sorte d'aura bleutée instable sembla sourdre de ses yeux. Il jeta un coup d'œil rapide des deux côtés du trottoir pour vérifier que nul passant ne se préparait à les croiser puis recula de quelques pas vers  le renfoncement d'une porte cochère, tout en disant d'une voix égale :

-Sinon, et bien....André viendra peut-être vous expliquer pourquoi il a choisi de vous jouer cette petite farce. Quant à moi vous ne  me verrez vraisemblablement jamais plus.


Il y eut un bref étalement de cette lueur bleue autour de la sombre silhouette et puis tout disparut. Elliott était seul sur le trottoir.
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Message  Invité Dim 26 Jan - 21:45

Elliott ignorait si la sensation de picotement dans son dos provenait des paroles de Stanzas ou d’un reste d’électricité dans l’atmosphère après la disparition du scientifique. Il passa la main à l'endroit où la lumière bleue s'était réduite jusqu'à disparaître, comme une image sur l'écran au moment où la télévision s'éteint. Pas de changement sensible de température, ni d'odeur, le « professeur Radu » s'était volatilisé sans laisser de traces. A part cette carte de l'Oiseau de nuit. Son interlocuteur l'avait laissé tomber dans sa main d'un peu haut : glissant dans l'air, elle avait balancé de façon chaotique, et Elliott n'avait réussi à la retenir que de justesse entre le pouce et l'index. Sur le moment, il en avait voulu au Dévoreur, il y avait vu une sorte d'extravagance, un procédé de charlatan, destiné à lui en mettre plein la vue. A moins que le professeur n’ait été froissé par le ton poliment blasé d’Elliott, au point de vouloir éviter de le toucher.

Les pensées encore immobiles, le protocole avait pris le relais, et trois mètres plus tard, il composait un numéro et attendait. Il lui semblait impossible de croire au voyage dans le temps, comme il lui semblait impossible de tourner les talons et de considérer toute l’affaire comme une simple mascarade qui lui faisait perdre son temps, sans mauvais jeu de mot. L’individu avait bien disparu sous ses yeux, et son savoir, quelle qu’en soit la véritable teneur, demeurait trop réel et mystérieux. Si ce que le soi-disant professeur racontait était vrai, l’occasion, qu’il le veuille ou non, l’emportait sur tous ses doutes, si c’était un tour de passe-passe, il voulait en connaître le mot de fin, s’il était drogué ou fou, ce n’était plus à lui de décider… Le Dévoreur croyait-il vraiment lui offrir la liberté de choisir ?

André n’était plus qu’un prétexte pour sauter la case des tergiversations, mais Elliott ne voulait pas oublier pour autant qu’il se devait d’obtenir plus de renseignements.

« Allô ?
Oui, excusez-moi, pourrais-je parler au professeur Radu, s’il vous plaît ? »

C’était la première étape, maintenant il lui faudrait probablement répondre à une nouvelle question. Voyagerait-il dans le temps ou oublierait-il cette conversation ? A gauche, je vous suis… A droite, je ne vous suis pas… Mais Elliott n’avait pas l’impression de pouvoir connaître sa propre décision avant de l’avoir entendu prononcée à haute voix.

« Allô, M. Toussaint ?
Oui, je me dépêche. »

Elliott ne se souvenait même plus avoir dévoilé son véritable nom, mais au moins c'était bien la voix de Stanzas, probablement.
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Message  Le Dévoreur du Temps Mer 29 Jan - 0:45

Stanzas passa dans un raccourci temporel anticipatif- cela n'avait en fait  rien de spécialement difficile. Cependant aux nouveaux contactés, il présentait toujours ce qui touchait au déplacement dans le temps comme risqué et épuisant, de manière à ce qu'on ne l'accable pas ensuite de demandes stupides du style : "Hého professeur !  Vous pourriez me retrouver mon carnet d'adresses ? Je l'avais ce matin à 8 heures dans mon bureau et je ne sais plus où je l'ai fourré. "
C'était d'ailleurs une des raisons pour lesquelles il ne prouvait pas immédiatement par l'exemple qu'il pouvait voyager dans le temps. S'il s'était trompé sur les qualités et l'intérêt que l'individu repéré présenterait pour ses projets, il devrait ensuite  le renvoyer à sa vie ordinaire en effaçant les souvenirs compromettants de cette rencontre avortée. Or plus ces souvenirs étaient marquants et plus il était difficile de les faire disparaître sans toucher certaines régions de la mémoire, ce à quoi il ne se risquait que contraint et forcé.
Mais dans le cas d'Elliott Toussaint, le Dévoreur avait voulu faire vite. D'abord, outre qu'il était de plus en plus chargé d'obligations et de problèmes à régler, il sentait bien la sorte de distance floue que le jeune homme mettait entre lui et les choses, comme pour ne s'y investir jamais tout à fait. Sauf peut-être dans la pratique musicale qui semblait bien être l'axe faisant tourner son existence. Mais la musique, ondoyante, adaptable, fondée sur la variation et l'interprétation personnelle, est bien le moins engagé  des arts, quand on ne lui adjoint pas de paroles pour la mettre au service d'une idéologie.Supprimez les paroles et la musique coule libre vers d'autres sens, d'autres émotions.  
Ce semi-désengagement d'Eliott semblait être la règle de sa vie, autant dire la règle qui consiste à ne pas trop en avoir.
Le personnage était indiscutablement charmant mais il pouvait disparaître au prochain coin de rue, se suffisant du caractère étrange et un peu irréel de la rencontre et ne désirant pas aller au delà. Tout aussi bien, il pouvait être de ceux qui, impulsifs, sans attaches, sans devoirs impératifs, décident le saut dans l'inconnu, juste pour voir et savoir, pour improviser, en musicien, sur  un thème saisi au vol.

Cinq  nano-secondes plus tard( il n'avait pas encore réussi à battre le record d'Alceste) le Dévoreur apparut sous le porche de l'Oiseau de nuit. Il y avait là un cagibi d'entretien fort pratique pour une arrivée sans témoin.
L'air froid était chargé d'humidité et l'odeur de la ville était âcre, sentant les gaz brûlés et la suie. Stanzas pensa à  la neige sur d'autres villes qu'il aimait. Elliott Toussaint devait se geler sur le trottoir et la cabine téléphonique n'était qu'un abri illusoire. Pourvu que ce simple inconfort ne le détourne pas d'entreprendre le trajet.
L'Oiseau de Nuit était tenu par un Voyageur qui, à la suite d'un incident en Aparadoxis, ne pouvait plus guère se déplacer avec précision dans le temps. Il avait une famille et ne voulait plus se risquer à des voyages devenus incertains. Stanzas pensait que son déséquilibre bosonique s'atténuerait avec le temps et en attendant, l'établissement de l'ex-voyageur servait de lieu de rencontre, et aussi de départ, à l'abri des regards indiscrets.
Le téléphone sonna au moment où Sergio qui nettoyait son comptoir aperçut la haute silhouette vêtue de noir qu'il salua aussitôt :

-Professeur Stanzas. Quel plaisir...

La sonnerie lui coupa la parole et il décrocha machinalement puis tendit le combiné à l'arrivant avec un sourire complice:
-C'est pour le professeur Radu...

- Allô, monsieur Toussaint ? J'espère que vous reconnaissez ma voix. Je vous attends.  Et  vous pourrez vous réchauffer, Sergio fait des grogs brûlants absolument revigorants.

Le barman sourit de nouveau et attrapa la bouteille de rhum agricole et deux citrons..

Sergio n'était pas un bavard et après quelques nouvelles échangées sur sa famille et certaines visites  de voyageurs de passage, il apporta la boisson fumante et parfumée qu'il posa devant Stanzas, installé le dos au mur, à sa table habituelle. Un palmier en pot l'isolait du reste de la salle, un vrai palmier, placidement végétal.
Puis Sergio partit accueillir un couple qui devait sortir d'un cinéma dont les néons flambaient de l'autre côté de l'avenue.
s'étant confortablement installé, les jambes étendues  dépassant largement  de la table, Stanzas tira d'une poche de son manteau, un carnet dissimulant une de ses tablettes zorvaniennes et se mit à la consulter, semblant y écrire avec un stylet. Il finit par jeter un coup d'oeil à la pendule derrière Sergio. Le quart d'heure était passé. Il n'attendrait pas plus de cinq minutes.  Il avait suffisamment perdu de temps pour l'indécis Monsieur Toussaint.
D'autres clients entrèrent, des habitués. Et enfin, le garçon au blouson de cuir apparut derrière la vitre, son col relevé, les mains dans les poches. Leurs regards se croisèrent puis Elliott pénétra dans la salle et vint s'asseoir devant le professeur qui, rentrant précipitamment ses longues jambes sous la table, eut un bref sourire de satisfaction et commença aussitôt :

-Enfin !. Vous m'avez vu disparaître et je suis au sec et au chaud depuis un quart d'heure alors que vous voilà humide de brouillard et le nez gelé...  Si vous n'êtes pas encore convaincu, je pense que c'est de la mauvaise volonté de votre part et que vous avez peur de vous aventurer hors de ce qui est dûment estampillé au sceau de la normalité.  Voulez-vous le grog promis ou vous contenterez-vous d'un thé ?

Stanzas était décidé à poursuivre sa tactique assez abrupte. Le garçon connaissait trop de choses maintenant pour ne pas potentiellement devenir une gêne dans ses projets s'il  n'était pas sûr de son silence. Il poursuivit donc:

-Je ne dois pas vous toucher sinon, toujours pour une raison parfaitement scientifique, je vous entraînerai dans le voyage temporel et ceci sans que vous y soyez préparé. Comme cette mésaventure m'est arrivée il y a peu, je vais d'ailleurs vous préciser  qu'il faudra en ce cas faire absolument tout ce que je vous ordonnerai de faire et ne pas céder à la panique.

Stanzas fronça un peu le sourcil. Elliott paraissait si jeune qu'il était tenté de le chapitrer plus consciencieusement que les autres.

Mais je préfère que vous embarquiez pour votre initiation au Voyage en ayant volontairement choisi de m'accompagner et sachant ce qui vous attend et aussi ce que vous gagnerez. Je vous laisserai régler vos affaires si vous en avez que vous jugez ne pas pouvoir laisser en suspens au cas où vous ne reviendriez pas, car le risque existe, même minime.
Ensuite vous pourrez réintègrer la réalité de votre temps si vous le souhaitez, mais après une série d'expériences destinées à vous acclimater physiquement et intellectuellement aux conditions particulières du déplacement dans les couloirs du temps.  C'est là que votre ami André a rencontré Zorvan lequel dirige ces expériences.


Il y eut un petit silence et Stanzas reprit, la voix grave et insistante:

-Il faut que vous réfléchissiez au bouleversement total de votre existence qui s'en suivra si vous décidez de devenir Voyageur. Vous pourrez décider de ne plus jamais utiliser votre savoir mais si on vous donnait des ailes, refuseriez-vous de voler ? Ou bien vous décidez de partir tout de suite. Ou bien vous demandez un délai mais attention à ne pas chercher à me tromper en racontant partout votre petite histoire. Personne ne vous croira. Ou bien cela ne vous intéresse finalement pas et nous nous séparons ici. Alors ?
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Message  Le Dévoreur de temps Jeu 21 Aoû - 18:22

Fiche archivée et verrouillée, le joueur n'ayant pas répondu au mail et au mp concernant son absence.
Ignorant ses intentions et étant donnée son implication passée, son compte n'est pas supprimé mais conservé dans les inactifs.

S'il souhaite reprendre le jeu, il lui suffit d'en faire la demande.
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